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15/12/2014 | FRANCE | N°13/01439

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, Chambre sociale, 15 décembre 2014, 13/01439


COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRÊT No 379 DU QUINZE DECEMBRE DEUX MILLE QUATORZE
AFFAIRE No : 13/ 01439
Décision déférée à la Cour : jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 12 septembre 2013- Section Commerce.
APPELANT
Monsieur René X...... 97117 PORT-LOUIS Représenté par Maître Charles-henri COPPET (Toque 14) substitué par Maître BOURACHOT, avocat au barreau de la GUADELOUPE
INTIMÉE
SAS KARUCASH Rond Point Ancien Aéroport de Raizet 97139 LES ABYMES Représentée par Maître BERTE de la SCP BERTE et Associés, avocat au b

arreau de FORT DE FRANCE substituée par Maître WERTER, avocat au barreau de la GUADELO...

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRÊT No 379 DU QUINZE DECEMBRE DEUX MILLE QUATORZE
AFFAIRE No : 13/ 01439
Décision déférée à la Cour : jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 12 septembre 2013- Section Commerce.
APPELANT
Monsieur René X...... 97117 PORT-LOUIS Représenté par Maître Charles-henri COPPET (Toque 14) substitué par Maître BOURACHOT, avocat au barreau de la GUADELOUPE
INTIMÉE
SAS KARUCASH Rond Point Ancien Aéroport de Raizet 97139 LES ABYMES Représentée par Maître BERTE de la SCP BERTE et Associés, avocat au barreau de FORT DE FRANCE substituée par Maître WERTER, avocat au barreau de la GUADELOUPE.

COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 3 novembre 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Bernard Rousseau, président de chambre, président, Madame Marie-Josée Bolnet, conseiller, Madame Françoise Gaudin, conseiller, qui en ont délibéré.
Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 15 décembre 2014
GREFFIER Lors des débats : Madame Valérie Francillette, greffier.
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par Monsieur Bernard Rousseau, président de chambre, président, et par Madame Valérie Francillette, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
M. René X... a été embauché par la société SOFROI à compter du 7 janvier 1991 en qualité de manutentionnaire. Il a été transféré dans le cadre des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail vers la société KARUCASH, selon contrat à durée indéterminée en qualité d'assistant manager Pôle Négatif à partir du 13 janvier 2005.
Dans le dernier état de la relation contractuelle, M. X... avait le statut d'agent de maîtrise et percevait une rémunération mensuelle brute de 2. 843, 86 ¿.
Par lettre du 3 juin 2011, il est convoqué à un entretien préalable en vue de son licenciement fixé au 17 juin suivant et mis à pied à titre conservatoire durant la procédure. Il est licencié pour faute grave par lettre du 21 juin 2011.
Contestant le bien-fondé de son licenciement, M. René X... a saisi le 25 juillet 2011 le conseil des prud'hommes de POINTE à PITRE de demandes en paiement d'indemnités de rupture.
Par jugement en date du 12 septembre 2013, le conseil a débouté M. X... de toutes ses demandes et l'a condamné à payer à la société KARUCASH la somme de 750 ¿ au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
M. X... a interjeté appel dudit jugement le 3 octobre 2013.
M. X... conclut à l'infirmation du jugement, demande à la cour de dire et juger son licenciement dénué de cause réelle et sérieuse et que les conditions de son licenciement sont vexatoires et brutales. Il sollicite la condamnation de la SAS KARUCASH au paiement des sommes suivantes :
8. 531, 88 ¿ à titre d'indemnité de préavis, 11. 375, 44 ¿ à titre d'indemnité de licenciement, 102. 378, 90 ¿ à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 34. 238 ¿ à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice né des conditions brutales et vexatoires de la rupture, 3. 000 ¿ à titre d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile. et d'ordonner le remboursement aux ASSEDICS des indemnités de chômage perçues par M. X... jusqu'au jugement.
Il soutient qu'il n'a jamais volé le moindre kilo d'agneau surgelé à son employeur et n'est pas responsable des erreurs d'étiquetage susceptible d'indiquer un poids non-conforme à la réalité.
La société SAS KARUCASH rétorque pour sa part que les faits reprochés au salarié constituent une faute grave.
Elle demande à la cour de confirmer le jugement entrepris et de dire et juger le licenciement justifié par la faute grave commise par M. X... et le débouter de toutes ses demandes liées à une rupture injustifiée. Elle sollicite la condamnation du salarié au paiement d'une indemnité de 3. 000 ¿ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS
Sur le bien fondé du licenciement :
Attendu que la faute grave visée par les articles L 1234-1 et L 1234-5 du code du travail résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputable au salarié qui constitue une violation des obligations résultant de son contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.
Attendu qu'il appartient à l'employeur de rapporter la preuve de la réalité et de la gravité des griefs énoncés dans la lettre de rupture, dont les termes lient le débat.
Attendu que par ailleurs aucun agissement fautif ne peut donner lieu à des poursuites disciplinaires plus de deux mois au-delà de la date à laquelle l'employeur en a eu connaissance, sauf s'il a donné lieu à des poursuites pénales dans le même délai (art. L. 1332-4 du code du travail).
Attendu que la lettre de licenciement en date du 21 juin 2011 est libellée en ces termes :
« Nous avons eu à déplorer de votre part un agissement fautif constitutif d'une faute grave. Le 01er juin 2011, vous vous êtes rendu coupable d'un vol en emportant de la marchandise insuffisamment facturée : en l'occurrence un agneau de 15, 600 kgs que vous avez fait facturer et payé pour un poids total de 13 kilos. Lors d'une première tentative, vous aviez déjà présenté un agneau de 16 kilos, le contrôleur vous avait alors demandé de retourner chercher un agneau conforme au poids indiqué sur la facture. Vous êtes tout de même ressorti avec un agneau de 15, 600 kgs, sans passer au contrôle, ce qui constitue un acte délibéré. Au cours de l'entretien du 17 juin 2011 vous avez reconnu les faits et mesuré leur porté. Mais les explications recueillies ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation à ce sujet ; en votre qualité d'agent de maîtrise, cette conduite met en cause la bonne marche du service. En conséquence nous vous informons que nous avons décidé de vous licencier pour faute grave. »
Que l'employeur invoque un motif précis à savoir le vol de marchandises par le salarié dans l'entreprise.
Que ce motif, matériellement vérifiable, constitue l'énoncé d'un juste motif au sens légal.
Que lesdits faits reprochés au salarié sont datés et permettent donc de vérifier qu'ils ont été commis moins de deux mois avant l'engagement des poursuites disciplinaires.
Qu'il est reproché à M. X... d'avoir emporté à son domicile de la marchandise insuffisamment facturée, à savoir un agneau de 15, 600 kg qu'il a fait facturer et payer pour un poids total de 13 kg, et ce bien qu'il ait été contrôlé une première fois pour le même motif et qu'il lui a été demandé d'échanger la marchandise et de prendre un agneau conforme à ce qui avait été facturé.
Que lesdites allégations sont corroborées par les attestations produites par l'employeur, émanant notamment de l'agent de sécurité, M. Thierry Y..., ayant procédé au contrôle de la facture et de la marchandise y afférente, celle de Mme Z... Paola, facturière du magasin KARUCASH et de Didier A..., Manager Département dans l'entreprise, témoins directs des faits. Qu'enfin, Mme B..., directrice d'exploitation du magasin, relate le déroulement des faits desquels il résulte que le salarié a sorti volontairement de la marchandise sans repasser au contrôle et sans facturation complémentaire, alors qu'il avait été interpellé par l'agent de contrôle une première fois.
Que le salarié ne peut invoquer une erreur d'étiquetage ni de facturation alors qu'il ressort desdites attestations qu'il a d'abord vers 8h30 du matin demandé à la caissière de lui facturer un agneau de 13 kg en présentant à celle-ci seulement l'étiquette de l'agneau, lequel était en attente en chambre froide, car il ne terminait pas encore son service et qu'il allait faire contrôler sa facture à la fin de celui-ci. Que M. X... a effectivement dans un premier temps emporté la marchandise en début d'après-midi. Qu'il y a eu incontestablement minoration volontaire du prix de vente d'une marchandise de l'entreprise par un salarié de celle-ci. Que la réalité des faits objectifs est établie par les attestations produites, non arguées de faux et parfaitement valables, M. X... ayant été pris sur le fait par son employeur.
Qu'en tant qu'agent de maîtrise chargé de faire respecter les règles de discipline et les consignes de sécurité, M. X... a commis une faute en contournant lesdites règles de contrôle.
Que cependant, eu égard à la modicité du montant de la minoration et au caractère isolé de ladite faute dans un parcours professionnel de 20 ans dans la même entreprise, il convient de considérer que le comportement fautif du salarié ne constitue pas une faute grave de nature à rendre impossible le maintien du salarié dans l'entreprise mais constitue néanmoins une cause réelle et sérieuse de licenciement, dès lors qu'il mettait définitivement à mal la confiance et la loyauté qui doit présider à la relation contractuelle de travail.
Qu'il convient donc, en réformation du jugement déféré, et de dire et juger qu'était fondé sur une cause réelle et sérieuse mais non sur une faute grave, le licenciement prononcé par lettre du 21 juin 2011.
Que M. X... sera débouté en conséquence de sa demande en paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur les circonstances du licenciement
Attendu que les accusations portées contre le salarié n'étant pas infondées et justifiant le licenciement de M. X..., ce dernier sera débouté de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement brutal et vexatoire.
Sur les indemnités de rupture :
Attendu qu'en l'absence de faute grave, le salarié est en droit de percevoir l'indemnité de préavis et l'indemnité de licenciement. Que la durée du préavis est prévue à l'article L. 1234-1 du code du travail, en fonction de l'ancienneté du salarié dans l'entreprise mais les alinéas 2 et 3 dudit article ne sont applicables que si la loi, la convention ou l'accord collectif de travail, le contrat de travail ou les usages ne prévoient pas un préavis ou une condition d'ancienneté de services plus favorable pour le salarié. Qu'il existe un usage dans le ressort du conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre, selon lequel après un an d'ancienneté la durée du préavis dans le commerce et les services est de 3 mois, cet usage ayant été consacré par la convention collective régionale du commerce et des services de la Guadeloupe en date du 25 mai 1982, en particulier par son article 37 et son annexe 1, preuve qu'il s'agit d'un usage constant admis par les partenaires sociaux. Que compte tenu de son ancienneté et de son statut d'agent de maîtrise dans une entreprise commerciale, il y a lieu de faire droit à la demande de M. X... à hauteur de 8. 531, 58 ¿, dont le montant n'est pas contesté par l'employeur.
Que l'annexe de la convention collective du commerce alimentaire de gros relative aux agents de maîtrise prévoit que l'indemnité de licenciement pour les personnels de plus de 20 ans d'ancienneté au moment du licenciement, se calcule comme suit : 2/ 10ème de mois par année de présence pour la tranche de 1 à 10 ans, 3/ 10ème de mois pour la tranche après 10 ans.
Que M. X... ayant une ancienneté de 20 ans à la date de la fin de son préavis, et son salaire moyen des trois derniers mois s'élevant à la somme de 2. 843, 86 ¿, il sera fait droit à sa demande d'indemnité conventionnelle de licenciement qu'il formule à hauteur de 11. 375, 44 ¿, dont le montant n'est pas contesté par l'employeur.

Sur le remboursement des allocations chômage
Attendu que le licenciement étant fondé sur une cause réelle et sérieuse, les dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail n'ont pas vocation à s'appliquer en l'espèce.
Attendu qu'il paraît par ailleurs équitable que la société intimée participe à concurrence de 1. 000 ¿ aux frais exposés par M. X... en cause d'appel ;

PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Réforme le jugement déféré,
Statuant à nouveau,
Dit et juge le licenciement de M. René X... fondé sur une cause réelle et sérieuse, mais non sur une faute grave.
En conséquence,
Condamne la société SAS KARUCASH à payer à M. René X... la somme de 8. 531, 88 ¿ au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et celle de 11. 375, 44 ¿ à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, outre la somme de 1. 000 ¿ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Rejette toute autre demande.
Condamne la société intimée aux entiers dépens.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13/01439
Date de la décision : 15/12/2014
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2014-12-15;13.01439 ?
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