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25/01/2016 | FRANCE | N°13/01462

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, Chambre sociale, 25 janvier 2016, 13/01462


BR/ YM
COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRÊT No 11 DU VINGT CINQ JANVIER DEUX MILLE SEIZE

AFFAIRE No : 13/ 01462
Décision déférée à la Cour : jugement du Conseil de Prud'hommes BASSE-TERRE du 29 Août 2013- Section Commerce-RG no F 10/ 00157.

APPELANT
Monsieur Tony X... ...97100 BASSE TERRE Représenté par Me Thierry AMOURET, avocat au barreau de GUADELOUPE (TOQUE 95).

INTIMÉE
Madame Josy Y... ... 97113 GOURBEYRE Représentée par Me Jeanne-Hortense LOUIS, avocat au barreau de GUADELOUPE (TOQUE 62), substituée par Me Jérôme DIO

NE, avocat au barreau de GUADELOUPE. (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2013/...

BR/ YM
COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRÊT No 11 DU VINGT CINQ JANVIER DEUX MILLE SEIZE

AFFAIRE No : 13/ 01462
Décision déférée à la Cour : jugement du Conseil de Prud'hommes BASSE-TERRE du 29 Août 2013- Section Commerce-RG no F 10/ 00157.

APPELANT
Monsieur Tony X... ...97100 BASSE TERRE Représenté par Me Thierry AMOURET, avocat au barreau de GUADELOUPE (TOQUE 95).

INTIMÉE
Madame Josy Y... ... 97113 GOURBEYRE Représentée par Me Jeanne-Hortense LOUIS, avocat au barreau de GUADELOUPE (TOQUE 62), substituée par Me Jérôme DIONE, avocat au barreau de GUADELOUPE. (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2013/ 001791 du 15/ 11/ 2013 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BASSE-TERRE)

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 07 Décembre 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, Président, Mme Marie-Josée BOLNET, Conseillère, Mme Françoise GAUDIN, Conseillère. qui en ont délibéré.

Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 25 JANVIER 2016
GREFFIER : Lors des débats : Mme Valérie SOURIANT, greffière.
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, Président, et par Mme Yolande MODESTE, Greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

Faits et procédure :

Mme Y... a été embauchée par M. X... en qualité de vendeuse.
Le 8 avril 2010, elle s'est vue notifier par exploit d'huissier de justice une convocation à un entretien préalable en vue d'un licenciement, fixé au 16 avril 2010.
Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 23 avril 2010, Mme Y...s'est vue notifier son licenciement pour faute grave.
Le 20 mai 2010, Mme Y... a saisi le conseil de prud'hommes de Basse Terre devant lequel elle demandait paiement des dommages et intérêts pour licenciement abusif, un rappel de rémunération, des indemnités de fin de contrat et une indemnité pour travail dissimulé.
Par jugement du 29 août 2013, la juridiction prud'homale a dit que le licenciement de Mme Y... reposait sur des causes réelles et sérieuses mais qu'il était dépourvu de gravité, et condamnait M. X... à payer à Mme Y...les sommes suivantes :-7665, 67 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,-3284, 26 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,-328, 43 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés y afférente,-1642, 13 euros à titre de rappel de salaire,-164, 21 euros au titre de l'indemnité de congés payés y afférente,-9852, 78 euros d'indemnité pour travail dissimulé,-357, 32 euros à titre de rappel de la prime d'ancienneté. Il était ordonné la rectification des documents légaux de fin de contrat.

Par déclaration du 14 octobre 2013, M. X... interjetait de ce jugement.
****
Par conclusions notifiées le 17 novembre 2014 à la partie adverse, auxquelles il était fait référence lors des débats, M. X... sollicite la réformation du jugement déféré, et conteste les sommes mises à sa charge.
A l'appui de ses prétentions M. X... soutient que le comportement de Mme Y... a été très agressif et a causé un trouble sérieux au sein de l'entreprise ; il fait état de diverses attestations qui seraient de nature à étayer ses allégations
En outre, en ce qui concerne le travail dissimulé, il affirme que Mme Y... a été déclarée au moment de son embauche le 1er janvier 1994, auprès des organismes sociaux dont elle relève.
En outre M. X... expose que les dispositions du code du travail ne font pas obstacle au cumul de l'indemnité forfaire avec les indemnités de toute nature auxquelles le salarié à droit, en cas de rupture de la relation de travail, à la seule exception de l'indemnité légale ou conventionnelle de licenciement.
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Par conclusions notifiées à la partie adverse le 6 février 2015, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, Mme Y... sollicite la confirmation du jugement entrepris en toute ses dispositions.
A l'appui de ses demandes, Mme Y... conteste les abandons de poste évoqués dans la lettre de licenciement, ainsi que les faits d'insubordination et de dénigrement qui lui sont reprochés.
Elle fait valoir par ailleurs qu'elle n'a pas été déclarée aux organismes sociaux et fiscaux lors de son embauche en juillet 1993.
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Motifs de la décision :
Dans sa lettre de licenciement du 23 avril 2010, l'employeur motive sa décision de la façon suivante :
« Le 5 mars 2010 vous avez fait un scandale au magasin car vous aviez constaté un écart de 20 euros sur votre fiche de paie de février ; or, ainsi que nous vous l'avions indiqué, il s'agissait d'une simple erreur du cabinet comptable, qui a immédiatement réparé son erreur, et modifié dans leur votre fiche de paie ; malgré cela, vous avez fait un tel scandale que nous avons été obligés de fermer le magasin à la clientèle, entraînant de ce fait des pertes conséquentes. Vous avez de surcroît abandonné votre poste de travail pendant une demi-heure, sans aucune autorisation, et sans respecter l'injonction que nous vous avions faite de rester à votre poste.
Le 17 mars 2010, vous vous êtes présentée de très mauvaise humeur au travail, et avez pris votre poste sans saluer les autres membres du personnel, ainsi que les clients du magasin ; vous êtes restée dans votre coin durant toute la journée, et avez refusé d'adresser la moindre parole à Madame X..., pourtant votre responsable hiérarchique, et ce, sans aucun motif apparent. Cette situation, outre qu'elle a créé un climat très lourd et tendu au sein du magasin, a eu de graves percussions sur l'état psychologique de Madame X..., puisque celle-ci a dû aller consulter un médecin en raison du stress vécu.
Le 6 avril 2010, vous avez à nouveau contesté les mentions portées sur votre dernière fiche de paie (mois de mars), et avez même refusé d'en prendre possession ; vous avez par la suite, quitté votre poste de travail, sans aucune autorisation, afin de vous rendre chez l'expert-comptable ; celui-ci ayant refusé de vous recevoir, vous êtes revenue au magasin au bout de 45 minutes, et avez fait un scandale, tout en menaçant et insultant Madame X.... Cette dernière a dû se rendre au commissariat de police afin de déposer une main courante à votre encontre. À son retour au magasin, elle a constaté que vous étiez avec des clients auxquels vous teniez des propos très vifs, et surtout extrêmement dénigrant envers votre employeur, traitant notamment celui-ci de " voleur " et de " menteur ". Il est à signaler qu'en raison de votre comportement envers les clients, aucune vente n'a été faite ce jour.
Le 7 avril 2010, vous avez commencé à crier et proférer des menaces et des insultes à l'encontre de Madame X.... Cette dernière a dû à nouveau aller consulter un médecin en fin de journée, et a même dû être arrêtée pendant plusieurs jours.
Vous comprenez que cette situation, qui va en empirant de jour en jour, est devenue intenable et que votre comportement de ces derniers mois n'est plus compatible avec le poste de vendeuse que vous exercez, car non seulement vous ne respectez plus vos supérieur hiérarchique et employeur, que vous avez notamment qualifié de " voleur " et " menteur ", que vous dénigrez devant les clients, mais également la clientèle, que vous faites fuir par vos scandales répétés.
Vos agissements ont en outre de lourdes répercussions économiques sur le magasin, qui a dû être fermé temporairement à deux reprises pour éviter que les clients assistent à vos scènes.
Ceci sans oublier vos abandons intempestifs de poste, et votre refus chronique d'exécuter les ordres qui vous sont donnés, agissant à votre guise, allant même jusqu'à répondre fréquemment sur votre portable personnel pendant vos heures de travail.
Ces agissements mettent en cause la bonne marche de l'entreprise, et les explications recueillies auprès de vous au cours de l'entretien préalable ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation à ce sujet.
Compte tenu de la gravité des faits reprochés, votre maintien dans l'entreprise s'avère impossible, et nous vous notifions dès lors votre licenciement pour faute grave... »
Pour justifier la réalité des griefs exprimés dans cette lettre de licenciement, l'employeur a communiqué à la partie adverse des attestations dont une dizaine émanent de clientes du magasin de M. X..., d'autres de l'expert comptable de l'entreprise, ainsi que de la belle fille de Mme X....
Aucune de ces attestations ne porte précisément sur les faits datant des 5 mars 2010, 17 mars 2010, 6 avril 2010 et 7 avril 2010.
Certaines de ces attestations font l'éloge des qualités de Mme X..., d'autres comportent des critiques sur le comportement de Mme Y..., à laquelle il était reproché de se vanter en disant que le magasin " tournait grâce à elle et que si elle n'était pas là, ses patrons n'auraient plus une seule cliente ". Il état indiqué aussi qu'elle " recevait mal " les clientes.
Toutefois Mme Y... verse au débat un nombre encore plus grand d'attestations de clientes ou anciennes clientes, à savoir 21, lesquelles soulignent notamment l'excellent accueil que leur offrait Mme Y....
Les attestations les plus critiques à l'égard de Mme Y..., et produites par l'employeur, sont celles de :- Mme Karine Z...-X..., laquelle évoque des comportements irrespectueux à l'égard de son supérieur hiérachique, Mme X...,- Mme Dolly D..., cliente de la boutique, qui fait état d'insultes et de menaces à l'égard de Mme X..., mais aussi du fait que Mme Y... faisait des histoires et des scandales. Le caractère objectif du contenu de ces deux dernières attestations peut être sérieusement mis en doute dans la mesure où Mme Z...-X...est la belle fille de Mme X..., et que Mme Dolly D...rapporte pour l'essentiel, des propos que lui a confiés Mme X....

La Cour constate que les propos menaçants et insultants qu'aurait proférés Mme Y... à l'égard de sa supérieure hiérarchique, Mme X..., restent inconnus, leur contenu n'est nullement rapporté, hormis le fait que la salariée aurait traité son employeur de " voleur " et de " menteur ", mais aucune attestation ne corrobore ces allégations.
Il ne ressort pas de l'examen de l'ensemble des pièces ci-avant mentionnées la preuve objective et vérifiable des faits précis que l'employeur reproche, notamment au sujet d'abandons de poste, pour lesquels il est relevé en fait des absences d'une demi-heure et de 45 minutes, manquements qui ne peuvent constituer un motif de licenciement compte tenu de la brièveté de l'absence.
Les attestations produites par l'employeur sont insuffisantes à montrer la réalité des manquements imputés à Mme Y....
En conséquence il ne peut être considéré que le licenciement de Mme Y... est justifié par une cause réelle et sérieuse. Le jugement déféré sera infirmé sur ce point.
Sur les conséquences pécuniaires du licenciement :
Mme Y... ne justifie pas de l'étendue du préjudice qu'elle a pu subir à la suite de la rupture de son contrat de travail, ne produisant pas d'élément permettant d'apprécier la durée de la période de chômage qu'elle aurait pu subir. En conséquence, et en application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail, il lui sera alloué à titre d'indemnisation la somme de 9 734, 82 euros correspondant au montant des 6 derniers mois de salaires tels que mentionnés sur les bulletins de salaires produits au débat.
Tant en application de l'article L. 1234-1 du code du travail, qu'en application de l'article 15 de la convention collective nationale du commerce de détail de l'habillement et des articles textiles du 25 novembre 1987, Mme Y...qui a plus de deux ans d'ancienneté a droit au paiement d'une indemnité compensatrice de préavis d'un montant équivalent à deux mois de salaire, soit la somme de 3252, 06 euros. Sur ce montant il est dû des congés payés à hauteur de 325, 20 euros.
Selon les dispositions de l'article 17 de la convention collective nationale sus-citée, l'indemnité conventionnelle de licenciement est égale à 1/ 5 ème du salaire mensuel de référence, mais à partir de 10 ans d'ancienneté, cette indemnité est portée à 1/ 3 du salaire mensuel.
S'il n'est pas contesté que Mme Y... a travaillé pour le compte de M. X... en janvier 1994, il n'est pas suffisamment établi qu'elle ait commencé à travailler pour ce dernier dès juillet 1993 comme elle le prétend, ne produisant aucun bulletin de salaire de cette époque, et l'attestation de la dame E...étant insuffisante à elle seule à prouver que le début de la relation de travail entre Mme Y... et M. X..., ait commencé dès juillet1993. En conséquence l'ancienneté de Mme Y... depuis son embauche en janvier 1994 jusqu'à la fin de la période de préavis le 23 juin 2010, atteint 16 ans et 5 mois.
Compte tenu de cette ancienneté, l'indemnité conventionnelle de licenciement calculée sur la base de la moyenne des 3 derniers mois de salaires (1626, 03 euros) sera fixée à la somme de 6729, 96 euros.
Les 23 jours de mise à pied subi par la salariée en avril 2010 n'étant pas justifiés, Mme Y... a droit à un rappel de rémunération à hauteur de 1246, 62 euros. Il est dû sur ce montant une indemnité compensatrice de congés payés d'un montant de 124, 66 euros.
Compte tenu de l'insuffisance du montant de la prime d'ancienneté tel que figurant sur les bulletins de paie, au regard du montant fixé par l'avenant no13 du 22 septembre 2000, il sera fait droit à la demande de paiement de la somme de 357, 32 euros formée par Mme Y....

Dans la mesure où il n'est pas contesté que M. X... ait délivré des bulletins de paie à Mme Y...depuis janvier 1994, il n'apparaît pas que l'employeur ait cherché à se soustraire au paiement de cotisations sociales afférentes aux salaires versés à la salariée, même si le relevé de carrière versé au débat par cette dernière ne fait apparaître une activité au titre du régime général qu'à compter de 1997 et si certaines années ne sont pas complètes. En conséquence Mme Y... sera déboutée de sa demande de paiement d'indemnité pour travail dissimulé.

M. X... devra délivrer à Mme Y... une attestation Pôle Emploi rectifiée, conforme aux dispositions du présent arrêt.
L'équité implique qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 dernier alinéa code de procédure civile, et Mme Y... bénéficiant de l'aide juridictionnelle, M. X... devra payer à l'avocate de Mme Y..., la somme de 2000 euros en application des dispositions alinéas 1 et 3 du code de procédure civile.

Par ces motifs,

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M. X... à payer à Mme Y...la somme de 357, 32 euros à titre de rappel de prime d'ancienneté,
Le réforme pour le surplus et statuant à nouveau,
Dit que le licenciement de Mme Y... est sans cause réelle et sérieuse,
Condamne M. X... à payer à Mme Y...les sommes suivantes :
-9734, 82 euros de dommages et intérêts pour licenciement abusif,
-3252, 06 euros d'indemnité compensatrice de préavis outre 325, 20 euros d'indemnité de congés payés sur ce montant,
-6729, 96 euros d'indemnité conventionnelle de licenciement,
-1246, 62 euros de rappel de salaire au titre de la mise à pied, outre 124, 66 euros d'indemnité de congés payés sur ce montant,
Condamne M. X... à payer à Maître Jeanne-Horense LOUIS, avocate de Mme Y... au titre de l'aide juridictionnelle la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en application des dispositions des alinéas 3 et 4 de l'article 37 de la loi no 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle.
Dit que M. X... devra délivrer une attestation Pôle Emploi conforme aux dispositions du présent arrêt.
Dit que les entiers dépens sont à la charge de M. X....
Déboute les parties de toutes conclusions plus amples ou contraires.
Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13/01462
Date de la décision : 25/01/2016
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2016-01-25;13.01462 ?
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