La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/01/2015 | FRANCE | N°13/01369

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, Chambre sociale, 05 janvier 2015, 13/01369


MJB/ MLK
COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRÊT No 2 DU CINQ JANVIER DEUX MILLE QUINZE

AFFAIRE No : 13/ 01369
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes BASSE-TERRE du 25 juillet 2013- Section Commerce.

APPELANTE

Madame Esther X... ...97150 SAINT-MARTIN Représentée par M. Ernest A..., Délégué syndical ouvrier

INTIMÉS

Monsieur Aurélien Y...exerçant sous l'enseigne LES CERISES LAUNDROMAT ...97150 SAINT-MARTIN Représenté par Me Sandrine JABOULEY-DELAHAYE, (T13), avocat au barreau de GUADELOUPE


LE CENTRE DE GESTION ET D'ETUDES AGS DE FORT DE FR ANCE 10, rue des Arts et Métiers Lotissement Dillon S...

MJB/ MLK
COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRÊT No 2 DU CINQ JANVIER DEUX MILLE QUINZE

AFFAIRE No : 13/ 01369
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes BASSE-TERRE du 25 juillet 2013- Section Commerce.

APPELANTE

Madame Esther X... ...97150 SAINT-MARTIN Représentée par M. Ernest A..., Délégué syndical ouvrier

INTIMÉS

Monsieur Aurélien Y...exerçant sous l'enseigne LES CERISES LAUNDROMAT ...97150 SAINT-MARTIN Représenté par Me Sandrine JABOULEY-DELAHAYE, (T13), avocat au barreau de GUADELOUPE

LE CENTRE DE GESTION ET D'ETUDES AGS DE FORT DE FR ANCE 10, rue des Arts et Métiers Lotissement Dillon Stade 97200 FORT DE FRANCE Représenté par Me Isabelle WERTER-FILLOIS, (T8), avocat au barreau de GUADELOUPE

COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Novembre 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Bernard ROUSSEAU, président de chambre, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Bernard ROUSSEAU, président de chambre, président, Mme Marie-Josée BOLNET, conseillère, Mme Françoise GAUDIN, conseillère.

Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 05 janvier 2015
GREFFIER Lors des débats Mme Valérie FRANCILLETTE, Greffière.
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, et par Madame Marie-Luce KOUAME, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE
Mme Esther X... a été embauchée par M. Aurélien Y...en qualité d'employée polyvalente, le 10 mai 2002 dans son entreprise LES CERISES LAUNDROMAT dont l'activité principale est la gestion d'une blanchisserie-laverie automatique.
La rémunération de la salariée a été fixée au SMIC horaire.
En 2005, Mme X... déclarait une grossesse et était mise en congé de maternité en octobre 2005, puis en congé parental. Elle réintégrait l'entreprise en juillet 2007.
Le 15 novembre 2007, l'employeur lui adressait une mise en garde au motif qu'elle n'avait pas réalisé le repassage des vêtements d'un client alors qu'elle avait cette unique tâche pour la journée. Un nouvel avertissement lui était adressé le 18 avril 2008 pour les mêmes et autres motifs.
A partir de la fin de l'année 2008, M. Aurélien Y..., trouvant des lettres d'insultes et de menaces dans son établissement, convoquait Mme Esther X... à un entretien préalable, fixé au 23 février 2009.
Dans la mesure où Mme Esther X... n'avait pas retiré les premières lettres d'avertissement adressées sous plis recommandés avec avis de réception, M. Aurélien Y...procédait pour cette convocation par acte d'huissier de justice.
Par courrier signifié également par voie d'huissier de justice le 06 mars 2009, M. Aurélien Y...mettait un terme à la relation de travail en licenciant Mme Esther X... pour faute grave.
Le 10 mars 2009, l'intéressée contestait cette mesure.
Le 18 mars 2009, il lui était remis son dernier bulletin de salaire, son certificat de travail, son attestation Assédic et un reçu pour solde de tout compte qu'elle signera.
Le 6 octobre 2009, Mme Esther X... saisissait le conseil de prud'hommes de Basse-Terre pour obtenir paiement à la charge de son employeur des somme suivantes :
-396, 27 euros correspondant à la période de la mise à pied conservatoire,-3 963, 07 euros à titre d'indemnité de préavis,-2 025, 53 euros à titre d'indemnité de licenciement,-15 825, 24 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive,-7 926, 126 euros à titre d'indemnité forfaitaire,-1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, soit un total de 31 663, 27 euros, et la délivrance d'un certificat de travail, de bulletins de paye, d'une attestation ASSEDIC conforme à la décision à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard.

Ses demandes évoluaient amplement en cours d'instance.
Par jugement du 25 juillet 2013, la juridiction prud'homale a jugé recevables mais mal fondées les demandes de Mme X..., a retenu des fautes graves justifiant son licenciement, a débouté en conséquence Mme X... de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, a débouté M. Y...de sa demande reconventionnelle présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et a condamné Mme X... aux entiers dépens de l'instance.
Par déclaration enregistrée le 17 septembre 2013, Mme X... a interjeté appel de cette décision.
***************
Par conclusions notifiées le 16 avril 2014 à l'intimé et soutenues oralement à l'audience du 03 novembre 2014, Mme X..., valablement représentée, demande à la cour de :
- constater qu'elle n'a commis aucune faute grave et que son licenciement ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse,- condamner M. Y...à lui payer les sommes suivantes :

* 10 198, 03 euros à titre de rappel de salaires pour la période allant d'octobre 2004 à décembre 2008 (février 2009), * 19 815, 36 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive, * 1 981, 54 euros au titre des salaires dus à la suite de la mise à pied conservatoire injustifiée, * 1 713, 34 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés, * 4 953, 84 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, * 2 311, 79 euros à titre d'indemnité légale de licenciement, * 9 907, 68 euros à titre d'indemnité forfaitaire, * 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle demande également qu'il lui soit remis, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, un nouveau certificat de travail, une nouvelle attestation Pôle Emploi, des bulletins de paie pour la période d'octobre 2001 à avril 2009 et de nouveaux bulletins de paie pour la période de mai 2002 à février 2009, le tout conforme à la décision à intervenir.
Elle soutient d'abord qu'elle a été embauchée le 29 octobre 2001, sans recevoir de bulletins de paie jusqu'en avril 2002, alors qu'elle travaillait 208 heures par mois ; que ce n'est que le 10 mai 2002 que l'employeur se décidait à lui faire signer un contrat de travail à durée indéterminée prévoyant un salaire mensuel de 1 299 euros pour un horaire hebdomadaire de 39 heures alors qu'elle en effectuait plus de 48 heures par semaine ; qu'au vu du décompte qu'elle a établi et conformément à la jurisprudence en la matière (cass. soc du 24-11-2010 pourvoi no 09-40928, Cass. soc du 7-12-2011 pourvoi no10-14156), elle est donc fondée à réclamer la somme de 10 198, 03 euros.
Elle explique ensuite qu'elle n'a jamais tenu par écrit de propos insultants, ni menaçants envers l'épouse de l'employeur, Mme Y...; que les notes présentées par M. Y...sont quasiment illisibles et résultent d'un truquage organisé par ce dernier pour se débarrasser d'elle parce qu'elle était témoin de conflits dans le couple en raison des relations familières que l'employeur entretenait avec le personnel féminin de la laverie ; que pour dissiper tout doute, il appartiendra à la cour d'ordonner au mieux une expertise aux fins de constater qu'il ne s'agit pas de son écriture.
Elle ajoute que ses demandes financières sont légitimes en l'absence de faute grave, en raison de son ancienneté de 7 ans dans l'entreprise et du temps de travail dissimulé et non rémunéré dont elle a fait d'abord l'objet d'octobre 2001 à avril 2002 et ensuite de mai 2002 à mars 2009 par le non paiement de ses heures supplémentaires, les bulletins de salaire devant être établis et corrigés pour ces périodes.
Par conclusions notifiées le 05 mai 2014 à l'appelante et développées oralement, M. Y..., représenté, demande à la cour de :
- A titre principal en la forme, constater qu'en application de l'article R. 1461-1 du code du travail, le délai pour interjeter appel est d'un mois et que les personnes domiciliées à Saint-Martin ne peuvent se prévaloir du délai de distance prévu par l'article 644 du code de procédure civile, car ces dernières résident sur une île située dans le ressort de la cour d'appel de Basse-Terre.
- A titre subsidiaire au fond,- constater que Mme X... a été engagée au sein de l'entreprise " les CERISES LAUNDROMAT ", le 10 mai 2002,- constater principalement l'irrecevabilité de la demande de rappel de salaire pour heures supplémentaires, car présentée plus de 6 mois après la signature du reçu pour solde de tout compte,- constater subsidiairement les contradictions de Mme X..., en terme de durée de travail, une présentation forfaitaire de durée de travail non admissible et ne tenant compte d'aucune réalité, tout en confondant l'amplitude de travail avec la durée du travail effectif,- constater en terme de durée du travail que l'employeur avait dûment déclaré et réglé Mme X... des heures accomplies,- constater à titre infiniment subsidiaire la prescription attachée aux rappels de salaire pour la période de 2004 à 2006,- constater en tout état de cause l'absence d'éléments intentionnels, voire d'éléments matériels constitutifs de l'infraction de travail dissimulé,

En conséquence :- dire et juger que Mme X... a été engagée le 10 mai 2002,- débouter Mme X... de toute demande de mesure d'instruction et/ ou de comparution personnelle des parties et de vérification de signature,- débouter Mme X... de sa demande de rappel de salaires d'octobre 2004 à février 2009 pour un montant de 10 198, 03 euros ainsi que sa demande d'indemnité de congés payés d'un montant de 1 019, 80 euros,- débouter la même de ses demandes sous astreinte et de sa demande d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, fixée à 9 907, 68 euros,- constater que Mme X... a commis une faute grave en laissant à l'attention de son employeur une note manuscrite contenant des menaces de mort,- constater que cette note, non contestée en première instance par l'intéressée, ne peut faire l'objet d'un contestation en appel sur la base de simples allégations, cette note manuscrite étant sans conteste rédigée et signée par la salariée,- constater l'état de récidive du comportement de Mme X..., ayant fait l'objet de plusieurs avertissements antérieurs,- constater que le motif du licenciement est matériellement démontré et suffisamment grave pour justifier de la mesure de licenciement,

En conséquence :- dire et juger que le licenciement de Mme X... repose sur des fautes graves caractérisant la cause réelle et sérieuse,- débouter Mme X... de toute mesure d'instruction et/ ou d'expertise judiciaire,- débouter cette dernière de toutes demandes, fins et prétentions et notamment de :

* sa demande de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat, fixée à un montant de 19 815, 36 euros, * sa demande de rappel de salaire pour mise à pied à titre conservatoire fixée à un montant de 1 981, 15 euros, outre sa demande d'indemnité de congés payés sur salaire de mise à pied, d'un montant de 198, 15 euros * sa demande d'indemnité compensatrice de préavis, fixée à un montant de 4 953, 84 euros, outre sa demande d'indemnité de congés payés sur préavis, d'un montant de 495, 38 euros, * sa demande d'indemnité de licenciement, fixée à un montant de 2 311, 79 euros,

- débouter, en tout état de cause, Mme X... de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,- condamner Mme X... à lui verser la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de l'irrecevabilité de l'appel, M. Y...se prévaut des dispositions de l'article R. 1461-1 du code du travail et d'un arrêt rendu par la cour d'appel de Fort-de-France sur ce point (arrêt du 24 mai 2012) en soulignant que les personnes domiciliées à Saint-Martin comme à Saint-Barthélémy ne peuvent se voir octroyer le mois supplémentaire prévu par l'article 644 du code de procédure civile, ce texte ne pouvant trouver application au territoire de Saint-Martin qui dépend du ressort de la cour d'appel de Basse-Terre.
M. Y...expose ensuite que Mme X... est défaillante dans la preuve de son embauche faussement intervenue à la date du 29 octobre 2001 et ce au regard des dispositions de l'article 9 du code de procédure civile, alors qu'il est, lui, en mesure de prouver le début de son activité par la production d'un extrait K BIS et d'une fiche d'entreprise qui confirment la création de son établissement le 06 mai 2002 ; qu'il n'y a pas eu en l'espèce de travail dissimulé puisque tous les bulletins de paie délivrés à la salariée à partir du 10 mai 2002 comportent cette date d'embauche qui n'a jamais été d'ailleurs contestée antérieurement par la salariée, ni à la suite du licenciement.
Il soutient en outre que Mme X... est forclose à solliciter les sommes de 10 198, 03 euros et de 1 019, 80 euros autres que celles apparaissant dans le solde de tout compte que cette dernière a accepté et signé sans réserve, au regard de l'article L. 1234-20 du code du travail qui fixe le délai à 6 mois pour toute contestation ; qu'en l'espèce, l'appelante n'a saisi la juridiction prud'homale que le 6 octobre 2009, soit plus de 6 mois après les signature et acceptation de ce document.
Il explique également que les heures supplémentaires non payées ne sont pas davantages prouvées ; que les extraits de comptes versés au débat démontrent que les salaires et charges sociales y afférentes étaient correctement déclarés ; que les 48 heures de travail hebdomadaire (9 heures-17 heures) de 2002 à 2005 avancées par l'intéressée ne résistent pas à l'argument de la confusion faite entre l'amplitude de travail et la durée effective du travail ; que les salaires reconstitués par la salariée dans son tableau sont erronés, le remboursement des prêts consentis étant déduits à tort sur le salaire brut alors que ce remboursement était déduit du salaire net ; qu'en tout état de cause, la durée de travail hebdomadaire effectif était de 39 heures, en 2004 et 2005 et cette durée de travail a été aménagée à sa demande et à son retour de son congé parental, selon le rythme suivant : 39 heures pour la semaine 1, et 32 heures pour la semaine 2.
Il met aussi en avant la prescription de 5 ans prévu par l'article L. 3245-1 du code du travail qui fait obstacle à toute demande de salaires et accessoires d'octobre 2004 à décembre 2006 (4 495, 14 euros), l'appelante ayant produit ses premières écritures le 11 janvier 2012, alors qu'elle avait saisi la juridiction du premier degré le 06 octobre 2009.
Sur la faute grave, il expose que les griefs exposés dans la lettre de licenciement du 27 février 2009 sont confirmés par les notes manuscrites produites au débat (pièce no12), lesquelles ont été signées et n'ont pas été contestées en première instance par Mme X..., alors que ces documents lui ont été transmis dès le 9 mai 2012 et qu'il est surprenant que cette dernière ne s'insurge que maintenant alors que ces documents comportent en clair le prénom Esther de Mme X....
A cet égard, il ajoute que Mme X... a fait l'objet de précédents avertissements, le 15 novembre 2007 et le 18 avril 2008 pour des faits similaires sans en tirer de leçons.
Il conclut que la faute grave caractérisée en l'espèce s'oppose à tous dommages et intérêts pour licenciement abusif, tout rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire qui demeure justifiée, à toute indemnité compensatrice de préavis et à toute indemnité légale de licenciement.
MOTIVATION DE LA DÉCISION
Sur le délai d'appel :
Mme Esther X... ayant son domicile à Saint-Martin, c'est-à-dire dans une collectivité territoriale différente du département d'outre-mer de la Guadeloupe dans lequel la cour d'appel a son siège, bénéficie, en application de l'article 644 du code de procédure civile, d'un délai de 2 mois pour interjeter appel à compter de la notification du jugement.
Le jugement déféré ayant été délivré à Mme X...le 1er août 2013, l'appel interjeté le 17 septembre 2013, soit dans le délai de 2 mois, est en conséquence recevable.

Sur l'effet libératoire du reçu du solde de tout compte :

Aux termes de l'article L. 1234-20 du code du travail, le reçu pour solde de tout compte peut être dénoncé dans les 6 mois qui suivent sa signature, délai au-delà duquel il devient libératoire pour l'employeur pour les sommes qui y sont mentionnées.
En l'espèce, Mme X... a signé un reçu pour solde de tout compte (pièce C 6/ 1 de l'intimé) qui mentionne un délai de 2 mois accordé au salarié et non de 6 mois, pour contester ce reçu.
De plus, ce reçu pour solde de tout compte ne fait aucun inventaire des sommes dues au salarié. Il ne lui assure que le paiement d'une somme globale de 87, 14 euros sans que cette dernière soit identifiée. Il est juste fait mention de la formule générale suivante : " paiement des salaires, accessoires de salaires, des congés payés dus, remboursement de frais et indemnités de toute nature dus au titre de l'exécution et de la cessation d u contrat de travail ".
L'imprécision des informations contenues dans le document signé et accepté le 18 mars 2009 ne permet pas de le juger valable et libératoire pour M. Y....

Sur le rappel de salaires d'octobre 2004 à février 2009 et l'indemnité compensatrice de congés payés y afférents :

S'il résulte de l'article L. 3171-4 du code du travail que la preuve des heures effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties et que l'employeur doit fournir au juge des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande.

En substance, le salarié doit engager l'instance par un début de preuve ou un faisceau d'indices.
L'argument de Mme X... est de soutenir qu'elle travaillait 48 heures par semaine, de 9 heures à 17 heures, 6 jours par semaine d'octobre 2004 à septembre 2005, alors qu'elle était payée pour 39 heures hebdomadaires et que sa situation ne s'est améliorée qu'en juillet 2007, à son retour de congé parental, ne faisant plus que 42 heures par semaine, tantôt de 8 heures à 15 heures, pour une semaine, tantôt de 13 heures à 19 heures pour l'autre, mais toujours payée pour 39 heures.
Elle verse des tableaux dans lesquelles elle calcule la rémunération due au titre de ces heures supplémentaires.
En réponse, M. Y...fait observer principalement à la cour deux points :
Pour la première période (octobre 2004- septembre 2005) : Mme X... confond amplitude de travail avec durée effective de travail, cette dernière ne pouvant pas travailler sans interruption de 9 heures à 17 heures, surtout qu'il était impossible de vérifier cette situation, Mme X... étant souvent seule sur son lieu de travail. En retenant une heure de pause pendant chaque jour, lundi, mardi, mercredi, vendredi, samedi (9 heures-17 heures pour 2004 et 12 heures-20 heures pour 2005) et le dimanche de 2004 et 2005 (9 heures-13 heures) le jeudi étant le jour de repos, Mme X... ne pouvait travailler que 39 heures en moyenne par semaine tout au plus, et non 48 heures.
Pour la seconde période de juillet 2007 à décembre 2008 (ou février 2009) : le propre calcul de l'intéressée conduit à retenir une moyenne de semaine de 39 heures (1ère semaine : 42 heures-deuxième semaine : 36 heures).
Il signale également la non prise en compte dans les tableaux versés par l'appelante des congés payés et des absences durant ces périodes et la déduction à tort des salaires bruts des mensualités de remboursement des prêts consentis à la salariée.
Compte tenu de ces observations pertinentes, les tableaux de M. X... ne peuvent être retenus comme reflétant la réalité et ne peuvent être admis. La démonstration de l'employeur l'emporte par le calcul suivant : 17 h-9 h = 8 h x 5 jours : 40 h + 4 h du dimanche = 44 h- (1 h de pause x 5 jours) : 39 h.

Mme X... ne conteste pas avoir été payée durant ces périodes pour 39 heures de travail. Les bulletins de salaires qui lui ont été délivrés pour ces deux périodes font apparaître le paiement d'heures supplémentaires.
La demande formulée à ce titre est rejetée.

Sur l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé :

Mme X... ne rapporte pas la preuve ou un commencement de preuve du travail dissimulé d'octobre 2001 à mai 2002.
M. Y...a versé deux documents dont un extrait K BIS qui fait ressortir un début d'activité le 06 mai 2002.
Ce seul document permet à la cour de rejeter la demande formulée à ce titre.
Sur le licenciement pour faute grave :
La faute grave visée par les articles L 1234-1 et L 1234-5 du code du travail résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant de son contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.
La charge de la preuve de cette faute incombe à l'employeur.
La lettre de licenciement en date du 27 février 2009, qui fixe les limites du litige, est libellée ainsi :
" (Monsieur) Madame,
Nous faisons suite à notre entretien préalable en date du 23 février 2009, au cours duquel vous étiez assisté par Monsieur Ruddy B..., conseiller extérieur.
Au cours de cet entretien, nous vous avons exposé la situation suivante :
Le vendredi 30 janvier 2009, la responsable, Mme Emilienne Y..., me fait part d'un message, dont le contenu était menaçant, que vous aviez laissé à son attention.
En effet :
o La responsable, qui a dû remarquer une anomalie dans le système, vous a demandé une explication sur le sigma, une des grandes machines et vous avez répondu en laissant un message écrit, insolent et menaçant.
o Ce même jour, vous vous êtes présentée su votre lieu de travail seulement pour repartir discuter avec la voisine pendant 40 minutes avant de prendre votre poste.
o Le dimanche 01 février 2009, M. Y...vous a demandé de lui remettre les clés de la laverie et vous avez répondu : " non, je suis au courant de la loi ". Encore le non respect envers vos supérieurs hiérarchiques, vous décidez quand et comment vous allez remettre les clés.
Nous avons dû, à maintes reprises, vous rappeler vos fonctions et attirer votre attention sur vos comportements au sein de l'entreprise.
En dépit de cela, vous avez continué à être insolente et aujourd'hui vous avez dépassé les bornes ; ceci dénote un manque de respect, un acte d'insubordination et une attitude volontaire fautive.
Vous aviez déjà par le passé décidé d'adopter une attitude laxiste, qui a pris de plus en plus d'ampleur.
Par ailleurs, vu le nombre de courriers qui vous on été adressés et le nombre de mises en garde qui vous ont été faites, nous constatons que votre attitude est délibérée et volontaire, et que peu importe ces avertissements, rien ne change
Lors de l'entretien préalable, vous n'avez pas pu nier les faits précis, matériellement vérifiables, décrits ci-dessus. Vous avez tenté de trouver des excuses ¿ inopérantes'à votre attitude. Vous n'avez donc pas pu laisser espérer une modification de votre comportement.
Compte-tenu de la gravité de votre comportement fautif et des conséquences de ce dernier sur le bon fonctionnement de l'entreprise, votre maintien dans l'entreprise s'avère impossible.
Dans ces conditions, et après délai de réflexion, nous ne pouvons que prendre la décision de vous licencier pour faute grave.
Cette décision prendra donc effet, dès première présentation de ce courrier à votre domicile. A cette date vous ne ferez plus partie de nos effectifs... "
Il est d'abord et principalement reproché à Mme X... des propos insultants et menaçants tenus en anglais et par deux écrits à l'égard de Mme Y..., l'épouse de l'employeur.
Mme X... conteste être l'auteur de ces documents et souhaite une vérification d'écriture.
Les écrits traduits et versés au débats sont effectivement insultants et menaçants.
L'examen de la signature de Mme X... apposée sur le reçu pour solde de tout compte laisse apparaître une écriture identique des prénom et nom de l'appelante qui figurent sur ces documents. Il en est de même pour le certificat de travail comportant à l'emplacement de la signature le prénom manuscrit d'Esther.
La demande de vérification d'écriture ne peut être que rejetée.
Il est aussi reproché à Mme X... de s'être absentée de la laverie à peine arrivée pour la prise de son service, pour discuter sur son temps de travail avec la voisine pendant 40 minutes.
Si Mme X... entendait contester fermement ce reproche, il lui était possible de contredire sur ce point l'employeur en invitant la dite voisine à témoigner en sa faveur. Aucune démarche n'a été faite en ce sens.
Manifestement, Mme X... n'entendait pas accomplir les tâches qui lui étaient dévolues le dit jour. En 2007 et 2008, cette dernière avait déjà été rappelée à l'ordre sur l'inobservation de ses obligations professionnelles, étant employée polyvalente.
Elle n'argumente pas davantage sur le refus de remettre les clés de la laverie à l'employeur, ce refus constituant le troisième grief, alors qu'elle. n'avait aucune autorité pour les retenir, en dépit de la demande de l'employeur.
La faute grave est caractérisée par cet ensemble de griefs et le licenciement de Mme X... justifié. Il convient de débouter cette dernière de toutes ses demandes subséquentes.
Sur les frais irrépétibles et les dépens :.
Succombant à l'instance, Mme X... est condamnée à payer la somme de 800 euros à Mme Y...sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, en matière sociale, par arrêt contradictoire et en dernier ressort :

Déclare recevable l'appel de Mme Esther X... ;
Confirme le jugement du 25 juillet 2013 ;
Condamne Mme Esther X... à payer à M. Aurélien Y...la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Mme Esther X... aux dépens ;
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13/01369
Date de la décision : 05/01/2015
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2015-01-05;13.01369 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award