La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/04/2015 | FRANCE | N°14/00212

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, Chambre sociale, 13 avril 2015, 14/00212


COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT No 83 DU TREIZE AVRIL DEUX MILLE QUINZE
AFFAIRE No : 14/00212
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 24 janvier 2014- Section Commerce.
APPELANTS ET INTIMÉS
Monsieur Joël X...... 97111 MORNE À L'EAU Comparant en personne Assisté de Maître Karine LINON (Toque 70), avocat au barreau de la GUADELOUPE (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2014/ 001587 du 15/ 09/ 2014 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BASSE-TERRE)

SARL EMOUNAH

" TONTON DECO " 3, Bld de Houelbourg-ZI JARRY 97122 BAIE-MAHAULT Représentée par Maîtr...

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT No 83 DU TREIZE AVRIL DEUX MILLE QUINZE
AFFAIRE No : 14/00212
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 24 janvier 2014- Section Commerce.
APPELANTS ET INTIMÉS
Monsieur Joël X...... 97111 MORNE À L'EAU Comparant en personne Assisté de Maître Karine LINON (Toque 70), avocat au barreau de la GUADELOUPE (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2014/ 001587 du 15/ 09/ 2014 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BASSE-TERRE)

SARL EMOUNAH " TONTON DECO " 3, Bld de Houelbourg-ZI JARRY 97122 BAIE-MAHAULT Représentée par Maître Isabelle WERTER-FILLOIS (Toque 8), avocat au barreau de la GUADELOUPE

COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 février 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Bernard Rousseau, président de chambre, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Bernard Rousseau, président de chambre, président, Madame Marie-Josée Bolnet, conseiller, Madame Françoise Gaudin, conseiller.

Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 13 avril 2015.
GREFFIER Lors des débats : Madame Valérie Francillette, greffier.
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par Monsieur Bernard Rousseau, président de chambre, président, et par Madame Yolande Modeste, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

Faits et procédure :
M. Joël X... a été embauché par contrat de travail à durée indéterminée en qualité de vendeur par la Société EMOUNAH à compter du 1er juillet 1999.
Par un courrier du 16 janvier 2012, l'employeur proposait à M. X... une modification de ses horaires de travail dans le cadre des dispositions de l'article L. 1222-6 du code du travail, avec effet au 30 janvier 2012, l'intéressé disposant cependant d'un délai d'un mois à compter de la réception du courrier pour faire connaître son acceptation ou son refus.
Par courrier du 21 janvier 2012, M. X... faisait savoir à son employeur, que compte-tenu de ses contraintes familiales, il ne pouvait accepter en pleine année scolaire le changement d'horaire proposé.
Par courrier de même date, M. X... sollicitait le paiement d'heures supplémentaires réalisées depuis janvier 2001, ainsi que le paiement des jours d'absence non justifiée figurant sur ses fiches de paye, si ce n'est par la fermeture du magasin en raison de fêtes juives.
Par courrier du 23 février 2012, l'employeur, faisant état des raisons pour lesquelles il était procédé à une restructuration de l'entreprise passant par la réorganisation du dépôt et du service vendeur-manutentionnaire, demandait à M. X... de reconsidérer sa position et de faire connaître sa réponse définitive avant le 20 mars suivant, indiquant que si l'intéressé persistait dans son refus il serait contraint d'engager à son encontre une procédure de licenciement.
Par courrier du 26 mars 2012, M. X... informait le directeur de l'entreprise qu'il présentait sa candidature au poste de délégué du personnel, faisant état d'élections devant « bientôt avoir lieu ». Ce courrier posté le 30 mars 2012, était réceptionné par l'employeur le 2 avril 2012.
Entre-temps, par courrier du 30 mars 2012, l'employeur convoquait M. X... à un entretien préalable fixé au 17 avril 2012, en vue de son licenciement.
Le 4 avril 2012, l'employeur saisissait le tribunal d'instance de Pointe-à-Pitre aux fins de contester la candidature de M. X... aux élections de délégués du personnel.
Dans un courrier du 15 mai 2012, reçu le 18 mai 2012 par l'employeur, M. X... réclamait le récépissé de son bulletin d'acceptation du contrat de sécurisation professionnelle qui lui avait été proposé lors de l'entretien du 17 avril 2012, précisant qu'il avait accepté cette proposition le 7 mai 2012 et qu'il lui avait été fait savoir que tous ses papiers lui seraient envoyés en recommandé au plus vite, la responsable du magasin, Mme Y..., lui ayant confirmé que son dernier jour de travail était le 9 mai et qu'il n'avait plus à se présenter au magasin, cette dernière récupérant son badge de pointage après son dernier pointage le 9 mai 2012 à 17heures.
Par courrier du 22 mai 2012, l'employeur rappelant à M. X... que s'il avait été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement, il n'avait fait l'objet d'aucune notification de rupture de son contrat travail et qu'il était toujours salarié de l'entreprise. Dans ce courrier il était indiqué que dans la mesure où il avait fait acte de candidature à des élections de délégués du personnel, lesquelles devaient avoir lieu en juin 2013, le tribunal d'instance avait été saisi pour qu'il soit statué sur la régularité de cette candidature et sur le sort de la protection dont le salarié bénéficiait. L'employeur précisait qu'il ne pouvait en aucun cas satisfaire la demande de délivrance de récépissé de l'acceptation du contrat de sécurisation professionnelle, avant que le tribunal d'instance ne statue. Il contestait le fait que Mme Y... ait indiqué que son dernier jour de travail était le 9 mai et que ses papiers seraient adressés par courrier recommandé avec avis de réception, soutenant qu'au contraire c'était le salarié qui avait crié haut et fort qu'il ne reviendrait plus après le 9 mai et qui avait rendu son badge. Constatant que depuis le 9 mai M. X... était en absence injustifiée, l'employeur le mettait en demeure d'avoir à reprendre son poste de travail ou de justifier des motifs de son absence.

Par courrier du 1er juin 2012, M. X... contestait la version de l'employeur.
Par jugement du 27 juillet 2012 le tribunal d'instance de Pointe-à-Pitre annulait la candidature de M. X... aux élections des délégués du personnel.
Par courrier recommandé avec avis de réception, en date du 23 août 2012, la Société EMOUNAH convoquait à nouveau M. X... à un entretien préalable fixé au 3 septembre 2012 en vue de son licenciement.
Dans un courrier en réponse du 29 août 2012, M. X... rappelait que son contrat de travail était rompu en raison de l'acceptation du contrat de sécurisation professionnelle et réclamait la remise des documents de fin de contrat à savoir la lettre de licenciement, son certificat travail, son reçu de solde de tout compte et son attestation ASSEDIC.
Dès le 7 septembre 2012 M. X... saisissait le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre aux fins d'obtenir paiement de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat travail, ainsi que diverses indemnités de fin de contrat.
Par courrier recommandé avec avis de réception, en date du 28 septembre 2012, l'employeur notifiait à M. X... son licenciement pour motif économique.
Par ordonnance du 6 novembre 2012, le bureau de conciliation de la juridiction prud'homale ordonnait à la Société EMOUNAH de payer à M. X... une provision de 10 986, 66 euros correspondant " aux congés payés, au préavis et aux indemnité de licenciement ", payable en quatre versements égaux d'un montant chacun de 2746, 66 euros aux échéances des 15 novembre 2012, 15 décembre 2012, 4 janvier 2013, et 15 février 2013. Il est a en outre ordonné la remise de l'attestation Pôle Emploi du certificat de travail et des fiches de paye de la période concernée sous astreinte de 50 ¿ par jour de retard à compter de la notification de la décision.
Par jugement du 24 janvier 2014, le bureau de jugement de la juridiction prud'homale disait que la rupture du contrat travail de M. X... était intervenue par lettre de licenciement en date du 28 septembre 2012 et que ce licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse. La Société EMOUNAH était condamnée à payer à M. X... les sommes suivantes :-6606, 72 euros à titre de rappel de salaires pour la période de mai 2012 à août 2012,-13 213, 44 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,-6606, 72 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,-1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Il était ordonné la déduction de la somme de 7072 euros correspondant au préavis déjà versé par l'employeur à Pôle Emploi.

Par déclaration du 5 février 2014, la Société EMOUNAH interjetait appel de cette décision.
Par déclaration du 17 février 2014, M. X... interjetait également appel de cette décision.
Les deux appels étaient joints dans la même instance.
****
A l'audience des débats du lundi 23 février 2015, le conseil de la Société EMOUNAH a remis à la Cour des conclusions datées du 22 février 2015. Compte tenu de cette communication tardive, qui n'a pu permettre à la partie adverse d'être en mesure de discuter ces nouvelles écritures, celles-ci sont écartées des débats, la Cour se référant aux précédentes écritures de la Société EMOUNAH en date du 10 septembre 2014.
Dans ses conclusions écrites du 10 septembre 2014, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, la Société EMOUNAH sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a débouté M. X... de sa demande au titre des heures supplémentaires et de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement abusif et vexatoire et de sa demande d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé. Elle sollicite l'infirmation dudit jugement pour le surplus et entend voir juger que le licenciement de M. X... repose sur une cause réelle et sérieuse, résultant de son refus de modification de son contrat de travail, la procédure de licenciement pour motif économique étant applicable en l'espèce.
Elle sollicite en conséquence le rejet de la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Elle soutient que M. X... a fait l'objet d'une seule procédure de licenciement après avoir constaté que la saisine du tribunal d'instance suspendait nécessairement la procédure de licenciement.
Elle conclut au rejet des demandes formées au titre de l'indemnité de préavis et de l'indemnité de licenciement, elle entend voir ordonner la restitution du montant du préavis indûment perçu, soit 7072 ¿, cette somme revenant à Pôle Emploi, M. X... ayant accepté et revendiqué l'acceptation du contrat de sécurisation professionnelle.
****
Par conclusions régulièrement notifiées à la partie adverse le 16 septembre 2014, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, M. X... entend voir juger que la rupture du contrat travail est intervenue le 9 mai 2012 par acceptation du contrat de sécurisation professionnelle. Il demande confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a constaté l'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement et qu'il soit jugé que celui-ci est abusif et vexatoire. Il sollicite paiement des sommes suivantes :-4312, 36 euros au titre de la prime d'ancienneté de 2008 à 2012,-6026, 66 euros au titre des heures supplémentaires pour les années 2008 et 2009,-13 213, 44 euros à titre d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,-7469, 73 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,-7539, 16 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,-2425, 16 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés pour l'année 2012,-1207, 73 euros au titre de la prime de 13e mois,-207, 60 euros à titre de remboursement de la mutuelle,-29 878, 92 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,-29 878, 92 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif,-2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Il admet la déduction de la somme de 13 213, 44 euros qui lui a été allouée par le bureau de conciliation le 6 novembre 2012, et qui lui a été versée.

****
Motifs de la décision :
Sur la rupture du contrat de travail :
Il résulte des éléments de l'espèce tels qu'exposés ci-avant, qu'à la suite du refus par M. X... de la modification de ses horaires de travail, une procédure de licenciement pour motif économique a été engagée par la Société EMOUNAH le 30 mars 2012, par l'envoi, par lettre recommandée, d'une convocation à un entretien préalable au licenciement fixé au 17 avril 2012, la date d'envoi de cette convocation étant établie par l'attestation de dépôt délivrée par les services de la Poste.
La déclaration de candidature aux élections de délégués du personnel, datée du 26 mars 2012, a été adressée le 30 mars, selon le cachet de la poste figurant sur l'enveloppe du courrier adressé à l'employeur, et n'a été réceptionnée par celui-ci que le 2 avril 2012, selon mention des services de la Poste portée sur l'envoi recommandé.
Ainsi la procédure de licenciement a été engagée avant que l'employeur ait eu connaissance de la candidature de M. X..., et rien ne laissait présager l'imminence d'une telle candidature. Il en résulte que le salarié ne bénéficiait pas, pour la procédure de licenciement déjà engagée, du statut protecteur conféré par les dispositions de l'article L. 2411-7 du code du travail.
S'il a bien été remis à M. X..., lors de l'entretien préalable fixé au 17 avril 2012, les documents relatifs au contrat de sécurisation professionnelle, dont le délai d'acceptation devait expirer le 9 mai 2012, la cour relève que dès son courrier du 23 février 2012 portant réitération de la proposition de modification d'horaires, reçu par le salarié le 24 février 2012, la Société EMOUNAH a explicité le motif économique l'ayant conduite à modifier les horaires de travail de M. X.... En effet dans ce courrier elle explique qu'il s'agit d'une modification permettant d'assurer un meilleur service au client entraînant une restructuration passant par la réorganisation du dépôt et du service vendeur-manutentionnaire.
La Société EMOUNAH précise dans son courrier que la mise en oeuvre de cette nouvelle organisation est indispensable au bon fonctionnement de l'entreprise, son secteur d'activité étant fortement concurrencé par des entreprises nouvelles sur la place et dynamiques, ces dernières disposant d'une amplitude journalière de livraison supérieure à la sienne.
Il s'agit donc d'une modification d'horaires permettant de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise par rapport aux sociétés concurrentes.
En conséquence le salarié a été informé, avant son acceptation du contrat de sécurisation professionnelle, du motif économique invoqué par l'employeur pour proposer la modification de ses horaires de travail.
Il s'en déduit que la rupture du contrat de travail a pris effet au 7 mai 2012, date de l'acceptation de la proposition du contrat de professionnalisation par M. X.... Bien qu'il n'ait pas été délivré à celui-ci, malgré sa demande, de récépissé d'acceptation, il est incontestable que celui-ci a déposé son bulletin d'adhésion au contrat sécurisation professionnelle, le 7 mai 2012 auprès de la comptable de l'entreprise, Mme Charlise Z..., celle-ci en attestant (pièce no30 de la Société EMOUNAH).
Il sera donc fait droit à la demande de M. X... tendant à voir juger que la rupture du contrat de travail est intervenue le 7 mai 2012 par acceptation du contrat de sécurisation professionnelle.
Si le motif économique invoqué par l'employeur est suffisamment établi puisque la modification des horaires de travail s'inscrit dans la réorganisation de l'entreprise, permettant à celle-ci d'aligner l'amplitude journalière de ses livraisons, sur celle des entreprises concurrentes, les horaires de l'emploi de vendeur devant nécessairement être adaptés à la modification de l'amplitude journalière de livraison.
Toutefois la proposition de modification de contrat de travail pour motif économique, que peut refuser le salarié, ne dispense pas l'employeur de l'obligation de reclassement qui lui incombe lorsqu'il envisage de prononcer le licenciement pour motif économique du salarié concerné. Par ailleurs l'adhésion au contrat de sécurisation professionnelle ne prive pas le salarié de la possibilité d'invoquer le non-respect par l'employeur de son obligation de reclassement.
M. X... fait valoir que M. Richard A... est à la tête de deux sociétés ayant quasiment la même activité, lesquelles sont actionnaires d'une holding, la SARL COFAIN'CO, dont M. A... est aussi le gérant, et reproche à son employeur l'absence de proposition de reclassement, aucune recherche de reclassement n'ayant d'ailleurs été effectuée.
Il ressort des extraits K bis du registre du commerce et des sociétés, produits au débats, qu'effectivement M. A... dirige non seulement la Société EMOUNAH, qui a son siège ZI de Jarry-boulevard du Marquisat de Houelbourg-97122 Baie Mahault, et qui a pour activité la vente, la confection et la pose de rideaux, ainsi que la vente, la confection et la pose de moquettes et de papiers peints, et qui exploite un établissement complémentaire situé 5 rue Henri Becquerel-ZI de Jarry697122 Baie Mahault, mais aussi une société SOGUADECO qui a pour activité le commerce de détail de tapis, moquette et revêtements de murs et de sols en magasin spécialisé, ayant son siège boulevard Marquisat de Houelbourg, voie No3- ZI de Jarry-97122 Baie Mahault, et qui dispose d'un établissement secondaire en Martinique, au Lamentin (, ZI des Mangles Acajou-Immeuble Paradis 2 no18. 97232.
La cour constate que l'employeur ne justifie pas d'une proposition de reclassement à la suite de sa proposition de modification d'horaire, ni d'aucune recherche de reclassement au sein de l'entreprise, ni dans aucun établissement du groupe dirigé par la holding CONFAIN'CO, étant observé que si les modifications d'horaires ont visé 5 salariés, dont certains étaient qualifiés de " vendeur manutentionnaire ", bien que cette dénomination ne corresponde à aucun emploi-repère de la convention collective, et qu'elle ne figure pas dans le contrat de travail de M. X..., un autre poste de vendeuse, celui de Mme Ketty B..., n'a pas été affecté par la modification d'horaire (cf. planning du personne figurant en pièce no 16 de M. X...).
L'employeur ne justifiant pas s'être trouvé dans l'impossibilité de procéder au reclassement de M. X..., la procédure de licenciement pour motif économique diligenté à l'encontre de celui-ci est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
M. X... ne justifiant pas de la durée du chômage qu'il a pu subir à la suite de la rupture du contrat de travail, il lui sera alloué l'indemnité minimale prévue par l'article L. 1235-3 du code du travail, à savoir la somme de 13 213, 44 euros correspondant à 6 mois de salaire.
Dans la mesure où l'employeur a explicité les motifs qui l'ont conduit à modifier les horaires de travail de M. X..., en réitérant sa proposition de modification et en allongeant le délai d'acceptation laissé au salarié, il ne peut être considéré que le licenciement ait un caractère brutal et vexatoire. Par ailleurs la poursuite, par l'employeur, de la procédure de licenciement, postérieurement à l'annulation de la candidature de M. X... aux élections de délégué du personnel, procède d'une erreur d'appréciation quant aux effets de ladite candidature, déclarée postérieurement à l'engagement de la procédure de licenciement, et n'a pu causé au salarié aucun préjudice puisque son contrat de travail était déjà rompu dès le 7 mai 2012 par l'effet de son adhésion au contrat de sécurisation professionnelle. M. X... doit donc être débouté de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement abusif.
Sur les demandes de rappels de rémunération :
M. X... entend obtenir un rappel de prime d'ancienneté au motif que son employeur n'a pas tenu compte de la prime de transport qui devrait, selon lui, être prise en compte dans le salaire servant de base de calcul à la prime d'ancienneté.
Selon l'article 32 de la convention collective nationale du négoce de l'ameublement du 31 mai 1995, applicable aux départements d'outre-mer, invoqué par M. X..., la prime d'ancienneté qui s'ajoute au salaire réel de l'intéressé, est calculée selon un pourcentage progressant selon l'ancienneté du salarié. Ce texte précise que ce pourcentage s'applique au salaire minimum conventionnel.
Il convient donc de définir le salaire minimum conventionnel applicable à l'emploi de M. X....
Il résulte des annexes A, B, C, D, E et F de la convention collective nationale du négoce de l'ameublement, que l'emploi de vendeur peut être classé dans les groupes 2, 3 et 4 définis à ladite convention, et qu'en l'espèce, M. X..., compte tenu des éléments fournis aux débats, ne peut revendiquer qu'un classement en groupe 2, les groupes 3 et 4 étant du niveau bac, et requérant " soit une double qualification, soit une qualification permettant d'effectuer des opérations qui dépassent le strict contexte du métier " (groupe 3), ou requérant " une qualification impliquant la connaissance d'une technique et/ ou impliquant la maîtrise de plusieurs techniques " (groupe 4). M. X... ne justifie pas satisfaire aux critères d'accès aux groupes 3 et 4.
Même si on peut considérer que M. X... peut prétendre au niveau de rémunération le plus élevé du groupe 2 (il s'agit du niveau 3) compte tenu de l'expérience acquise en raison de son ancienneté, le salaire minimum conventionnel applicable à sa classification était fixé aux montants suivants, selon les accords successifs sur les salaires :-1310 euros à compter du 18/ 01/ 2008,-1340 euros à compter du 01/ 03/ 2009,-1373 euros à compter du 18/ 02/ 2010,-1423 euros à compter du 02/ 110/ 2011.

La cour constate qu'il résulte des bulletins de salaires versés aux débats par M. X..., que l'employeur, en 2008, lui versait une prime d'ancienneté calculée au taux conventionnel, sur la base d'un salaire brut de 1600 euros, c'est-à-dire bien supérieur au salaire minimum conventionnel à partir duquel la prime d'ancienneté devait être calculée selon les dispositions de l'article 32 de la convention collective.
Il en résulte que la demande de rappel de prime d'ancienneté formée par M. X..., sur la base d'un calcul incluant le salaire brut qui lui était alloué ainsi qu'une prime de transport, est mal fondée.
M. X... sollicite le paiement de la somme de6026, 66 euros au titre d'heures supplémentaires effectuées en 2008 et jusqu'en juin 2009.
Il invoque pour ce faire un courriel du directeur de la société adressé à son comptable le 31 mars 2009, selon lequel la semaine de 35 heures de travail n'aurait pas été mise en place à cette date.
Dans ce courriel adressé au comptable de la société, le directeur s'exprime de la façon suivante : " On ne met pas les 35h en place jusqu'à mon retour ou nous aurons une bonne explication d'abord entre nous et moi ensuite avec le personnel. Je pense arriver ver le 23/ 24 AVRIL. A + RICHARD A... "

Il ressort de ce message, que contrairement à ce qui apparaît sur les bulletins de paie délivrés par la société pour l'année 2008 et 2009, sur lesquels il est mentionné un horaire de travail mensuel de 151, 67 heures, correspondant à 35 heures hebdomadaire, les salariés continuaient à travailler au delà de cet horaire.
Ainsi sont démenties les allégations de l'employeur, figurant dans son courrier du 23 février 2012, selon lesquelles depuis 2008, les salariés travaillaient 35 heures payées 39 heures, à la suite de la dénonciation d'une convention relative à la réduction du temps de travail, qui aurait prévu qu'en contrepartie d'un maintien du temps de travail à 39 heures, il était accordé à l'ensemble des salariés une 6 ème semaine de congés payés.
Tant le courriel sus évoqué, que les plannings horaires établis à compter du 1er juin 2009 et versés aux débats, montrent que la durée hebdomadaire de travail n'a été ramenée à 35 heures qu'à compter de cette date.
En conséquence, est fondée en son principe la demande de paiement d'heures supplémentaires formée par M. X..., en s'appuyant sur des tableaux faisant ressortir un décompte précis des heures supplémentaires qu'il a effectuées au cours de certaines semaines pendant l'année 2008 et le premier semestre 2009.
Toutefois cette demande sera limitée à la période de janvier 2008 à mai 2009, puisque les horaires de travail ont été ramenés à 35 heures par semaine à compter du 1er juin2009.
Par ailleurs la rémunération des heures supplémentaires ne peut être calculée qu'en fonction du taux horaire majoré et non en incluant dans la base de calcul les primes de transport et d'ancienneté comme le fait le salarié.
Ainsi compte tenu des taux horaires successifs pratiqués et de la majoration pour heures supplémentaires, il est dû au total, pour la période considérée, pour un total de 266 heures, la somme de 3511, 17 euros.
La dissimulation d'heures supplémentaires pendant près d'une année et demi, caractérise l'intention de l'employeur de se soustraire à ses obligations en la matière, et tombe sous la sanction des dispositions des articles L. 8221-3 et L. 8223-1 du code du travail, ouvrant doit au salarié au paiement d'une indemnité forfaitaire pour travail dissimulé équivalente à six mois de salaire, soit en l'espèce 13 213, 44 euros..
Sur les demandes de paiement d'indemnités de fin de contrat :
M. X... sollicite le paiement d'une indemnité compensatrice de préavis d'un montant de 7469, 73 euros, représentant trois mois de salaire.
Il existe en effet un usage dans le ressort du Conseil de Prud'hommes de Pointe-à-Pitre, selon lequel après un an d'ancienneté la durée du préavis dans le commerce et les services est de 3 mois, cet usage ayant été consacré par la convention collective régionale du commerce et des services de la Guadeloupe en date du 25 mai 1982, en particulier par son article 37 et son annexe 1, preuve qu'il s'agit d'un usage constant admis par les partenaires sociaux.
Toutefois l'indemnité compensatrice de préavis doit être fixée en fonction du montant de la rémunération que le salarié aurait perçu s'il avait continué à travailler pendant le préavis. Tant l'examen des derniers bulletins de salaire de M. X..., que l'examen des mentions figurant sur l'attestation Pôle Emploi, montrent que le salaire brut mensuel auquel aurait pu prétendre l'intéressé est bien inférieur au montant de 2489, 91 euros.
Au demeurant, dans son courrier du 11 décembre 2012, Pôle Emploi demande à la Société EMOUNAH de lui verser, en application des dispositions de l'article L. 1233-66 du code du travail, la somme de 7072 euros, correspondant à sa contribution fixée à trois mois de salaires bruts, dans la mesure où M. X... a adhéré au Contrat de Sécurisation Professionnelle.
Il résulte des dispositions de l'article L. 1233-67 du code du travail, que le salarié ne peut avoir droit qu'au solde de l'indemnité de préavis après défalcation de la contribution de l'employeur représentative de l'indemnité de préavis, telle que prévue par l'article L. 1233-68- 10o du même code.
En l'espèce, la Société EMOUNAH ayant été redevable à l'égard de Pôle Emploi de la somme de 7072 euros correspondant à trois mois de salaire et représentative de l'indemnité de préavis, elle n'est pas tenue de faire droit à la demande de M. X... portant sur le versement de l'indemnité compensatrice de préavis.
Cette indemnité ayant été allouée à tort à M. X... par le bureau de conciliation, la Société EMOUNAH est fondée à en demander la restitution, ou du moins à en défalquer le montant sur les sommes dont elle est redevable, comme il sera mentionné dans le dispositif du présent arrêt.
Pour la détermination de l'indemnité légale de licenciement, il ne peut être tenu compte de la régularisation du montant de la prime d'ancienneté, la demande de régularisation de cette prime n'étant pas fondée, comme exposé ci-avant.
En conséquence, et sur la base des tableaux récapitulatifs des rémunérations brutes versées, figurant en page 41 des conclusions du salarié, le calcul de l'indemnité de licenciement par application des dispositions des articles L. 1234-9 et R. 1234-1 à R. 1234-4 du code du travail, montre que la fixation de ladite indemnité par son employeur à la somme de 7029, 87 euros telle que figurant sur le bulletin de salaire délivré au titre du mois d'octobre 2012, est de nature à remplir M. X... de ses droits au titre de ladite indemnité.
De même l'indemnité compensatrice de congés payés fixée à 1592, 92 euros sur le même bulletin de salaire, au titre de 21, 5 jours de congés payés restant à prendre, est de nature à remplir M. X... de ses droits, celui-ci ne justifiant pas avoir droit à d'autres jours de congés payés.
Le fractionnement de 13 jours de congés payés, en raison de la fermeture de l'établissement par l'employeur, ayant été effectué avec l'accord donné au cours de la réunion du 8 février 2011 des délégués du personnel, comme le montre l'attestation en date du 8 avril 2011 du délégué du personnel, M. D..., ne peut donner lieu à paiement de 13 jours de congés supplémentaires.
M. X... entend réclamer une prime de 13 ème mois d'un montant de 1207, 73 euros au titre des 5 premiers mois de travail de l'année 2012. Toutefois il ne peut être tenu compte dans la base de calcul de cette prime, de l'indemnité compensatrice de préavis, laquelle, selon les dispositions des articles L. 1233-67 et L. 1233-68 du code du travail, n'est pas due au salarié, mais dont un montant équivalent doit être versé à Pôle Emploi.
En conséquence selon le tableau des rémunérations brutes perçues en 2012, telles qu'elles ressortent du tableau établi par le salarié lui-même en page 44 de ses conclusions, à savoir 7203, 86 euros au total pour 4 mois et 9 jours de travail, soit une moyenne mensuelle de 1675, 32 euros, la prime de 13 ème calculé prorata temporis en fonction de la durée de la période travaillée au cours de l'année 2012, ne saurait dépasser le montant de 902, 34 euros tel que fixé par l'employeur lui-même dans le bulletin de salaire qu'il a établi au titre du mois d'octobre 2012.

Il ressort de ce même bulletin que l'employeur a entendu retenir la somme de 125, 47 euros au titre de la participation à la mutuelle du salarié pour la période de juin à septembre. Toutefois le contrat de travail ayant été rompu le 9 mai 2012, il ne peut y avoir de retenue pour participation à la mutuelle pour une période postérieure.
En tout état de cause il y a lieu de relevé que le bulletin de paie délivré par la Société EMOUNAH au titre du mois d'octobre 2012, portant sur un montant de 10 055, 55 euros, correspond au montant du reçu pour solde de tout compte que ladite société a établi le 14 novembre 2012, et réglé en exécution de la décision du bureau de conciliation du 6 novembre 2012, comme mentionné dans ledit reçu, étant relevé que si cette décision portait sur un montant de 10 986, 66 euros, elle prenait en compte des montants complètement différents de ceux alloués par le présent arrêt, à savoir : 1920 euros pour l'indemnité de congés payés, 4800 euros pour l'indemnité de préavis et 4266, 66 euros pour l'indemnité légale de licenciement.
Ainsi la somme versée par la Société EMOUNAH à hauteur de 10 055, 55 euros à la suite de la décision du bureau de conciliation sera à déduire du montant des rappels et indemnités alloués par le présent arrêt à M. X....
M. X... bénéficiant de l'aide juridictionnelle totale, et son avocat n'ayant pas demandé le bénéfice à son profit des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, il ne peut être alloué à l'intimé d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ces motifs,
La cour, statuant publiquement, contradictoirement et dernier ressort,
Réforme le jugement déféré,
Et statuant à nouveau,
Dit que la rupture du contrat de travail est intervenue le 9 mai 2012, par l'acceptation par M. X... de la proposition de contrat de sécurisation professionnelle,
Condamne l'employeur à payer à M. X... les sommes suivantes :
-13 213, 44 euros au titre des heures supplémentaires pour l'année 2008 jusqu'au 31 mai 2009,
-902, 34 euros au titre de la prime de 13 ème mois pour l'année 2012,
-1 592, 92 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés,
-7029, 87 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,
-13 213, 44 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-13 213, 44 euros d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,
Dit que les sommes versées par la Société EMOUNAH, à concurrence de 10 055 euros selon décompte figurant tant sur le bulletin de salaire d'octobre 2012 et sur le reçu pour solde de tout compte du 14 novembre 2012, et réglés par chèques tirés sur le Crédit Agricole Mutuel de la Guadeloupe tels qu'ils figurent en copie en pièces no 24 et 25 de l'appelante, seront déduites des sommes portées à titre de condamnation ci-dessus à l'égard de la Société EMOUNAH,
Dit que les entiers dépens sont à la charge de la Société EMOUNAH,
Déboute les parties de toutes conclusions plus amples ou contraires,
Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 14/00212
Date de la décision : 13/04/2015
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2015-04-13;14.00212 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award