VS-BR
COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRÊT No 343 DU TRENTE NOVEMBRE DEUX MILLE QUINZE
AFFAIRE No : 14/ 01132
Décision déférée à la Cour : jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 12 juin 2014- Section Commerce.
APPELANTS ET INTIMES :
Monsieur Alain X...... 97123 BAILLIF Comparant en personne Ayant pour conseil, Maître Dominique TAVERNIER (Toque 34), avocat au barreau de la GUADELOUPE
SARL EDMAN 5 impasse Ampère Jarry 97122 BAIE-MAHAULT Dispensée de comparaître en application des dispositions des articles 446-1 et 946 du Code de Procédure Civile
Ayant pour conseil, Maître Florence DELOUMEAUX (Toque 101), avocat au barreau de la GUADELOUPE
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 5 octobre 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Bernard Rousseau, président de chambre, président, Madame Marie-Josée Bolnet, conseiller, Madame Françoise Gaudin, conseiller, qui en ont délibéré.
Monsieur Alain X...a été avisé à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 30 novembre 2015.
GREFFIER Lors des débats : Madame Yolande Modeste, greffier.
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties présentes à l'audience en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par Monsieur Bernard Rousseau, président de chambre, président, et par Madame Valérie Souriant, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
Faits et procédure :
Par contrat de travail à durée déterminée en date du 17 janvier 2005, M. X...était engagé par la Société FI CASSE AUTO en qualité de « vendeur magasinier » pour une durée de 24 mois s'étendant du 17 janvier 2005 au 16 janvier 2007 inclus, pour assurer le remplacement d'un salarié.
Par contrat de travail à durée indéterminée en date du 18 janvier 2007, M. X...était engagé par la Société EDMAN en qualité de responsable de magasin, à effet du 1er janvier 2007. Il était stipulé que la Société EDMAN s'engageait à reprendre tous les droits sociaux de M. X..., restant acquis au 17 janvier 2007 lors de son contrat de vendeur-magasinier signé avec la Société mère EDMAN le 17 janvier 2005.
Par courrier du 17 avril 2013, M. X...était convoqué par son employeur à un entretien préalable fixé au 26 avril 2013, aux fins éventuelles de licenciement.
Par courrier du 2 mai 2013, l'employeur notifiait à M. X...son licenciement.
Le 13 mai 2013, M. X...saisissait le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre aux fins de contester son licenciement et obtenir indemnisation et paiement d'heures supplémentaires.
Par jugement du 12 juin 2004, la juridiction prud'homale disait que le licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse mais condamnait la Société EDMAN à payer à M. X...les sommes suivantes :-3690, 13 euros au titre des heures supplémentaires pour la période d'avril 2008 à avril 2013,-2009, 61 euros au titre des heures non récupérées pour la période d'avril 2008 à avril 2013,-1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Le requérant était débouté du surplus de ses demandes.
Par déclaration du 2 juillet 2014, la Société EDMAN interjetait appel de cette décision.
Par déclaration reçue au greffe de la cour, le 11 juillet 2014, M. X...interjetait également appel de ce jugement.
Les deux procédures d'appel étaient jointes.
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À l'appui de son appel, la Société EDMAN sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a dit que la procédure de licenciement était régulière et cette mesure fondée sur une cause réelle et sérieuse. Elle sollicite l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a condamnée à payer des heures supplémentaires et des heures non récupérées.
Elle entend voir dire et juger qu'il n'y a pas lieu à paiement pour des heures supplémentaires, ni au titre des heures non récupérées pour la période d'avril 2008 à avril 2013. Elle réclame paiement de la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La Société EDMAN indique qu'il est reproché à M. X...le retard pris pour la livraison de marchandises du magasin de Baie-Mahault à celui de Baillif, le refus d'avoir une explication avec son employeur lorsque ce dernier l'interroge, l'utilisation du véhicule de la Société EDMAN afin de faire ses courses à DESTRELLAN, et des insultes à l'égard de M. Ricardo Z....
Il est également fait état de plaintes et réclamations de la part de collègues et de certains clients, au sujet de son caractère, de son humeur et de sa façon de s'exprimer quand les choses ne lui plaisent pas.
En ce qui concerne la demande de paiement d'heures supplémentaires, la Société EDMAN fait valoir que ces demandes sont prescrites pour la période d'avril 2008 à mai 2010. Pour la période postérieure à mai 2010, l'employeur relève que les bulletins de salaires qu'il a délivrés de décembre 2007 à avril 2013 montrent que M. X...a toujours été payé pour ses heures supplémentaires.
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M. X...réclame paiement des sommes suivantes :
-15 587, 64 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure irrégulière,-46 761 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,-15 587, 64 euros de dommages et intérêts pour les conditions vexatoires du licenciement.
A l'appui de ses demandes, M. X...critique la régularité de la procédure de licenciement en expliquant que M. Z...était décidé à procéder à son licenciement avant tout entretien préalable, l'employeur ayant d'ailleurs déclaré, lors de cet entretien, qu'il avait pris de toute façon sa décision de le licencier et qu'il ne reviendrait pas en arrière.
M. X...conteste chacun des griefs figurant dans la lettre de licenciement, expliquant que le retard pris dans la livraison de marchandises du magasin de Baie-Mahault à celui de Baillif ne lui était pas imputable puisque sa seule tâche était d'être chauffeur livreur et non pas responsable de la préparation des commandes.
En ce qui concerne l'utilisation du véhicule de la Société EDMAN pour se rendre au supermarché Destrellan, M. X...explique qu'il s'est arrêté à ce magasin à son retour de Baillif, en dehors de ses heures de travail. S'il reconnaît quelques propos injurieux, à l'égard de M. Ricardo Z..., ayant refusé de lui serrer la main, il souligne que c'est la seule dispute en 9 années de collaboration au sein de la Société EDMAN.
Pour ce qui concerne les plaintes et réclamations de collègues et de certains clients, il expose que durant ces 9 années de collaboration il n'a fait l'objet d'aucun d'avertissement, de blâme ou de toute autre sanction de quelque sorte que ce soit. Il fait remarquer qu'il a bénéficié de primes exceptionnelles et d'augmentation de salaire ce qui montre qu'il ne peut pas nuire à l'entreprise comme il est dit dans la lettre de licenciement
M. X...fait état d'un préjudice important résultant des conditions vexatoires de son licenciement, survenu du jour au lendemain alors qu'il donnait jusque là satisfaction au regard des primes et augmentation dont il a bénéficié, reprochant à son employeur d'avoir procédé à son licenciement sur un coup de tête, sur un simple fait de mauvaise humeur.
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Motifs de la décision :
Dans sa lettre de licenciement du 2 mai 2013, l'employeur justifie sa décision de la façon suivante :
« ¿ Le lundi 8 avril, alors que je vous interrogeais sur le retard pris quant à la livraison, par vos soins, des marchandises, du magasin de Baie-Mahault à celui de Baillif, un mois de retard, vous m'expliquiez que de toute façon, vous " faisiez comme vous pouvez " et que " vous n'aviez pas à effectué de livraison parce que cela ne figurait pas dans votre contrat travail ".
Alors que je continuais à vous poser des questions sur ce problème, vous avez mis un terme à la conversation en continuant votre chemin, c'est-à-dire en me tournant le dos, alors que je continuais à vous interpeller et ce, devant les autres salariés.
Ce même jour, en sortant du magasin bien avant l'heure de fin de travail, vous avez utilisé le véhicule de la Société EDMAN à des fins personnelles notamment afin de vous rendre au supermarché Destrellan.
Par ailleurs le 16 avril 2013 vous avez tenu des propos injurieux à l'égard de votre collègue, M. Ricardo Z...en usant de mots obscènes et en faisant allusion à un geste d'ordre sexuel.
De plus nous avons eu à déplorer à de nombreuses reprises de la part de vos collègues ainsi que de la part de certains clients, des plaintes et réclamations quant à votre caractère, votre humeur et votre façon de vous exprimer quand les choses ne vous plaisent pas.
Cette conduite est constitutive d'une faute et met en cause la bonne marche de l'entreprise ainsi que la bonne réputation de notre société.
En conséquence nous avons décidé de vous licencier pour cause réelle et sérieuse. »
Ainsi l'employeur fait état d'un certain nombre de griefs liés au comportement de M. X..., lesdits griefs pris dans leur ensemble ne se révélant pas d'une gravité justifiant le licenciement.
En effet, en ce qui concerne le retard de la livraison de marchandises du magasin de Baie-Mahault à celui de Ballif, M. X...a suffisamment expliqué qu'il s'agissait d'un transfert de marchandises afin d'alimenter le magasin de Baillif, et que ce retard ne lui était pas imputable puisqu'il se contentait de prendre livraison desdites marchandises à Baie Mahault, et que cette livraison devait être préparée par les employés de Baie-Mahault et notamment par M. Ricardo Z.... Par ailleurs le fait de contester l'obligation de procéder à ces transferts de marchandises, alors que son contrat travail prévoit qu'il exerce les fonctions de responsable de magasin, résulte du fait qu'il estime à juste titre, injustifiée l'imputabilité qui lui est faite du retard quant à la prise de livraison, et que les fonctions qui lui sont attribuées de par son contrat travail ne sont pas celles d'un chauffeur livreur.
Le fait de ne pas répondre aux critiques de son employeur qu'il estime infondées, et de passer son chemin en tournant le dos à celui qui émettait lesdites critiques, ne peut être considéré comme justifiant la mesure de licenciement, le salarié, bien que s'estimant injustement critiqué, ayant préféré s'abstenir de répondre à son employeur et de lui adresser tout propos désobligeant ou agressif.
Quant à l'utilisation du véhicule de la Société EDMAN à des fins personnelles, il y a lieu de rappeler que M. X...utilisait de façon normale ledit véhicule sur le trajet de retour Baie Mahault à Baillif, et que ces faits ont eu lieu en dehors des heures de travail, comme en fait foi le ticket de caisse d'un magasin du centre commercial Destrellan, versé aux débats par Monsieur X..., et daté du 8 avril 2013 à 17h23, soit après l'expiration de la durée journalière de travail.
Les propos et actes obscènes reprochés à M. X..., à l'égard de son collègue M. Ricardo Z..., s'expliquent par le fait que M. X...estimait, à juste titre, qu'il lui était injustement reproché des retards dans le transfert de marchandises entre les deux magasins, ce qui ne lui était pas imputable. Ses propos et comportements critiquables s'inscrivant dans un cadre unique caractérisé par une dissension quant aux responsabilités respectives des salariés, ne peuvent justifier la mesure de licenciement prise par l'employeur.
Parmi les 5 pièces figurant dans le bordereau de pièces no 1, en date du 15 septembre 2014, émanant de la Société EDMAN, ne figure aucune plainte ni aucune réclamation de la part de collègues ou de clients. Ce type de griefs ne peut donc être retenu, étant observé que M. X...a sollicité le rejet des pièces qui ne lui avaient pas été régulièrement communiquées, la Cour observant qu'il n'est pas justifié par la Société EDMAN de la communication à M. X...des pièces 15 à 16 figurant dans son bordereau de pièces no 2, ces dernières pièces devant en conséquence être écartées des débats, en raison de la violation du principe du contradictoire.
Il résulte de l'ensemble des constatations qui précèdent, que le licenciement de M. X...n'est justifié par aucune cause réelle et sérieuse.
M. X...bénéficiant de neuf années d'ancienneté, âgé de 53 ans au moment de son licenciement, sera indemnisé, compte tenu de la difficulté de retrouver un emploi à cet âge, par l'octroi d'une somme équivalente à un an de salaire, soit la somme de 35 000 euros.
Il n'est relevé aucune irrégularité formelle au sujet de la procédure de licenciement, tant en ce qui concerne la convocation à l'entretien préalable que la notification de la décision de licenciement. Il n'est en effet fait état d'aucune violation des dispositions du code du travail relatif à la procédure de licenciement.
Par contre c'est à juste titre que M. X...invoque des conditions vexatoires entourant son licenciement, puisqu'il a été convoqué par lettre du 17 avril 2013 à un entretien préalable fixé au 26 avril 2013, et que sans qu'aucune mesure de mise à pied n'ait été notifiée, l'employeur est venu au magasin de Baillif dès le 19 avril 2013, afin de reprendre les clés dudit magasin ainsi que le véhicule de la Société EDMAN, ce qui interdisait à M. X...de poursuivre l'exécution de son contrat travail. Par ailleurs il y a lieu de relever que la mesure de licenciement est en fait une réaction de l'employeur au fait que M. X...entendait se voir décharger de toute responsabilité en ce qui concernait le retard de livraison qui lui était imputé, alors qu'en l'espèce il résulte des explications fournies, que c'est le frère du gérant qui était chargé, à Baie Mahault, d'organiser la préparation de la livraison.
Compte tenu du caractère brutal et vexatoire du licenciement, il sera alloué à M. X...la somme de 2000 euros à titre de dommages-intérêts.
Ni au cours de l'audience des débats devant la Cour, ni dans ses conclusions écrites, M. X...n'a exposé d'argument, ni n'a fourni de pièce au soutien de ses demandes de paiement d'heures supplémentaires et au titre d'heures non récupérées, ces demandes étant contestées par l'employeur qui fait état de la mention régulière d'heures supplémentaires sur les bulletins de paie qu'il a délivrés au salarié. En conséquence il ne peut être fait droit aux dites demandes de M. X..., le jugement déféré étant infirmé sur ces chefs de condamnations.
Par ces motifs,
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Réforme le jugement déféré,
Et statuant à nouveau,
Condamne la Société EDMAN à payer à M. X...les sommes suivantes :
-35 000 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-2000 euros de dommages et intérêts pour licenciement à caractère brutal et vexatoire,
Déboute M. X...du surplus de ses demandes,
Dit que les dépens sont à la charge de la Société EDMAN,
Déboute les parties de toutes conclusions plus amples ou contraires,
Le Greffier, Le Président,