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08/09/2014 | FRANCE | N°13/00648

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, Chambre sociale, 08 septembre 2014, 13/00648


COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRET No 256 DU HUIT SEPTEMBRE DEUX MILLE QUATORZE

AFFAIRE No : 13/ 00648
Décision déférée à la Cour : jugement du Conseil de Prud'hommes de BASSE-TERRE du 22 janvier 2013- Section Encadrement.
APPELANTE
Madame Marianne X..., exerçant à l'enseigne de la Pharmacie X...... 97100 BASSE TERRE Représentée par Maître Jérôme NIBERON de la SCP MORTON et ASSOCIES (Toque 104), avocat au barreau de la GUADELOUPE

INTIMÉE
Madame Sophie Y... épouse Z...... 06400 Nice Représentée par Maître Sully LACLUSE de la SE

LARL LACLUSE-CESAR (Toque 2), avocat au barreau de la GUADELOUPE

COMPOSITION DE LA COUR :...

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRET No 256 DU HUIT SEPTEMBRE DEUX MILLE QUATORZE

AFFAIRE No : 13/ 00648
Décision déférée à la Cour : jugement du Conseil de Prud'hommes de BASSE-TERRE du 22 janvier 2013- Section Encadrement.
APPELANTE
Madame Marianne X..., exerçant à l'enseigne de la Pharmacie X...... 97100 BASSE TERRE Représentée par Maître Jérôme NIBERON de la SCP MORTON et ASSOCIES (Toque 104), avocat au barreau de la GUADELOUPE

INTIMÉE
Madame Sophie Y... épouse Z...... 06400 Nice Représentée par Maître Sully LACLUSE de la SELARL LACLUSE-CESAR (Toque 2), avocat au barreau de la GUADELOUPE

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 7 avril 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Bernard Rousseau, président de chambre, président, Mme Marie-josée Bolnet, conseiller, Mme Françoise Gaudin, conseiller, qui en ont délibéré.

Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 26 mai 2014, date à laquelle le prononcé de l'arrêt a été prorogé successivement au 30 juin et au 18 août 2014.
GREFFIER Lors des débats : Madame Marie-Luce Kouamé, greffier.
ARRET :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par Monsieur Bernard Rousseau, président de chambre, président, et par Madame Valérie Francillette, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE
Mme Sophie Z... a été embauchée en qualité de pharmacienne adjointe par Mme Marianne X..., pharmacienne, titulaire de l'officine de pharmacie X....
Le 13 octobre 2006, l'employeur et la salariée ont signé un acte d'engagement portant les mentions suivantes :
date d'embauche : 1er décembre 2006 poste : pharmacien adjoint qualification-coefficient : 600 salaire brut : 3 471, 01 euros horaire hebdomadaire : 35 heures type de contrat : CDI période d'essai : trois mois.

Un premier contrat de travail a été remis à Mme Sophie Z... comportant :- des dispositions générales,- la date de prise d'effet au 1er décembre 2006,- la qualité de pharmacien adjoint de la salariée au coefficient 600,- une période d'essai de trois mois,- une rémunération brute mensuelle de 3 479, 31 euros pour 35 heures de travail par semaine,- la référence à la convention collective de la pharmacie d'officine.

Ce contrat porte étrangement la signature de l'employeur au côté de la mention " lu et approuvé ".
Un second contrat, plus détaillé sur les dispositions générales, la période d'essai, la durée du contrat, les horaires de travail, les congés annuels, les salaires et les avantages en nature, mais incomplet sur le diplôme de la salariée, ses fonctions, les gardes et l'assurance de responsabilité professionnelle, a été remis à Mme Z... signé par l'employeur à la date du 06 décembre 2006.
Cette dernière n'en a pas fait retour à l'employeur.
Le 15 mai 2007, Mme Sophie Z... a été victime d'un accident de trajet, reconnu par la caisse générale de sécurité sociale le 19 octobre 2007, et a été admise au centre hospitalier de Basse-Terre jusqu'au 17 mai suivant.
A partir de cette date, Mme Sophie Z... n'a plus repris son activité professionnelle, bénéficiant d'arrêts de travail successifs.
Le 1er juin 2007, elle saisissait le conseil de prud'hommes de Basse-Terre, en sa formation de référé, aux fins d'obtenir :- la remise de son contrat de travail,- l'attestation de l'employeur à l'adresse de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie pour indemnités journalières,- l'attestation de l'accident du travail survenu le 15 mai 2007,- l'attestation de déclaration à L'URSSAF et aux caisses de retraite, le tout sous astreinte de 170 euros par jour de retard,- des dommages-intérêts de 2 000 euros pour préjudice moral et atteinte à une guérison rapide.

Par ordonnance du 23 octobre 2007, la juridiction de référé a dit n'y avoir lieu à référé, a débouté Mme Sophie Z... de ses demandes et a renvoyé les parties à se pourvoir, si elles le souhaitent, devant le juge du fond.

Par requête reçue le 11 février 2008, Mme Sophie Z... a saisi, au fond, le conseil de prud'hommes des demandes suivantes :- la délivrance d'un contrat de travail régulier en toutes ses clauses et notamment en celles relatives à sa date effective d'entrée en fonction, à savoir le 13 novembre 2006, aux attributions et fonctions qui lui étaient au départ reconnues, aux horaires et fréquences de garde, à l'assureur professionnel de l'employeur, et au montant de la prime exceptionnelle consentie à partir de janvier 2007,- la régularisation de ses bulletins de paye faisant apparaître la réalité des heures supplémentaires accomplies,- le versement du solde du salaire de mai 2007 correspondant à la prime exceptionnelle octroyée, soit la somme de 1 290, 71 euros,- la réparation des préjudices matériel et moral subis du fait des agissements fautifs de l'employeur à hauteur de 10 000 euros.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 26 mars 2008, Mme Marianne X... invitait Mme Sophie Z... à lui transmettre dans les meilleurs délais un certificat de prolongation d'arrêt de travail, et à défaut, la mettait en demeure de reprendre son poste à défaut de pouvoir justifier son absence.
Cette mise en demeure a été retournée à l'employeur avec la mention " non réclamé ".
Par lettre recommandée en date du 2 juin 2008, Mme Marianne X... adressait une convocation à Mme Sophie Z... à un entretien préalable à un éventuel licenciement.
Par lettre recommandée du 9 juillet 2008 que la salariée réceptionnait le 28 juillet suivant, Mme X... décidait de licencier cette dernière pour faute grave caractérisée par son absence à son poste depuis le 5 mars 2008.
Par jugement du 22 janvier 2013, la juridiction prud'homale a déclaré recevable la requête de Mme Sophie Z..., a jugé son licenciement abusif et a condamné la pharmacie X..., en la personne de Mme Marianne X..., à payer à la salariée les sommes suivantes :-1 290, 71 euros au titre du solde du salaire brut pour le mois de mai 2007 correspondant à la prime exceptionnelle,-297, 87 euros au titre du solde de tout compte avec intérêts moratoires depuis le 28 juillet 2008 date du licenciement,-10 655, 43 euros à titre d'indemnité de préavis,-5 398, 75 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés allant du 7 mai 2007 au 28 juillet 2008,-1 065, 54 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,-21 310, 86 euros à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,-21 310, 86 euros pour licenciement abusif,-1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La juridiction a également ordonné l'exécution provisoire du jugement, dit que la moyenne des trois derniers mois de salaire s'élève à la somme brute de 4134, 21 euros, débouté Mme Sophie Z... du surplus de ses demandes, débouté la pharmacie X..., en la personne de son représentant légal, de ses demandes et a condamné cette dernière aux entiers dépens.
Par déclaration reçue le 29 avril 2013, Mme Marianne X... a interjeté appel de cette décision.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions no1, notifiées à l'intimée le 23 décembre 2013, Mme Marianne X..., représentée, demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, de débouter Mme Sophie Z... de toutes ses demandes, de juger bien fondé le licenciement pour faute grave, de condamner Mme Sophie Z... à lui payer la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Elle soutient que Mme Z... a commencé à travailler le 1er décembre 2006 contrairement à ce qui est allégué faussement par Mme C... qui n'était pas salariée de la pharmacie mais simple conseillère de vente du laboratoire SOPHARMA, intervenant de manière épisodique dans la pharmacie ; que la lettre d'engagement du 13 octobre 2006 prévoyait une prise d'effet de la relation de travail au 1er décembre 2006 ; que cette prise de fonction est admise par la salariée qui a apposé sa signature au côté de la mention " lu et approuvé " ; qu'à sa prise de fonction, il lui a été remis deux contrats de travail qui n'ont pas été restitués alors que le second répondait entièrement à ses dernières exigences ; que dans ces conditions, elle était mal venue de se plaindre que ces contrats n'aient pas été transmis à l'ordre des pharmaciens.
À cet égard, elle fait remarquer à la cour que Mme Z... ne lui a jamais transmis son diplôme et que toutes les dispositions (achat d'un billet d'avion aller-retour, recherche et réservation d'un logement, mise à disposition d'un véhicule) ont été prises pour faciliter l'installation de cette dernière en Guadeloupe.
S'agissant de la prime exceptionnelle, elle expose que celle-ci ne pouvait figurer préalablement dans le contrat, avant l'entrée en fonction de la salariée et que son octroi a été décidée en janvier 2007, cette décision relevant de la seule autorité de l ¿ employeur.
Elle dit s'opposer à toute demande relative au non-respect du formalisme lié à l'accident de trajet dans la mesure où il appartenait à Mme Z... de lui déclarer son accident dans le délai de 48 heures suivant sa survenance afin qu'elle soit en mesure d'établir la déclaration contenant les informations détaillées de l'événement.
Elle fait observer que Mme Z... lui a adressé un imprimé réservé aux accidents du travail sans porter la moindre information utile à l'établissement de cette déclaration ; que les 24 et 28 mai 2007, elle lui retournait ce document incomplet, ne pouvant accomplir ainsi son obligation déclarative dans les délais.
Sur les prétendus harcèlement moral et dénonciation calomnieuse, elle invite la cour à prendre connaissance de son courrier du 19 juin 2007 pour comprendre la réalité des relations que Mme Z... entretenait avec les autres salariés de la pharmacie, considérant ceux-ci avec arrogance comme ses subordonnés et mettant toujours en avant son statut de pharmacien embauché en métropole, et des autres courriers laissant transparaître une certaine frustration à ne pas être reconnue en qualité de supérieur hiérarchique par le personnel en place depuis de nombreuses années ; qu'en sa qualité d'employeur, elle s'est toujours refusée à satisfaire les velléités de commandement de la salariée.
Quant aux heures supplémentaires, elle refuse d'accorder un quelconque crédit à cette demande dans la mesure où la pharmacie n'est ouverte que du lundi au samedi et non sept jours sur sept, et aussi dans la mesure où le document produit à cette fin ne révèle rien sur son origine et ne précise pas davantage la semaine concernée. A cet égard, elle rappelle que Mme Z... ne dépendait que d'un emploi du temps de travail applicable au cadre.
Elle expose que le licenciement pour faute grave est justifié, le certificat médical adressé par Mme Z... lui prescrivait un arrêt jusqu'au 4 mars 2008 ; qu'à la date du 05 mars, cette dernière ne se présentait pas à son poste de travail ; qu'il lui était donc adressé une mise en demeure de reprise du travail par lettre du 26 mars 2008 ; que cette lettre est restée sans réponse et que la faute grave est ainsi constituée par l'abandon de poste.
Elle conclut que les certificats médicaux produits par Mme Z... sont impuissants à établir que l'employeur en a été informé.
Par conclusions notifiées à l'appelante le 6 mars 2013, Mme Z..., représentée, demande à la cour de : ¿ constater que son entrée en fonction au service de la pharmacie X... est intervenue le 13 novembre 2006,- constater la violation manifeste du contrat de travail par la pharmacie X...,- dire et juger l'existence d'un abus de droit caractérisé,- confirmer le jugement entrepris,- de fixer, au vu des éléments produits, la date effective d'entrée en fonction de Mme Z... au service de la pharmacie X... au 13 novembre 2006, en ordonnant la régularisation des bulletins de paye et du certificat de travail,- condamner la pharmacie X... aux entiers dépens et au versement de la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,- débouter Mme Marianne X..., exerçant sous l'enseigne la pharmacie X..., de toutes ses demandes fins et conclusions,- condamner la même aux entiers dépens.

Elle soutient que l'employeur a violé les dispositions conventionnelles sur le recrutement en évitant d'observer les articles 5 et 18 de la convention collective nationale de pharmacie d'officine de décembre 1997 ; que les pourparlers ont donné lieu, le 13 octobre 2006, à l'établissement d'un document valant promesse d'embauche comme l'employeur le reconnaît lui-même ; que la première promesse d'embauche a été préparée et signée par ses soins, la seconde est venue préciser le type de contrat et insérer une période d'essai ; que c'est donc fort de cet engagement réitéré qu'elle est arrivée en Guadeloupe le 10 novembre 2006 ; qu'avec l'accord de l'employeur, elle a commencé l'exécution de son contrat dès le 13 novembre 2006 ce qui est confirmé par Mmes B... et C... dont les attestations sont conformes aux dispositions de l'article 202 du code de procédure civile ; qu'au regard du planning de travail de l'officine et de son emploi du temps, il ne peut être contesté que depuis son entrée en fonction, elle travaillait 7 jours sur 7, soit une moyenne horaire hebdomadaire de 54 heures, à raison parfois de 12 heures consécutives par jour (7 heures 30 à 19 heures/ 20 heures, notamment les mercredis et jeudis) ; qu'il lui revenait également d'assumer les fermetures journalières, les gardes de semaines, du samedi après-midi et du dimanche matin ; que dans ces conditions, l'établissement rapide d'un contrat de travail écrit et complet dans ses stipulations s'avérait indispensable pour que soient fixés sans ambiguïté ses droits de pharmacien adjoint.
Elle insiste sur les deux contrats incomplets reçus de son employeur et sur l'absence de transmission d'un contrat de travail, même sous la forme d'un projet, à l'Ordre des pharmaciens.
Elle fait aussi observer que l'employeur a modifié unilatéralement une clause substantielle du contrat de travail en prévoyant à compter de janvier 2007 une prime exceptionnelle de 1 670 euros bruts alors que jusque là, il lui a été payé en décembre 2006, les heures supplémentaires pour une somme quasi équivalente de 1 674, 62 euros ; qu'à partir de janvier 2007, les heures supplémentaires ont donc cessé d'être payées en tant que telles, bien qu'elles aient été accomplies ; que dès lors, la rémunération mais aussi les accessoires (indemnités, primes, gratifications diverses) qui constituent un élément substantiel du contrat de travail, ne peuvent être modifiés, même de manière minime, sans l'accord du salarié, ce qui l'a amenée à saisir, en mai 2007, le conseil de l'Ordre des pharmaciens et le pharmacien inspecteur de la DSDS et, en février 2008, la juridiction prud'homale pour dénoncer l'exécution fautive du contrat de travail par l'employeur.
Elle attire également l'attention de la cour sur certaines pratiques illégales au sein de l'officine, telles que la délivrance d'ordonnances par un personnel non habilité et la vente de médicaments par des salariés affectés à la parapharmacie, ce qui lui a valu d'être purement et simplement écartée de toute activité.
Elle dénonce les conditions de précarité et de fragilité psychologique dans lesquelles elle s'est retrouvée du fait des agissements de Mme X... refusant de procéder à la déclaration de son accident de trajet aux organismes de sécurité sociale et de lui transmettre l'attestation de salaire subséquente. Le harcèlement est parfaitement caractérisé dans son cas au regard des dispositions de l'article L 122-49 du code du travail, ainsi que la dénonciation calomnieuse réprimée par les articles 226-10 et suivants du code pénal. Elle ne peut admettre le dénigrement systématique de sa personne, la faisant passer pour une menteuse sur la possession de son diplôme de pharmacien.
Elle conclut que la mise en oeuvre du licenciement est abusive dans la mesure ou elle n'a reçu aucune lettre datée du 26 mars lui faisant injonction d'avoir à justifier de ses absences et aucune convocation à un entretien préalable ; que la faute grave pour absence injustifiée depuis le 05 mars 2008 est contredite en totalité par les multiples arrêts de travail successifs adressés à son employeur, lequel prétend ne pas les avoir reçus alors qu'elle n'aurait aucun intérêt à ne pas les communiquer ; qu'elle produit tous les arrêts de travail couvrant l'année 2008 et indiquant le même motif, à savoir l'accident de trajet avec malaise et accident vasculaire ; qu'il est à cette occasion rappelé les dispositions de l'article 3 de la convention collective et la jurisprudence en la matière qui interdit à l'employeur de résilier le contrat de travail pendant la période de suspension ; que seule une faute grave du salarié ou l'impossibilité de maintenir le contrat pour motifs non liés à l'accident ou la maladie peut être retenue ; qu'il est de plus admis qu'après réception d'un arrêt de travail provoqué par un accident de travail ou une maladie professionnelle, la seule absence d'une justification de prolongation de cet arrêt ne constitue pas une faute grave (cass. Soc. 24-10-1996) ; que le caractère abusif de licenciement est donc patent compte-tenu de sa fragilité attestée par le docteur Lucette D... et le psychiatre G....

MOTIFS DE LA DÉCISION

SUR LE DÉBUT D'EXÉCUTION DU CONTRAT DE TRAVAIL :
Aux termes de l'article 5 de la convention collective nationale de la pharmacie d'officine du 3 décembre 1997 (complémentaire des articles 18 et 19 des dispositions générales), au moment de l'embauchage, le contrat de travail d'un salarié cadre doit faire l'objet d'un document écrit conformément à l'article 18 des dispositions générales.
L'article 18 dispose que chaque embauchage doit faire l'objet, avant l'entrée en fonctions, d'un contrat écrit et signé par les parties mentionnant la date d'entrée, la catégorie, l'emploi, le coefficient hiérarchique, le salaire correspondant, les autres éléments de rémunération, la durée du travail, la répartition hebdomadaire, le lieu de travail ainsi que la mise à disposition de la convention collective applicable dans l'entreprise. Toute modification du contrat de travail doit faire l'objet d'une notification écrite au salarié (...).
En l'espèce, les deux contrats en date du 06 décembre 2006 ne comportent qu'une signature, celle de l'employeur. Il n'y a donc pas eu accord des parties. Cette absence de consentements permet de qualifier ces contrats de projets.
La lettre d'engagement qui peut tenir lieu de contrat de travail lorsqu'elle comporte l'identité des parties, la date d'engagement, le lieu d'exercice de l'activité, la qualification professionnelle, la nature de l'emploi et lorsqu'elle est signée des deux parties, ne répond pas, dans le présent cas, aux conditions de la convention collective précitée.
A défaut de contrat de travail écrit, il ressort des pièces no28, 41 et 42 de Mme Z... que cette dernière a été placée dans une relation de travail bien avant le 1er décembre 2006.
En effet, l'attestation de témoignage de Mme B... Raïssa (pièce no 41), exerçant le métier d'aide préparatrice à la même époque, confirme un début d'activité de celle-ci en novembre 2006. L'appelante n'apporte d'ailleurs aucune contradiction sur cette attestation.
Par attestation du 24 janvier 2008 conforme aux dispositions de l'article 202 du code de procédure civile (pièce no28), Mme C..., conseillère des ventes pour le laboratoire ARKOPHARMA, affirme également un début d'activité de Mme Z... dès le mois de novembre 2006, situation qu'elle a pu constater lors de ses animations au sein de l'officine durant cette période.
La facture no 1497139, (pièce no42), a été émise le 23 novembre 2006 par Mme Z... à partir d'initiales AAA VITALE qui lui ont sans doute été attribuées pour faciliter une prise de poste anticipée. Cette pièce a été notifiée à la société appelante qui ne l'a pas davantage contredite.
Il est ainsi établi que Mme Z..., ne bénéficiant que d'une lettre d'engagement dès le 13 octobre 2006, a, en réalité, commencé à travailler au sein de la pharmacie X... bien avant la date prévue du 1er décembre 2006, à savoir le lundi 13 novembre 2006.
En conséquence, Il est ordonné à Mme Marianne X..., exerçant sous l'enseigne la pharmacie X..., de procéder à la régularisation des bulletins de paie délivrés et le certificat de travail au vu de la date du 13 novembre 2006.
SUR LICENCIEMENT POUR FAUTE GRAVE :
La lettre de licenciement du 09 juillet 2008 fixe les limites du litige. Elle est ainsi rédigée :
" Madame, Conformément aux dispositions de l'article 1232-2 du code du travail, vous avez été, par courrier du 2 juin 2008, convoquée à un entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement qui devait se dérouler le 20 juin 2008. A cette date, vous étiez absente. Vous ne nous avez fait parvenir aucun élément justificatif à l'appui de celle-ci. Lors de cet entretien, nous vous aurions fait part des éléments qui nous amenaient à envisager à votre égard une telle mesure et nous aurions pu recueillir vos observations sur les points suivants. Vous avez été engagée le 1er décembre 2006 par la pharmacie X... en qualité de pharmacienne adjointe, au coefficient 600 de la convention collective applicable aux pharmacies d'officine. En contrepartie de votre engagement, il était convenu une rémunération brute mensuelle de 3479, 01 euros. Votre recrutement s'était imposé compte-tenu du volume de notre activité, des impératifs réglementaires et afin d'assurer une qualité de prestation au service d'une clientèle importante. De plus l'activité d'officine de pharmacie est réglementée. La présence permanente d'un pharmacien diplômé est indispensable. Votre recrutement a été réalisé après des mois de recherches infructueuses compte-tenu de la pénurie de pharmaciens diplômés sur le marché. Vous avez fait passer votre candidature sur une annonce figurant dans un magazine professionnel. Nous nous vous avons fait parvenir votre billet d'avion. Afin de favoriser une intégration à la fois au sein de notre structure et dans une nouvelle région, nous avons pris en charge intégralement le paiement de la caution et du premier mois de votre loyer ainsi que la location d'un véhicule. Le 16 mai 2007, vous nous avez fait parvenir un arrêt de travail allant du 16 mai au 24 mai 2007 pour une cause non professionnelle. Par la suite, vous nous avez fait parvenir un autre arrêt de travail indiquant qu'il agissait d'un arrêt de travail pour cause d'accident de trajet. Depuis cette date, vous avez fait parvenir les arrêts de travail suivants :

2ème arrêt-du 21 mai 2007 au 28 mai 2007 3ème arrêt-du 26 mai 2007 au 4 juin 2007 4ème arrêt-du 5 juin 2007 au 12 juin 2007 5me arrêt-du 12 juin 2007 au 19 juin 2007 6ème l'arrêt-du 20 juin 2007 au 3 juillet 2007 7ème arrêt-du 12 juillet au 18 août 2007 8ème arrêt du 16 août au 20 septembre 2007 9ème arrêt-du 18 septembre au 20 octobre 2007 10ème arrêt-du 18 octobre au 24 novembre 2007 11ème arrêt-du 24 novembre au 4 janvier 2008 12ème arrêt-du 3 janvier 2008 au 4 février 2008 13ème arrêt-du 4 février 2008 au 4 mars 2008.

Depuis cette date, nous sommes sans nouvelles de votre part. Nous ne recevons plus aucun arrêt de travail et sommes dans l'ignorance de votre situation actuelle. C'est la raison pour laquelle nous vous avons adressé le 26 mars 2008, par courrier recommandé, une mise en demeure de réintégrer votre poste ou de nous faire parvenir les raisons justifiant de cette absence, sa durée éventuelle afin que nous puissions mettre en oeuvre les modalités permettant d'assurer celle-ci dans le respect des dispositions réglementaires. En effet, en votre qualité de pharmacienne adjointe, vous devez seconder le pharmacien titulaire dans toutes les facettes de la gestion quotidienne d'une officine de pharmacie. Par ailleurs, l'activité d'officine de pharmacie, réglementée par le code de la santé publique, impose la présence d'un certain nombre de pharmaciens en fonction de la taille de la pharmacie. En cas de contrôle, il nous appartient de justifier du respect des obligations légales. Or, vous ne nous avez fait parvenir aucun arrêt de travail à partir du 4 mars 2008. Nous avons espéré que vous reprendriez votre poste. Ce qui ne fut pas le cas. Le 25 avril 2008, alertée par notre comptable, nous vous avons de nouveaux adressé un courrier afin que vous puissiez dans les meilleurs délais régulariser votre situation auprès des AGF. Votre absence, sans justificatif, ne nous permet pas de pallier celle-ci correctement. Elle entraîne une grave désorganisation et perturbe le bon fonctionnement de la pharmacie qui, compte-tenu de sa taille et de son activité, est obligée au pied levé de trouver des solutions de remplacement difficiles compte-tenu de la pénurie de candidats dans ce secteur d'activité. Vous n'avez donné aucune une suite au courrier de mise en demeure adressée en LRAR et lettre simple. Votre absence injustifiée, votre silence depuis le 4 mars 2008, constitue un manquement à vos obligations et sont à l'origine d'une désorganisation qui eu égard aux exigences de la profession, ne permet plus le maintien de votre contrat de travail au sein de l'officine. C'est pourquoi nous avons pris la décision de vous licencier pour un motif de faute grave. Nous vous indiquons que conformément aux dispositions légales, les documents relatifs à la rupture de votre contrat de travail, à savoir notre solde de tout compte, le certificat de travail, l'attestation ASSEDIC sont tenus à votre disposition au sein de l'officine. Si dans un délai de 15 jours, vous ne les avez pas récupérés, nous vous les ferons parvenir par voie recommandée. Pour la bonne forme, nous vous adressons copie de la présente par voie recommandée et par lettre simple. Veuillez agréer Madame l'expression de nos salutations distinguées. »

Il est de principe que la maladie du salarié ne rompt pas le contrat de travail et n'entraîne qu'une suspension de son exécution dès lors que celle-ci est temporaire et médicalement constatée. Néanmoins, le salarié doit informer l'employeur de son absence et s'expliquer sur les raisons de celle-ci. C'est l'envoi du certificat médical fixant l'arrêt de travail qui est le support de cette information. Sa transmission peut se faire par tous moyens. Cette règle vaut également pour la prolongation de l'arrêt. Si le salarié s'abstient de suivre ces règles, il appartient à l'employeur de mettre en oeuvre son pouvoir disciplinaire en se plaçant dans le champ du licenciement.
En l'espèce, Mme Sophie Z... a été victime le 15 mai 2007 d'un accident de trajet, ce qui n'est pas contesté, à la suite d'un malaise vasculaire. Elle a été hospitalisée jusqu'au 17 mai 2007.
Son employeur en a été informé par un avis d'arrêt de travail (cerfa no 1017* 03) en date du 16 mai 2007, puis par un certificat médical (Cerfa no60-3970) daté du 21 mai 2007, lesquels lui ont été adressés par lettres recommandées avec avis de réception.
De nombreux certificats médicaux ont été successivement adressés à l'employeur, toujours à l'adresse de la pharmacie, du 05 juin 2007 au 04 février 2008.
Ceux couvrant la période du 05 juin 2007 au 12 juillet 2007 ont été délivrés par lettres recommandées.
Ceux couvrant la période du 16 août 2007 au 04 février 2008 semblent n'avoir fait que l'objet d'envois par lettres simples.
Ces certificats médicaux ont tous été réceptionnés par Mme X... qui ne peut le contester puisqu'elle se réfère notamment, pour justifier de l'absence de reprise de Mme Z..., au certificat médical du 04 février 2008 prévoyant au profit de cette dernière un arrêt de travail jusqu'au 04 mars 2008.
Tout comme ce dernier certificat médical adressé par lettre simple, il doit être admis que Mme X... a été destinataire des certificats médicaux suivants, correspondant à la période du 04 mars 2008 au 28 septembre 2009.
Cette position se comprend d'autant plus que la procédure de licenciement pour faute grave contre Mme Z... a été entreprise à l'instant où cette dernière présentait ses demandes, par requête du 11 février 2008, au conseil de prud'hommes de Basse-Terre, saisi au fond.

Dans le cadre de cette procédure, il a été délivré aux parties une première convocation en date du 19 février 2008 à une audience devant le bureau de conciliation fixée au 25 mars 2008.

Loin d'être un concours de circonstances, la mise en demeure adressée à Mme Z... par Mme X... lui faisant injonction de justifier du motif de son absence à son poste le 05 mars 2008, est datée du 22 mars 2008.
La cour peut ainsi dire que la faute grave apparaissait pour Mme X... comme l'unique moyen de faire obstacle aux demandes judiciaires de Mme Z.... Le procédé semblait facile à mettre en oeuvre dans la mesure où les certificats médicaux n'étaient plus transmis, depuis bien longtemps, par lettres recommandées avec avis de réception.
Il convient dès lors de confirmer le jugement déclarant abusif le licenciement de Mme Z....

SUR LES DEMANDES FINANCIÈRES :

1/ la prime exceptionnelle :
Comme il est rappelé ci-dessus par l'article 18 de la convention collective, toute modification du contrat de travail écrit devra faire l'objet d'une modification écrite au salarié.
Mme Z... a refusé de remettre la dernière version du contrat de travail. Plutôt que de la conserver, il aurait été plus judicieux de porter à la connaissance de l'employeur les observations qu'elle entendait voir retranscrire dans celui-ci pour garantir ses droits.
Il ne peut être reproché aujourd'hui à Mme X... d'avoir modifié un contrat de travail écrit qui n'existe pas.
Dès lors, le jugement est infirmé sur ce chef et la demande de 1 290, 71 euros formulée à ce titre rejetée.
2/ l'indemnité compensatrice de préavis :
Aux termes de l'article 6 de la convention collective nationale (complémentaire de l'article 20), la durée du délai-congé, sauf en cas de faute grave, est fixée au minimum à 3 mois pour les cadres.
L'article L. 1234-5 du code du travail dispose que lorsque le salarié n'exécute pas de préavis, il a droit à une indemnité compensatrice, sauf s'il a commis une faute grave.
La demande de Mme Z... portait sur la somme de 10 655, 43 euros (3 551, 81 euros x 3 mois).
Les premier juges y ont, à juste titre, fait droit. Le jugement est donc confirmé sur ce chef.
3/ l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis :
Le temps de préavis non exécuté doit être pris en compte pour l'indemnité de congés payés selon les dispositions de la convention collective applicables en l'espèce (cf article 10 alinéa 2 complémentaire de l'article 25).
Le jugement entrepris de chef est confirmé pour l'octroi de l'indemnité de 1 065, 54 euros.

4/ l'indemnité compensatrice de congés payés allant du 16 mai 2007 au 28 juillet 2008 : L'assimilation prévue à l'article L. 3141-5 du code du travail ne vaut que pour l'accident du travail. Sont exclus les absences dues à un accident de trajet.

Il est acquis que Mme Z... a été victime d'un accident du trajet.
La demande de 5 398, 75 euros ne peut donc être satisfaite.
Le jugement entrepris de chef est infirmé et la demande rejetée.

5/ l'indemnité pour licenciement abusif :

L'article 7 de la convention collective (complémentaire de l'article 21 des dispositions générales) précise que dans le cas du licenciement ayant moins de 5 années d'ancienneté, ce sont les dispositions du code du travail qui s'appliquent.
Par application de l'article L. 1235-5 du code du travail, le salarié de moins de deux ans d'ancienneté dans l'entreprise ne peut prétendre, en cas de licenciement abusif, qu'à une indemnité correspondant au préjudice subi.
Les premiers juges ont fixé la réparation à la somme de 21 310, 86 euros sans démontrer l'existence d'un quelconque préjudice.
Licenciée dans des conditions difficiles et notamment au cours de la suspension du contrat de travail, ne disposant plus régulièrement de ressources pour faire face à ses différentes charges de la vie quotidienne, Mme Z... a dû faire appel à la solidarité collective pour vivre.
Au vu des pièces versées au soutien de cette demande, il convient de confirmer la décision des premiers juges sur ce point.
6/ l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :
Cette demande a été satisfaite par les premiers juges alors qu'elle se confond avec la demande précédemment traitée.
Le jugement entrepris à ce titre est infirmé et la demande rejetée.
7/ le solde de tout compte avec intérêts moratoires :
La décision des premiers juges est confirmée car l'examen du dossier de Mme X... ne révèle pas la transmission d'un solde de tout compte.
Seuls l'attestation ASSEDIC et le certificat de travail ont été adressés à la salariée par lettre recommandée avec avis de réception.

SUR LES DÉPENS ET FRAIS IRREPETIBLES :

Succombant principalement à l'instance, Mme X..., exerçant sous l'enseigne de la pharmacie X...- X..., est condamnée à payer à Mme Z... la somme de 1 200 euros au titre des frais engagés par cette dernière pour la défense de ses intérêts, non compris dans les dépens, en sus de la somme allouée sur le même fondement par les premiers juges.
Elle est également condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :
Déclare l'appel recevable ;
Confirme le jugement du 22 janvier 2013 sauf en ce qu'il a condamné la pharmacie X..., prise en la personne de Mme Marianne X..., à payer à Mme Sophie Z... les sommes suivantes :
-1 290, 71 euros au titre de la prime exceptionnelle,-5 398, 75 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés allant du 16 mai 2007 au 28 mai 2008,-21 310, 86 euros à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Le réforme sur ces chefs ;
Statuant à nouveau,
Déboute Mme Sophie Z... de ses demandes portant sur la prime exceptionnelle, l'indemnité compensatrice de congés payés du 16 mai 2007 au 28 mai 2008 et l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Condamne Mme Marianne X..., exerçant sous l'enseigne de la pharmacie X...- X..., à payer à Mme Z... la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Mme Marianne X... aux dépens ;


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13/00648
Date de la décision : 08/09/2014
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2014-09-08;13.00648 ?
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