VF-BR
COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRÊT No 187 DU VINGT DEUX JUIN DEUX MILLE QUINZE
AFFAIRE No : 14/ 00538
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 27 février 2014- Section Commerce.
APPELANTE
SA WORLD SATELLITE GUADELOUPE Immeuble 601 Sud-Bureau no3 Angle rues Fulton et Forest 97122 BAIE-MAHAULT Représentée par Maître Jean MACCHI, avocat au barreau de Fort de France substitué par Maître KAMMERER, avocat au barreau de la Guadeloupe.
INTIMÉE
Mademoiselle Luana X...... 97170 PETIT BOURG Représentée par Maître Jérôme NIBERON de la SCP MORTON et ASSOCIES (Toque 104) substitué par Maître SZWARCBART, avocat au barreau de la Guadeloupe
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 avril 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Bernard Rousseau, président de chambre, et Madame Françoise Gaudin, conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Bernard Rousseau, président de chambre, président, Madame Françoise Gaudin, conseiller, Madame Marie-Josée Bolnet, conseiller,
Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 22 juin 2015.
GREFFIER Lors des débats : Madame Valérie Francillette, greffier.
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par Monsieur Bernard Rousseau, président de chambre, président, et par Madame Valérie Francillette, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
Faits et procédure :
Mme Luana X... a été engagée par la Société WORLD SATELLITE GUADELOUPE, ci-après désignée Société WSG, dans le cadre d'un contrat de professionnalisation pour la période du 8 décembre 2010 au 31 août 2012, en alternance avec des périodes de formation au sein de l'école ISCA dans le but de préparer un BTS Assistant Manager.
Le 28 juin 2011 Mme X... était victime de faits de harcèlement sexuel tant physique que verbal, par un agent commercial, M. Jean-Yves Z..., travaillant pour le compte de la Société WSG. Le 30 juin 2011, elle portait plainte pour ces faits à la gendarmerie.
Par courrier du 30 juin 2011, la directrice générale de la Société WSG notifiait à cet agent commercial, la résiliation de son contrat.
Le 11 juillet 2011, le médecin du travail, dans le cadre d'une visite périodique, établissait au sujet de Mme X..., un bon de visite dans lequel il mentionnait : " Pas de contre indication ".
Le 12 juillet 2011, l'employeur établissait une déclaration d'accident du travail pour les faits subis par Mme X....
Par lettre datée du 12 septembre 2011, mais remise au service administratif et financier de la Société WSG le 14 septembre 2011, Mme X... faisait savoir que pour des raisons personnelles, elle avait décidé de quitter le poste d'Assistante Manager qu'elle occupait au sein de l'établissement, tout en respectant un préavis d'un mois.
Cependant le 12 janvier 2012, Mme X... saisissait le conseil de prud'hommes de Pointe à Pitre aux fins d'obtenir de la Société WSG, le paiement d'indemnisations pour rupture du contrat de travail et harcèlement moral et sexuel.
Par jugement du 27 février 2014, la juridiction prud'homale requalifiait la rupture du contrat de professionnalisation de la salariée en une prise d'acte de rupture aux torts exclusifs de l'employeur produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et condamnait la Société WSG à payer à Mme X..., les sommes suivantes :-8 258, 47 euros au titre des salaires prévus jusqu'au terme du contrat de professionnalisation,-3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral et sexuel,-1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Il était en outre ordonné la remise sous astreinte de l'attestation Pôle Emploi conforme à la décision et les bulletins de paie.
Par déclaration adressée le 12 mars 2014 au greffe de la Cour, Mme X... interjetait appel de cette décision.
Par conclusions en date du 20 janvier 2015, auxquelles il a été fait référence à l'audience des débats, Mme X... sollicite la confirmation du jugement entrepris sauf à porter à 9 000 euros le montant des dommages et intérêts pour harcèlement moral et sexuel, à 2000 euros le montant de l'indemnité allouée au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et à ajouter une condamnation à payer la somme de 1 726, 10 euros à titre d'indemnité de congés payés.
Elle explique qu'à la suite de l'agression tant physique que verbale à connotation sexuelle, qu'elle a subie au sein de l'entreprise, la Société WSG aurait voulu minimiser les faits, allant jusqu'à lui reprocher d'avoir dénoncé les faits de harcèlement. Elle indique que d'épuisement elle aurait procédé à la rupture amiable de son contrat de travail en alternance.
Elle conteste les allégations de l'appelante, selon lesquelles elle nourrissait en réalité le projet de quitter la Société WSG pour partir en métropole.
Elle fait valoir par ailleurs que la Société WSG connaissait les difficultés que Monsieur Z... était en mesure de susciter dans ses rapports avec la gente féminine de l'entreprise, l'intéressé étant coutumier du fait, mais ses précédentes victimes n'auraient pas eu le courage de porter plainte.
Elle indique que ce sont bien les agissements subis, leur révélation et l'insistance de la Société WSG qui l'ont conduite à signer un document pré rempli portant prétendument rupture amiable d'un contrat de professionalisation.
Par conclusions notifiées à la partie adverse le 12 septembre 2014, auxquelles il a été fait référence à l'audience des débats, la Société WSG sollicite l'infirmation en toutes ses dispositions du jugement déféré, et réclame paiement de la somme de 2 500 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle entend voir juger que la relation de travail entre elle-même et Mme X..., a pris fin par la démission claire et non équivoque de la salariée, réceptionnée le 14 septembre 2011.
Motifs de la décision :
Sur les faits de harcèlements sexuel et moral :
Les faits de harcèlement sexuel reprochés à M. Z..., agent commercial travaillant pour le compte de la Société WSG, et décrits dans la plainte recueillie par la gendarmerie sont suffisamment établis, notamment parce qu'ils sont corroborés par un témoin, Mme Ketty A..., administratrice des ventes au sein de la Société WSG, qui fait état d'obscénités proférées par M. Z..., lequel a empoigné Mme X... par le bras, lui a pris son téléphone mobile, puis l'a tapée sur les fesses et tenue par le pantalon.
La cour constate qu'il s'agit d'un individu extérieur à la Société WSG et que l'employeur a pris rapidement les dispositions empêchant toute réitération des faits, en faisant savoir par une note de service en date du 29 juin 2011, que la direction avait pris la décision de refuser à M. Z... l'accès à tous ses locaux jusqu'à nouvel ordre, et en adressant dès le 30 juin 2011 une lettre recommandée à M. Z..., par laquelle il lui était notifié que son contrat d'agent commercial était résilié pour faute grave, sans indemnité, et qu'il devait remettre à l'entreprise, dans les meilleurs délais, l'ensemble des biens et documents à l'effigie de la Société WSG.
Contrairement à ce qu'allègue Mme X..., aucun des éléments des débats ne permet de penser que M. Z... était coutumier des faits, et que la Société WSG connaissait le comportement déplacé de celui-ci avec la gente féminine.
Compte tenu du fait que M. Z... n'était pas sous l'autorité de l'employeur, et que celui-ci a fait toutes diligences nécessaires pour empêcher toute réitération des faits, la responsabilité de ce dernier ne peut être recherchée pour les faits de harcèlement sexuel subis par Mme X....
Par ailleurs si dans un " récapitulatif des faits " figurant en pièce no 6 du dossier que Mme X... verse au débat, et qu'elle a rédigé elle-même, celle-ci impute à M. B..., nouvel administrateur des ventes à compter du 13 juillet 2011, des propos diffamatoires et dévalorisant à son sujet, qui auraient été proférés avec véhémence, aucun des éléments versés au débat ne vient étayer ces allégations.
En conséquence Mme X... doit être déboutée de sa demande de paiement de dommages et intérêts pour harcèlement moral et sexuel, dirigée contre la Société WSG.
Sur la rupture du contrat de travail :
Mme X... a signé un document dactylographié daté du 12 septembre 2011, intitulé " Rupture à l'amiable de contrat de travail en alternance ", reçu par la direction de la Société WSG le 14 septembre 2011, dans lequel Mme X... fait savoir que pour des raisons personnelles, elle a décidé de quitter le poste d'Assistante Manager qu'elle occupe au sein de la Société WSG, que compte tenu du délai de préavis d'un mois prévu par la convention collective, elle quittera l'établissement le 7 octobre 2011 au soir, et qu'elle entend voir préparer pour cette date, le solde de son compte, son certificat de travail et une attestation précisant la date de départ et le nombre de congés payés.
La cour constate que dans ce courrier Mme X... ne fait état d'aucun grief à l'encontre de son employeur, qu'elle invoque des raisons personnelles, qu'un délai de deux mois et demi sépare l'agression sexuelle qu'elle a subie, de sa lettre de démission, et que pendant ce délai, aucun document médical ne fait état de perturbations psychologiques affectant Mme X..., ni d'un quelconque traitement médical.
Par ailleurs il ressort d'une succession de courriels entre Mme X..., Mme Emilie D..., responsable administrative et financière de la Société WSG et Mme Nathalie E..., responsable des ressources humaines de ladite Société WSG, que dès le 10 juin 2011, soit avant l'agression subie, la salariée sollicitait en entretien avec sa supérieure hiérarchique afin d'évoquer sa " situation au sein de l'entreprise ", et plus précisément " son souhait de quitter l'école ".
Dans son attestation, Mme Nathalie E... confirme l'objet de l'entretien sollicité par Mme X..., et précise qu'elle était présente lors de l'entretien téléphonique entre la salariée et " l'Ecole de la 2 ème chance ", courant juin 2011, au cours duquel a été exposé le projet de réorientation de Mme X..., vers une carrière artistique, l'inscription de celle-ci pour des auditions à New York et en France métropolitaine à une émission X FACTOR, étant envisagée.
Par ailleurs dans un courriel du 13 juillet 2011, Mme Karine F..., chargée des Relations Entreprises de l'Ecole ISCA, confirmait à la responsable administrative et financière de la Société WSG, les absences de Mme X... pendant la période de mai et juin 2011. Une attestation émanant de cette établissement d'enseignement précisait que Mme X... n'avait pas suivi, dans le cadre de son contrat de professionnalisation, les périodes de cours du 9 au 13 mai 2011 et du 20 juin au 1er juillet 2011.
Il n'est nullement mentionné par cet institut, comme le prétend Mme X..., que les cours aient été annulés au cours de ces périodes.
Enfin interrogée par la direction de la Société WSG afin de savoir si Mme X..., avait continué sa scolarité à l'institut ISCEA, la personne chargée des Relations Entreprises au sein de cet établissement répondait qu'il avait été délivré à l'intéressée une attestation de fin de 1ère année car elle souhaitait partir poursuivre sa formation en France métropolitaine, ce qui confirme le souhait d'une réorientation de formation exprimé par Mme X... dès avant l'agression subie.
Il résulte de l'ensemble de ces constatations, qu'il est suffisamment établi que le souhait de Mme X..., d'abandonner sa formation d'assistante manager, avait été exprimé bien avant l'agression subie le 28 juin 2011, et que la démission de la salariée était motivée par son projet de réorientation de formation, aucun lien ne pouvant être établi entre cette démission et les harcèlements dénoncés, compte tenu du délai écoulé entre l'agression et la rupture du contrat de professionnalisation, de l'absence d'élément permettant de corroborer les allégations de harcèlement moral postérieurement à l'agression sexuelle, et de l'absence de constatation médicale portant sur des perturbations graves et prolongées chez l'intéressée.
En conséquence la démission de Mme X... ne peut être requalifiée en prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur ; elle sera donc déboutée de ses demandes de paiement de salaires, de congés payés et de remise de documents rectifiés.
L'équité n'implique pas qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ces motifs,
La Cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Infirme le jugement déféré,
Et statuant à nouveau,
Déboute Mme X... de l'ensemble de ses demandes,
Dit que les entiers dépens sont à la charge de Mme X...,
Déboute les parties de toutes conclusions plus amples ou contraires,