VF-FG
COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRÊT No 193 DU SIX JUILLET DEUX MILLE QUINZE
AFFAIRE No : 13/ 00819
Décision déférée à la Cour : jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 30 avril 2013- Section Commerce.
APPELANT
Monsieur Jean-Claude X...... 97110 POINTE A PITRE Représenté par Monsieur Serge Y...(Délégué syndical ouvrier) substitué par Monsieur Ernest Z...
INTIMÉE
SARL PRESTATION MARIE 704 Résidence Louisy Matthieu 97139 ABYMES Représentée par Maître Pascale Caroline EDWIGE (Toque 77), avocat au barreau de la GUADELOUPE
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 4 mai 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Bernard Rousseau, Président de chambre, président, Madame Marie-Josée Bolnet, conseiller, Madame Françoise Gaudin, conseiller, qui en ont délibéré.
Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 6 juillet 2015.
GREFFIER Lors des débats : Madame Valérie Francillette, greffier.
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par Monsieur Bernard Rousseau, président de chambre, président, et par Madame Yolande Modeste, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
M. X... Jean-Claude a été embauché à compter du 1er septembre 2010 par la société EURL PRESTATION MARIE, en qualité de coursier moyennant un salaire brut mensuel de 1. 343, 80 ¿ pour 35 heures par semaine.
Par lettre recommandée du 9 décembre 2011 adressée à son employeur, M. X... posait ses conditions pour une rupture conventionnelle de son contrat de travail et indiquait ne plus pouvoir accéder à l'entreprise ni à son outil de travail ;
Considérant que la rupture du contrat de travail était imputable à son employeur, le 18 janvier 2012, M. X... a saisi le conseil des prud'hommes de en paiement d'indemnités liées à la rupture abusive et de demande en paiement de salaires et congés payés ;
Par jugement de départage en date du 30 avril 2013, le conseil des prud'hommes de POINTE A PITRE a débouté M. X... de l'ensemble de ses demandes.
Le 29 mai 2013, Monsieur X... a régulièrement formé appel de ladite décision.
M. X... demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris, de constater l'imputabilité de la rupture aux torts de l'employeur et de dire et juger que celle-ci s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, de condamner l'EURL PRESTATION MARIE à lui payer les sommes suivantes :-8. 390, 22 ¿ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,-1. 398, 37 ¿ au titre de l'irrégularité de la procédure de licenciement,-1. 398, 37 ¿ à titre d'indemnité de préavis, 682, 25 ¿ à titre d'indemnité de congés payés (13 jours), 116, 55 ¿ à titre d'indemnité légale de licenciement, 1. 398, 37 ¿ à titre de salaire de décembre 2011, 650 ¿ au titre de l'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et sollicite la délivrance des documents de rupture sous astreinte de 60 ¿ par jour de retard ;
La société PRESTATION MARIE soulève l'irrecevabilité des conclusions et pièces notifiées hors délai par l'appelant et demande la confirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions, de débouter le salarié de ses demandes, outre sa condamnation au paiement d'une somme de 3. 500 ¿ sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir que :
les parties ont envisagé une rupture conventionnelle du contrat de travail mais l'employeur s'est rétracté par lettre recommandée du 13 décembre 2011, reçue par le salarié le 15 décembre ; le salarié a abandonné son poste de travail, ce que confirme un constat d'huissier produit aux débats ;
MOTIFS
Sur l'irrecevabilité de pièces et conclusions
Que selon ordonnance du magistrat chargé d'instruire l'affaire en date du 18 novembre 2013, l'appelant disposait d'un délai de deux mois à compter de ladite ordonnance pour notifier à la partie adverse ses pièces et conclusions, soit avant le 18 janvier 2014 ;
Qu'en conséquence, les pièces et les conclusions de M. X... notifiées à l'EURL PRESTATION MARIE le 17 mars 2014 seront écartées des débats, conformément aux dispositions des articles 446-2 et 939 du code de procédure civile ;
Sur la rupture du contrat de travail :
Qu'en l'espèce, le salarié a adressé à son employeur le 9 décembre 2011 une lettre recommandée que ce dernier a reçu le 14 décembre suivant ainsi libellée : « Objet : Votre proposition de rupture conventionnelle de mon contrat de travail. Monsieur le Gérant, Faisant suite à la proposition de convention de rupture, que vous m'avez remise dans le but d'obtenir d'un commun accord avec vous une rupture conventionnelle de mon contrat de travail, contracté avec votre entreprise l'EURL PRESTATION MARIE, j'ai constaté depuis que vous m'avez remis ce document, je ne peux plus accéder à l'entreprise à mes prises de services, vous ne vous présentez pas pour que j'aie accès au local, ni obtenir les clés du véhicule pour effectuer mes taches.
Devant un tel comportement, j'ai l'honneur de vous demander de bien vouloir me préciser ma position vis-à-vis de mon contrat avec l'EURL PRESTATION MARIE. De même que j'ai le regret de vous informer que je ne puis être d'accord avec le paragraphe (a) du point (IV) de votre convention de rupture.
En effet j'ai été embauché par l'EURL PRESTATION MARIE le 1er septembre 2010 en qualité de coursier moyennant un salaire brut mensuel de 1. 343, 80 euros, à la date d'aujourd'hui, je compte une ancienneté d'environ quinze mois au sein de l'entreprise.
Tenant compte des dispositions des articles : L 1234-1, L 1234-5, L 1234-8, L 1234-11, L 3141-22 et suivants du Code du travail, si vous souhaitez vraiment que nous parlions de rupture conventionnelle ; sans oublier que j'ai quand même une famille, des obligations et des responsabilités à assumer, ma proposition dans le cadre d'une négociation serait la suivante : la rupture conventionnelle moyennant une indemnisation d'une somme de cinq mille cinq cent euros (5. 500, 00 ¿) éventuellement payable soit en une fois ou en trois fractions de mille huit cent trente-trois euros et trente-cinq centimes.
Je vous rappelle que l'ensemble de ces conditions devront être reprises sur la demande d'homologation de la convention de rupture adressée à la DDTEFP.
Vous souhaitant bonne réception, dans l'attente de vos explications veuillez agréer Monsieur le Gérant l'expression de mes sincères salutations »
Attendu que le salarié a entendu notamment, aux termes de ce courrier, refuser la proposition de rupture conventionnelle signée le 5 décembre 2011 par l'EURL PRESTATION MARIE et notamment discuter de l'indemnité spécifique de rupture conventionnelle prévue par l'article L. 1237-13 du code du travail ;
Que nonobstant la lettre recommandée de rétractation de l'employeur prévue par l'article susvisé, en matière de rupture conventionnelle, en date du 13 décembre 2011, reçue par M. X... le 15 décembre, ce dernier ne s'est plus présenté à son poste de travail, ainsi qu'en fait foi le constat d'huissier produit aux débats en date des 14 et 16 décembre 2011 ;
Que le salarié, dans son courrier sus relaté, reproche également à son employeur de l'avoir empêché d'accéder aux locaux de l'entreprise dès le 6 décembre 2011, de récupérer les clés du véhicule de la société et d'exécuter son contrat de travail et reconnait qu'il ne s'est plus présenté par la suite sur son lieu de travail.
Que dès lors, en l'état de la rétractation de la rupture conventionnelle, ce courrier de M. X... préfigurant la rupture de la relation de travail imputable à l'employeur, s'analyse en une prise d'acte de rupture ;
Attendu que lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison des faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission ;
Que le juge saisi de la légitimité d'une telle prise d'acte de rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur, doit examiner l'ensemble des griefs formulés par le salarié, fussent-ils développés postérieurement à ladite prise d'acte ;
Que le salarié invoque un manquement de l'employeur à ses obligations l'ayant empêché de poursuivre l'exécution de son travail, à savoir l'entrave par l'employeur à son lieu et outils de travail à compter du 6 décembre 2011, sans l'établir ; Qu'en outre, par lettre du 13 décembre 2011 reçue le 15 décembre par M. X..., ce dernier a été mis en demeure de reprendre son travail ; Que dès lors, les manquements que M. X... reproche à l'employeur ne sont pas établis alors qu'il résulte des pièces du dossier que le salarié ne remplissait pas ses obligations contractuelles et a abandonné son poste de travail ;
Que dès lors, il y a lieu de dire et juger que la prise d'acte de rupture doit avoir les effets d'une démission et qu'il convient en conséquence de débouter M. X... de ses demandes afférentes à un licenciement irrégulier et sans cause réelle et sérieuse, de même que de ses demandes en paiement d'indemnités de rupture.
Sur le salaire de décembre 2011
Attendu qu'il résulte des éléments du dossier qu'à partir du 1er décembre 2011, jour de l'entretien pour la rupture conventionnelle, M. X... n'a plus travaillé dans la société MARIE et a abandonné son poste de travail à compter du 15 décembre 2011 ; que dès lors, sa demande en paiement du mois de salaire de décembre a été justement rejetée, le salarié ne justifiant pas être resté à la disposition de son employeur durant la première quinzaine du mois ;
Sur le reliquat de congés payés
Attendu qu'il résulte du bulletin de paie d'octobre 2011 produit au dossier, que M. X... avait droit à 34, 50 jours de congés, qu'il a pris 28 jours de congé et qu'il lui est donc dû un reliquat de 6, 50 jours, représentant une somme de 341, 05 ¿ ;
Que l'employeur ne justifiant pas avoir réglé ce solde de congés payés à M. X..., l'EURL PRESTATION MARIE sera condamnée à lui payer ladite somme ;
Qu'aucune considération d'équité ne commande l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une quelconque des parties.
Que l'appelant conservera les dépens de la présente procédure à sa charge.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Déclare irrecevables les pièces et les conclusions déposées par l'appelant le 17 mars 2014.
Les écarte des débats.
Réforme le jugement déféré,
Statuant à nouveau,
Dit et juge que la rupture du contrat de travail s'analyse en une démission du salarié.
Condamne l'EURL PRESTATION MARIE à payer à Monsieur Jean-Claude X... la somme de 341, 05 ¿ à titre d'indemnité de congés payés,
Rejette toute autre demande.
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne Monsieur X... aux entiers dépens.