La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/01/2015 | FRANCE | N°13/01440

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, Chambre sociale, 05 janvier 2015, 13/01440


MJB/ MLK

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE ARRÊT No 1 DU CINQ JANVIER DEUX MILLE QUINZE

AFFAIRE No : 13/ 01440
Décision déférée à la Cour : jugement du Conseil de Prud'hommes BASSE-TERRE du 30 août 2013- Section Encadrement.

APPELANT

Monsieur Pierre X...... 97120 Saint-Claude Représenté par Me BOURACHOT, substituant Me Marc MOREAU, (T107) avocat au barreau de GUADELOUPE

INTIMÉE
SA GETELEC ZI Rivière des Pères 97123 Baillif Représentée par Me Hélène URBINO-CLAIRVILLE, (T30), avocat au barreau de GUADELOUPE
>COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 03 Novembre 2014, en audience publique, devant la Cour ...

MJB/ MLK

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE ARRÊT No 1 DU CINQ JANVIER DEUX MILLE QUINZE

AFFAIRE No : 13/ 01440
Décision déférée à la Cour : jugement du Conseil de Prud'hommes BASSE-TERRE du 30 août 2013- Section Encadrement.

APPELANT

Monsieur Pierre X...... 97120 Saint-Claude Représenté par Me BOURACHOT, substituant Me Marc MOREAU, (T107) avocat au barreau de GUADELOUPE

INTIMÉE
SA GETELEC ZI Rivière des Pères 97123 Baillif Représentée par Me Hélène URBINO-CLAIRVILLE, (T30), avocat au barreau de GUADELOUPE

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 03 Novembre 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Bernard ROUSSEAU, président de chambre, président, Madame Marie-Josée BOLNET, conseiller, Madame Françoise GAUDIN, conseiller. qui en ont délibéré.

Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 15 DÉCEMBRE 2014, et prorogé au 05 JANVIER 2015

GREFFIER Lors des débats Mme Valérie FRANCILLETTE, Greffier.

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par Monsieur Bernard ROUSSEAU, président de chambre, président et par Madame Marie-Luce KOUAME, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Monsieur Pierre X...a été embauché par la société GETELEC par contrat à durée déterminée en date du 16 février 1981, en qualité de chef de l'unité Génie Civil en Guadeloupe-position B-21, aux conditions générales de la convention collective des ingénieurs, assimilés et cadres des travaux publics.

Sa rémunération était fixée à la somme de 9 000 francs (1 372, 04 euros) bruts par mois assortie d'un treizième mois, d'une prime d'outremer de 20 %, d'une indemnité de déplacement de 120 francs (18, 29 euros) par jour.
Ce contrait s'est poursuivi en contrat à durée indéterminée et par avenant du 31 décembre 1993, l'indemnité de déplacement était fixée à une somme forfaitaire de 10 080 francs (1 536, 69 euros) et la prime d'éloignement au montant forfaitaire de 12 590 francs (1 919, 33 euros). La clause relative au remboursement des billets d'avions était supprimée.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 15 janvier 2002, la société GETELEC convoquait Monsieur X...à un entretien préalable, fixé au 05 février 2002, en vue d'un licenciement économique.
Elle adressait à celui-ci une proposition de contrat de travail de la société ENTREPRISES GARCZYNSKY TRAPLOIR, prenant effet au 1er avril 2002, au titre du reclassement et en qualité de chef d'entreprise, avec reprise de l'ancienneté précédemment acquise dans l'entreprise GETELEC.
Par courrier du 17 mars 2002, Monsieur X...refusait cette offre de reclassement en y indiquant ses raisons.
Par lettre recommandée avec avis de réception délivrée le 28 mars 2002, monsieur X...était informé de son licenciement pour motif économique.
Par lettre du 22 mai 2002, celui-ci contestait ce licenciement auprès de l'employeur qui confirmait sa décision par lettre du 28 mai 2002.
Refusant son licenciement, par requête enregistrée le 2 juillet 2007, Monsieur X...saisissait le conseil de prud'hommes de Basse-Terre aux fins de voir condamner son employeur au paiement des sommes suivantes :
-17 000 euros à titre de salaires,-6 016 euros à titre d'indemnité de déplacements,-1 284 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,-8 400 euros au titre de l'indemnité légale et conventionnelle de licenciement,-154 800 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive,-25 800 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Il sollicitait en outre la remise d'une lettre de licenciement et d'un certificat de travail.

Par jugement contradictoire du 30 août 2013, le juge départiteur statuant seul conformément aux dispositions des articles R. 1454-31 du code du travail et 453 du code de procédure civile, a déclaré prescrite l'action en paiement du complément de salaires et des revenus accessoires et l'action en paiement pour le complément d'indemnité de licenciement, a débouté Monsieur X...de ses demandes en paiement à ces divers titres des sommes de 64 903, 83 euros et 20 704, 22 euros, a déclaré que l'action en paiement de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de travail n'est pas prescrite, a déclaré, au fond, le licenciement régulier en la forme et motivé par une cause réelle et sérieuse, a dit que l'obligation de proposition de reclassement a été loyalement exécutée et a débouté en conséquence monsieur X...de sa demande de 390 000 euros de dommages-intérêts et de celle fondée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration enregistrée le 03 octobre 2013, monsieur X...a interjeté appel de cette décision.
Par ordonnance du 13 janvier 2014, après accord des parties, le magistrat chargé d'instruire l'affaire a fixé un calendrier de procédure accordant un délai de trois mois à l'appelant pour notifier à la société intimée ses pièces et conclusions, et à celle-ci un nouveau délai de trois mois pour notifier les siennes en retour.

***************

Par conclusions notifiées à l'intimée le 03 juin 2014 et soutenues à l'audience de renvoi du 03 novembre 2014, monsieur X..., représenté, demande à la cour de :
- condamner la société GETELEC à lui payer la somme de 655 793 euros en réparation du licenciement abusif,- condamner la société GETELEC à lui payer au titre des salaires, indemnités d'éloignement, de congés payés, de rapatriement et au titre de l'indemnité légale et conventionnelle de licenciement la somme de 64 903, 83 euros,- condamner la même à régulariser l'indemnité conventionnelle de licenciement par le paiement de la somme de 20 704 euros à ce titre,- la condamner au remboursement aux organismes sociaux l'intégralité des indemnités de chômage qui lui ont été versées, dans la limite de six mois d'indemnité de chômage,- la condamner également au paiement de la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

A l'appui de ses prétentions, il invoque l'inobservation par l'employeur des prescriptions des articles L. 1232-6 et L. 1233 du code du travail, et notamment l'absence d'indication dans la lettre de licenciement des difficultés économiques supportées par l'entreprise et justifiant le licenciement, l'absence de mention d'une quelconque action de restructuration menée par l'employeur pour sauvegarder la compétitivité de son entreprise, et surtout, l'absence de mention des effets de ces situations sur son poste.
Il en tire la conséquence suivante que le juge n'est pas mis en situation de pouvoir apprécier les motifs du licenciement conformément aux articles précités et qu'en définitive, aucune cause économique n'étant démontrée dans la lettre de licenciement qui en fixe d'ailleurs les limites, son licenciement est dépourvu d'une cause réelle et sérieuse.
Il dénonce également le manque d'effort de reclassement au regard des dispositions de l'article L. 1233-4 du code du travail, l'employeur GETELEC SA s'étant contenté de lui proposer qu'une possibilité de mutation en France métropolitaine sans indication précise d'un lieu d'affectation, alors que cette entreprise fait partie d'un groupe mondial et que cette offre s'avérait insatisfaisante compte-tenu de cette appartenance.
Il conclut que ses préjudices (économique, moral et d'agrément) justifient les demandes de dommages-intérêts en réparation de la perte de revenus professionnels pendant les années écoulées depuis son licenciement, au regard des dispositions de l'article 1382 du code civil, (26 143 euros par année pour les deux premières années, 55 650 euros pour la troisième année et 82 000 euros pour les dernières années), du syndrome dépressif profond dont il a souffert pendant deux longues années, évalué à la somme de 150 000 euros, et enfin de la diminution importante de ses revenus ne lui permettant plus d'assurer à sa famille le même confort, évalué à 50 000 euros.
Par conclusions notifiées le 22 septembre 2014 et réitérées oralement, la SA GETELEC, représentée, demande à la cour de :
A titre principal,
- confirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions, A titre subsidiaire,- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a au fond déclaré le licenciement pour motif économique régulier en la forme et motivé pour un cause réelle et sérieuse,- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté monsieur X...de sa demande en paiement de dommages-intérêts,

A titre subsidiaire, sur la demande de dommages-intérêts,
- constater que celle-ci est manifestement excessive et abusive, et de débouter monsieur X...de sa demande, A titre subsidiaire, sur les demandes d'indemnisation du préjudice moral et du préjudice d'agrément,- dire et juger ces demandes irrecevables en application de l'article 564 du code de procédure civile,- dire et juger ces demandes mal fondées,- constater que monsieur X...a été rempli de ses droits et de le débouter de sa demande portant sur l'indemnité complémentaire de licenciement de 20 704 euros,

En toutes hypothèses,
- condamner monsieur X...à lui payer la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La SA GETELEC se prévaut en premier lieu de l'irrecevabilité des conclusions et pièces de monsieur X...au motif que ce dernier n'a pas respecté le calendrier de procédure organisé par ordonnance du magistrat chargé d'instruire l'affaire en date du 13 janvier 2014, ces documents lui ont été notifiés au-delà du délai de trois mois accordé à l'appelant, à savoir le 13 avril 2014.
Sur ce seul motif, la cour devrait en conséquence confirmer le jugement frappé d'appel.
Elle invoque ensuite la prescription de l'action en paiement des salaires et des accessoires, l'action en paiement du complément d'indemnité de licenciement, ainsi que l'action en paiement de dommages-intérêts, le tout au regard des dispositions de articles L. 3245-1 du code du travail et 2224 du code civil, en précisant que la loi no2008-1561 du 17 juin 2008 a unifié les délais de prescription applicables aux actions de paiement en les alignant sur le nouveau délai de prescription de droit commun.
Elle ajoute que sur le fond, la cour de cassation estime, à propos de la réorganisation de l'entreprise, que la lettre de licenciement qui fait état d'une réorganisation de l'entreprise entraînant la suppression de l'emploi, est suffisamment motivée ; qu'en ce cas particulier, il n'est pas nécessaire que la lettre précise que la réorganisation est destinée à sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ; que l'appréciation de la valeur de la réorganisation relève en effet du pouvoir souverain du juge (Cass. Soc 02/ 03/ 1999- Cass. Soc 13/ 03/ 2003- Cass. Soc du 14/ 09/ 2010 jurisdata : 2010-016085) ; que la cour de cassation a également confirmé par plusieurs arrêts que la réorganisation de l'entreprise n'implique pas nécessairement l'existence de difficultés économiques actuelles, mais une anticipation des risques (Cass. Soc 11/ 01/ 2006 no05-40977) ; qu'en l'espèce, la réorganisation nécessaire à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise est un motif légitime et suffisant de licenciement économique.
Elle explique en outre qu'elle a entièrement satisfait aux exigences légales de reclassement prévues à l'article L. 1233-4 du code du travail ; qu'à cet effet, elle a adressé au salarié, le 08 février 2002, une proposition de contrat de la société ENTREPRISES GARCZYNSKI TRAPLOIR prenant effet au 1er avril 2002, en qualité de chef d'entreprise, avec reprise de l'ancienneté déjà acquise dans le groupe et moyennant une rémunération brut mensuelle de 4 300 euros ; qu'elle n'est tenue que par une obligation de moyens renforcés et non de résultat ; que compte-tenu du niveau hiérarchique élevé de monsieur X..., les places disponibles dans cette même catégorie sont de fait extrêmement réduites ; qu'elle a tout mis en oeuvre pour trouver un emploi équivalent et que l'intéressé a cru devoir refuser de manière déraisonnable le nouveau poste proposé pour le simple motif que la société ne précisait pas son lieu d'affectation et qu'il supporterait une baisse drastique de ses salaires dans le cadre de ce nouveau contrat, alors que les éléments versés aux débats permettent de constater que lors de sa dernière année en poste en Guadeloupe, celui-ci a perçu un salaire équivalent à celui proposé, soit environ 4 299, 06 euros (les primes d'outre-mer et d'éloignement devenant désormais injustifiées).
Elle fait également observer que monsieur X...qui a été licencié depuis le 26 mars 2002, a saisi le conseil de prud'hommes plusieurs années après, soit le 02 juillet 2007, puis, il a encore attendu deux nouvelles années avant de communiquer ses pièces et de conclure ; que les sommes réclamées sont dépourvues de tout fondement car il ressort des éléments du dossier que monsieur X...a perçu par an des revenus de 87 144 euros bruts (primes DOM comprises), soit 65 358 euros nets par an ; qu'il a bénéficié pendant trois ans et neuf mois des indemnités ASSEDIC de 51 000 euros bruts par an, soit 45 531 euros nets par an ; que le revenu annuel de l'appelant était à la date de son licenciement de 45 831 euros nets auxquels s'ajoutaient des revenus fonciers de 6 000 euros, soit un total de 51 831euros nets par an ; que les demandes d'indemnisation de préjudices " extrapatrimoniaux " sont des demandes nouvelles, non présentées devant le premier juge ; que de plus, le préjudice d'agrément ne peut être reconnu qu'en cas d'indemnisation d'une victime d'accident ou d'infraction, ce qui n'est pas le cas de monsieur X..., et le préjudice moral doit découler de procédés vexatoires dans la mise en oeuvre de la procédure de licenciement, ce qui n'est pas davantage le cas en l'espèce.
Elle affirme enfin que monsieur X...a perçu avec sa dernière fiche de paie une indemnité de licenciement de 65 015, 02 euros qui correspond à ses droits.

MOTIVATION DE LA DÉCISION

Sur le non respect du délai accordé à l'appelant pour notifier ses conclusions et pièces à l'intimée :

La cour constate que la transmission des conclusions et pièces hors du délai de 3 mois accordé à l'appelant n'a entraîné aucune atteinte aux droits de la défense au regard des dispositions de l'article 446-3 du code de procédure civile. La SA GETELEC a pu conclure amplement, par des écritures notifiées le 22 septembre 2014, sur les diverses demandes de l'appelant, l'audience de renvoi étant fixée au 03 novembre.
La première demande la société GETELEC visant à écarter les pièces et conclusions de monsieur X...est en conséquence rejetée.
Sur le rappel de salaires et des accessoires liés aux salaires :
Si Monsieur X...maintient devant la cour sa demande visant un rappel de salaires et des accessoires liés aux salaires dans une demande globale de 64 903, 83 euros, il n'a exposé en revanche aucun moyen de droit, ni de fait, pour justifier une telle demande.
Au vu des éléments qui lui ont été présentés et considérant que l'action en paiement des salaires et des accessoires aux salaires tombaient sous le coup de la prescription quinquennale extinctive de l'article L. 3245-1 du code du travail, le juge départiteur a débouté monsieur X...de ses demandes.
Le jugement est confirmé sur ce chef.
Sur l'indemnité légale de licenciement proprement dite :
Le bulletin de salaire délivré à monsieur X...pour juillet 2002 (pièce no1) permet de constater que ce dernier a perçu une indemnité légale de licenciement de 65 015, 02 euros.
Monsieur X...ne conteste pas la remise de ce bulletin de salaire et les sommes y étant mentionnées.
Il y a donc lieu de considérer que cette indemnité de 65 015, 02 euros a été effectivement perçue.
La demande formulée à ce titre est rejetée.
Sur le complément d'indemnité légale de licenciement :
Considérant que la demande d'indemnité légale complémentaire présentée sur la base d'une reconnaissance préalable de salaires, subit mécaniquement les effets de la prescription quinquennale extinctive, appliquée à la demande de rappel de salaires et accessoires, le juge départiteur a rejeté cette demande.
Monsieur X...ne soutient plus, ni oralement, ni dans ses écritures, cette demande.
Le jugement entrepris sur ce chef est donc confirmé.

Sur le licenciement pour motif économique :. Aux termes de l'article L. 1233-3 du code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non-inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification refusée par le salarié d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.

Cet article met en exergue deux éléments sans lesquels le licenciement ne pourrait être justifié pour un motif économique.
Le premier élément, de nature matérielle, est la suppression ou transformation d'emploi, ou la modification du contrat de travail.
Le second, d'ordre causal, est lié aux difficultés économiques ou aux mutations technologiques.
La haute cour en a retenu deux autres : la réorganisation pour sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise et la cessation d'activité.
De plus, l'employeur doit avoir tenté sérieusement de reclasser le salarié.
La lettre de licenciement en date du 26 mars 2002, qui fixe les limites du litige, est libellée ainsi :
" Monsieur,
Nous avons le regret de vous informer que nous sommes contraints de vous licencier pour motif économique.
Votre licenciement est motivé par la suppression définitive du poste que vous occupez actuellement en tant que chargé de développement de nos activités aux Antilles, fonctions que vous exerciez depuis le 1er janvier 2001.
Plus précisément, les actions de développement dont vous aviez la charge sont maintenant conduites directement au sein de chacune des unités de GETELEC. En conséquence, il nous est impossible de maintenir à votre endroit les seules missions d'animation auxquelles vous faîtes allusion dans votre courrier du 23 janvier 2002 et font l'objet d'une nouvelle répartition au sein de GETELEC.
Dans le souci de vous reclasser, avant que le licenciement soit prononcé, et pour tenir compte d'une demande de retour en métropole que vous aviez formulé en son temps, nous avons engagé des recherches de reclassement au vu de potes disponibles pour lesquels vous auriez les compétences, la qualification et l'expérience.
Cette recherche dont nous vous avons tenu immédiatement informée et qui vous a été rappelée lors de notre entretien du 05 février 2002, a abouti. Nous avons alors transmis le 8 février 2002 une proposition de contrat de travail de la société ENTREPRISES GARCZYNSKI TRAPLOIR prenant effet au 1er avril 2002, en qualité de chef d'entreprise dans le périmètre du Pôle GTIE Ouest, tout en vous assurant l'adaptation éventuellement nécessaire avec un parcours d'intégration préalable dans les activités de la marque GRANIOU.
Vous disposiez alors d'un délai d'un mois à compter de la réception du courrier qui vous avait été adressé et que vous avez réceptionné le 18 février 2002, pour faire connaître votre acceptation ou votre refus concernant cette nouvelle affectation.
Par courrier en date du 17 mars 2002, présenté par l'administration postale le 25 mars 2002, vous avez refusé le reclassement qui vous était proposé sans nous fournir de motif valable, ce qui écarte de fait toute solution similaire. Ce refus fait obstacle de votre propre fait au reclassement et nous oblige à prononcer votre licenciement "
Il est indéniable que le premier critère, matériel, du licenciement économique est caractérisé, en l'espèce. il s'agit de la suppression du poste de chargé de développement occupé par monsieur X...pendant un an.
En revanche, le second élément n'est pas expressément caractérisé. La réorganisation décidée du service ou du poste doit être destinée à sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ou du secteur du groupe auquel elle appartient, sans impliquer nécessairement des difficultés économiques. Cette réorganisation doit seulement pouvoir prévenir ces difficultés. S'il est admis que le juge n'a pas le pouvoir de contrôler le choix effectué par l'employeur entre les solutions possibles, il doit néanmoins vérifier la réalité du motif imposant cette réorganisation.
Or, la SA GETELEC n'invoque dans la lettre de licenciement aucune raison particulière justifiant la suppression du poste de chargé de développement. Contrairement à ce qu est dit par le juge départiteur, l'employeur ne fait qu'annoncer la redistribution des tâches jusque là confiées à monsieur X..., à d'autres unités sans en donner d'explications. Dans cette nouvelle réorganisation, il n'est nullement avancé, ni démontré par l'employeur une volonté de sauvegarder la compétitivité de son entreprise au sein du marché ou de se préserver contre le risque de difficultés économiques.
Il n'est nul besoin de poursuivre l'examen de l'obligation de reclassement, car le licenciement pour motif économique doit être écarté, à ce stade de l'étude du dossier, en l'absence de toute démonstration pertinente par l'employeur de la réorganisation de l'entreprise impliquant la suppression du poste de Monsieur X..., utile à la sauvegarde de sa compétitivité.
Le motif économique n'étant pas démontré par l'employeur comme indiqué ci-dessus, il y a lieu de juger sans cause réelle et sérieuse le licenciement de monsieur X...et d'infirmer le jugement entrepris sur ce chef.
Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :

Si le licenciement intervient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge octroie une indemnité au salarié à la charge de l'employeur qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois en valeur brute.

Il est admis par les parties que le revenu annuel moyen brut perçu par monsieur X...s'élevait à la somme de 87 144 euros.
Celui-ci a perçu des indemnités chômage selon une moyenne de 37 058 euros par an de 2003 à 2007, année de fin de droits (selon ses avis d'imposition et déclarations de revenus pour ces années).
Licencié en 2002 à l'âge de 51 ans, monsieur X...est âgé de 63 ans en 2014. Il n'est versé aux débats aucun élément informatif pour la période courant à partir de la fin de droits de 2007 jusqu'à l'année 2014.
Il doit être accordé à monsieur X...une indemnité de 200 000 euros, arrêtée à partir de son salaire moyen brut annuel, mais compte tenu des indemnités chômage perçues.
Sur le remboursement par l'employeur fautif des indemnités de chômage :
Conformément aux dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail, il est ordonné le remboursement par la société GETELEC au service de Pôle Emploi de toutes les indemnités de chômage versées à monsieur X...du jour de son licenciement au jour du jugement du 30 août 2013, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage.

Sur les demandes nouvelles :

Aux termes de l'article R. 1452-7 du code du travail, les demandes nouvelles dérivant du même contrat de travail sont recevables même en appel.

Sur les demandes de réparation des préjudices moral et d'agrément :

1/ le préjudice moral :
Il doit être admis que monsieur X...a subi un préjudice moral conséquent à la suite de son licenciement compte-tenu des circonstances particulières dans lesquelles il a été décidé. Bénéficiant de plus de 21 années d'ancienneté au sein de la société GETELEC, il lui a été proposé par l'employeur de nouvelles fonctions en 2001, sur un poste qui allait curieusement disparaître moins d'un an après.
S'agissant d'un brusque revirement de l'employeur concernant les fonctions confiées à monsieur X..., sans réel motif économique, ce dernier, compte tenu du niveau des fonctions et des responsabilités qui lui étaient attribuées, a subi un préjudice moral qui sera indemnisé à hauteur de 10 000 euros.

2/ le préjudice " d'agrément " :

Monsieur X...sollicite la réparation d'un préjudice qu'il nomme " préjudice d'agrément " et qui résulterait de la diminution importante de ses revenus (plus d'activités sportives et de sorties au restaurant ou au spectacle pour lui et sa famille).
Il ne peut être accordé une quelconque réparation à ce titre qui implique l'état de victime et qui est distincte de celle versée au titre du préjudice économique, largement compensée en l'espèce par l indemnité de 200 000 euros allouée ci-dessus.
La demande présentée à ce titre est rejetée.

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Monsieur X...a engagé des frais pour défendre ses intérêts dans cette instance.
Il lui est alloué la somme de 1 500 euros à ce titre.
Succombant principalement à l'instance, la société GETELEC est condamnée aux dépens.
PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, en matière sociale, par arrêt contradictoire et en dernier ressort :

Déclare recevable l'appel de monsieur Pierre X...;
Confirme le jugement du 30 août 2013 sauf en ce qu'il a déclaré le licenciement motivé par une cause réelle et sérieuse et a débouté monsieur Pierre X...de sa demande en paiement de 390 000 euros à titre de dommages-intérêts ainsi que celle fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;
Le réforme sur ces chefs ;
Statuant à nouveau,
Constate que le licenciement de monsieur Pierre X...en date du 26 mars 2002 est dépourvu de tout motif économique ;
Condamne la société GETELEC SA, en la personne de son représentant légal, à verser à monsieur Pierre X...la somme de 200 000 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Ordonne le remboursement par la société GETELEC au service de Pôle Emploi de toutes les indemnités de chômage versées à monsieur X...du jour de son licenciement au jour du jugement du 30 août 2013, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage, et dit que le présent arrêt sera adressé à Pôle Emploi à cette fin ;
Y ajoutant,
Rappelle que les demandes nouvelles dérivant du même contrat de travail sont recevables même en appel ;
Condamne la société GETELEC SA, en la personne de son représentant légal, à verser à monsieur Pierre X...des dommages-intérêts de 10 000 euros en réparation de son préjudice moral ;
Rejette le surplus des demandes ;
Condamne la société GETELEC SA, en la personne de son représentant légal, à verser à monsieur Pierre X...la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; Condamne la société GETELEC SA aux dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13/01440
Date de la décision : 05/01/2015
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2015-01-05;13.01440 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award