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09/11/2015 | FRANCE | N°14/00028

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, Chambre sociale, 09 novembre 2015, 14/00028


VS-BR
COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRÊT No 321 DU NEUF NOVEMBRE DEUX MILLE QUINZE

AFFAIRE No : 14/ 00028
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 12 décembre 2013- Section Commerce.
APPELANTE
Madame Tania X.........97122 BAIE-MAHAULT Représentée par Monsieur Luc Y... (Délégué syndical ouvrier)

INTIMÉE
SARL EQUAMODE BLEU D'AZUR 10 Centre Commerciale Destrelland 97122 BAIE-MAHAULT Représentée par Maître Valérie CHOVINO-AUBERT (Toque 101) substituée par Maître THOMAS, avocat au b

arreau de la GUADELOUPE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'articl...

VS-BR
COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRÊT No 321 DU NEUF NOVEMBRE DEUX MILLE QUINZE

AFFAIRE No : 14/ 00028
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 12 décembre 2013- Section Commerce.
APPELANTE
Madame Tania X.........97122 BAIE-MAHAULT Représentée par Monsieur Luc Y... (Délégué syndical ouvrier)

INTIMÉE
SARL EQUAMODE BLEU D'AZUR 10 Centre Commerciale Destrelland 97122 BAIE-MAHAULT Représentée par Maître Valérie CHOVINO-AUBERT (Toque 101) substituée par Maître THOMAS, avocat au barreau de la GUADELOUPE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 septembre 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Bernard Rousseau, président de chambre, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Bernard Rousseau, président de chambre, président, Madame Marie-Josée Bolnet, conseiller, Madame Françoise Gaudin, conseiller,

Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 9 novembre 2015.
GREFFIER Lors des débats : Madame Valérie Souriant, greffier.
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par Monsieur Bernard Rousseau, président de chambre, président, et par Madame Valérie Souriant, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

****** Faits et procédure :

Par contrat de travail à durée indéterminée à temps plein, Mme Tania X...a été engagée par la Société ALIZEE exploitant sous l'enseigne " Rive Droite ", en qualité de vendeuse qualifiée à compter du 14 janvier 2010 moyennant le versement d'un salaire mensuel brut composé d'un montant fixe de 1200 euros, d'une commission de 4 % sur le montant de son chiffre d'affaires hors taxes, d'une prime mensuelle de transport de 200 euros, d'une prime annuelle de 500 euros versée le 31 décembre de chaque année en fonction des impayés clients suivant barème fixé par le contrat, et d'une prime annuelle de 1000 euros versée le 28 février de chaque année après l'inventaire en fonction des écarts suivant un barème figurant également au contrat.
Le 15 décembre 2011 un nouveau contrat de travail à durée indéterminée à temps plein était conclu entre d'une part la Société EQUAMODE exploitant sous l'enseigne " Bleu d'Azur ", et d'autre part Mme X..., laquelle était engagée en qualité de vendeuse qualifiée. Il était précisé que le transfert entre la Société ALIZEE et la Société EQUAMODE interviendrait dès la signature du nouveau contrat et constituerait de fait la résiliation du contrat travail avec la Société ALIZEE par une démission, et la constitution d'un nouveau contrat travail avec la Société EQUAMODE. Il était indiqué que le solde des congés acquis par Mme X...pour l'année N-1 à savoir 9 jours et l'année N à savoir 17, 5 jours serait reporté sur la Société EQUAMODE, ainsi que son ancienneté de 22 mois acquise pour la faire bénéficier de sa prime d'ancienneté.
Par courrier du 3 décembre 2012, la Société EQUAMODE notifiait à Mme X...un avertissement pour non-respect du règlement intérieur, notamment la note de service du 6 septembre 2012 concernant les moyens de paiement et celle plus précise du 2 octobre 2012.
Par courrier du 27 décembre 2012, Mme X...contestait l'avertissement, en faisant valoir que les griefs retenus contre elle étaient absents du règlement intérieur élaboré le 26 septembre 2012. Elle demandait l'annulation dudit avertissement.
Après un entretien préalable fixé au 14 janvier 2013, la Société EQUAMODE notifiait par courrier du 11 février 2013 à Mme X...son licenciement pour insubordination et indiscipline.
Le 27 février 2013, Mme X...saisissait le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre aux fins de contester son licenciement, et d'obtenir des dommages-intérêts ainsi qu'un rappel de rémunération.
Par jugement du 12 décembre 2013, la juridiction prud'homale condamnait la Société EQUAMODE à payer à Mme X...la somme de 680, 62 euros à titre de reliquat d'indemnité légale de licenciement et celle de 300 euros au titre de remboursement des frais de justice. Mme X...était déboutée du surplus de ses demandes.
Par déclaration du 9 novembre 2014, Mme X...interjetait appel de cette décision.
****
Par conclusions du 12 mai 2014, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, Mme X...sollicite l'infirmation du jugement entrepris et sollicite paiement des sommes suivantes :-15 874, 20 euros, représentant 9 mois de salaire, à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,-680, 62 euros de solde d'indemnité légale de licenciement,-5577, 65 euros au représentant " la différence de son salaire au regard de : (Arrêt de la chambre sociale de la Cour de Cassation du 5 juillet 2011, no pourvoi : 10-30465) et (Arrêt de la Chambre Sociale de la Cour de Cassation du 14 novembre 2010, no pourvoir : 09-68742) ",-30 160, 97 euros au titre de la " durée d'ARE égal à trois fois (3) celle indiquée " dans le courrier du 6 mai 2013 de Pôle Emploi,-3500 euros pour absence de visite médicale alors qu'elle a une ancienneté de 36 mois et 27 jours,-4873 euros représentant le montant du loyer de sa fille qu'elle a été dans l'obligation de solliciter auprès de tiers.

À l'appui de ses demandes Mme X...expose que le règlement intérieur invoqué à l'appui de l'avertissement suivi de son licenciement, qu'elle a contesté n'a pas été élaboré conformément aux dispositions légales. Elle ajoute qu'elle a fait l'objet d'une double sanction puisque l'avertissement qui lui a été notifié a été suivi d'un licenciement.
Mme X...a versé au débat un deuxième jeu de conclusions, également datées du 12 mai 2014, par lesquelles il est réclamé des dommages et intérêts pour rupture abusive, mais il n'est pas justifié que ces conclusions aient été communiquées à la partie adverse. Non reprises oralement, elles doivent être écartées des débats.
****
Par conclusions notifiées à la partie adverse le 12 août 2014, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, la Société EQUAMODE sollicite la confirmation en toutes ses dispositions du jugement déféré, et le rejet des prétentions de Mme X.... Elle réclame paiement de la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La Société EQUAMODE soulève l'irrecevabilité de la demande formée au titre du reliquat de l'indemnité légale de licenciement, dans la mesure où le conseil de prud'hommes a fait droit à la demande de paiement de ce solde d'indemnité à hauteur de 680, 62 euros.
La Société EQUAMODE expose qu'il n'existe pas en son sein d'instance représentative du personnel dans l'entreprise et que dans ces conditions la loi ne prévoit aucune consultation spécifique. La Société EQUAMODE explique par ailleurs que le contrôle du règlement intérieur est de la compétence l'inspecteur du travail, et que ledit règlement prévoit que : " conformément aux prescriptions de l'article L. 1321-4 du code du travail, le présent règlement a été-communiqué en double exemplaire inspecteur du travail dont dépend la société (ou l'établissement), le 26 septembre 2012,- déposé en un exemplaire au secrétariat du conseil de prud'hommes dont dépend la société (ou l'établissement), le 26 septembre 2012 ".

La Société EQUAMODE fait valoir que Mme X..., qui ne s'est rapprochée ni de l'inspection du travail ni du secrétariat du conseil de prud'hommes, ne peut soutenir qu'aucune disposition du texte qu'elle vise n'a été satisfaite par l'employeur.

En ce qui concerne la contestation de la mesure de licenciement pour faute grave, la Société EQUAMODE fait valoir que les propos contenus dans la lettre par laquelle Mme X...a contesté son avertissement, donnait clairement entendre son refus de l'autorité et de la subordination qu'elle devait contractuellement à son employeur.

En ce qui concerne la demande d'indemnisation pour préjudice résultant de l'ouverture du droit d'allocations pour retour à l'emploi suite à indication erronée de l'ancienneté de Mme X..., et la demande de prise en charge de la durée de la même allocation, la Société EQUAMODE se réfère à la motivation figurant dont le jugement déféré.
En ce qui concerne la demande d'indemnisation pour absence de visite médicale, la Société EQUAMODE fait valoir que l'engagement en son sein de Mme X...a pris effet le 2 janvier 2012 et a pris fin le 16 février 2013, et qu'il ne peut lui être fait grief de ne pas organiser des visites périodiques dans le délai de deux ans minimum prévu par la loi.
En ce qui concerne la demande de remboursement des loyers de la fille de Mme X..., la Société EQUAMODE fait valoir qu'elle ne peut être considérée comme responsable du paiement des loyers de la fille de la salariée.
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Motifs de la décision :
Sur le licenciement :
Dans sa lettre du 11 février 2013, l'employeur pour justifier le licenciement pour faute grave de Mme X..., expose les raisons suivantes :
«... L'objet de cet entretien fait suite à la contestation de votre avertissement en date du 3 décembre 2012 que je vous ai adressé par courrier (LR no1A07720680871). En effet, vous m'avez répondu le 27 décembre que vous contestiez cet avertissement au motif je cite : " que les griefs retenus contre moi, sont absents du règlement intérieur élaboré le 26 septembre 2012 ". Je considère, d'une part que votre contestation est illégitime, infondée et non motivée car les éléments concernant votre avertissement s'appuient uniquement sur ce règlement intérieur et les notes de service qui l'accompagnent conformément article 24 de celui-ci. D'autre part, je me suis aperçu à l'entretien que vous ne connaissiez aucune ou que partiellement les notes de services en vigueur dans l'entreprise depuis le 1er novembre 2012. Je me suis même demandé si vous les aviez lues alors qu'elles sont affichées aussi bien sur le tableau d'information mis en place dans l'entreprise, que sur un porte revue posé sur votre comptoir de travail depuis le 26 septembre. Je constate qu'aujourd'hui, par le non-respect des procédures que je diffuse, et la contestation systématique de ces mesures, vous ne respectez pas la clause essentielle de votre contrat de travail article 2 qui stipule que : " Mme Tania X...s'engage à effectuer tous les travaux nécessaires sous l'autorité de sa direction ". Par conséquent, j'entends par la présente, notifier votre licenciement pour faute grave pour insubordination et indiscipline qui prendra effet dès réception de ce courrier ou au plus tard le samedi 16 février.

Vous bénéficierez d'un mois de préavis que je vous dispense d'effectuer, celui-ci vous sera intégralement payé. Je vous demanderais donc de me faire parvenir les clés de la boutique dans les meilleurs délais... ».

La Cour constate que deux types de griefs sont reprochés à Mme X..., d'une part le fait de contester l'avertissement du 3 décembre 2012, d'autre part le non respect des procédures diffusées par l'employeur, celles-ci faisant l'objet des notes de services en date des 6 septembre 2012 et 2 octobre 2012, lesquelles concernent les moyens de paiement qui sont acceptés par l'entreprise.
Le fait de contester un avertissement ne peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement, le salarié pouvant en tout état de cause critiquer la légitimité de la sanction qu'il se voit appliquer, éventuellement devant le conseil de prud'hommes. En l'espèce, dans sa lettre d'avertissement du 3 décembre 2012, l'employeur invoque notamment le non-respect du règlement intérieur, dont, selon lui, feraient partie ses notes de services des 6 septembre et 2 octobre 2012.
Or c'est à juste titre que la salariée relève dans son courrier de contestation en date du 27 décembre 2012, que les griefs retenues contre elle, et qui concernent les moyens et modalités de paiement acceptés par l'entreprise, sont " absents du règlement intérieur élaboré le 26 septembre 2012 ".
En effet le règlement intérieur du 26 septembre 2012 porte sur des dispositions relatives à la santé, la sécurité, l'hygiène et la discipline, conformément aux dispositions des articles L. 1321-1 du code du travail, et rappelle les dispositions relatives aux harcèlements moral et sexuel (L. 1321-2 du code du travail), mais ne comporte aucune dispositions sur les moyens et conditions de paiement acceptés par l'entreprise.
Au demeurant, et contrairement à ce qui est stipulé à l'article 24 dudit règlement intérieur, les notes de services, comme celles invoquées en date des 6 septembre et 2 octobre 2012, dont le contenu est étranger à l'objet d'un règlement intérieur tel que défini légalement par les textes sus-cités ne peuvent s'incorporer ni s'assimiler au règlement intérieur.
Ainsi comme le relève Mme X...dans son courrier du 27 décembre 2012, les griefs qui lui sont reprochés dans la lettre d'avertissement du 3 décembre 2012, et concernant les erreurs affectant les paiements des clients et acceptés par la salariée, ne contreviennent nullement au règlement intérieur.
Toutefois si la deuxième série de griefs relatives aux non respects des notes de services des 6 septembre et 2 octobre 2012, fixant les moyens et conditions de paiement acceptés par l'entreprise, constituent des fautes caractérisées contrevenant aux instructions de l'employeur, il y a lieu d'observer que ces fautes ont déjà été sanctionnées par l'avertissement du 3 décembre 2012, l'employeur ne relevant pas dans sa lettre de licenciement, de nouvelles erreurs commises postérieurement au 3 décembre 2012.
Ainsi l'employeur ayant épuisé son pouvoir disciplinaire par la sanction du 3 décembre 2012, ne peut invoquer les mêmes erreurs pour justifier la mesure de licenciement. Celle-ci doit donc être considérée comme sans cause réelle et sérieuse.
Sur l'indemnisation de Mme X...:
Mme X...ayant 3 ans d'ancienneté mais ne justifiant pas de la durée de la période de chômage qu'elle a pu subir à la suite de la rupture de son contrat de travail, sera indemnisée par l'octroi d'une somme de 10 000 euros, toutes causes de préjudices confondues, étant relevé que le montant de l'allocation de retour à l'emploi n'est pas directement proportionnel au nombre d'années d'ancienneté comme le soutient la salariée, et le règlement des loyers de sa fille ne pouvant être mis à la charge de l'employeur.
Si l'examen médical d'embauche dans le cadre du contrat de travail conclu avec la Société EQUAMODE n'était pas obligatoire puisque Mme X...occupait un emploi identique dans le cadre de son transfert (article R. 4624-12 du code du travail), par contre un examen médical périodique 24 mois après cet embauche était nécessaire (article R. 4624-16 du code du travail) et incombait à la Société EQUAMODE. A défaut de ce deuxième examen médical, le préjudice subi par Mme X...sera indemnisé par l'octroi d'une somme de 500 euros.

Par ces motifs,

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné la Société EQUAMODE à payer à Mme X...la somme de 680, 62 euros au titre du reliquat d'indemnité légale de licenciement,
L'infirme pour le surplus,
Et statuant à nouveau,
Dit que le licenciement de Mme X...est sans cause réelle et sérieuse,
Condamne la Société EQUAMODE à payer à Mme X...la somme de 10 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et celle de 500 euros pour défaut d'examen médical périodique,
Dit que les entiers dépens sont à la charge de la Société EQUAMODE,
Déboute les parties de toutes conclusions plus amples ou contraires,

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 14/00028
Date de la décision : 09/11/2015
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2015-11-09;14.00028 ?
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