BR/ MLK
COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRÊT No 9 DU VINGT SIX JANVIER DEUX MILLE QUINZE
AFFAIRE No : 12/ 01905
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes POINTE A PITRE du 18 octobre 2012- Section Industrie.
APPELANTE
SARL CONSTRUCTION BÂTIMENT CARAÏBES 43 Faubourg Alexandre ISAAC 97110 POINTE A PITRE Représentée par Me NIBERON, substituant Me Estelle SZWARCBART-HUBERT, (104), avocat au barreau de GUADELOUPE
INTIMÉ
Monsieur Lory X...... 97125 BOUILLANTE Représenté par Me LOUIS-HODEBAR, substituant Me Betty NAEJUS de la SCP NAEJUS-HILDEBERT, (108), avocat au barreau de GUADELOUPE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Décembre 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Bernard ROUSSEAU, président de chambre, et Madame Françoise GAUDIN, conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, Mme Marie-Josée BOLNET, conseiller, Mme Françoise GAUDIN, Conseiller.
Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 26 janvier 2015
GREFFIER Lors des débats Mme Valérie FRANCILLETTE, Greffier.
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, et par Madame Marie-Luce KOUAME, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE :
Par contrat à durée déterminée en date du 30 octobre 2000, M. X...était engagé par la Société CONSTRUCTION BÂTIMENT CARAÏBES en qualité d'ouvrier manoeuvre pour la pose de plaques de plâtre pour une durée d'un an à compter du 1er novembre 2000, moyennant une rémunération brute de 7101 francs pour un horaire de 39 heures par semaine. La relation de travail s'étant poursuivie après l'expiration de la durée du contrat, M. X...s'est trouvé engagé par contrat de travail à durée indéterminée.
Par lettre du 25 mai 2009, l'employeur notifiait à Monsieur X...son licenciement pour motif économique, en invoquant la fin de chantier de l'hôtel de police, et le fait qu'il n'y avait aucun autre chantier en perspective pour le moment.
Le 24 novembre 2009, M. X...saisissait le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre pour contester son licenciement et obtenir, outre un rappel de rémunération, diverses indemnisations.
Par jugement du 18 octobre 2012, la juridiction prud'homale condamnait la Société CONSTRUCTION BÂTIMENT CARAÏBES à payer à M. X...les sommes suivantes :
-7771, 42 euros à titre d'arriéré de salaire pour les années 2005, 2006, 2007, 2008 et 2009,
-777, 14 euros de congés payés afférents à ce rappel de salaire,
-3279, 26 euros à titre de rappel de primes d'ancienneté,
-8408, 40 euros de dommages et intérêts pour licenciement abusif,
-500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 27 novembre 2012, la Société CONSTRUCTION BÂTIMENT CARAÏBES interjetait appel de ce jugement dont il n'est pas justifié qu'il lui ait été préalablement régulièrement notifié.
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Par conclusions notifiées à la partie adverse le 23 septembre 2013, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, la Société CONSTRUCTION BÂTIMENT CARAÏBES sollicite l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a déclaré irrégulier et abusif le licenciement de M. X..., et conclut au rejet de toutes les demandes de celui-ci. Elle réclame paiement de la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La Société CONSTRUCTION BÂTIMENT CARAÏBES fait valoir que la lettre de licenciement adressée à M. X...précise qu'elle fait suite à l'entretien en date du 14 mai 2009, et rappelle qu'elle fait état d'un motif économique.
Elle soutient que la lecture de ses bilans montre l'existence de difficultés économiques réelles, ayant enregistré entre les années 2007 et 2009 une baisse non négligeable de ses résultats.
Elle relève que les dispositions de l'article L. 1233-4 du code du travail mettent à la charge de l'employeur un reclassement interne dans l'entreprise ou dans le groupe, et non pas un reclassement externe.
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Par conclusions notifiées à la partie adverse le 6 février 2014, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, M. X...sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a dit que son licenciement est irrégulier et abusif, et conclut à l'infirmation partielle dudit jugement quant aux montants des sommes qui lui ont été allouées. Il entend voir condamner la Société CONSTRUCTION BÂTIMENT CARAÏBES au paiement des sommes suivantes :
-14 727, 22 euros d'arriéré de salaire,
-1472, 72 euros à titre de reliquat de congés payés,
-3444, 97 euros de prime d'ancienneté,
-282, 60 euros de reliquat d'indemnité conventionnelle,
-1791 euros pour non proposition de la convention de reclassement personnalisé,
-2022, 27 euros d'indemnité de préavis,
-179, 10 euros d'indemnité de congés payés sur préavis,
-21 492 euros d'indemnité pour licenciement abusif.
Il entend voir juger que les indemnités de préavis et le reliquat de l'indemnité conventionnelle produiront intérêts au taux légal à compter du 24 novembre 2009, date de la saisine du conseil de prud'hommes. Il réclame enfin paiement de la somme de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
M. X...expose qui n'a jamais été convoqué à un entretien préalable au licenciement, et que l'employeur ne justifie pas d'une telle convocation.
Il critique le motif de fin de chantier évoqué dans la lettre de licenciement, en rappelant que les stipulations de son contrat de travail n'indiquent nullement qu'il a été recruté pour être affecté sur le chantier de l'hôtel de police. En ce qui concerne les difficultés économiques alléguées par la Société CONSTRUCTION BÂTIMENT CARAÏBES, M. X...relève qu'il résulte des bilans versés aux débats, seulement une baisse du chiffre d'affaires entre 2008 et 2009, ce qui n'a pas empêché la Société CONSTRUCTION BÂTIMENT CARAÏBES de dégager un bénéfice en 2009 et en 2010. Il ajoute que dans la lettre de licenciement il n'a pas été fait état des critères édictés par l'article L. 1233-3 du code du travail, à savoir suppression de poste, ou transformation d'emploi, ou modification refusée par le salarié d'un élément essentiel de son contrat de travail. M. X...indique qu'il n'a jamais été informé par la direction de la Société CONSTRUCTION BÂTIMENT CARAÏBES de la moindre recherche de possibilités de reclassement.
Il fonde sa demande de paiement d'arriéré de salaire et de prime d'ancienneté sur les dispositions de la convention collective du BTP Guadeloupe.
Il explique par ailleurs qu'il a été privé d'emploi durant plusieurs années, et privé de la chance de retrouver au plus vite du travail en l'absence de remise de la convention de reclassement personnalisé par son employeur. Il indique que si la Société CONSTRUCTION BÂTIMENT CARAÏBES l'a à nouveau embauché à compter du 24 septembre 2012, par contrat à durée indéterminée, il s'agit d'un contrat de chantier pour la réalisation du chantier de Marigot aux Saintes.
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MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la rupture du contrat de travail :
L'employeur ne justifiant pas de la réalité de l'entretien préalable qui devait précéder la notification du licenciement de M. X..., faute de produire copie et l'accusé de réception de la convocation, le licenciement opéré doit être considéré comme irrégulier.
L'examen de la lettre de licenciement du 25 mai 2009, montre que si l'employeur fait état de la fin du chantier de l'hôtel de police, il motive sa décision par l'existence de difficultés économiques.
M. X...n'ayant pas été engagé pour le chantier de l'hôtel de police, l'employeur ne pouvait, pour le licencier, invoquer la fin de ce chantier.
Toutefois la référence à la fin du chantier de l'hôtel de police, et à l'absence de chantier en perspective impliquait la suppression du poste de travail de M. X....
L'examen des comptes sociaux de l'entreprise confirme l'existence de difficultés économiques réelles. On constate en effet que le chiffre d'affaires de l'exercice 2008, d'un montant de 2 374 622 euros, a diminué de moitié au cours de l'exercice 2009 pour n'atteindre que 1 187 662 euros. Cette dégradation s'est poursuivie en 2010, puisque pour cet exercice le chiffre d'affaires a atteint à peine le tiers de celui de 2008, soit 767 438 euros.
Ces constatations montrent une très nette baisse de l'activité économique de l'entreprise.
Certes l'entreprise qui avait dégagé un résultat d'exploitation positif de 103 939 euros en 2008, a maintenu des résultats d'exploitation positifs pour les exercices 2009 et 2010 mais ils ont été respectivement réduits à 31 726 euros et à 1568 euros. Ainsi à défaut de mesures de licenciement, le résultat d'exploitation, grevé par les salaires et charges sociales qui en auraient résulté, serait devenu négatif.
Au demeurant il résulte des explications fournies par M. X..., dans ses conclusions, qu'il n'a pas été le seul, en 2009, à voir son contrat de travail prendre fin, puisque il précise que quatre autres salariés ont quitté la société parce qu'ils étaient en fin de contrat. Ce qui concorde avec la baisse d'activité enregistrée par l'entreprise à partir de l'année 2009.
Cette baisse d'activité et ces suppressions d'emplois, interdisaient à l'employeur de procéder à un quelconque reclassement au sein de l'entreprise, c'est d'ailleurs ce qu'il exprime dans la lettre de licenciement, en indiquant qu'il n'avait pu trouver de solution de reclassement interne. La Société CONSTRUCTION BÂTIMENT CARAÏBES ne faisant pas partie d'un groupe de sociétés, n'était pas tenue, aux termes de l'article L. 1233-4 du code du travail de rechercher un reclassement dans une autre entreprise.
Par ailleurs il ne résulte pas des pièces de la procédure que le salarié ait demandé par écrit à son employeur de lui communiquer les critères de l'ordre des licenciements, comme le prévoit l'article R. 1233-1 du code du travail.
Ainsi le licenciement de M. X...étant motivé par les difficultés économiques réelles que l'entreprise a connues, caractérisées par une baisse très importante de son activité, entraînant des suppressions d'emplois, le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a considéré que le licenciement de M. X...était abusif.
Sur les demandes de rappels de rémunération et d'indemnités :
M. X..., titulaire du diplôme du baccalauréat professionnel, spécialité « aménagement-finition », qui lui a été délivré le 2 octobre 2000, soit un mois avant son embauche, est fondé à revendiquer la classification au Niveau II, Position 2 des ouvriers professionnels, correspondant à la catégorie professionnelle OP2 (ouvriers professionnels 2), bénéficiant du coefficient de rémunération 182, conformément aux articles XII. 1 à XII. 3 du titre XII de la convention collective des ouvriers du bâtiment et des travaux publics de la Guadeloupe et dépendances du 28 février 2002, celle-ci ayant fait l'objet d'un arrêté d'extension en date du 20 juillet 2004, étant précisé que cet arrêté rend obligatoire également les accords paritaires du 19 avril 2004 relatif aux salaires et aux primes, conclus dans le cadre de ladite convention collective.
M. X...devait donc, en application des textes sus-cités et des accords partiaires des 21/ 04/ 2005, 09/ 02/ 2006, 15/ 03/ 2007, 01/ 02/ 2008 et 04/ 06/ 2009, percevoir les salaires mensuels suivants pour 35 heures de travail par semaine, soit 151, 67 heures par mois :- à compter de mai 2004 : 1359, 54 euros,- à compter de janvier 2005 : 1401, 40 euros,- à compter de janvier 2006 : 1435, 98 euros,- à compter de janvier 2007 : 1474, 20 euros,- à compter de février 2008 : 1534, 26 euros,- à compter de mars 2009 : 1591, 03 euros.
Toutefois il résulte des bulletins de salaires de M. X..., qu'il travaillait pendant ces périodes à raison de 169 heures par mois, dont 17, 33heures supplémentaires majorées, sauf en novembre et décembre 2008 et février 2009 pour lesquels l'horaire mensuel de travail a été moindre.
Ainsi la comparaison entre d'une part le montant des salaires conventionnels réellement dues en fonction des heures de travail effectuées, et le montant des salaires perçus, fait apparaître que l'employeur reste devoir au salarié la somme de 14 727, 22 euros.
A ce montant doit s'ajouter la somme de 1472, 72 euros à titre d'indemnité de congés payés sur rappel de salaire.
Les dispositions conventionnelles prévoient l'octroi d'une prime d'ancienneté au taux de 3 % du salaire pour une ancienneté comprise entre 3 et 6 ans, et au taux de 4, 5 % pour une ancienneté comprise entre 6 et 9 ans.
En conséquence il est dû à ce titre un rappel de prime de 3444, 97 euros à M. X....
Le salaire conventionnel applicable pour les trois derniers mois de travail, aurait dû permettre à M. X...de percevoir un salaire mensuel de 1791 euros compte tenu du nombre d'heures travaillées. Il en résulte que l'indemnité conventionnelle de licenciement calculée à raison d'un cinquième de salaire mensuel par année d'ancienneté, s'élève à la somme de 3074, 55 euros. N'ayant perçu que la somme de 2791, 95 euros, M. X...est fondé à réclamer un complément de 282, 60 euros.
Un seul mois de préavis ayant été réglé à M. X..., alors que celui-ci, ayant plus de deux ans d'ancienneté, avait droit à deux mois de préavis, tant en application des dispositions conventionnelles que de celles de l'article L. 1234-1 du code du travail, il lui reste dû la somme de 1791 euros au titre du deuxième mois de préavis, outre 231, 27 euros au titre du solde dû sur le premier mois de préavis, compte tenu du salaire conventionnel applicable.
Il sera en outre fait droit à la demande de M. X...portant sur la somme de 179, 10 euros au titre de l'indemnité de congés payés sur préavis.
Enfin l'absence de proposition de convention de reclassement personnalisé a nécessairement causé un préjudice à M. X...puisqu'il n'a pu dès la rupture du contrat de travail, bénéficié de ce dispositif d'accompagnement. Il lui sera alloué en conséquence le somme de 1791 euros à titre d'indemnité, équivalente à un mois de salaire.
Les indemnités conventionnelles de préavis et de licenciement, ayant été présentées à l'audience de conciliation du 28 janvier 2010, en présence du gérant de la Société CONSTRUCTION BÂTIMENT CARAÏBES, leurs montants produiront intérêts au taux légal à partir de cette date.
Comme il paraît inéquitable de laisser à la charge de M. X...les frais irrépétibles qu'il a exposé, tant en première instance qu'en cause d'appel, il lui sera alloué la somme de 2000 euros au tire de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Réforme le jugement déféré,
Et statuant à nouveau,
Dit que le licenciement de M. X...est justifié par un motif économique réel et sérieux,
Condamne la Société CONSTRUCTION BÂTIMENT CARAÏBES à payer à M. X...les sommes suivantes :
-14 727, 22 euros à titre d'arriéré de salaire,
-1472, 72 euros d'indemnité de congés payés sur l'arriéré de salaire,
-2022, 27 euros de complément d'indemnité de préavis,
-179, 10 euros d'indemnité de congés payés sur préavis,
-282, 60 euros de complément d'indemnité conventionnelle de licenciement,
-1791 euros d'indemnité pour non proposition de la convention de reclassement personnalisé,
-2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit que les sommes allouées au titre de l'indemnité de préavis et du complément d'indemnité conventionnelle de licenciement produiront intérêts au taux légal à compter du 28 janvier 2010,
Dit que les entiers dépens sont à la charge de la Société CONSTRUCTION BÂTIMENT CARAÏBES,
Déboute les parties de toute conclusions plus amples ou contraires,
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.