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COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRÊT No 274 DU TREIZE OCTOBRE DEUX MILLE QUATORZE
AFFAIRE No : 13/ 00226
Décision déférée à la Cour : jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 29 janvier 2013- Section Activités Diverses.
APPELANTE
SARL SOURIS ROUGE DOMAINE DE BIGLETTE-55 ALLEE DES ORCHIDEES-PLAISANCE 97122 BAIE-MAHAULT Représentée par Maître Michaël SARDA (Toque 1) substitué par Maître PHILIBIEN, avocat au barreau de la GUADELOUPE
INTIMÉE
Madame ANUSCH X...... 97122 BAIE-MAHAULT Représentée par Madame Lucie G... (Délégué syndical ouvrier)
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 08 Septembre 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Bernard Rousseau, président de chambre, président, Madame Françoise Gaudin, conseiller, Madame Marie-josée Bolnet, conseiller, qui en ont délibéré.
Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 13 octobre 2014.
GREFFIER Lors des débats : Madame Valérie Francillette, greffier.
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par Monsieur Bernard Rousseau, président de chambre, président, et par Madame Valérie Francillette, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
Faits et procédure :
Par contrat de travail à durée déterminée, Mme Anush X... était engagée par la Société SOURIS ROUGE en qualité de chef de publicité junior pour la période du 24 janvier 2011 au 31 mai 2011 moyennant paiement d'une rémunération mensuelle brute de 2200 euros.
Le 21 mars 2011, il était remis en main propre à Mme X... une convocation pour un entretien de mise au point sur son comportement et la qualité de son travail au sein de l'agence, cet entretien étant fixé le jour même à 11 heures 30.
Par courrier du 23 mars 2011, Mme X... était convoquée à un entretien préalable à un licenciement pour faute grave, fixé au 5 avril 2011.
Par courrier du 18 avril 2011, Mme X... se voyait notifier son licenciement pour faute grave.
Le 16 mai 2011, Mme X... saisissait le Conseil de Prud'hommes de Pointe-à-Pitre aux fins de contester son licenciement et obtenir paiement de salaires pour la période du 21 mars au 31 mai 2011 et des indemnités de rupture.
Par jugement du 27 novembre 2012, la juridiction saisie, statuant en formation de départage, jugeait que la rupture du contrat de travail était abusive et condamnait la Société SOURIS ROUGE à payer à Mme X... la somme de 4400 euros à titre de dommages et intérêts, celle de 720 euros à titre d'indemnité de précarité outre 150 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclarations successives des 7 et 15 février 2013, la Société SOURIS ROUGE interjetait appel de cette décision. Les deux instances d'appel étaient jointes par décision du 10 juin 2013.
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Par conclusions du 14 mars 2014, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, la Société SOURIS ROUGE sollicite la réformation du jugement entrepris, et entend voir constater la gravité des fautes commises par Mme X..., lesquelles justifient la mise à mis à pied à titre conservatoire. La Société SOURIS ROUGE conclut au rejet de l'ensemble des demandes de Mme X..., réclamant à celle-ci paiement de la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
À l'appui de ses prétentions, la Société SOURIS ROUGE expose que Mme X... aurait agressé verbalement sa directrice, en contestant ouvertement les reproches qui avaient été formulés à son égard, Mme X... s'étant livrée à une contestation violente et ostensible aux yeux de tous les salariés. La Société SOURIS ROUGE relève le caractère injurieux de Mme X... qui aurait traité sa directrice de « méchante ».
L'employeur indique également, qu'à ses propos injurieux, Mme X... a ajouté l'insubordination et la divulgation d'informations internes en faisant savoir par e-mail à un fournisseur qu'elle était déchargée de son dossier, informant dans le même temps sa directrice en lui disant qu'elle ne s'occupait plus du dit dossier.
L'employeur explique que ce refus de travailler est d'autant plus lourd pour la société que le motif du recours à un contrat à durée déterminée pour Mme X... était justement l'accroissement du volume d'activité.
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Par conclusions du 10 novembre 2013, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, Mme X... sollicite la confirmation des dispositions figurant dans le jugement déféré, mais réclame en outre paiement de la somme de 1800 euros à titre d'indemnité pour rupture abusive et porte sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile à la somme de 1000 euros.
Mme X... soutient qu'elle n'a commis aucune faute, son employeur l'ayant agressée en lui intimant l'ordre de sortir, et explique qu'une mise à pied lui a été signifiée alors qu'elle répondait aux questions de son employeur. Elle fait valoir que les accusations de l'employeur restent vagues, insuffisantes et non sérieuses. Elle évoque à l'encontre de la direction, un harcèlement à longueur de journée par e-mails ou chats toutes les minutes, la direction étant responsable de la dégradation des rapports entre la salariée et la direction. Elle relève qu'il ne lui a jamais rien été reproché auparavant pendant le déroulement de son contrat de travail.
Elle souligne également que dans la lettre de licenciement figurent de nouveaux griefs par rapport à ceux évoqués au cours de l'entretien préalable, à savoir la violation de l'obligation de discrétion et l'insubordination.
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Motifs de la décision :
Dans son courrier du 18 avril 2011, l'employeur expose les motifs du licenciement pour faute grave de Mme X..., dans les termes suivants :
«- Le vendredi 18 mars 2011, en fin de journée, vous avez manqué de respect à Mme Christel Y..., directrice commerciale et cogérante de la société en l'agressant verbalement, vous adressant à elle en utilisant un ton incompatible avec votre rapport hiérarchique et en tenant des propos déplacés, la traitant de méchante, lui demandant de se remettre en question et en lui disant qu'elle avait un problème.- La semaine suivante, dès le lundi 21 mars, vous avez violé l'obligation de discrétion qui vous incombe (article 19 de votre contrat), en immisçant un de nos fournisseurs dans des problèmes internes, lui transmettant un mail qui vous avait été adressé par Christel Y... et en disant au fournisseur que vous ne vous occupiez plus de la production de ce dossier, alors qu'il vous a été attribué, et en lui demandant de s'adresser directement à Mme Christel Y....- Par un courriel à la même date envoyé à Mme Marianne Z..., directrice de création et cogérante, vous avez manqué à vos obligations professionnelles et fait montre d'insubordination, en refusant de vous conformer aux directives et instructions de la direction, en annonçant : " Je ne m'occupe plus de la production de ce dossier " alors que vous n'êtes en aucun cas habilitée à prendre ce type de décision. »
Dans son attestation du 22 mars 2011, au demeurant non conforme aux dispositions de l'article 202 du code de procédure civile, Mlle Véronique A... évoque une altercation particulièrement houleuse le vendredi 18 mars 2011 à18 h, entre Mlle X... et Mme Christel Y..., décrivant Mme X... comme particulièrement énervée lorsqu'elle est rentrée dans le bureau de Mme Y... pour se justifier au sujet de reproches qui lui avaient été faits dans la journée suite à des erreurs qu'elle aurait commises et qui auraient nui au bon déroulement de certains dossiers dont elle avait la charge. Dans cette attestation il est précisé que Mme X... a eu vraisemblablement du mal à conserver son calme et le ton est très vite monté.
L'attestation de Mme Marianne Z... ne sera pas retenue comme élément de preuve objectif sur les circonstances de l'altercation survenue le 18 mars 2011, dans la mesure où non seulement cette attestation n'est pas conforme aux dispositions de l'article 202 du code de procédure civile, mais en outre émane d'une personne ayant une communauté d'intérêts évidente avec Mme Y..., puisque toutes deux sont cogérantes de la Société SOURIS ROUGE.
Mme X... verse au débat la trace d'un grand nombre de messages électroniques échangés avec l'employeur (pièce no 1 figurant sur la liste des pièces communiquées à la partie adverse le 21 novembre 2013). Il ressort de cette pièce que l'employeur avait instauré, malgré la dimension modeste des locaux, un système de communication avec ses salariés, sous forme de messages électroniques lui permettant d'intervenir à de très nombreuses reprises sur leur travail au cours d'une même journée.
Le très grand nombre de remarques faites journellement par la directrice, Mme Y..., au sujet du travail de Mme X..., tout au long de la journée, illustre les conditions ayant suscité le sentiment de harcèlement dont fait état la salariée. Cette situation est d'ailleurs corroborée par l'attestation de Mme Christelle-Marie B..., qui relate l'état de tension et d'anxiété dans lequel se trouvait Mme X... à la mi-mars 2011.
Dans ces conditions, la réaction de Mme X..., certes inappropriée à l'égard de la directrice, s'explique par les conditions de travail auxquelles était soumise cette salariée.
S'agissant d'un fait unique, il ne pouvait caractériser l'impossibilité de poursuivre l'exécution du contrat travail.
Il ressort d'ailleurs des attestations d'anciennes salariées de la Société SOURIS ROUGE, Mme Myriam C..., Mlle Pauline D..., Mme Aude E..., Mme Magali F..., que celles-ci reconnaissent qu'elles étaient soumises à un contrôle exigeant, rigoureux et soutenu, même si elles font état de bonnes relations avec leur directrice, étant relevé qu'elles ont toutes quitté l'entreprise, hormis l'une d'entre elles, ce turn over du personnel étant de nature à caractériser l'intensité des contraintes exercées sur les salariés, comme le relève Mme X....
Le faite de se décharger du dossier d'un fournisseur et d'en aviser celui-ci ainsi que sa propre hiérachie, fait unique de ce genre reproché à Mme X..., ne saurait non plus caractériser la faute grave, dans la mesure où il a été suscité par l'état de tension alors subi par la salariée en raison de ses conditions de travail.
En conséquence, la faute grave reprochée à Mme X... n'étant pas caractérisée, la rupture de son contrat de travail à durée déterminée est abusive. Le jugement déféré sera donc confirmé, même en ce qu'il a refusé à la salariée l'octroi d'une somme de 1800 euros réclamée à titre d'indemnité pour rupture abusive, puisque, comme l'indique le premier juge, la condamnation de l'employeur au versement des salaires restant dus jusqu'au terme du contrat de travail, à savoir la somme de 4400 euros, constitue une indemnisation suffisante du préjudice subi, Mme X... n'ayant travaillé que deux mois au service de la Société SOURIS ROUGE.
Comme il paraît inéquitable de laisser à la charge de l'intimée les frais irrépétibles qu'elle a exposés en cause d'appel, il lui sera alloué la somme de 350 euros d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure, en sus de celle déjà allouée sur le même fondement par les premiers juges.
Par ces motifs,
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Confirme le jugement entrepris,
Y ajoutant,
Condamne la Société SOURIS ROUGE à payer à Mme X... la somme de 350 euros d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit que les dépens sont à la charge de la Société SOURIS ROUGE,
Déboute les parties de toute conclusion plus ample ou contraire.
Le Greffier, Le Président,