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06/07/2015 | FRANCE | N°12/01999

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, Chambre sociale, 06 juillet 2015, 12/01999


VF-FG

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRÊT No 192 DU SIX JUILLET DEUX MILLE QUINZE
AFFAIRE No : 12/ 01999
Décision déférée à la Cour : jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 25 octobre 2012- Section Commerce.
APPELANTE
SARL LA PALME D'OR, prise en la personne de son représentant légal, Monsieur Robert-Paul X..., gérant... 97110 POINTE A PITRE Représentée par Maître Jessyka CHOMEREAU-LAMOTTE, avocat au barreau de FORT-DE-FRANCE substituée par Maître Isabelle WERTER, avocat au barreau de la GUADELOUPE
INTIMÉE
Madame

Ingrid Y...... 60200 COMPIEGNE Représentée par Maître Céline MAYET (Toque 126) substitué...

VF-FG

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRÊT No 192 DU SIX JUILLET DEUX MILLE QUINZE
AFFAIRE No : 12/ 01999
Décision déférée à la Cour : jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 25 octobre 2012- Section Commerce.
APPELANTE
SARL LA PALME D'OR, prise en la personne de son représentant légal, Monsieur Robert-Paul X..., gérant... 97110 POINTE A PITRE Représentée par Maître Jessyka CHOMEREAU-LAMOTTE, avocat au barreau de FORT-DE-FRANCE substituée par Maître Isabelle WERTER, avocat au barreau de la GUADELOUPE
INTIMÉE
Madame Ingrid Y...... 60200 COMPIEGNE Représentée par Maître Céline MAYET (Toque 126) substituée par Maître LEGUERN, avocat au barreau de la GUADELOUPE

COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 4 mai 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Bernard Rousseau, président de chambre, président, Madame Marie-Josée Bolnet, conseiller, Madame Françoise Gaudin, conseiller, qui en ont délibéré.
Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 6 juillet 2015
GREFFIER Lors des débats : Madame Valérie Francillette, greffier.
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par Monsieur Bernard Rousseau, président de chambre, président, et par Madame Yolande Modeste, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Mme Ingrid Y... a été engagée par la SARL LA PALME D'OR selon contrat de travail à durée indéterminée en date du 2 novembre 2006 en qualité d'assistante de gestion, moyennant une rémunération mensuelle brute de 1. 511 ¿ ;
Elle s'est trouvée en arrêt de travail pour maladie à compter du 29 août 2008, puis en arrêt de travail suite accident du travail à compter du 27 septembre 2008.
La Caisse Générale de Sécurité Sociale a réceptionné la déclaration d'accident de travail établie par la salariée le 3 novembre 2008 et en l'absence de décision de la CGSS, le caractère professionnel de l'accident du travail a été reconnu en application des articles R. 441-10 et R. 441-14 du code de la sécurité sociale.

Le 9 avril 2010, Mme Y... passait la visite médicale de reprise et le Médecin du Travail rendait un avis en ces termes : « Inapte définitive à tous les postes dans l'entreprise. Procédure en un seul examen, en danger immédiat (article R. 4624-31 du code du travail) »
Mme Y... a saisi le conseil des prud'hommes de POINTE A PITRE, statuant en référé, en résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur, invoquant notamment du harcèlement moral à son encontre.
Par ordonnance en date du 13 décembre 2010, la juridiction des référés s'est déclarée incompétente et a renvoyé les parties à se pourvoir au fond.
Mme Y... a repris les mêmes demandes au fond devant le conseil des prud'hommes de POINTE A PITRE le 10 mars 2011.
Elle a été licenciée par lettre datée du 18 mars 2011 suite à son inaptitude physique définitive à son poste et impossibilité de reclassement.
Par jugement en date du 25 octobre 2012, la juridiction saisie a : constaté que Mme Ingrid Y... est inapte définitivement à tout poste dans l'entreprise, dit et jugé que la rupture du contrat de travail est intervenue aux torts de son employeur, condamné la SARL LA PALME D'OR à payer à Mme Ingrid Y... les sommes suivantes :
-18. 273, 75 ¿ au titre de salaires dus du jour de l'inaptitude jusqu'au jour du licenciement intervenu le 23 mars 2011,-13. 290 ¿ à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice professionnel né de la rupture abusive,-2. 229 ¿ à titre d'heures supplémentaires,-1 500, 00 ¿ à titre d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et a enjoint à l'employeur de délivrer des documents de rupture et bulletins de salaire en conséquence sous astreinte de 20 ¿ par jour de retard.
Selon déclaration au greffe en date du 27 novembre 2012, la SARL LA PALME D'OR a interjeté appel de ladite décision.
Par déclaration au greffe du 19 décembre 2012, Mme Y... a interjeté appel partiel du jugement.
Par acte d'huissier en date du 28 janvier 2014, Mme Y... a assigné la Caisse Générale de Sécurité Sociale de la Guadeloupe en intervention forcée dans le litige l'opposant à son employeur.
Aux termes de conclusions notifiées à la partie adverse en date du 9 septembre 2013, la SARL LA PLAME D'OR demande à la cour de : confirmer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté les accusations de harcèlement moral allégué et l'indemnisation en découlant, infirmer le jugement pour le surplus, dire qu'il n'y a pas lieu de statuer sur l'imputabilité de la rupture, ni à octroyer un dédommagement, en l'absence de préjudice professionnel, dire qu'il n'y a pas lieu de verser les salaires entre la déclaration d'inaptitude et le licenciement en raison du comportement fautif de Mme Y... qui a introduit une action en résiliation judiciaire ; dire que la preuve des heures supplémentaires n'est pas rapportée et qu'aucune somme ne saurait être allouée à ce titre ; débouter Mme Ingrid Y... de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, la condamner à payer à la société SARL LA PALME D'OR une somme de 3. 000 ¿ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,
Selon conclusions notifiées le 5 septembre 2014, Mme Y... demande la confirmation du jugement entrepris, sauf en ce qu'il a rejeté sa demande de réparation du préjudice moral pour harcèlement moral et sur le quantum des dommages et intérêts alloués pour rupture abusive, sollicitant à ces titres la condamnation de la SARL LA PLAME D'OR à lui payer les sommes suivantes :
-25. 000 ¿ à titre de dommages-intérêts pour agissements de harcèlement moral,-59. 805 ¿ à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice professionnel né de la rupture abusive,-4. 000 ¿ à titre d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La CGSS de la Guadeloupe a conclu le 5 mai 2014 confirmant la prise en charge de l'accident du travail, en application des articles R. 441-10 et R. 441-14 du code de la sécurité sociale.
MOTIFS
Sur la demande de résiliation judiciaire
Attendu que lorsqu'un salarié demande la résiliation en raison de faits qu'il reproche à son employeur et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d'autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat de travail était justifiée ; que c'est seulement dans le cas contraire qu'il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l'employeur.
Attendu qu'en l'espèce, la salariée a saisi la juridiction prud'homale, d'abord en référé en octobre 2010, puis au fond le 10 mars 2011 avant que son employeur lui notifie le 18 mars 2011 son licenciement suite à son inaptitude physique dûment constatée par la médecine du travail.
Que la salariée a fait valoir qu'elle a été victime d'un véritable harcèlement moral de la part de son employeur, ayant eu des répercussions sur son état de santé.
Attendu qu'aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Qu'aux termes de l'article L 1154-1 du code du travail, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L-l 152-1 à L-1152-3 et L-1153-1 à L-1153-4, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utile. Qu'il appartient donc à Mme Y... d'établir des faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral. Qu'à ce titre, Mme Y... expose qu'elle a souffert de troubles anxio-dépressifs consécutifs à un harcèlement moral du à des dépassements excessifs d'horaires de travail, des humiliations et remarques blessantes de la part du gérant de la société, lequel formulait à son égard des reproches injustifiées ;
Que la lecture de ses bulletins de salaire, confortés par les plannings précis et détaillés produits au dossier, démontre qu'elle effectuait régulièrement des heures supplémentaires, que par ailleurs, la salariée verse aux débats une attestation de M. Z... lequel confirme que Mme Y... travaillait un samedi sur deux dans la société et décrit la pression de l'employeur à l'égard de celle-ci ; Que la Sécurité sociale a reconnu le caractère professionnel du syndrome dépressif de Mme Y... en réaction à du harcèlement moral sur son lieu de travail ; Que les nombreux arrêts de travail et certificats médicaux faisant état d'un syndrome dépressif réactionnel ont donné lieu le 9 avril 2010 à un avis d'inaptitude totale à tous postes dans l'entreprise, selon un seul avis de la médecine du travail en raison de l'état de danger immédiat pour la santé de Mme Y... au cas où elle se maintiendrait à son poste de travail ; Que le médecin-inspecteur régional du travail a reconnu l'existence de ce syndrome induit par une situation de travail et l'inspectrice du travail a confirmé implicitement cette inaptitude professionnelle ; Que l'employeur ne saurait arguer du caractère nul de cet avis d'inaptitude, alors qu'il a formé un recours amiable puis hiérarchique à l'encontre de cette décision et que par décision du Ministre du travail en date du 1er décembre 2010, la décision de l'inspecteur du travail a été confirmée ; Qu'enfin, la sécurité sociale lui a alloué en réparation dudit accident du travail un taux d'incapacité permanente fixé à 15 % et une rente en conséquence ; Qu'il y a lieu de considérer l'existence de faits présumant l'existence d'un harcèlement moral tel qu'invoqué par Mme Y..., alors que l'employeur se contente de nier tout agissement de sa part en ce sens. Qu'il est établi après analyse de l'ensemble des faits invoqués par le salarié pris dans leur globalité, et des éléments produits par l'employeur, que l'état de santé de la salariée était en réaction à une situation éprouvante d'origine professionnelle et qu'il s'agit d'une inaptitude professionnelle ;
Qu'en outre, au regard de l'article L. 1226-11 du code du travail, « lorsqu'à l'issue du délai d'un mois à compter de la date de l'examen médical de reprise du travail, le salarié déclaré inapte n'est pas reclassé dans l'entreprise ou s'il n'est pas licencié, l'employeur lui verse dès l'expiration de ce délai, le salaire correspondant à l'emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail. Ces dispositions s'appliquent également en cas d'inaptitude à tout emploi dans l'entreprise constatée par le médecin du travail. »
Qu'en l'espèce, il est constant que la SARL LA PALME D'OR n'a pas repris le salaire à compter du 10 mai 2010 comme la loi le lui obligeait et il ne peut se retrancher derrière le fait que la salariée ait saisi la juridiction prud'homale pour solliciter la résiliation judiciaire de son contrat de travail. Qu'il s'en suit que l'existence d'une situation de harcèlement moral et la non reprise du paiement du salaire en l'absence de licenciement caractérisent des fautes de l'employeur suffisamment graves pour justifier le prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de travail à ses torts ;
Que le jugement entrepris sera réformé en ce sens.
Que ladite résiliation produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et la salariée ayant été licenciée ultérieurement, il y a lieu de fixer la date de ladite rupture à la date d'envoi de la lettre de licenciement, soit le 18 mars 2011.

Sur les conséquences indemnitaires
au titre de la rupture abusive
Attendu que la salariée a droit à une indemnité qui doit être fixée par application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail. Que compte tenu de son ancienneté (4 ans), de son âge (40 ans) et du fait qu'elle perçoit actuellement une pension d'invalidité annuelle, cette indemnité sera fixée à la somme de 10. 000 ¿.
au titre du préjudice moral consécutif au harcèlement moral
Attendu que Mme Y... estime avoir subi des agissements de harcèlement moral durant un an et demi et compte tenu des répercussions sur son état de santé telles que décrites dans les certificats médicaux, il y a lieu de condamner la SARL LA PALME D'OR à lui payer une somme de 5000 ¿ à titre de dommages et intérêts, réformant le jugement sur ce point ;
au titre des salaires
Attendu qu'en vertu de l'article L. 1226-11 du code du travail en matière de législation sur les accidents du travail applicable en l'espèce, c'est à juste titre que le jugement a dit que l'employeur devait reprendre le paiement du salaire à Mme Y... en l'absence de licenciement ;
Que cependant, la somme due à ce titre sur la période du 10 mai 2010 au 18 mars 2011 doit être ramenée à la somme de 16. 612, 50 ¿ ;
Sur les heures supplémentaires
Attendu qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié d'étayer sa demande par la production de tous éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur de répondre en fournissant ses propres éléments sur les horaires effectivement réalisés ;
Que Mme Y... produit au dossier un décompte précis des heures supplémentaires qu'elle a effectuées sur la période de son embauche au mois d'août 2008, des plannings, des mails professionnels et ses bulletins de salaire sur lesquels figurent des heures supplémentaires qui lui ont été réglées ;
Que l'employeur pour sa part ne justifie pas des horaires réalisés par sa salariée et ne peut se contenter de contester la véracité de ces éléments sans produire aucun élément contraire ;
Que dès lors, il y a lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a alloué à ce titre à Mme Y... une somme de 2. 229 ¿ ;

Attendu que partie perdante, l'employeur supportera les entiers dépens et sera condamnée à payer à la salariée une somme de 1. 500 ¿ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Réforme le jugement déféré,
Statuant à nouveau sur le tout, pour une meilleure compréhension du litige,
Condamne la SARL LA PALME D'OR à payer à Mme Ingrid Y... les sommes suivantes :
16. 612, 50 ¿ au titre de salaires dus en vertu de l'article L. 1226-11 du code du travail, 10. 000 ¿ à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice né de la rupture abusive,-2. 229 ¿ à titre d'heures supplémentaires, 5. 000 ¿ à titre de dommages et intérêt sen réparation du préjudice moral consécutif à du harcèlement moral, 1 500, 00 ¿ à titre d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Déboute les parties de leurs autres demandes.
Condamne la SARL LA PALME D'OR aux entiers dépens.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12/01999
Date de la décision : 06/07/2015
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2015-07-06;12.01999 ?
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