CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT No 63 DU NEUF MARS DEUX MILLE QUINZE
AFFAIRE No : 13/ 01063
Décision déférée à la Cour : Ordonnance de Référé du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 24 juin 2013- Formation de Référé.
APPELANT
Maître Marie-Agnès Y..., ès qualité de mandataire liquidateur de la SARL VALDOM SECURITE GUADELOUPE...... 97190 GOSIER Représenté par Maître Anis MALOUCHE (Toque 125) substitué par Maître GUYARD, avocat au barreau de la Guadeloupe
INTIMÉS
Monsieur A... X...... 97115 SAINTE ROSE Représenté par Maître BOUCHER Nadia de la SCP COMOLET MANDIN (Toque 18) substituée par Maître SZWARCBART, avocat au barreau de la Guadeloupe
AGS CGEA DE FORT DE FRANCE Lotissement Dillon Stade 10 rue des Arts et Métiers 97200 FORT DE FRANCE Représentée par Maître Isabelle WERTER-FILLOIS (Toque 8), avocat au barreau de la Guadeloupe
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 02 février 2015, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Bernard Rousseau, président de chambre, président, Madame Marie-Josée Bolnet, conseiller, Madame Françoise Gaudin, conseiller, qui en ont délibéré.
Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 9 mars 2015.
GREFFIER Lors des débats : Madame Marie-Luce Kouamé, greffier.
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC.
Signé par Monsieur Bernard Rousseau, président de chambre, président, et par Madame Yolande MODESTE, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSE DU LITIGE
La société ACTION SECURITE GUADELOUPEENNE, titulaire d'un marché de surveillance du site CORA à Bas du Fort, devenu GEANT CASINO, a engagé M. X... A... en qualité d'agent de sécurité à compter du 1er juillet 2003. Le contrat de travail a été transféré aux différents repreneurs du site selon avenants conclus selon les dispositions de la convention collective nationale des Entreprises de Prévention et de Sécurité et en dernier lieu, la société GUADELOUPE DEMARQUE SECURITE PRIVEE, dite ci-après GDSP, à compter de mars 2012.
Fin août 2012, la SARL GDSP a perdu le marché de gardiennage de GEANT CASINO au profit de la société VALDOM SECURITE, laquelle exerce la même activité de surveillance et de gardiennage.
Par lettre du 16 août 2012, la société VALDOM SECURITE a fait savoir à M. X... qu'elle était le nouveau repreneur du marché de gardiennage du GEANT CASINO et le convoquait à un entretien d'embauche fixé au 20 août suivant. Par lettre du 31 août 2012, la société VALDOM SECURITE constatait que M. X... avait fait le choix de ne pas être transféré au sein de ladite société et lui enjoignait de ne plus se présenter sur le site à compter du 1er septembre 2012. M. X... contestait avoir refusé son transfert, par lettre adressée à ladite société en recommandé le 15 septembre 2012. Par demande reçue au greffe le 14 mars 2013, M. X... A... a fait appeler la société VALDOM SECURITE, devant le conseil des prud'hommes de Pointe à Pitre, statuant en référé, aux fins de s'entendre dire et juger qu'il bénéficie de droit du transfert de son contrat de travail au sein de la société VALDOM SECURITE et voir ordonner la poursuite de son contrat sous astreinte, et obtenir une provision sur salaires de 12 ; 949, 29 ¿ outre une somme mensuelle de 2010, 39 ¿ égale au montant de son salaire de base brut de janvier 2013.
Par ordonnance de référé en date du 24 juin 2013, le conseil des prud'hommes, en sa formation de référé, a :- dit et jugé que M. A... X... bénéficie, de droit, du transfert de son contrat de travail au sein de la SARL VALDOM SECURITE,- ordonné à la SARL VALDOM SECURITE la poursuite du contrat de travail de M. X... et ce sous astreinte de 100 ¿ par jour de retard à compter de la signification de l'ordonnance,- ordonné à la SARL VALDOM SECURITE de payer à M. X... par provision la somme de 12. 949, 29 ¿ au titre du rappel de salaires jusqu'à sa réintégration et une somme mensuelle égale au montant de son salaire de base brut, à savoir la somme de 2. 010, 39 ¿ au titre du salaire de janvier 2013 : salaire mensuel de 1. 842, 79 ¿ + prime d'ancienneté de 129 ¿ + prime d'habillage de 38, 60 ¿,- ordonné à la SARL VALDOM SECURITE la délivrance des bulletins de salaire afférents sous astreinte de 50 ¿ par jour de retard à compter de la notification de l'ordonnance,- condamné la SARL VALDOM SECURITE au paiement de la somme de 1. 000 ¿ au titre de l'article 700 du code de procédure civile
La SARL VALDOM SECURITE a formé appel de cette décision, qui lui a été notifiée le 27 juin 2013, par déclaration du 5 juillet 2013. Par jugement en date du 3 avril 2014, le Tribunal mixte de commerce de POINTE A PITRE a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la SARL VALDOM SECURITE, avec poursuite d'activité de 3 mois et a prononcé la résolution du plan de redressement dont elle bénéficiait depuis le 17 janvier 2013.
Aux termes de conclusions régulièrement notifiées à l'intimé en date du 24 septembre 2013, reprises à l'audience par le conseil de Maître Y..., ès qualité de liquidateur judiciaire de la SARLVALDOM SECURITE, celui-ci demande à la cour de débouter M. X... A... de ses demandes et sollicite sa condamnation au paiement d'une somme de 2. 500 ¿ au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Ladite société fait valoir que M. X... A... ne satisfaisait pas aux conditions de transfert prescrites par l'accord du 5 mars 2002, qu'il a refusé de signer l'avenant préalable au transfert et qu'elle n'était tenue que de reprendre 85 % du personnel affecté au site.
Aux termes de ses dernières conclusions régulièrement notifiées à l'appelante en date du 10 décembre 2014, M. A... X... demande à la cour de confirmer l'ordonnance et d'y ajouter, de constater la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur à compter du 31 janvier 2014, de condamner en conséquence la SARL VALDOM SECURITE, représentée par Maître Y..., ès qualité, à lui payer par provision, la somme de 34. 176, 33 ¿ de septembre 2012 à janvier 2014, celle de 15. 000 ¿ à titre de dommages et intérêts provisionnels à valoir sur la réparation définitive de ses préjudices, et la somme de 3. 500 ¿ au titre de l'article 700 du code de procédure civile, d'ordonner la délivrance des documents légaux de rupture et de déclarer l'arrêt à intervenir opposable à l'AGS.
Il soutient pour l'essentiel que le transfert de son contrat de travail est de droit, au visa de l'article L. 1244-1 du code du travail et de l'accord du 5 mars 2002, qu'il remplissait les conditions d'ancienneté sur le site, que la société VALDOM SECURITE lui avait remis le planning de septembre 2012 et qu'elle a fait obstacle audit transfert, et l'a laissé sans travail ni salaire depuis le 1er septembre 2012.
Le C. G. E. A de FORT DE France a déclaré intervenir dans le cadre des articles L. 625-3 et L. 641-14 (L. J) du code de commerce, en sa qualité de gestionnaire de l'AGS dont les conditions de garantie sont prévues aux articles L. 3253-6 à L. 3253-16 et D. 3253-1 à D. 3253-3 du code du travail.
Il s'est associé aux arguments de la société VALDOM SECURITE et de son liquidateur, s'agissant du transfert du contrat de travail et du paiement des salaires jusqu'à la réintégration.
L'AGS demande sa mise hors de cause en ce qui concerne les dommages et intérêts provisionnels, de même que la demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile, faisant valoir qu'aucune condamnation directe ne saurait intervenir à son encontre et qu'elle ne pourrait être amenée à prendre en charge les créances éventuellement fixées et ce dans les limites de sa garantie.
MOTIFS
sur le transfert du contrat de travail
Attendu que M. X... soutient que son contrat de travail a été transféré de plein droit, sur le fondement de l'article L. 1224-1 du code du travail, à la société repreneur du marché de gardiennage, à savoir la société VALDOM SECURITE.
Qu'en l'espèce, la société DGSP a perdu le marché du site du GEANT CASINO à Bas du Fort, au profit de la société VALDOM SECURITE, laquelle exerce la même activité de surveillance et de gardiennage. Que l'article L. 1224-1 du code du travail n'est applicable que dans l'hypothèse du transfert d'une entité économique autonome, conservant son identité, laquelle entité économique se définit comme un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité économique poursuivant un objectif propre ; que dès lors, les dispositions de cet article ne trouvent pas à s'appliquer dans le cas de la perte de marché au profit d'un concurrent ; Qu'en revanche, la convention collective nationale des entreprises de sécurité et de prévention du 15 février 1985 et l'accord du 5 mars 2002 prévoient la reprise du personnel affecté sur le site en cas de changement de prestataire. Qu'en l'espèce, la société entrante, la société VALDOM SECURITE a entendu appliquer lesdites dispositions et a réclamé à l'entreprise sortante, la société GDSP, par lettre du 20 août 2012, notamment la liste du personnel transférable et leurs dossiers complets.
Que l'accord du 5 mars 2002 étendu par arrêté du 10 décembre 2002 qui réglemente la reprise du personnel des entreprises de sécurité en cas de perte de marchés impose à l'entreprise entrante un certain nombre d'obligations, étant relevé que l'avenant du 28 janvier 2011 n'est pas applicable en l'espèce puisqu'il a été étendu par arrêté ministériel du 29 novembre 2012, soit postérieurement au transfert du marché ; que, plus précisément, l'article 2. 5 de l'accord lui impose, après que l'entreprise sortante lui a transmis la liste du personnel transférable, de convoquer dans des conditions précises les salariés concernés à un entretien individuel, puis à l'issue de ces entretiens de communiquer à l'entreprise sortante la liste du personnel qu'elle se propose de reprendre et concomitamment d'informer individuellement les salariés retenus et de leur fixer un rendez-vous pour l'exécution des formalités relatives au transfert ; qu'une fois les salariés retenus ayant donné leur réponse, l'entreprise entrante doit encore informer l'entreprise sortante de la liste des salariés ayant accepté ou refusé le transfert ;
Qu'en l'espèce, la société GDSP a transmis à la société VALDOM SECURITE attributaire du marché, la liste des salariés transférables qui remplissaient la double condition d'ancienneté et d'un contrat de travail à durée indéterminée ; Que la société VALDOM a donc convoqué M. X... A... à un entretien préalable pour lui proposer un avenant.
Qu'il est constant et non contesté que M. X... n'a pas signé ledit avenant et qu'in fine, la société VALDOM SECURITE a refusé de reprendre le salarié. Attendu que le transfert des contrats de travail prévu par l'accord du 5 mars 2002 concernant la reprise du personnel dans le secteur prévention et sécurité ne s'opérant pas de plein droit et étant subordonné à l'accomplissement des diligences prescrites par cet accord, lorsque les conditions d'application de l'article L. 1224-1 du code du travail ne sont pas remplies, le refus de l'entrepreneur entrant de reprendre le salarié fait obstacle au changement d'employeur ; Que dès lors, le salarié ne peut revendiquer un droit au transfert et ne dispose que d'une action indemnitaire contre l'entrepreneur entrant, s'il est établi que ce dernier a empêché sans raison légitime le changement d'employeur. Qu'au stade du référé, ladite action ne saurait prospérer et ce d'autant que la société VALDOM SECURITE n'était pas obligatoirement tenue de prendre M. X... à son service, puisque selon l'accord du 5 mars 2002, dans sa version initiale applicable au moment du transfert du marché, elle n'était tenue de reprendre, au minimum, que 85 % de l'effectif de l'entreprise sortante et pouvait choisir en conséquence d'écarter certains salariés. Qu'il résulte de ce qui précède que l'ordonnance déférée sera infirmée en ce qu'elle a dit et jugé que le transfert du contrat de travail de M. X... était de droit, a ordonné en conséquence la poursuite de son contrat de travail au sein de la société VALDOM SECURITE et condamné cette dernière au paiement provisionnel des salaires dus jusqu'à la réintégration du salarié.
Que M. X... sera débouté de ces demandes à ces titres.
Que ses demandes nouvelles afférentes à la rupture de son contrat de travail soulèvent des contestations sérieuses échappant à la compétence du magistrat des référés et l'appréciation de la responsabilité de la société VALDOM SECURITE relève incontestablement de l'appréciation du juge du fond.
Que de tout ce qui précède, il résulte que l'ordonnance entreprise sera réformée en toutes ses dispositions ;
Qu'aucune considération ne commande l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une quelconque des parties.
Que M. X... A... supportera les entiers dépens.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, en matière de référé, et en dernier ressort,
Infirme l'ordonnance entreprise.
Statuant à nouveau,
Déboute M. X... A... de toutes ses demandes à l'encontre de la société VALDOM SECURITE.
Rejette toute autre demande.
Condamne M. X... A... aux entiers dépens.
Le greffier, Le président,