BR-VF
COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRET No 195 DU SEIZE JUIN DEUX MILLE QUATORZE
AFFAIRE No : 13/00166 Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de la Guadeloupe en date du 18 décembre 2012.
APPELANTESARL SOCIETE IMMOBILIERE DES CARAIBES CARIMO DEVENUE S.I.C., prise en la personne de son représentant légal, gérant en exercice, Monsieur Françis X... Domicile élu au cabinet de Me JABOULEY-DELAHAYE Sandrine Lot. 120 Les Amandiers - BP 82197059 SAINT- MARTINReprésentée par Maître Sandrine JABOULEY-DELAHAYE (Toque 13), avocat au barreau de la GUADELOUPE
INTIMÉE CAISSE GENERALE DE SECURITE SOCIALE DE LA GUADELOUPEQuartier de l'Hôtel de Ville B.P. 48697159 POINTE A PITRE CEDEXReprésentée par Maître Betty NAEJUS de la SCP NAEJUS-HILDEBERT (Toque 108) substituée par Maître NIBERON, avocat au barreau de la GUADELOUPE
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 5 mai 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Bernard Rousseau, président de chambre, et Madame Marie-Josée Bolnet, conseiller. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Bernard Rousseau, président de chambre, président, Mme Françoise Gaudin, conseiller,Mme Marie-josée Bolnet, conseiller, Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 16 juin 2014
GREFFIER Lors des débats : Madame Valérie Francillette, greffier.
ARRET :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par Monsieur Bernard Rousseau, président de chambre, président, et par Madame Valérie Francillette, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
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Faits et procédure :
Dans le cadre d'une enquête de police judiciaire diligentée courant 2008, il était relevé, à l'encontre de la Société Immobilière des Caraïbes et de son gérant, M. X..., diverses infractions telles l'aide au séjour irrégulier d'un étranger en France, l'emploi d'un étranger non muni d'une autorisation de travail salarié, le travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié et le recours aux services d'une personne exerçant un travail dissimulé. Conformément aux dispositions des articles L. 8271-7 et L. 8271-8-1 du code du travail, les enquêteurs de la police judiciaire communiquaient leurs procès-verbaux concernant les faits de travail dissimulé à la Caisse Générale de Sécurité Sociale de la Guadeloupe, ci-après dénommée C.G.S.S., afin que celle-ci détermine le montant et procède à la mise en recouvrement des cotisations et contributions qui lui étaient dues sur la base des informations contenues dans lesdits procès-verbaux.À la suite de cette communication, les services de la C.G.S.S. procédaient à un contrôle de la Société Immobilière des Caraïbes sur la période s'étendant du 1er janvier 2004 au 30 septembre 2008. À l'issue de ce contrôle une lettre d'observations était adressée à la Société Immobilière des Caraïbes le 2 décembre 2008, de laquelle il résultait que la vérification effectuée entraînait un rappel de cotisations et de contributions de sécurité sociale d'un montant total de 1 313 306 euros.
Par courrier du 19 décembre 2008 la Société Immobilière des Caraïbes contestait le redressement opéré. Aucune modification de ce redressement n'était effectuée par les services de la C.G.S.S., comme le montre un courrier du 18 septembre 2009.Une mise en demeure en date du 28 septembre 2009, d'avoir à payer la somme de 1 440 004 euros était notifiée le 1er octobre 2009 par laC.G.S.S., à la Société Immobilière des Caraïbes.
Après avoir saisi en vain, par courrier du 14 octobre 2009, la commission de recours amiable de la C.G.S.S., la Société Immobilière des Caraïbes saisissait, par requête adressée le 30 novembre 2009, le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de la Guadeloupe aux fins de voir annuler la mise en demeure du 28 septembre 2009, et à titre subsidiaire voir annuler le redressement notifié concernant le contrôle d'assiette, et réduire le montant du redressement.
Par jugement du 18 décembre 2012, la juridiction saisie rejetait les exceptions de nullités soulevées par la Société Immobilière des Caraïbes, confirmait la décision implicite de la commission de recours amiable de la C.G.S.S. et validait le redressement notifié à la Société Immobilière des Caraïbes, sauf en ce qui concerne l'application du taux de change 1$ = 1¿. Elle ordonnait en conséquence la réduction du redressement opéré à hauteur de 319 693,48 euros.Par déclaration adressée le 26 janvier 2013, la Société Immobilière des Caraïbes interjetait appel de cette décision qui lui avait été notifiée le 18 janvier 2013.
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Par conclusions notifiées à la partie adverse le 18 septembre 2013, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats du 25 novembre 2013, la Société Immobilière des Caraïbes sollicitait l'infirmation du jugement déféré sauf en ce qu'il avait retenu l'iniquité de la pratique du taux de change et ordonné la réduction du redressement opéré par la C.G.S.S. à hauteur de la somme de 319 693,48 euros, et entendait voir infirmer ledit jugement pour le surplus. Elle soulevait à titre principal la nullité de la mise en demeure du 28 septembre 2009, en invoquant :-la violation des dispositions de l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale, caractérisée par l'absence de réponse à la lettre par laquelle elle répliquait aux observations en date 2 décembre 2008 de la C.G.S.S., -la violation des dispositions de l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale, caractérisée par l'absence, dans ladite lettre d'observation, des mentions prescrites par ce texte.
A titre subsidiaire, elle demandait à la cour de rapporter la décision de redressement et d'avis de paiement de cotisations et majorations de retard, qui avait été initialement mise en recouvrement, par la mise en demeure, reçue le 1er octobre 2009, portant sur une somme initiale de 1 312 733 ¿ outre une somme de 131 271 ¿ au titre des majorations et pénalités de retard. A cette fin elle relevait que le redressement avait été opéré sur la base d'un cahier et de comptes de gestion, ce qui ne pouvait entraîner que des doublons, puisque le cahier était un justificatif partiel des inscriptions portées sur les comptes de gestion. Une surévaluation du redressement à hauteur de 623 792,92 ¿ en était résultée. Elle indiquait également que les inspecteurs avaient effectué le redressement, notamment sur la base des comptes de gestion, lesquels comportaient des sommes qui n'étaient pas des salaires, mais constituaient des revenus et dépenses de la propriété, ce qui avait entraîné une surévaluation du redressement de 812 124,54 euros.
La Société Immobilière des Caraïbes faisait valoir également qu'elle ne pouvait être déclarée solidaire d'une dette qui devait être assumée par les réels employeurs des salariés, ce qui devait entraîner une déduction de 1 282 378,42 euros.
Elle faisait en outre observer que la lettre d'observation évoquait une « masse globale » de redressement, relative à 53 personnes qualifiées de « travailleurs dissimulés » par le ministère public, et qu'elle avait été relaxée pour 22 de ces personnes, sans que le redressement ne soit impacté pour autant. Elle entendait voir constater que le redressement réel la concernant portait sur 30 927,58 euros, mais que néanmoins même sur ce contrôle d'assiette, visant ses propres salariés, les calculs n'étaient pas cohérents ou fondés.Elle réclamait paiement de la somme de 5000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
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Par conclusions notifiées à la partie adverse le 3 septembre 2013, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats du 25 novembre 2013, la C.G.S.S. sollicitait la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il avait rejeté les exceptions de nullité soulevées par la Société Immobilière des Caraïbes et entendait voir infirmer ledit jugement en ce qu'il avait partiellement validé le redressement et ordonné la réduction de celui-ci à hauteur de la somme de 319 693,48 euros.La C.G.S.S. réclamait paiement de la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La C.G.S.S. soutenait qu'elle avait respecté les dispositions de l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale puisqu'elle avait adressé à la Société Immobilière des Caraïbes la lettre d'observations mentionnant le délai imparti pour répondre aux observations de l'inspecteur de l'URSSAF, et que celui-ci avait répondu au courrier de contestation de la Société Immobilière des Caraïbes, par courrier simple du 18 septembre 2009 versé aux débats par les parties. La C.G.S.S. ajoutait qu'elle avait bien respecté les dispositions de l'article R. 243-59 alinéa 5 du code de la sécurité sociale, puisque toutes les mentions requises figuraient dans la lettre d'observations.Rappelant la procédure pénale et les condamnations pénales dont avait fait l'objet la Société Immobilière des Caraïbes, et faisant valoir qu'il n'était pas contestable que l'objet du contrôle déclenché était la recherche des infractions aux interdictions de travail dissimulé, la C.G.S.S. expliquait que l'avis de passage prévu à l'article R. 243-59 alinéa 1du code de la sécurité sociale n'était pas obligatoire.
Elle s'opposait à la prescription soulevée en faisant valoir qu'il résultait de l'article L. 244-3 du code de la sécurité sociale qu'en cas de constatation d'une infraction de travail dissimulé, la mise en demeure pouvait concerner les cotisations exigibles au cours des 5 années civiles précédentes, soit en l'espèce de 2004 à 2008. Elle contestait l'argumentation de la Société Immobilière des Caraïbes selon laquelle, le « cahier » saisi n'était qu'un justificatif parmi d'autres, des espèces retirées sur le compte de gestion en faisant observer notamment qu'une bonne partie des personnes relevées dans les comptes de gestion ne figuraient pas sur le cahier.
La C.G.S.S. relevait que la Société Immobilière des Caraïbes ne fournissait aucune explication cohérente permettant de montrer que l'ensemble des sommes retirées du compte de gestion ne constituerait pas des salaires, rappelant à ce sujet les motivations de la décision pénale.
La C.G.S.S. expliquait que la Société Immobilière des Caraïbes ne pouvait échapper à ses responsabilités à son égard, tant en sa qualité d'employeur contrevenant qu'en sa qualité de complice, et ce conformément aux dispositions des articles L. 8222-1 et suivants du code du travail et L. 242-1-4 du code de la sécurité sociale.
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Dans son arrêt du 27 janvier 2014, la cour de céans a rejeté les nullités formées à titre principal par la Société Immobilière Caraïbes et a sursis à statuer sur la contestation formée par ladite société à l'encontre des montants de cotisations redressées et figurant dans la mise en demeure du 28 septembre 2009.
Par le même arrêt la C.G.S.S. était invitée à fournir, en joignant toute pièce justificative, la répartition entre : -1o) les cotisations redressées, relatives à l'emploi de salariés pour lesquels la Société Immobilière des Caraïbes a été reconnue auteur de l'infraction de travail dissimulé par les juridictions pénales, -2o) les cotisations redressées, relatives à l'emploi de salariés pour lesquels la Société Immobilière des Caraïbes a été relaxée, ou seulement retenue dans les liens de la prévention en qualité de complice,
-3o) les cotisations redressées, relatives à la rémunérations des employés régulièrement embauchés par la Société Immobilière des Caraïbes, et concernant les années non prescrites 2006, 2007 et 2008, L'examen de l'affaire était renvoyée à l'audience du 5 mai 2014.Le 2 avril 2014, la caisse communiquait au conseil de la Société Immobilière Caraïbes, une note relative à l'établissement du redressement ainsi que quatre tableaux récapitulant :-l'assiette des cotisations pour les salariés pour lesquels la Société Immobilière Caraïbes avait été condamnée pour travail dissimulé,-l'assiette des cotisations pour les salariés pour lesquels la Société Immobilière Caraïbes avait été relaxée ou jugée complice, -l'assiette des cotisations relatives au redressement portant sur des rémunérations versées à un salarié régulièrement embauché par la Société Immobilière Caraïbes.
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Motifs de la décision : La cour constate que la caisse s'est conformée aux prescriptions de l'article L. 244-3 du code de la sécurité sociale, en retenant :-les cotisations redressées au titre des cinq années civiles (2004, 2005, 2006, 2007 et 2008), précédant l'année de l'envoi de la mise en demeure (2009) pour les sommes versées à des salariées dont il a été reconnu par la juridiction pénale qu'ils avaient été employés par la Société Immobilière Caraïbes dans le cadre d'un travail dissimulé,
-les cotisations redressées au titre des trois années civiles (2006, 2007 et 2008) précédant celle de l'envoi de la mise en demeure, pour les sommes non déclarées, versées à un salarié régulièrement embauché. Par ailleurs il a été expliqué dans l'arrêt précédent du 27 janvier 2014, que la Société Immobilière des Caraïbes ne pouvait valablement soutenir que le « cahier » pris en compte par l'URSSAF pour opérer les redressements, n'était qu'un justificatif parmi d'autres, des espèces retirées sur le compte de gestion, et qu'en se basant à la fois sur ce « cahier » et sur les comptes de gestion, la C.G.S.S. aurait redressé deux fois les mêmes montants. En effet d'une part, il a pu être constaté qu'une bonne partie des personnes relevées dans les comptes de gestion ne figuraient pas sur ledit cahier, et d'autre part il n'est pas justifié que les retraits d'espèces figurant sur les comptes de gestion pouvaient avoir une autre utilisation que le paiement des salariés comme le soutient la Société Immobilière des Caraïbes, celle-ci étant tenue à l'établissement d'une comptabilité claire s'appuyant sur des justificatifs probants pour chaque dépense, ce que manifestement elle n'a pas été en mesure de faire pour les montants redressés.La cour constate que pour la détermination du montant des assiettes donnant lieu à redressement, la caisse, répondant aux critiques de la Société Immobilière Caraïbes, a appliqué un taux de change $ / ¿, différencié pour chaque année concernée.
Enfin la cour relève que la Société Immobilière Caraïbes n'apporte aucun élément, permettant de remettre en cause les montants redressés pour chacun des salariés désignés dans les tableaux produits. Ainsi la cour est en mesure de fixer le montant des redressements à valider aux sommes suivantes :a)- pour les cotisations relatives à la rémunération versée aux salariés pour lesquels la Société Immobilière Caraïbes a été condamnée pour travail dissimulé :-48 260 ¿ au titre de l'année 2004,-79 588 ¿ au titre de l'année 2005, -129 531 ¿ au titre de l'année 2006,-109 174 ¿ au titre de l'année 2007,-73 271 ¿ au titre de l'année 2008, soit au total 439 824 euros
b)-pour les cotisations relatives à la rémunération non déclarée, versée au salarié régulièrement embauché, -13 659 ¿ au titre de l'année 2006,-24 682 ¿ au titre de l'année 2007,-11 024 ¿ au titre de l'année 2008, soit au total 49 365 euros.
En conséquence le redressement opéré sera validé à hauteur de 489 189 euros. Comme il paraît inéquitable de laisser à la charge de la C.G.S.S. , les frais irrépétibles qu'elle a exposés, il lui sera alloué la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ces motifs, La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,Vu l'arrêt du 27 janvier 2014,
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a rejeté les nullités soulevées par la Société Immobilière Caraïbes, Le réforme pour le surplus,Et statuant à nouveau,
Valide à hauteur de la somme de 489 189 euros en principal, le redressement effectué par la C.G.S.S. à l'encontre de la Société Immobilière Caraïbes, Condamne la Société Immobilière Caraïbes à payer à la C.G.S.S. la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,Dit que les dépens sont à la charge de la Société Immobilière Caraïbes,
Déboute les parties de toute conclusion plus ample ou contraire.
Le Greffier, Le Président,