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25/01/2016 | FRANCE | N°14/01539

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, Chambre sociale, 25 janvier 2016, 14/01539


FG/ YM
COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRÊT No 29 DU VINGT CINQ JANVIER DEUX MILLE SEIZE

AFFAIRE No : 14/ 01539
Décision déférée à la Cour : jugement du Conseil de Prud'hommes POINTE A PITRE du 29 septembre 2014- section Référé-RG no R 14/ 00106.
APPELANT
Monsieur Lionel X... ...97160 MOULE Comparant en personne. Assisté de Me Florence DELOUMEAUX, avocat au barreau de GUADELOUPE (TOQUE 101)

INTIMÉE
SA BLANDIN CONCEPT AUTOMOBILE 3 bd Marquisat de Houelbourg ZI de Jarry 97122 BAIE-MAHAULT Représentée par Me Myriam WIN BOMPARD, avo

cat au barreau de GUADELOUPE (TOQUE 114), substituée par Maître Gérard PLUMASSEAU, avocat ...

FG/ YM
COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRÊT No 29 DU VINGT CINQ JANVIER DEUX MILLE SEIZE

AFFAIRE No : 14/ 01539
Décision déférée à la Cour : jugement du Conseil de Prud'hommes POINTE A PITRE du 29 septembre 2014- section Référé-RG no R 14/ 00106.
APPELANT
Monsieur Lionel X... ...97160 MOULE Comparant en personne. Assisté de Me Florence DELOUMEAUX, avocat au barreau de GUADELOUPE (TOQUE 101)

INTIMÉE
SA BLANDIN CONCEPT AUTOMOBILE 3 bd Marquisat de Houelbourg ZI de Jarry 97122 BAIE-MAHAULT Représentée par Me Myriam WIN BOMPARD, avocat au barreau de GUADELOUPE (TOQUE 114), substituée par Maître Gérard PLUMASSEAU, avocat au barreau de GUADELOUPE.

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 07 Décembre 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, Président, Mme Marie-Josée BOLNET, Conseillère, Mme Françoise GAUDIN, Conseillère. qui en ont délibéré.

Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 25 JANVIER 2016
GREFFIER : Lors des débats : MadameValérie SOURIANT, greffière.
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, Président, et par Mme Yolande MODESTE, Greffière,, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

M. Lionel X... a été engagé par la société COPPET AUTOMOBILE, selon contrat à durée indéterminée à compter du 1er février 2002, en qualité de technicien après-vente, mécanicien, niveau 10 qualification A6 et percevait, dans le dernier état, une rémunération moyenne mensuelle de 1. 736 ¿ bruts pour 28 heures par semaine.

Le 1er août 2004, son contrat de travail a été transféré à la société BLANDIN CONCEPT AUTOMOBILE, SAS, dite ci-après BCA.
M. X... a été élu délégué du personnel le 5 novembre 2009.
Par courrier du 28 avril 2014, il a été convoqué à un entretien préalable fixé au 9 mai 2014 et licencié le 15 mai 2014 pour cause réelle et sérieuse.

M. X... a demandé le 11 juin 2014 au conseil des prud'hommes de Pointe à Pitre statuant en référé de constater que son licenciement est illicite pour violation du statut protecteur des représentants du personnel, dire et juger que sa réintégration est de droit, d'ordonner sa réintégration dans son poste de travail sous astreinte et de prononcer la condamnation de l'employeur au paiement de ses salaires et accessoires jusqu'à celle-ci, outre la publication dans la presse locale de la décision à intervenir et une somme de 8. 000 ¿ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le salarié a saisi parallèlement la juridiction prud'homale au fond des mêmes demandes.
Par ordonnance en date du 29 septembre 2014, la formation de référé du conseil des prud'hommes de Pointe à Pitre a dit n'y avoir lieu à référé, a débouté M. X... Lionel de ses demandes et renvoyé les parties à se pourvoir devant le juge du fond.
M. X... a interjeté appel de ladite ordonnance le 30 septembre 2014.
Il demande à la cour d'infirmer l'ordonnance entreprise, de constater la voie de fait commise par l'employeur, son licenciement étant intervenu en violation du statut protecteur et sans autorisation de l'inspecteur du travail, de dire et juger son licenciement nul et de nul effet, de dire et juger que sa réintégration est de droit, de l'ordonner sous astreinte de 1. 000 ¿ par jour de retard et de condamner la société BCA à lui verser ses salaires dus au titre des mois de mai, juin, juillet, août 2014 jusqu'à complète réintégration, sous astreinte de 1000 ¿ par jour de retard, et accessoires de la fin de son préavis jusqu'au jour de sa réintégration, de condamner la société BCA à lui remettre sous la même astreinte les bulletins de paye des mois de mai, juin, juillet, août 2014, septembre 2014 jusqu'à complète réintégration, et une somme de 10. 000 ¿ à titre de dommages et intérêts, outre celle de 2. 500 ¿ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Il fait valoir que la nullité du licenciement, résultant de la violation d'une règle d'ordre public protectrice du salarié, constitue un trouble manifestement illicite et le magistrat des référés peut ordonner la réintégration du salarié qui en est victime pour faire cesser ce trouble.

La société BCA a conclu à la confirmation de l'ordonnance déférée, au débouté de toutes les demandes du salarié et a sollicité la condamnation de M. X... au paiement d'une somme de 1. 000 ¿ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle rétorque que M. X... ne bénéficiait d'aucune protection spéciale en matière de licenciement, qu'aucun trouble manifestement illicite de nature à justifier une mesure de réintégration n'est caractérisé en l'espèce et que lesdites demandes se heurtent à des contestations plus que sérieuses.

MOTIFS

Attendu que les pouvoirs de la formation de référé sont définis par les articles R 1455-5 et suivants du code du travail, lesquels sont libellés comme suit :
« Dans tous les cas d'urgence, la formation de référé peut, dans la limite de la compétence des conseils de prud'hommes, ordonner toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend. La formation de référé peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, elle peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire. »

Que l'examen du bien-fondé d'un licenciement se heurte à une contestation sérieuse, dont l'appréciation relève de l'examen du juge du fond et échappe à la compétence du magistrat des référés.
Que cependant, même en présence d'une telle contestation sérieuse, le juge des référés qui est le juge de l'évidence peut statuer si le trouble qu'on lui demande de faire cesser est manifestement illicite et que la décision de l'employeur de licencier a un caractère illégal manifeste. Attendu que M. X... fonde sa demande de réintégration sur l'existence d'un trouble manifestement illicite au sens du texte susvisé, résidant dans le fait que son licenciement est intervenu en violation du statut protecteur, en l'absence de toute autorisation de l'inspecteur du travail, prévue par l'article L. 2411-5 du code du travail alors que la période de protection attachée à son mandat de délégué du personnel dont il bénéficiait, n'expirait que le 5 mai 2014 et qu'il est donc nul et de nul effet ; que M. X... expose qu'il était protégé également en vertu des articles L. 2411-9 et L. 2411-6 du code du travail, en l'état de l'imminence de sa candidature aux prochaines élections des délégués du personnel et représentants du personnel, et du fait qu'il ait demandé à l'employeur dès le 18 décembre 2013, d'organiser des élections des délégués du personnel et du fait qu'il figurait sur la liste UGTG du 12 mai 2014, en vue des élections prévues le 2 juin 2014 ;

Attendu que la société BCA conteste toute protection particulière en matière de licenciement à M. X..., rétorquant que son mandat était expiré depuis le 5 novembre 2013 et qu'il n'a pas été prorogé, même tacitement en l'absence de nouvelles élections ;
Attendu qu'il est constant que le 5 novembre 2009, M. X... a été élu délégué du personnel au sein de la société BCA et que dès lors, il bénéficiait de la protection contre le licenciement prévue par les articles L 2411-1 et suivants du code du travail, jusqu'à l'expiration de son mandat, soit le 5 novembre 2013 ; Que son licenciement ne pouvait intervenir qu'après l'autorisation de l'inspecteur du travail jusqu'à cette date et cette autorisation était également requise durant les six premiers mois suivant l'expiration du mandat de délégué du personnel, en vertu de l'alinéa 2 de l'article 2411-5 du code du travail ;

Qu'en l'espèce, M. X... bénéficiait donc du statut protecteur jusqu'au 5 mai 2014 ;
Que la société BCA a convoqué M. X... à un entretien préalable en vue de son licenciement, par courrier daté du 28 avril 2014, déposé le 29 avril 2014 ;
Que le respect de la procédure protectrice de licenciement d'un ancien élu s'impose lorsque le salarié bénéficie toujours de cette protection à la date d'envoi de la convocation à l'entretien préalable au licenciement, peu important que le courrier prononçant le licenciement soit envoyé postérieurement à l'expiration de la période de protection, en l'occurrence licenciement notifié le 15 mai 2014 ;
Que lorsque l'employeur a engagé le 28 avril 2014 la procédure de licenciement de M. X..., ce dernier bénéficiait de la protection légale et la société BCA devait suivre la procédure particulière en demandant l'autorisation de licencier ledit salarié à l'inspecteur du travail ;
Qu'en outre, la lettre de licenciement du 15 mai 2015 repose sur des faits fautifs en date des 23 et 25 avril 2014 (absences injustifiées), 24 avril 2014 (utilisation de la langue créole) et 12 avril 2014 (délai de traitement excessif dans le traitement des ordres) et que lesdits faits ont donc été commis pendant la période de protection et auraient dû être soumis à l'inspecteur du travail ; Que la société BCA aurait dû en l'espèce demander l'autorisation de licencier M. X... à l'inspecteur du travail ;

Que sans qu'il soit nécessaire d'examiner à ce stade du référé, les autres protections ni leur durée dont se prévaut M. X... (en tant que demandeur à l'organisation d'élections, candidat à des élections à la délégation unique du personnel, après reconnaissance judicaire d'une UES), il convient de constater que son licenciement, nul en l'absence d'autorisation de l'inspecteur du travail, caractérise un trouble manifestement illicite qu'il convient de faire cesser en ordonnant la réintégration de M. X... au sein de l'entreprise BCA ;
Que l'ordonnance déférée sera réformée et la réintégration de M. X... à son poste de travail au sein de BCA sera ordonnée sous astreinte de 500 ¿ par jour de retard, passé le délai de 15 jours à compter de la signification du présent arrêt et durant deux mois ; Qu'en conséquence de ladite réintégration, l'obligation de l'employeur de payer le salaire de M. X... Lionel n'est pas sérieusement contestable à partir de la fin de son préavis, date de son éviction jusqu'à sa réintégration effective ;

Qu'à ce stade du référé, seule une provision à valoir sur lesdits salaires peut être accordée au salarié ; Que cependant, en l'absence de demande chiffrée précise formée par M. X... Lionel, la cour ne peut y faire droit en l'état et sa demande à ce titre ainsi que celle de délivrance des bulletins de salaire y afférents seront rejetées ;

Qu'une provision sur dommages et intérêts de 3. 000 ¿ lui sera allouée, compte tenu de son préjudice moral résultant de son licenciement illicite ;
Qu'il y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel, au seul profit de M. Lionel X... ;

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Déclare l'appel recevable et fondé.
Infirme l'ordonnance déférée,
Statuant à nouveau,
Ordonne la réintégration de M. Lionel X... à son poste de travail et au même salaire au sein de la société BLANDIN CONCEPT AUTOMOBILE SAS,
Dit que ladite obligation de faire sera assortie d'une astreinte de 500 euros par jour de retard courant après l'expiration d'un délai de quinze jours à compter de la signification du présent arrêt, et ceci pendant une durée de deux mois après quoi il sera à nouveau fait droit,
Dit que la Cour se réserve la liquidation de l'astreinte,
Condamne la société BLANDIN CONCEPT AUTOMOBILE SAS à payer à M. Lionel X... une somme provisionnelle de 3. 000 ¿ à titre de dommages et intérêts et celle de 1. 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne la société BLANDIN CONCEPT AUTOMOBILE SAS aux entiers dépens.
Rejette toute autre demande.
Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 14/01539
Date de la décision : 25/01/2016
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2016-01-25;14.01539 ?
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