La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/12/2014 | FRANCE | N°13/01319

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, Chambre sociale, 15 décembre 2014, 13/01319


COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRÊT No 374 DU QUINZE DECEMBRE DEUX MILLE QUATORZE
AFFAIRE No : 13/ 01319
Décision déférée à la Cour : jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de la Guadeloupe du 23 juillet 2013

APPELANTE
SARL SOCIETE GUADELOUPEENNE DE CARTONS ONDULES Prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié es-qualité au siège. Les Pères Blancs 97123 BAILLIF Représentée par la SCP DELRUE BOYER GADOT, avocat au barreau de Paris substituée par Maître Philippe LOUIS (Toque 62), avocat au barreau de la

GUADELOUPE
INTIMÉS
Monsieur Nicolas X...... 97100 BASSE-TERRE Représenté par Maî...

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRÊT No 374 DU QUINZE DECEMBRE DEUX MILLE QUATORZE
AFFAIRE No : 13/ 01319
Décision déférée à la Cour : jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de la Guadeloupe du 23 juillet 2013

APPELANTE
SARL SOCIETE GUADELOUPEENNE DE CARTONS ONDULES Prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié es-qualité au siège. Les Pères Blancs 97123 BAILLIF Représentée par la SCP DELRUE BOYER GADOT, avocat au barreau de Paris substituée par Maître Philippe LOUIS (Toque 62), avocat au barreau de la GUADELOUPE
INTIMÉS
Monsieur Nicolas X...... 97100 BASSE-TERRE Représenté par Maître Charles NICOLAS (Toque 69) substitué par Maître BOURACHOT, avocat au barreau de la GUADELOUPE
CAISSE GENERALE DE SECURITE SOCIALE DE LA GUADELOUPE B. P. 486- Quartier de l'Hotel de Ville 97159 POINTE. A. PITRE CEDEX Représentée par Madame Y...

COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 3 novembre 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Bernard Rousseau, président de chambre, président, Madame Marie-Josée Bolnet, conseiller, Madame Françoise Gaudin, conseiller, qui en ont délibéré.
Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 15 décembre 2014

GREFFIER Lors des débats : Madame Valérie Francillette, greffier.

ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par Monsieur Bernard Rousseau, président de chambre, président, et par Madame Valérie Francillette, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

Faits et procédure :
M. Nicolas X... a été embauché par la Société Guadeloupéenne de Cartons Ondulés le 1er décembre 2003, en qualité de manoeuvre.
Selon les conclusions écrites de l'employeur lui-même, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats devant la cour, M. X... a été victime, le 10 décembre 2008, d'un accident du travail, alors qu'il se trouvait de dos, accroupi, en train de manoeuvrer un convoyeur sur roulettes pour le guider vers une machine à cartons appelée « MARTIN 1000 », il a été heurté par un collègue, M. Henri Z..., qui conduisait un chariot automoteur.
La déclaration d'accident du travail en date du 10 décembre 2008, a été adressée par l'employeur et reçue par la Caisse Générale de Sécurité Sociale de la Guadeloupe, ci-après désignée C. G. S. S., le 16 décembre 2008. Il n'était fait mention d'aucune réserve.
Cette déclaration d'accident du travail était suivie de l'envoi d'un certificat médical initial établi le 10 décembre 2008 et reçu par la C. G. S. S. le 1er avril 2009.
Par courrier des 25 et 29 avril 2009, la C. G. S. S. notifiait à M. X... et à son employeur la prise en charge de l'accident au titre de la législation relative aux risques professionnels.
Depuis l'accident du travail, la C. G. S. S. a versé des indemnités journalières à M. X..., son état n'étant pas encore consolidé.
Le 22 octobre 2012, M. X... a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale d'une requête aux fins de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur et sollicitait la convocation de la C. G. S. S..
Par jugement du 23 juillet 2013, la juridiction saisie :- a déclaré recevable et bien fondé le recours formé par M. X...,- a déclaré la décision du 25 avril 2009 de prise en charge de l'accident du travail dont Monsieur X... a été victime le 10 décembre 2008, opposable à la Société Guadeloupéenne de Cartons Ondulés,
- a dit que l'accident du travail dont a été victime M. X... est dû à la faute inexcusable employeur,- a ordonné la majoration au taux maximum de la rente allouée à M. X...,- a fixé la majoration de la rente au taux maximum,- a ordonné une expertise médicale,- dit que la C. G. S. S. devait faire l'avance des frais d'expertise médicale et de la provision à charge pour elle de recouvrer les sommes auprès de la Société Guadeloupéenne de Cartons Ondulés,- dit que la C. G. S. S. devait verser à Monsieur X... la somme de 20 000 ¿ à titre de provision à valoir sur l'indemnisation définitive de ses préjudices,- a renvoyé l'affaire à l'audience du 19 novembre 2013,- a déclaré le jugement commun à la Société Guadeloupéenne de Cartons Ondulés et à la C. G. S. S.,- a condamné la Société Guadeloupéenne de Cartons Ondulés à payer à M. X... la somme de 700 ¿ en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclarations adressées à la cour le 9 septembre 2013 et le 10 septembre 2013, la Société Guadeloupéenne de Cartons Ondulés formait appel de cette décision. Les deux appels étaient joints.
Par conclusions notifiées aux parties adverses le 3 septembre 2014, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, la Société Guadeloupéenne de Cartons Ondulés sollicite l'infirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions.
Elle invoque l'autorité de la chose jugée de l'arrêt de la chambre correctionnelle de la cour d'appel de Basse-Terre en date du 22 juillet 2014, et fait valoir que les conditions de la faute inexcusable de l'employeur ne sont pas réunies. Elle conclut au rejet de la demande formée par Monsieur X... à son encontre.
La Société Guadeloupéenne de Cartons Ondulés entend se prévaloir également de l'inopposabilité à l'employeur des conséquences d'une éventuelle reconnaissance de la faute inexcusable. Selon l'appelante le principe du respect du contradictoire dans la procédure de reconnaissance que les caisses primaires sont tenues préalablement à leur décision d'assurer par l'information, non seulement de la victime mais aussi de l'employeur sur la procédure d'instruction et les points susceptibles de leur faire grief, n'a pas été respecté.
À titre subsidiaire elle conclut à l'instauration d'une expertise judiciaire faisant valoir que le préjudice résultant de la perte ou de la diminution des possibilités de promotion professionnelle de M. X... ne saurait entrer dans la mission de l'expert judiciaire.
Par conclusions notifiées à l'employeur le 14 janvier 2014, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, M. X... sollicite la confirmation du jugement entrepris sauf en ce qui concerne le montant de la provision allouée et demande à ce titre le versement de la somme de 200 000 ¿ par la C. G. S. S., à valoir sur son indemnisation définitive de ses préjudices. Il réclame en outre paiement de la somme de 3000 ¿ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Faisant valoir que l'employeur est tenu envers le salarié d'une obligation de sécurité de résultat, notamment ce qui concerne les accidents du travail, M. X... invoque la violation des dispositions réglementaires suivantes :- R. 4323-41 du code du travail, en faisant valoir que des mesures d'organisation doivent être prises pour éviter des collisions susceptibles de mettre en danger les personnes,- R. 4323-51 du code du travail soutenant que l'employeur n'a pas veillé à la bonne application des règles de circulation qu'il a établies,- R. 4141-11 du code du travail concernant la formation à la sécurité relative aux conditions de circulation des personnes, qui doit être dispensée sur les lieux du travail,- R. 4323-1 et suivants du code du travail concernant l'information appropriée des travailleurs qui a fait défaut en l'espèce,- L. 4121-3, R. 4121-1, R. 4121-2 et R. 4741. 1 du code du travail, concernant la transcription et la mise à jour du document unique d'évaluation des risques professionnels,- R. 4323-52 du code du travail, concernant les mesures qui doivent être prises pour éviter que les travailleurs à pied ne soient blessés par des équipements de travail mobiles,- L. 4121-2 du code du travail, concernant la mise en oeuvre de mesures sur le fondement des principes généraux de prévention,- R. 4321-1 et suivants du code du travail, concernant l'utilisation des équipements de travail et des moyens de protection,- R. 4324-42 du code du travail, concernant les dispositifs auxiliaires améliorant la visibilité.
Par conclusions du 11 août 2014, la C. G. S. S. sollicite la confirmation du jugement entrepris et de la décision de prise en charge de l'accident dont M. X... a été victime le 10 décembre 2008, laquelle est opposable à la Société Guadeloupéenne de Cartons Ondulés.
Elle explique que selon l'article R 441-10 du code du travail, elle avait un délai de 30 jours à compter de la date à laquelle elle a eu connaissance de la déclaration d'accident et du certificat médical initial pour statuer sur le caractère professionnel de l'accident, ce qu'elle a fait en notifiant le 29 avril 2009 à l'employeur et à la victime la prise en charge de l'accident, après avoir reçu le certificat initial le 1er avril 2009. Elle indique qu'ainsi elle n'a pas manqué au respect du principe du contradictoire.
Elle entend voir surseoir à statuer sur la demande de provision d'un montant de 200000 euros dans l'attente des conclusions de l'expert. A titre subsidiaire elle demande de ramener la somme de 200 000 euros à de plus justes proportions.

MOTIFS DE LA DECISION :
Dans ses écritures, auxquelles elle s'est expressément référée lors de l'audience des débats, la Société Guadeloupéenne de Cartons Ondulés ne conteste pas le caractère professionnel de l'accident subi par M. X... le 10 décembre 2008, et n'avance d'ailleurs aucun argument à l'appui d'une telle contestation. Au demeurant en tête de ses conclusions elle indique que M. X... a été victime « d'un grave accident du travail ».
L'employeur entend soutenir seulement que la décision de prise en charge au titre des accidents du travail ne lui serait pas opposable, faute de respect, par la C. G. S. S., du principe du contradictoire.
Il y a lieu de rappeler que selon les dispositions de l'article R. 441-10 du code du travail dans sa rédaction résultant du décret no 99-323 du 27 avril 1999, applicable lors de l'accident, la C. G. S. S. disposait d'un délai de 30 jours à compter de la date à laquelle elle a eu connaissance de la déclaration d'accident pour statuer sur le caractère professionnel de cet accident. Contrairement à ce que soutient la C. G. S. S., la rédaction de ce texte, tel qu'il était alors en vigueur, ne prévoyait pas que le point de départ du délai de 30 jours puisse être la remise du certificat médical initial.
Dès lors et en application de l'alinéa 3 du texte suscité, en l'absence de décision de la C. G. S. S. dans le délai de 30 jours, le caractère professionnel de l'accident a été implicitement reconnu.
Cette reconnaissance du caractère professionnel de l'accident a été confirmée par notifications par la C. G. S. S. d'une décision explicite, les 25 et 29 avril 2009 à l'égard du salarié, et le 29 avril 2009 à l'égard de l'employeur.
Il y a lieu de relever que la décision de la C. G. S. S. n'a pas été précédée d'un examen ou d'une enquête complémentaire telle que prévue par l'article R. 441-14 dans sa rédaction résultant du décret suscité, et alors applicable.
Il est vrai que la description de l'accident tel qu'exposée par le contrôleur de gestion de la Société Guadeloupéenne de Cartons Ondulés, dans la déclaration d'accident du travail, suffit à elle-même pour démontrer que l'accident est survenu à l'heure et au lieu du travail, et par le fait du travail à un salarié de l'entreprise qui y travaillait, puisqu'il explique que le conducteur d'un « clark » venait de déposer une palette de cartons sur son engin qu'il a actionné en marche avant et a alors heurté M. X... qui déplaçait un convoyeur.
Contrairement à ce que la Société Guadeloupéenne de Cartons Ondulés tire de la rédaction de la lettre de notification de prise en charge du 25 avril 2009, adressée à M. X..., qui fait état par erreur d'un arrêt de la cour d'appel et d'une décision antérieure de refus de prise en charge, cette prise en charge résulte d'une décision implicite comme il a été expliqué ci-avant, et en outre aucun arrêt de la cour d'appel n'a pu intervenir entre la date de l'accident du travail, le 10 décembre 2008 et le 25 avril 2009. C'est d'ailleurs pourquoi une deuxième lettre de notification a été adressée à M. X... le 29 avril 2009, exempte de toute référence à un arrêt de la cour d'appel.
Il y a lieu de relever que l'enquête de gendarmerie et l'enquête des services de la direction départementale du travail ont été clôturées bien postérieurement à la décision expresse de la C. G. S. S., à savoir respectivement le 29 octobre 2009 et 28 novembre 2009..
Dans la mesure où en l'espèce il y a eu reconnaissance implicite du caractère professionnel de l'accident, la C. G. S. S. n'avait pas l'obligation, comme prévu par l'article R. 441-11 du code du travail dans sa rédaction applicable à l'époque de l'accident, d'assurer l'information de la victime, de ses ayants droits et de l'employeur préalablement à sa décision sur la procédure d'instruction et sur les points susceptibles de leur faire grief.
Il y a lieu de rappeler par ailleurs, qu'en application de l'article R. 441-12 du code du travail, après la déclaration de l'accident, la victime et l'employeur peuvent faire connaître leurs observations et toute information complémentaire.
Ainsi les circonstances dans lesquelles a été reconnu le caractère professionnel de l'accident, et la notification que la C. G. S. S. en a fait à l'employeur, rendent opposable à celui-ci ledit caractère professionnel. Au demeurant la Société Guadeloupéenne de Cartons Ondulés, dans le cadre de la présente instance n'avance aucun argument tendant à contester le caractère professionnel de l'accident de M. X....
Par contre la Société Guadeloupéenne de Cartons Ondulés conteste expressément la possibilité d'invoquer à son encontre, l'existence d'une faute inexcusable, en faisant valoir qu'à la suite de la procédure de gendarmerie des poursuites pénales ont été engagées à son encontre, lesquelles ont donné lieu, le 22 juillet 2014, à une décision de relaxe de la part de la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel de Basse-Terre.
Toutefois la déclaration par le juge répressif, de l'absence de faute pénale non intentionnelle, ne fait pas obstacle à la reconnaissance d'une faute inexcusable en application de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale. En effet selon les dispositions de l'article 4- 1du code de procédure pénale, dont la rédaction résulte de la loi 2000-647 du 10 juillet 2000, l'absence de faute pénale non intentionnelle au sens de l'article 121-3 du code pénal ne fait pas obstacle à l'exercice d'une action devant les juridictions civiles afin d'obtenir la réparation d'un dommage sur le fondement de l'article 1383 du Code civil si l'existence de la faute civile prévue par cet article est établie ou en application de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale si l'existence de la faute inexcusable prévue par cet article est établie.
Il convient donc d'écarter la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée de l'arrêt rendu par la chambre correctionnelle de la cour d'appel de Basse-Terre le 22 juillet 2014.
En ce qui concerne l'accident lui-même, une description précise en a été donnée, après enquête, par le contrôleur du travail de la direction départementale du travail de l'emploi et de la formation professionnelle qui s'est rendu sur les lieux :
« M. X... était baissé, en train de manoeuvrer un convoyeur sur roulettes pour le guider vers la machine à carton « Martin 1000 » qui permet de fabriquer des cartons ; au moment où la victime, accroupi, tirait le convoyeur pour l'orienter vers la machine « Martin 1000 », le cariste (Monsieur Z...) conduisant le chariot élévateur dans le sens de l'avant avec son chargement de palette de cartons assez important, dans l'aire de stockage prévu à cet effet, le heurte ; l'insuffisance de visibilité du fait de l'importance de la charge l'a empêché de voir son collègue (Monsieur X...) baissé, occupé à manoeuvrer le convoyeur sur lequel ce dernier devait décharger les palettes lorsque l'accident s'est produit. »
Le certificat médical délivré le 7 octobre 2009, par le docteur A... Olivier, précise que M. X... a subi une amputation du tiers inférieur de la jambe et qu'il en est résulté une incapacité temporaire de travail de six mois sauf complications.
Les premiers juges ont relevé à juste titre, la violation par l'employeur des dispositions de l'article R. 4323-41 du code du travail, lequel dispose que :- le poste de manoeuvre d'un appareil de levage est disposé de telle sorte que le conducteur puisse suivre des yeux les manoeuvres réalisés par les éléments mobiles de l'appareil,- lorsque le conducteur d'un équipement de travail servant au levage de charges non guidées ne peut observer le trajet entier de la charge ni directement ni par des dispositifs auxiliaires fournissant les informations utiles, un chef de manoeuvre, en communication avec le conducteur, aidé, le cas échéant, par un ou plusieurs travailleurs placés de manière à pouvoir suivre des yeux les éléments mobiles pendant leur déplacement, dirige le conducteur,- des mesures d'organisation sont prises pour éviter des collisions susceptibles de mettre en danger les personnes,
mais aussi les violations des dispositions de l'article R. 4323-51 du code du travail qui dispose que :
- lorsqu'un équipement de travail mobile évolue dans une zone de travail, l'employeur établit des règles de circulation adéquate et veille à leur bonne application
Par ailleurs il a été relevé également la violation des dispositions de l'article R. 4141-11 du code du travail qui dispose que la formation à la sécurité relative aux conditions de circulation des personnes est dispensée sur les lieux du travail, cette formation ayant pour objet d'enseigner au travailleur, à partir des risques auxquels il est exposé, notamment les règles de circulation des véhicules et engins de toute nature sur les lieux de travail et dans l'établissement.
Doit être également relevé le non-respect des dispositions des articles L. 4121-3, R. D121-1 et R. 4121-2, desquelles il résulte que l'employeur, compte tenu de la nature des activités de l'établissement, évalue les risques pour la santé et la sécurité des travailleurs, y compris dans le choix des procédés de fabrication, des équipements de travail, des substances ou préparations chimiques, dans l'aménagement ou le réaménagement des lieux de travail ou des installations et dans la définition des postes de travail. A la suite de cette évaluation, l'employeur met en oeuvre des actions de prévention ainsi que les méthodes de travail et de production garantissant un niveau de protection de la santé de la sécurité des travailleurs. L'employeur transcrit et met à jour dans un document unique les résultats de l'évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs à laquelle il procède en application de l'article L. 4121-3.
L'employeur verse au débat deux documents internes, relatifs à la sécurité des travailleurs : le document unique d'évaluation des risques professionnels et le règlement intérieur.
Le premier cité, en matière de circulation et déplacement ne signale que : "- croisement chariots/ piétons,- clients sur le quai avec chariots-accès difficile aux palettes, polybay, camions container, encres "
Dans le second, il est simplement mentionné pour les chariots automoteurs qu'il est formellement interdit à toute personne autre que le conducteur spécialement désigné de manoeuvrer ou de conduire un chariot automoteur, l'emploi des chariots étant interdit pourle transport des personnes.
Aucune note de service n'est produite concernant le respect des voies à emprunter, le volume des charges, le sens de circulation à respecter.
Ainsi il ne résulte d'aucun document interne à l'entreprise, que l'employeur ait formulé des prescriptions particulières en matière de circulation des chariots élévateurs, ni en ce qui concerne le respect des voies à emprunter, le volume des charges, le sens de circulation à respecter.
Par ailleurs l'employeur ne justifie pas avoir satisfait à l'obligation de faire dispenser sur les lieux du travail, une formation à la sécurité relative aux conditions de circulation des personnes, et concernant notamment les règles de circulation des véhicules et engins de toute nature.
Il ressort des déclarations de M. Z... et du plan établi lors de l'enquête de gendarmerie, que le cariste devait d'abord parcourir l'allée principale, avant de prendre un virage
La formation de cariste, ne saurait dispenser l'employeur, de prescrire toute disposition nécessaire pour assurer le déplacement sécurisé des chariots élévateurs à l'intérieur de l'entreprise.
Compte tenu de l'importance des charges transportées par le chariot élévateur à chaque trajet, entraînant une absence de visibilité en marche avant, le cariste de l'entreprise devait constamment opéré en marche arrière, ce qui ne constitue pas les conditions optimales de conduite, d'autant que le trajet emprunté apparaît relativement long, M. Z... ayant précisé qu'il s'était déplacé en marche arrière le long d'une première allée, puis a fait demi-tour pour continuer, ayant ainsi poursuivi son déplacement en avant sur 24 mètres avant de heurter M. X..., à proximité de l'endroit ou sa voie de circulation présente un angle droit, selon le plan figurant en annexe du procès-verbal de gendarmerie.
Comme le relève le contrôleur du travail, le cariste qui est contraint de circuler en marche arrière à l'aide de rétroviseurs, est ainsi constamment soumis à un mode de conduite anormal dans sa conduite, sa fréquence et sa durée.
M. Z... a d'ailleurs indiqué au service enquêteur qu'il procédait depuis longtemps, de la même façon que le jour de l'accident, précisant que ce jour là il faisait ce parcours depuis six heures du matin. Il faisait savoir cependant que depuis le jour de l'accident il se déplaçait en marche arrière jusqu'au lieu du stockage.
Dans la mesure où il se révèle qu'aucune consigne particulière à destination des caristes n'avait été diffusée au sein de l'entreprise, aucun document n'étant produit dans ce sens, dans la mesure où l'importance des charges transportées empêchait toute visibilité à l'avant du chariot, et où par mesure de commodité, pour éviter un trajet long en marche arrière, comportant un virage à angle droit, le cariste était incité à adopter la marche avant plus confortable, et qu'il a été procédé ainsi le jour de l'accident, en présence d'un contremaître, M. B..., sans que celui-ci prenne les dispositions nécessaires pour assurer un déplacement du chariot en toute sécurité, l'employeur n'a pas pris, au regard de la réglementation sus-rappelé, les dispositions nécessaires, que lui imposaient la réglementation sus-rappelée, afin d'assurer les conditions de sécurité qui devaient s'appliquer aux déplacements du chariot élévateur.
Manifestement l'employeur qui est tenu de veiller personnellement et à tout moment à la stricte et constante application des dispositions réglementaires destinées à assurer la sécurité de son personnel, n'a pas fait respecter les dispositions suscitées, ni mis les moyens nécessaires pour les respecter, puisque d'une part le cariste a fait fonctionner son chariot élévateur en marche avant alors que la charge qu'il transportait l'empêchait d'observer le trajet entier qu'il parcourait, et que dans ces circonstances il n'a pas été mis en place un chef de manoeuvre en communication avec le conducteur pour diriger celui-ci.
Il apparaît en outre que la voie de circulation que devait suivre le cariste n'a pas été respectée, l'accident ayant eu lieu en dehors de cette voie.
Il ne résulte d'aucun des documents internes à l'entreprise versés aux débats, qu'il ait été prescrit une quelconque réglementation concernant le mode de circulation des chariots autoporteur.
Compte tenu des manquements de l'employeur à ses obligations de sécurité, et de l'absence de mesures propres à éviter un mode de déplacement manifestement dangereux, engendré par l'importance des charges transportées, la faute inexcusable de l'employeur est caractérisée.
En conséquence le jugement déféré sera confirmé, sauf à porter à 100 000 euros la provision que devra verser la C. G. S. S. à M. X..., compte tenu de l'importance de l'indemnisation prévisible auquel ce dernier peut prétendre notamment au titre des souffrances physiques et morales, et de ses préjudices esthétiques et d'agrément au regard des lésions subies, une expertise étant nécessaire pour en déterminer le montant exact.
Pour une bonne administration de la justice, il doit être fait application des dispositions de l'article 568 du code de procédure civile, la cour évoquant l'affaire afin de lui donner une solution définitive.
La mesure d'expertise confiée au docteur C... Josy est confirmée sauf à préciser que la somme à valoir sur la rémunération de l'expert, est ramenée à 1000 euros, et devra être consignée à titre d'avance par la C. G. S. S., au greffe de la cour d'appel dans le délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt, le rapport d'expertise devant être déposé par l'expert au greffe de la chambre sociale de la cour d'appel de Basse-Terre, dans les quatre mois de sa saisine, le magistrat de la chambre sociale, chargé de l'instruction de l'affaire étant désigné pour suivre les opérations d'expertise,

Par ces motifs,
La cour, statuant publiquement, contradictoirement, par arrêt mixte et en dernier ressort,
Confirme le jugement entrepris sauf à porter à la somme de 100 000 euros, la provision que la C. G. S. S. doit verser à M. X...,
Confirme la désignation en qualité d'expert du docteur C... Josy, ... 97170 PETIT BOURG, qui pourra s'adjoindre tout sapiteur de son choix avec la mission suivante, les parties et leurs représentants désignés dûment convoqués, de :- se faire remettre l'entier dossier médical de Monsieur X...,- examiner Monsieur X...,- décrire les lésions résultantes et imputables directement et exclusivement à l'accident du 10 décembre 2008,- évaluer le pretium doloris en lien direct et exclusif avec l'accident du travail précité,- déterminer si Monsieur X... a subi un préjudice esthétique et un préjudice d'agrément en lien direct et exclusif avec son accident du travail,- déterminer s'il a subi un préjudice sexuel,- déterminer s'il a dû engager des frais liés à l'aménagement de son véhicule ou de son logement,- déterminer s'il a eu recours à l'assistance d'une tierce personne avant consolidation,- déterminer s'il a subi des préjudices permanents exceptionnels,- déposer un pré-rapport qui sera soumis au contradictoire des parties qui pourront présenter des dires,- déposer un rapport et l'adresser aux parties,
Fixe à 1000 euros, la somme qui devra être consignée au greffe de la chambre sociale de la cour d'appel de Basse-Terre dans le délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt,
Dit que le préjudice résultant de la perte ou de la diminution des possibilités de promotions professionnelles de Monsieur X... ne saurait entrer dans la mission de l'expert,
Dit qu'il appartiendra à la C. G. S. S. de faire l'avance de l'intégralité des fonds alloués à Monsieur X... y compris la provision sollicitée,
Dit que l'expert pourra s'adjoindre tout spécialiste de son choix, à charge pour lui d'en informer préalablement le magistrat chargé de l'instruction de l'affaire et de joindre l'avis du sapiteur à son rapport,
Dit que si le sapiteur n'a pu réaliser ses opérations de manière contradictoire, son avis devra être immédiatement communiqué aux parties par l'expert,
Dit que l'expert établira un pré-rapport avant son rapport définitif et laissera un délai d'un mois aux parties pour faire leurs éventuelles observations,
- Dit que l'expert répondra dans le rapport définitif aux éventuelles observations écrites des parties,
Dit que l'expert déposera son rapport au greffe de la chambre sociale de la cour d'appel de Basse-Terre dans les quatre mois de sa saisine, et transmettra une copie à chacune des parties,
Dit que la C. G. S. S. devra faire l'avance des frais d'expertise médicale et de la provision à charge pour elle de recouvrer les sommes auprès de la Société Guadeloupéenne de Cartons Ondulés,
Désigne le magistrat chargé de l'instruction de l'affaire pour suivre les opérations d'expertise,
Dit que la C. G. S. S. devra verser à Monsieur X... la somme de 100 000 ¿ à titre de provision à valoir sur l'indemnisation définitive de ses préjudices,
Déclare le présent arrêt commun à la Société Guadeloupéenne de Cartons Ondulés et à la C. G. S. S.,
Réserve toute autre moyens et tout autres prétention des parties.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13/01319
Date de la décision : 15/12/2014
Sens de l'arrêt : Expertise
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2014-12-15;13.01319 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award