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20/06/2016 | FRANCE | N°14/01837

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, Chambre sociale, 20 juin 2016, 14/01837


VS-BR
COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRÊT No 196 DU VINGT JUIN DEUX MILLE SEIZE

AFFAIRE No : 14/ 01837
Décision déférée à la Cour : jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 30 octobre 2014- Section Industrie.
APPELANTE
Madame Virginie X......97190 GOSIER Représentée par Maître Nadine PANZANI de la SCP CAMENEN-SAMPER-PANZANI (Toque 9) substituée par Maître EL AAWAR, avocat au barreau de la GUADELOUPE

INTIMÉE
SARL CONSTRUCTION TRADITIONNELLE GUADELOUPEENNE en la personne de son gérant Monsieur Jean-François Z.....

.... ... 97190 LE GOSIER Représentée par Maître Frédéric CANDELON-BERRUETA de la SELARL CAN...

VS-BR
COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRÊT No 196 DU VINGT JUIN DEUX MILLE SEIZE

AFFAIRE No : 14/ 01837
Décision déférée à la Cour : jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 30 octobre 2014- Section Industrie.
APPELANTE
Madame Virginie X......97190 GOSIER Représentée par Maître Nadine PANZANI de la SCP CAMENEN-SAMPER-PANZANI (Toque 9) substituée par Maître EL AAWAR, avocat au barreau de la GUADELOUPE

INTIMÉE
SARL CONSTRUCTION TRADITIONNELLE GUADELOUPEENNE en la personne de son gérant Monsieur Jean-François Z......... ... 97190 LE GOSIER Représentée par Maître Frédéric CANDELON-BERRUETA de la SELARL CANDELON-BERRUETA (Toque 84), avocat au barreau de la GUADELOUPE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 avril 2016, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Bernard Rousseau, président de chambre, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Bernard Rousseau, président de chambre, président, Mme Marie-Josée Bolnet, conseiller, Mme Françoise Gaudin, conseiller,

Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 20 juin 2016.
GREFFIER Lors des débats : Mme Valérie Souriant, greffier.
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par M. Bernard Rousseau, président de chambre, président, et par Mme Valérie Souriant, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire. Faits et procédure :

Mme Virginie X...a été embauchée, à compter du 7 janvier 2008, en qualité de " dessinateur projeteur ", par la Société Construction Traditionnelle Guadeloupéenne, dite CTG, dont l'activité est la construction de maisons individuelles.
Le 11 octobre 2012, Mme X...a reçu en main propre, une convocation à un entretien préalable fixé au 19 octobre 2012, en vue d'un licenciement pour motif économique. Il lui était alors proposé d'adhérer à un contrat de sécurisation professionnelle dans le cadre de la rupture envisagée.
Mme X...a adhéré à ce dispositif, la lettre de licenciement en date du 6 novembre 2012, l'informant du motif économique invoqué par l'employeur, à savoir des difficultés économiques liées à l'absence de signature de commande et donc de nouveaux chantiers à réaliser depuis février 2012.
Le 29 avril 2013, Mme X...saisissait le conseil de prud'hommes de Pointe à Pitre, aux fins de contester le licenciement et obtenir une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi qu'un rappel de salaire.
Par jugement du 30 octobre 2014, la juridiction prud'homale déboutait Mme X...de l'ensemble de ses demandes et la condamnait à payer à la Société CTG la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 28 novembre 2014, Mme X...interjetait appel de cette décision.
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Par conclusions notifiées à la partie adverse le 15 mai 2015, auxquelles il a été fait référence à l'audience des débats, Mme X...sollicite l'infirmation du jugement entrepris, et entend voir la Société CTG condamnée à lui payer les sommes suivantes :-12 323 euros au titre au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse,-12 323 euros au titre du préjudice résultant du non respect de l'ordre des licenciements,-5179, 26 euros à titre de rappel de salaire de juillet 2008 à octobre 2012,-517, 92 euros au titre des congés payés y afférents,-1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

A l'appui de ses demandes, Mme X...conteste la réalité des difficultés économiques invoquées par l'employeur et qualifie d'erronés les éléments chiffrés visés dans la lettre de licenciement. Elle fait valoir par ailleurs que la Société CTG ne justifie nullement avoir réalisé une quelconque recherche de reclassement. Elle fonde sa demande de rappel de salaire sur les dispositions de la convention collective régionale applicable à l'entreprise.
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Par conclusions notifiées à la partie adverse le 14 septembre 2015, auxquelles il a été fait référence à l'audience des débats, la Société CTG sollicite la confirmation du jugement entrepris et réclame paiement de la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La Société CTG expose qu'en versant au débat ses comptes sociaux et la liste des chantiers signés sur les 12 derniers mois précédant la convocation à l'entretien préalable, elle produit bien les éléments matériels indiscutables justifiant la réalité des difficultés économiques invoquées dans la lettre de licenciement.
En ce qui concerne la demande de rappel de salaire, la Société CTG fait valoir que Mme X..., qui entend revendiquer un des plus hauts niveaux de classement des emplois ETAM de la convention collective, n'avait aucune expérience du métier de dessinateur-projeteur au 7 janvier 2008, date de son embauche. Elle explique par ailleurs que Mme X...ne peut démontrer qu'elle réalisait les tâches spécifiques qui caractérisent le niveau de classement qu'elle revendique.
****
Motifs de la décision :
Sur le motif du licenciement :
Dans sa lettre du 6 novembre 2012, par laquelle l'employeur rappelle à Mme X...la proposition d'adhésion au contrat de sécurisation professionnelle qui lui a été faite dans le cadre de l'entretien préalable, les motifs du licenciement sont exposés de la façon suivante :
"... à savoir des difficultés économiques liées à l'absence de signature de commande et donc de nouveaux chantiers à réaliser depuis février2012.
A ce titre nous vous rappelons que nous n'avons plus que 3 chantiers en cours de réalisation dont deux signés en 2011, et un dernier datant du mois de février 2012, ce qui ne nous permet plus à l'heure actuelle de couvrir les frais et charges d'exploitation mensuelles de l'entreprise et à très court terme risque d'entraîner des problèmes de trésorerie et de paiement pour l'entreprise.
Ce motif nous conduit ainsi à supprimer la pose de dessinateur-projeteur qui est le vôtre au sein de l'entreprise, après que toutes les solutions de reclassement aient été envisagées au sein de cette dernière. "
Les documents comptables versés au débat, montrent indéniablement que la Société CTG connaissait des difficultés économiques depuis le début de l'année 2012. En effet la situation comptable établie par le Cabinet Patrick CLAIRE, lequel exerce les fonctions d'expert comptable et de commissaire aux comptes, fait apparaître, pour la période du 1er janvier 2012 au 30 septembre 2012, un résultat d'exploitation négatif de 88 817 euros, alors que l'exercice 2011 faisait ressortir un résultat positif à hauteur de 18 806 euros. La situation ne s'est guère améliorée au cours des derniers mois de l'année 2012, puisque l'exercice annuel 2012, clos le 31 décembre 2012 fait ressortir un résultat d'exploitation toujours négatif à hauteur de 26 999 euros.

Par ailleurs dans son courrier du 27 août 2013, le cabinet d'expertise comptable, faisant état d'une perte nette de 32 454 euros pour l'exercice 2012, relève une forte augmentation des charges d'exploitation au cours de l'année 2012, notamment de charges de personnel, un conducteur de travaux ayant été recruté en 2011 dans la perspective de l'obtention de nouveaux marchés. Cependant il était constaté une évolution inverse à celle attendue, le nombre de chantiers démarrés en 2012 étant nettement inférieur aux années précédentes. Ainsi la baisse du nombre de chantiers et la baisse de la marge par chantier expliquaient la dégradation du résultat, malgré l'augmentation du chiffre d'affaires.

Toujours selon le cabinet d'expertise comptable, il était observé une baisse des clients de près de 67 % entre 2011 et 2012, la créance client au 31/ 12/ 2012 étant composée à 90 % d'un seul client. En conclusion il était indiqué que la baisse de la marge de l'entreprise et l'augmentation de ses charges d'exploitation traduisaient de réelles difficultés économiques, et qu'en 2012 la Société CTG avait travaillé à perte.
Les comptes sociaux de l'entreprise montrent suffisamment qu'au cours de l'année 2012, la Société CTG connaissait de réelles difficultés économiques, ce qui justifiait la mise en oeuvre de la procédure de licenciement économique, afin d'alléger les charges de personnel.
La réalité de ces difficultés économiques est encore attestée par le courrier du 20 novembre 2012, par lequel la Compagnie Européenne de Garanties et Cautions notifie à la Société CTG la résiliation de sa garantie professionnelle. En outre le courrier du 18 juillet 2012 de la BRED BANQUE POPULAIRE, fait ressortir que 6 chèques émis par la Société CTG étaient sans provision, ce qui est symptomatique d'un état de cessation de paiement.
S'agissant d'une très petite entreprise, comprenant au moment du licenciement, seulement 3 salariés, selon le registre du personnel produit au débat, en l'occurrence une comptable, un dessinateur-projeteur et un conducteur de travaux, il est bien certain que le licenciement de Mme X...causé par la suppression du poste de dessinateur-projeteur, ne pouvait donner lieu à reclassement au sein de cette petite structure, faute de poste équivalent ou de poste de catégorie inférieure, étant relevé que le salarié occupant l'emploi de conducteur de travaux a également fait l'objet d'un licenciement presque concomitamment, son contrat de travail ayant pris fin le 5 novembre 2012, en raison de la suppression de son poste.
En conséquence Mme X...sera déboutée de sa demande d'indemnisation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur l'ordre des licenciements :
Mme X...étant la seule salariée de sa catégorie professionnelle à faire l'objet d'un licenciement pour suppression de son poste pour motif économique, il n'y avait pas lieu de tenir compte de critères tels que prévus par l'article L. 1233-5 du code du travail, pour déterminer un ordre de licenciement.
Sur le rappel de salaire :
Mme X...revendique un niveau de rémunération correspondant au niveau F de la classification des ETAM figurant dans la convention collective régionale des Employés, Techniciens et Agents de Maîtrise du bâtiment et des travaux publics, applicable en Guadeloupe.
Selon la présentation détaillée de la classification des ETAM figurant dans la convention collective régionale, le niveau E comprend deux voies : la voie des techniques jusqu'à de hauts niveaux de technicité et la voie de la maîtrise. Il constitue le premier niveau de la catégorie des techniciens et agents de maîtrise.
Les critères de classification au niveau E pour la voie des techniques sont les suivants.
" Les fonctions de techniciens s'inscrivent dans de grands domaines techniques : exécution, contrôle, organisation, études … À ce niveau le salarié résout des problèmes à partir de méthodes et techniques préétablies. Le cadre de ses actions, toujours déterminé par des instructions permanentes, peut s'étendre à les délégations dans un domaine strictement défini. Le salarié le niveau E doit savoir prendre une part d'initiatives et de responsabilités. Il effectue des démarches courantes. C'est un bon technicien dans sa spécialité, dans laquelle il se tient à jour. Le salarié de niveau E a acquis ses compétences en niveau D ou en niveau IV de la classification des ouvriers du bâtiment. Le nouveau E accueille également les salariés titulaires le diplômes de niveau BTS, DUT, DEUG et de la licence professionnelle.

Les travaux exécutés au niveau F diffèrent sensiblement de ceux exercés au niveau de E : viennent s'y adjoindre des travaux de gestion et d'action commerciale … L'autre grande différence réside en ce qu'il porte sur des projets plus techniques qu'au niveau E, ce qui valorise et reconnaît l'expérience précédemment acquise. Les fonctions de niveau F supposent des connaissances structurées et une haute technicité dans sa spécialité ".

Si les fonctions exercées et les diplômes obtenus par Mme X...permettent de lui attribuer le niveau E, bien que le BTS dont elle est titulaire est un BTS " agencement de l'environnement architectural " qui correspond à l'aspect technique de l'architecture d'intérieur, et non d'un BTS bâtiment ou travaux publics, plus adapté au domaine de la construction de maison, individuelles, elle ne satisfait pas aux critères permettant un classement au niveau F.
En effet le niveau F diffère du niveau E par l'exercice de fonctions de gestion et d'actions commerciales.

Si dans le courriel de pré-embauche du 10 décembre 2007, il est indiqué que les prestations de la salariée seront étendues aux activités suivantes : "- gestions des clients en fonctions de leurs demandes,- montage des plans, dépôt en Mairie des PC et suivi jusqu'à l'obtention,- gestion des plans béton réalisés par l'ingénieur,- création des modèles de villas en fonction de la tendance des demandes clients,- gestion des plans de villas, dites type,- adaptation d'un book incluant des photos de villas réalisées sur DVD et papier,- gestion des plans de détail et de principe pour réalisation-relation commerciale en complémentarité du staff CTG,- descriptif et métré suivant demande ", il n'est pas établi que Mme X...se voit vue confier des actions commerciales ni qu'elle en ait assuré la réalisation, ni qu'elle ait assuré de véritables fonctions de gestion, hors la gestion de travaux techniques.

Par ailleurs Mme X...ne pouvait, comme elle le prétend, être engagée au niveau F, pour lequel la convention collective précise qu'il " valorise et reconnaît l'expérience acquise ", alors qu'elle n'avait auparavant jamais exercé d'emploi de dessinateur-projeteur.
En conséquence Mme X..., qui ne justifie pas satisfaire aux critères requis pour être classée au niveau F, sera déboutée de sa demande de rappel de salaire.
Par conséquent le jugement déféré sera confirmé, y compris dans ses dispositions allouant à la Société CTG une indemnité pour les frais irrépétibles que celle-ci a exposés, l'équité n'impliquant pas qu'il lui soit attribué, même en cause d'appel, une somme supérieure à celle qu'elle a obtenue à ce titre en première instance.
Par ces motifs,
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme le jugement entrepris,
Dit que les entiers dépens sont à la charge de Mme X...,
Déboute les parties de toutes conclusions plus amples ou contraires.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 14/01837
Date de la décision : 20/06/2016
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2016-06-20;14.01837 ?
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