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05/09/2016 | FRANCE | N°14/01459

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, Chambre sociale, 05 septembre 2016, 14/01459


VS-BR

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE ARRÊT No 258 DU CINQ SEPTEMBRE DEUX MILLE SEIZE

AFFAIRE No : 14/ 01459
Décision déférée à la Cour : jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 29 juillet 2014- Section Commerce.
APPELANTE
Madame Janette X... C/ SCP NAEJUS-HILDEBERT ...97110 POINTE-A-PITRE Représentée par Maître Marie-Michelle HILDEBERT de la SCP NAEJUS-HILDEBERT, (Toque 108) substituée par Maître BANGOU, avocat au barreau de la GUADELOUPE

INTIMÉE
SA SGBA 30 rue Frébault 97110 POINTE A PITRE Représentée

par Maître Isabelle WERTER-FILLOIS (Toque 8), avocat au barreau de la GUADELOUPE.

COMPOSITION DE...

VS-BR

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE ARRÊT No 258 DU CINQ SEPTEMBRE DEUX MILLE SEIZE

AFFAIRE No : 14/ 01459
Décision déférée à la Cour : jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 29 juillet 2014- Section Commerce.
APPELANTE
Madame Janette X... C/ SCP NAEJUS-HILDEBERT ...97110 POINTE-A-PITRE Représentée par Maître Marie-Michelle HILDEBERT de la SCP NAEJUS-HILDEBERT, (Toque 108) substituée par Maître BANGOU, avocat au barreau de la GUADELOUPE

INTIMÉE
SA SGBA 30 rue Frébault 97110 POINTE A PITRE Représentée par Maître Isabelle WERTER-FILLOIS (Toque 8), avocat au barreau de la GUADELOUPE.

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 6 juin 2016, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Bernard Rousseau, président de chambre, président, Mme Marie-Josée Bolnet, conseiller, Mme Françoise Gaudin, conseiller, qui en ont délibéré.

Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 5 septembre 2016.
GREFFIER Lors des débats : MmeValérie Souriant, greffier.
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par M. Bernard Rousseau, président de chambre, président, et par Mme Valérie Souriant, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

Faits et procédure :
Bien qu'il soit produit au débat un contrat de travail à durée indéterminée par lequel Mme X... a été recrutée par la Société Générale de Banque aux Antilles, ci-après désignée Société SGBA, en qualité d'" agent administratif au coefficient 395, Catégorie GRADEE ", à compter du 17 juillet 2003, il résulte du certificat de travail établi le 23 décembre 2010 par le directeur général de ladite société que Mme X... a été employée par cette société du 1er septembre 2002 au 2 décembre 2002 en qualité d'" agent comptabilité ", et du 15 janvier 2003 au 15 décembre 2010 en qualité d'" agent trésorerie portefeuille ".
Par courrier du 20 septembre 2010 remis en main propre, Mme X... se voyait notifier une mise à pied conservatoire. Il était précisé que cette décision, prise en l'attente de l'instruction de la procédure en cours et de la décision qui en découlera, était rendue nécessaire par les risques que ferait courir à l'entreprise la présence de l'intéressée dans les locaux de la Société SGBA.
Il était indiqué que cette mise à pied s'appliquerait pendant tout le déroulement de la procédure et jusqu'à la notification de la décision à prendre à son issue. Mme X... était donc dispensée d'exercer ses fonctions à compter du 21 septembre 2010, cette mesure étant sans effet sur sa rémunération.
Par courrier recommandé avec avis de réception en date du 14 octobre 2010, Mme X... était convoquée à un entretien préalable fixé au 22 octobre 2010, en vue d'un licenciement pour faute grave.
Par courrier recommandé avec avis de réception en date du 27 octobre 2010, Mme X... se voyait notifier son licenciement pour faute grave.
Le 24 juillet 2012, Mme X... saisissait le conseil de prud'hommes de Pointe à Pitre aux fins de contester son licenciement et obtenir indemnisation.
Par jugement du 29 juillet 2014, la juridiction prud'homale déboutait Mme X... de l'ensemble de ses demandes.
Par déclaration reçue au greffe de la Cour le 29 août 2014, Mme X... interjetait appel de cette décision.
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Par conclusions communiquées le 30 novembre 2015, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, Mme X..., qui entend voir juger que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse, sollicite l'infirmation du jugement déféré et la condamnation de la Société SGBA à lui payer les sommes suivantes :-4860, 86 euros d'indemnité de préavis,-486, 08 euros d'indemnité de congés payés sur préavis,-14 582, 58 euros d'indemnité conventionnelle de licenciement,-29 165, 16 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,-2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

A l'appui de ses demandes, Mme X... fait valoir qu'elle n'a reçu de la part de la Société SGBA, aucune information concernant son intention de la licencier au moment où elle lui a notifié sa mise à pied, et que l'employeur a engagé tardivement la procédure de licenciement au regard de la durée excessive de la mise à pied.
Mme X... relève également qu'elle n'a pas été informée des dispositions de la convention collective, lui donnant la faculté de saisir la commission paritaire de recours interne.
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Par conclusions communiquées le 12 août 2015 à la partie adverse, auxquelles il a été fait référence à l'audience des débats, la Société SGBA sollicite la confirmation du jugement entrepris et réclame paiement de la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La Société SGBA fait valoir que Mme X... n'a jamais contesté les griefs qui lui étaient reprochés et qu'elle a été parfaitement informée de ses droits.
La Société SGBA ajoute que Mme X... a saisi les diverses commissions instaurées par la convention collective applicable à la suite du prononcé du licenciement.
La Société SGBA rappelle que Mme X... a été régulièrement rémunérée pendant toute la durée de la mise à pied, laquelle s'analysait comme étant une dispense d'exécuter la prestation de travail, le versement de cette rémunération ayant été poursuivie jusqu'à l'épuisement des recours conventionnels exercés à l'encontre de la décision de licenciement.
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Motifs de la décision :

Dans sa lettre de licenciement du 27 octobre 2010, l'employeur exprime les motifs de sa décision de la façon suivante :

" En effet nous avons constaté que, profitant de votre position d'agent secondant le Responsable au sein du Service " Trésorerie-Portefeuille " vous avez volontairement effectué des opérations non comptables anormales à l'occasion du traitement de certains de vos propres chèques.
En outre vous avez supprimé des fichiers d'incidents de paiement et également régularisé sans justificatifs auprès de la Banque de France des incidents de paiement sur chèques. Par ailleurs nous vous reprochons d'avoir saisi et validé neuf oppositions au paiement de chèques que vous aviez pourtant régulièrement émis.
Enfin vous avez outrepassé les instructions d'une directive de la Direction Générale (du 4 septembre 2009) qui stipule que les salariés ne peuvent pas journaliser des écritures sur leurs propres comptes, les comptes de leur famille ainsi que sur les comptes de la clientèle sur lesquels ils détiennent une procuration.

Ces actes anormaux effectués par vous de manière volontaire ont exposé la SGBA à deux risques :- Le risque judiciaire suite aux éventuelle actions engagées par les bénéficiaires de chèques, porteurs de bonne foi.- Le risque réglementaire vis-à-vis des Autorités de Tutelle, et singulièrement de la Banque de France, pour non respect de ses obligations déclaratives ".

Les faits ainsi énoncés, dont la matérialité n'est pas contestée par Mme X..., ressortent d'un rapport d'audit clôturé le 12 octobre 2010, diligenté à la requête du Service des Ressources Humaines de la Société SGBA, lequel, assurant le suivi des comptes du personnel de la banque, a fait part, le 7 septembre 2010, au Contrôle Périodique, de doutes concernant le traitement de chèques émis par Mme X... et rejetés pour défaut de provision, les fichiers de la Société SGBA et ceux de la Banque de France ne faisant pas état de ces incidents.
En l'état des indices d'irrégularités sur le traitement des chèques émis par Mme X... sur son compte personnel, constatés le 7 septembre 2010 par le Service des Ressources Humaines de la banque, la direction de celle-ci, à laquelle il en avait été référé, pouvait, et se devait même, au regard de ses obligations à l'égard de la Banque de France, éviter le renouvellement de telles irrégularités en suspendant Mme X... de ses fonctions.
S'il est admis qu'en principe, lorsque l'employeur notifie une mise à pied conservatoire à l'égard du salarié, il convoque immédiatement celui-ci à un entretien préalable, les dispositions de l'article L. 1332-3 du code du travail, n'édictent ni de concomitance entre la notification de la mise à pied à titre conservatoire et la convocation à l'entretien préalable, ni aucun délai dans lequel la convocation à l'entretien préalable doit être adressée au salarié, étant rappelé que les poursuites disciplinaires doivent être considérées comme étant engagées par le prononcé de la mise à pied conservatoire, comme l'a admis la Cour de Cassation dans un arrêt du 13 janvier 1993 (Chambre sociale, numéro de pourvoi 90-45046).
En l'espèce, il est bien certain que l'employeur ne pouvait d'emblée, dès la décision de mise à pied conservatoire, procéder immédiatement à la convocation de la salariée à un entretien préalable.
En effet il ressort des dispositions de l'article R. 1232-1 du code du travail, que la lettre de convocation à l'entretien préalable indique l'objet de l'entretien, et doit porter en conséquence, lorsque que les griefs retenus le justifient, l'indication non équivoque qu'un licenciement est envisagé ; tel est d'ailleurs le principe retenu par la Cour de Cassation dans un arrêt du 31 octobre 1989 (Chambre sociale numéro de pourvoi 87-40309.
Ainsi pour convoquer le salarié à un entretien préalable, encore faut-il que l'employeur ait une connaissance exacte de la nature et de l'étendue des fautes pouvant être reprochées au salarié, aux fins de lui annoncer, le cas échéant, si un licenciement est envisagé.
En l'espèce si des irrégularités ont pu être constatées par le service chargé du suivi des comptes bancaires du personnel, l'employeur n'avait pas encore connaissance le 7 septembre, ni le 20 septembre 2010, des causes des irrégularités constatées et de la façon dont elles avaient été commises, c'est pourquoi, dès le 7 septembre 2010, le service " Contrôle Périodique " a été saisi pour investigation, son rapport n'ayant été établi que le 12 octobre 2010.

Ce n'est qu'à compter de cette date, que, compte tenu des constatations du " Contrôle Périodique ", l'employeur pouvait connaître la nature des griefs qu'il pouvait reprocher à Mme X... et déterminer la nature de la sanction qu'il entendait prendre à l'égard de celle-ci.

Le rapport d'audit ayant été rendu le 12 octobre 2010, lequel a été analysé par la direction, et porté à la connaissance de Mme X... le 13 octobre 2010, l'engagement de la procédure de licenciement par convocation du 14 octobre 2010 à un entretien préalable, ne peut être considérée comme tardive.
En l'espèce il ne peut être allégué que la mise à pied notifiée le 20 septembre 2010 ait un caractère disciplinaire, et que les mêmes faits aient été sanctionnés une deuxième fois par le licenciement notifié le 27 octobre 2010, puisque dans le courrier de notification de la mesure conservatoire il est expressément mentionné que cette mesure s'appliquera pendant tout le déroulement de la procédure et jusqu'à la notification de la décision qui sera prise à son issue.
Dès lors le licenciement de Mme X... notifié le 27 octobre 2010 ne peut être considéré dépourvu de cause réelle et sérieuse comme sanctionnant une deuxième fois des faits ayant justifié une mise à pied antérieure.
Les manipulations effectuées par Mme X... à son profit tant en ce qui concerne la suppression des fichiers d'incidents de paiement sur chèques, qu'en ce qui concerne la validation d'oppositions qu'elle a effectuées pour le paiement de neuf chèques qu'elle avait régulièrement émis, ayant été volontairement commises et étant préjudiciables tant à l'égard de l'employeur au regard de ses obligations déclaratives à la Banque de France, qu'à l'égard des tiers porteurs bénéficiaires des chèques, sont constitutives d'une faute grave.
Par ailleurs l'examen des pièces versées au débat, montre que Mme X... a bénéficié de toutes les garanties offertes en matière de licenciement, par la convention collective du travail du personnel des banques de la Guadeloupe.
Elle a pu en effet solliciter, par courrier du 9 novembre 2010, la saisine du conseil paritaire de recours, laquelle est prévue par l'article 29-1 de la convention collective (Cf. courrier du 9 novembre 2010 de Mme X...- pièce no 4 de l'appelante).
L'employeur, par courrier du 19 novembre 2010, d'une part faisait savoir à Mme X... qu'il faisait le nécessaire pour réunir ce conseil, et confirmait sa décision de licenciement pour faute grave, puis par courrier du 23 novembre 2010, invitait la salariée à participer à la réunion fixée au 6 décembre 2010 du conseil paritaire de recour interne, lequel émettait, selon procès-verbal du même jour, deux avis différents, l'un par la délégation patronale qui concluait à la confirmation du licenciement pour faute grave, l'autre par la délégation syndicale des salariés préconisant un blâme avec changement de poste.
Par courrier du 16 décembre 2010, Mme X..., compte tenu des deux avis différents donnés sur son licenciement, sollicitait la saisine de la commission paritaire locale, en application des dispositions de l'article 9-1 et 26 de la convention collective.

Lors de la réunion du 7 janvier 2010, la commission paritaire locale, dans son avis rappelait que :- Mme X... ne contestait pas les faits qui lui étaient reprochés et justifiait ses actes par sa situation financière personnelle et financière,- la multiplicité des fautes commises que Mme X... ne pouvait ignorer, et la durée sur laquelle elles se sont produites (de juin 2009 à septembre 2010) ont entraîné une perte de confiance définitive de la Société SGBA envers son employée,- par ses agissements Mme X... a également exposé la Société SGBA à un risque judiciaire et réglementaire et porté préjudice aux bénéficiaires des chèques incriminés,- Mme X... a bénéficié de la part de la Société SGBA d'un accompagnement important pour faire face à ses difficultés financières, avec notamment 4 crédits de restruturation et 5 changement de situation en 4 ans.

La commission paritaire locale prenait acte de la procédure de licenciement entamée à l'encontre de Mme X... ; une partie de ladite commission, en l'occurrence les représentants des organisation syndicales de salariés jugeaient la sanction de faute grave disproportionnée, même si l'intéressée reconnaissait entièrement les faits reprochés, et invitaient la Société SGBA à considérer la possibilité d'un licenciement pour perte de confiance plutôt que pour faute grave.
Par courrier du 9 février 2011, l'employeur transmettait à Mme X... le procès-verbal de la commission paritaire locale du 7 janvier 2010, et lui faisait savoir que ladite commission n'avait pas modifié la décision de licenciement prise à son encontre et confirmait son licenciement pour faute grave, en reprenant les motifs déjà énoncés dans la lettre de licenciement du 27 octobre 2010.
Le moyen soulevé par Mme X... relatif à l'absence d'information par l'employeur de la faculté de saisir la commission paritaire de recours interne, est inopérant en l'espèce, puisque cette absence d'information n'a causé aucun grief à la salariée, celle-ci ayant pu bénéficier de la saisine de ladite commission qui a régulièrement statué sur son recours, puis a bénéficié de la saisine de la commission paritaire locale qui a émis un avis conformément aux dispositions de l'article 29-1 de la convention collective.
Mme X... ne peut valablement soutenir que son licenciement était définitif dès la notification du 27 octobre 2010 et que l'employeur ne pouvait en tout état de cause revenir ultérieurement sur cette décision de licenciement sans l'accord du salarié, car l'effet suspensif de la saisine de la commission paritaire de recours interne a été respecté, puisque Mme X... a perçu ses salaires pendant toute la période au cours de laquelle la procédure conventionnelle de recours était suspensive, ayant perçu son salaire jusqu'au 15 décembre 2010, étant relevé qu'il ne résulte pas des dispositions conventionnelles que la saisine de la commission paritaire locale ait un effet suspensif.
Aucune irrégularité de la procédure tant légale que conventionnelle n'ayant porté atteinte aux droits de Mme X..., et le licenciement de celle-ci étant fondé sur une faute grave, il ne peut être fait droit aux demandes indemnitaires de l'appelante.
En conséquence le jugement entrepris sera confirmé dans toutes ses dispositions.

L'équité n'implique pas qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ces motifs,

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et dernier ressort,
Confirme le jugement du 29 juillet 2014,
Dit que les dépens sont à la charge de Mme X...,
Déboute les parties de toutes conclusions plus amples ou contraires.

le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 14/01459
Date de la décision : 05/09/2016
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2016-09-05;14.01459 ?
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