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15/12/2014 | FRANCE | N°12/01566

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, Chambre sociale, 15 décembre 2014, 12/01566


VF-FG

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRÊT No 368 DU QUINZE DECEMBRE DEUX MILLE QUATORZE

AFFAIRE No : 12/ 01566
Décision déférée à la Cour : jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 3 juillet 2012- Section Commerce.
APPELANTE
Madame Rosalie X... ... 97139 LES ABYMES Représentée par Maître Betty NAEJUS de la SCP NAEJUS-HILDEBERT (Toque 108) substituée par Maître GONAND, avocat au barreau de la GUADELOUPE

INTIMÉE
SARL HOTEL RESIDENCE CANELLA BEACH Pointe de la Verdure 97190 LE GOSIER Représentée par Maître Lau

rence BOTBOL LALOU, avocat au barreau de PARIS substituée par Maître BOURACHOT, avocat au barre...

VF-FG

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRÊT No 368 DU QUINZE DECEMBRE DEUX MILLE QUATORZE

AFFAIRE No : 12/ 01566
Décision déférée à la Cour : jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 3 juillet 2012- Section Commerce.
APPELANTE
Madame Rosalie X... ... 97139 LES ABYMES Représentée par Maître Betty NAEJUS de la SCP NAEJUS-HILDEBERT (Toque 108) substituée par Maître GONAND, avocat au barreau de la GUADELOUPE

INTIMÉE
SARL HOTEL RESIDENCE CANELLA BEACH Pointe de la Verdure 97190 LE GOSIER Représentée par Maître Laurence BOTBOL LALOU, avocat au barreau de PARIS substituée par Maître BOURACHOT, avocat au barreau de la GUADELOUPE

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 3 novembre 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Bernard Rousseau, président de chambre, président, Madame Marie-Josée Bolnet, conseiller, Madame Françoise Gaudin, conseiller, qui en ont délibéré.

Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 15 décembre 2014.
GREFFIER Lors des débats : Madame Valérie Francillette, greffier.
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par Monsieur Bernard Rousseau, président de chambre, président, et par Madame Valérie Francillette, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Mme X... Rosalie a été engagée selon contrat à durée déterminée à compter du 19 octobre 1992, en qualité de serveuse, puis selon contrat à durée indéterminée du 1er novembre 1993 en qualité d'assistante maître d'hôtel, puis maître d'hôtel à partir du 1er décembre 2000 par la société SARL HOTEL RESIDENCE CANELLA BEACH, dite ci-après CANELLA BEACH, laquelle gère un fonds de commerce d'hôtel-restaurant exploité sous l'enseigne HOTEL CANELLA BEACH au Gosier.
Par courrier du 18 mars 2009, la société CANELLA BEACH proposait à Mme X... une modification de son contrat de travail pour motif économique en vertu de l'article L. 1222-6 du code du travail.
Par lettre datée du 21 avril 2009, Mme X... refusait cette modification.
La société CANELLA BEACH a convoqué Mme X... à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement fixé au 30 avril 2009.

Mme X... a adhéré à la convention de reclassement personnalisé qui lui a été remise lors dudit entretien et a été licenciée pour motif économique par lettre datée du 13 mai 2009.

Contestant le bien-fondé de la rupture de son contrat de travail, le 31 juillet 2009, Mme X... a saisi le conseil des prud'hommes de POINTE à PITRE aux fins d'obtenir des dommages et intérêts pour rupture abusive et diverses sommes.

Par jugement contradictoire du 3 juillet 2012, le conseil des prud'hommes a dit et jugé que le licenciement pour motif économique prononcé à l'encontre de Mme X... a une cause réelle et sérieuse, l'a déboutée de toutes ses demandes et l'a condamnée à payer à la société CANELLA BEACH la somme de 200 ¿ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme Rosalie X... a interjeté appel de ladite décision le 17 septembre 2012.

Mme X..., au terme de ses dernières conclusions datées du 1er avril 2014, développées à l'audience, auxquelles il sera expressément référé pour l'exposé des moyens, demande l'infirmation du jugement entrepris, sollicitant la condamnation de la SARL CANELLA BEACH, à titre principal, au paiement des sommes suivantes :

7. 736, 76 ¿ à titre d'indemnité de préavis, 773, 64 ¿ à titre d'incidence congés payés y afférents, 30. 945, 84 ¿ à titre d'indemnité pour licenciement abusif, 2. 000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

et à titre subsidiaire, la condamnation de l'employeur au paiement d'une indemnité de 2. 578, 82 ¿ pour procédure irrégulière.
Mme X... fait valoir que le délai de 5 jours ouvrables entre la convocation et l'entretien préalable n'a pas été respecté, que son licenciement est irrégulier et abusif, que son employeur n'a pas mentionné les conséquences des difficultés sur le poste de la salariée et n'a pas respecté son obligation de reclassement à son égard, s'étant contenté d'adresser des lettres type à des sociétés du secteur hôtelier.
Aux termes de conclusions régulièrement dénoncées à la partie adverse le 8 janvier 2014, développées à l'audience, la société CANELLA BEACH demande à la cour de confirmer le jugement entrepris et de débouter Mme X... de toutes ses demandes, à titre subsidiaire de réduire ses prétentions indemnitaires à de plus justes proportions et sollicite sa condamnation au paiement d'une somme de 1. 500 ¿ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur le bien-fondé du licenciement :
Attendu qu'en vertu de l'article L 1232-6 du code du travail, lorsque le licenciement est prononcé pour un motif économique, la lettre de licenciement doit énoncer le ou les motifs économiques ou de changements technologiques invoqués par l'employeur ;
Attendu qu'il en résulte que la notification de la lettre de rupture doit énoncer aussi bien l'élément causal du licenciement, c'est à dire les raisons économiques motivant la décision de licencier, que son élément matériel lequel, en vertu de l'article L 1233-3 dudit code, est constitué soit par une suppression d'emploi, soit par une transformation d'emploi soit par une modification du contrat de travail ;
Attendu que dans sa lettre du13 mai 2009, la société CANELLA BEACH exprime les motifs économiques du licenciement de la façon suivante :
« A la suite des troubles sociaux qui ont paralysé la Guadeloupe depuis le 20 janvier dernier, notre établissement connait une activité très faible, et se trouve particulièrement fragilisée par les faits suivants : ¿ A ce jour, nous avons perdu plus de 53 % de notre chiffre d'affaires depuis le début de l'année ; ¿ habituellement, l'entreprise engrange des excédents d'exploitation au cours de la haute saison et réalise des déficits au cour de la basse saison ; or, pour l'exercice en cours, les excédents espérés pour la haute saison ne seront pas réalisés, et des pertes importantes sont certaines ; la haute saison se termine dans des conditions telles que d'après les projections effectuées, l'entreprise perdra plus de 200. 000 ¿ au cours de cet exercice, alors qu'il subsiste des pertes antérieures pour un montant net de près de 600. 000 ¿ à la date de clôture de notre exercice clos le 31/ 10/ 2008 ; nous ne pourrons pas faire face à nos obligations sans prendre des mesures d'économies ; la masse salariale représentant le principal poste de charges, nous ne pouvons agir que sur elle ; ¿ les réservations pour les prochains mois de basse saison sont inférieures de plus de 50 % à celles des années précédentes ; ¿ nous avons de nombreuses réclamations de clients mécontents de leur séjour pendant la période de troubles sociaux, et nous devrons les dédommager ou les rembourser ; il en est de même avec les clients que nous n'avons pas pu recevoir faute de pouvoir leur assurer un minimum de prestations, dont nous avons annulé la réservation et que nous devrons dédommager ; ¿ le poste qui génère le plus de pertes est le restaurant ; nous devrons le réorganiser en supprimant l'ouverture permanente du snack, pour nous contenter du service des petits déjeuners et du soir ; afin de limiter les pertes du restaurant, nous avons la nécessité d'avoir recours à du personnel à mi-temps. Les éléments ci-dessus s'inscrivant dans une crise économique mondiale nous obligent à adapter l'effectif de l'entreprise afin de ne pas mettre en péril son existence dans l'avenir. Cette nécessité d'adaptation de l'effectif de l'entreprise implique la suppression des postes les plus coûteux de Maître d'Hôtel et de serveur à plein temps et c'est la raison pour laquelle nous vous avons proposé un emploi à mi-temps dans notre entreprise, que vous n'avez pas accepté. De plus, les postes d'encadrement et de cuisine, dont aucun n'est disponible, nécessitent une spécialisation technique ou une qualification que vous ne possédez pas et qu'il nous est impossible de vous faire acquérir avant de nombreux mois. Les autres services ne nous permettent pas d'intégrer un salarié supplémentaire compte tenu de la très forte baisse d'activité rappelée ci-dessus. Afin d'éviter votre licenciement : nous vous avons proposé un poste à mi-temps dans notre entreprise, proposition que vous avez refusée par votre lettre du 21/ 04/ 09 ; nous avons activement recherché toutes les possibilités de reclassement auprès d'entreprises extérieures, notamment de nos collègues hôteliers, mais nos tentatives se sont révélées infructueuses. Compte tenu de ces éléments, nous sommes contraints de vous notifier, par la présente, votre licenciement pour motif économique. Ce licenciement vous est notifié sous réserve de vos droits, expirant le 30 mai 2009, d'adhérer à une convention de reclassement personnalisé. »

Attendu qu'au vu des pièces produites, et plus particulièrement des comptes sociaux de la Société CANELLA BEACH, et compte tenu de la crise sociale intervenue au premier trimestre 2009, il n'est pas contestable que ladite société a connu des difficultés économiques au sens de l'article L 1233-3 du code du travail.

Qu'ainsi, le bilan clos le 31 octobre 2009 fait ressortir un résultat déficitaire de 73. 894 ¿ pour un résultat positif de 222. 857 ¿ sur l'exercice précédent.
Que le déficit antérieur total à reporter comptablement était de 445. 714 ¿ lors de l'exercice 2008 et s'est élevé à l'issue de l'exercice 2009, à 519. 608 ¿.
Qu'il n'est pas contestable également que le secteur hôtelier en Guadeloupe a été très touché par les événements sociaux susvisés et était particulièrement sinistré avec une baisse de fréquentation de l'ordre de 30 %.

Qu'il est de jurisprudence constante que la détérioration des résultats et du chiffre d'affaires constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement. Que toutefois pour que le licenciement pour motif économique soit considéré comme ayant une cause réelle et sérieuse, faut-il encore que les difficultés économiques aient été de nature à entraîner effectivement des conséquences sur l'emploi du salarié.

Qu'il résulte des documents comptables fournis par l'employeur que l'activité restauration du site dans laquelle était affectée Mme X..., en qualité de maître d'hôtel au restaurant de l'hôtel, était la plus impactée par la dégradation du chiffre d'affaires.
Qu'en effet, le restaurant a affiché un résultat négatif de 120. 367, 85 ¿ au mois de mars 2009 par rapport à celui de l'exercice précédent et de 115. 916, 51 ¿ sur l'année 2009 par rapport à 2008.
Que l'employeur a dû réduire ladite activité à celle des petits déjeuners et du diner, ce qui a entraîné une diminution du volume horaire des postes affectés à la restauration, dont celui de la salariée. Que la proposition de modification substantielle du contrat de travail de Mme X... était consécutive à la réorganisation de l'entreprise au niveau de l'activité restauration décidée par l'employeur pour enrayer la dégradation des résultats de celle-ci.

Que c'est dans ce contexte que l'employeur a proposé à Mme X... de conserver son poste à mi-temps, au lieu d'un temps plein et que la salariée a refusé cette offre.
Que le lien de causalité entre les difficultés économiques alléguées par la société CANELLA BEACH, et la modification du poste occupé par Mme X... est donc établi.

Que par ailleurs, selon l'article L. 1233-4 du code du travail, le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient.

Qu'ainsi, l'employeur est tenu avant tout licenciement économique de rechercher s'il existe des possibilités de reclassement au sein du groupe et parmi les entreprises dont l'activité, l'organisation ou le lieu d'exploitation leur permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel, et de proposer à chaque salarié dont le licenciement est envisagé des emplois disponibles de même catégorie, ou à défaut, de catégorie inférieure, en assurant au besoin l'adaptation des salariés à une évolution de leur emploi.
Qu'il est constant que la proposition d'une modification du contrat de travail que le salarié peut toujours refuser, ne dispense pas l'employeur de son obligation de reclassement.
Qu'en l'espèce, Mme X... reproche à son employeur de ne pas avoir effectué des recherches de reclassement après avoir engagé la procédure de licenciement, soit le 24 avril 2009 et de ne pas avoir attendu son refus de proposition de modification pour lui faire d'autres propositions écrites et précises de reclassement, comme le prévoit le dernier alinéa de l'article L 1233-4 susvisé.
Attendu que le licenciement économique d'un salarié ne pouvant être prononcé que si le reclassement de l'intéressé n'est pas possible, il en résulte que ce reclassement doit être tenté avant la notification dudit licenciement, au moment où il est envisagé.
Qu'en l'espèce, l'employeur a envisagé le licenciement de Mme X... et de six autres salariés, dès le 11 mars 2009.
Qu'il lui a proposé le 18 mars 2009 une modification de son poste de travail et ne pouvant présumer de sa décision en découlant, a parallèlement, le 19 mars 2009, adressé des demandes à des établissements hôteliers du secteur susceptibles d'embaucher Mme X....
Que les 12 courriers ainsi envoyés mentionnaient la qualification professionnelle de Mme X... et étaient accompagnées de son curriculum vitae.
Que dès lors, des recherches effectives de reclassement à l'extérieur de la société ont été effectuées et l'employeur explique dans la lettre de licenciement son impossibilité de reclasser Mme X... dans d'autres postes au sein même de l'entreprise, notamment en cuisine et en encadrement.
Que dès lors, l'employeur justifiant avoir satisfait à son obligation de reclassement et démontrant l'existence d'une cause économique réelle et sérieuse, il y a lieu, par confirmation du jugement entrepris, de dire le licenciement économique de Mme X..., fondé sur une cause réelle et sérieuse ;
Qu'en conséquence, Mme X... sera déboutée de sa demande d'indemnités pour licenciement abusif, préavis et congés payés y afférents.
Sur la régularité de la procédure
Attendu que Mme X... fait valoir que le délai légal prévu par l'article L. 1232-2 du code du travail n'a pas été respecté et que l'entretien préalable s'est tenu moins de 5 jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée, le 24 avril 2009.
Qu'en effet, l'entretien étant fixé au 30 avril suivant, le délai de 5 jours ouvrables n'a pas été respecté et qu'il y a irrégularité de procédure en l'espèce, dont la sanction est prévue par l'article L. 1235-2 du code du travail, instituant une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire. Que Mme X..., bien qu'assistée par un représentant syndical lors dudit entretien, a nécessairement subi un préjudice qu'il convient de réparer et il y a lieu d'allouer à ce titre à Mme X... une somme de 2. 000 ¿ à ce titre.

Qu'aucune considération ne commande l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en la cause.
Que la société intimée supportera les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Confirme le jugement entrepris, sauf sur la régularité de la procédure de licenciement.
Statuant à nouveau de ce seul chef,
Dit et juge irrégulière la procédure de licenciement et condamne la SARL CANELLA BEACH à payer à Mme Rosalie X... une somme de 2. 000 ¿ à titre de sanction sur le fondement de l'article l. 1235-2 du code du travail.
Rejette toute autre demande.
Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne la SARL CANELLA BEACH au dépens de la procédure d'appel.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12/01566
Date de la décision : 15/12/2014
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2014-12-15;12.01566 ?
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