COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRÊT No 161 DU CINQ MAI DEUX MILLE QUATORZE
AFFAIRE No : 12/ 01883
Décision déférée à la Cour : arrêt de la Cour d'Appel BASSE-TERRE du 10 septembre 2001- chambre sociale.
APPELANTE
SOCIÉTÉ GAROS, agissant poursuites et diligences de son gérant M. Jean-Claude X..., domicilié en cette qualité audit siège MBE 186 Mangot Vulcin 97232 LE LAMENTIN Représentée par Me Nadia BOUCHER, avocat au barreau de GUADELOUPE, substituant Me Roger LEMONNIER, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉES
Madame Régine Y......... 97170 PETIT BOURG Représentée par Me Jérôme NIBERON, substituant Me Yannick LOUIS-HODEBAR, (86), avocat au barreau de GUADELOUPE
SOCIÉTÉ FRANCE LOISIRS ANTILLES SARL 317-318 Centre Commercial Destrelland 97122 BAIE-MAHAULT Représentée par Me WIN-BOMPARD, substituant Me Brigitte WINTER-DURENNEL de la SCP WINTER-DURENNEL et PREVOT, avocat au barreau de GUADELOUPE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Mars 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Bernard ROUSSEAU, président de chambre, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, Mme Marie-Josée BOLNET, conseiller, Mme Françoise GAUDIN, conseiller.
Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 05 mai 2014
GREFFIER Lors des débats Mme Valérie FRANCILLETTE, greffier.
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, et par Mme Valérie FRANCILLETTE, Greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
Faits et procédure :
Par convention du 19 août 1987, la société FRANCE LOISIRS, constituée alors en société à responsabilité limitée, ayant son siège social 123 Bd de Grenelle à Paris 15 ème, a consenti à la S. A. R. L GAROS l'exclusivité de la vente de ses produits dans le département de la Martinique puis dans le département de la Guadeloupe. La S. A. R. L GAROS exerçait cette activité sous l'enseigne « France-Loisirs ANTILLES ».
La S. A. R. L GAROS exerçait son activité dans un local commercial qu'elle avait pris en location au 10 rue Gallieni à Fort-de-France. Elle possédait également un établissement secondaire au 42 rue Achille René Boisneuf à Pointe-à-Pitre.
Le 27 octobre 1995, la Société FRANCE LOISIRS et la S. A. R. L GAROS décidaient d'un commun accord de rompre la convention du 19 août 1987, la Société FRANCE LOISIRS manifestant cependant son intention de maintenir cette activité aux ANTILLES, en conséquence de quoi la S. A. R. L GAROS cédait à la Société FRANCE LOISIRS le droit au bail dont elle était titulaire sur les locaux situés 10 rue Gallieni à Fort-de-France, et elle consentait au bénéfice de cette dernière la mise à disposition des locaux qu'elle occupait no42 rue Achille René Boisneuf à Pointe-à-Pitre.
Mme Régine Y...qui avait été embauchée par la S. A. R. L GAROS, par contrat à durée déterminée pour la période du 22 novembre 1988 au 31 janvier 1989, puis par contrat à durée indéterminée à compter du 1er avril 1989, était licenciée par lettre du 21 mai 1995 pour faute grave.
Mme Y...ayant saisi le 11 septembre 1995, le Conseil de Prud'hommes de Pointe-à-Pitre aux fins de contester son licenciement et obtenir indemnisation, était déboutée de ses demandes par ledit conseil, lequel, par jugement du 9 mars 2000, avait estimé que la faute grave évoquée était démontrée par l'employeur au vu des pièces versées aux débats.
Sur appel en date du 18 avril 2000 de Mme Y..., la cour d'appel de Basse-Terre, par arrêt du 10 septembre 2001, infirmait la décision qui lui était déférée, et jugeait que le licenciement de Mme Y...était dépourvu de cause réelle et sérieuse. Elle condamnait « la Société FRANCE LOISIRS ANTILLES S. A. R. L. » à payer à Mme Y...les sommes suivantes :
-14 924 francs à titre d'indemnité de préavis,-5 339, 01 franc à titre d'indemnité légale de licenciement,-50 000 francs à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,-3000 francs au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Mme Y...était déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement abusif et « la Société FRANCE LOISIRS ANTILLES S. A. R. L. » était condamnée aux dépens de première instance et d'appel.
À la suite de saisies attributions diligentées à la requête de Mme Y...à l'encontre de la S. A. R. L GAROS, celle-ci, par déclaration du 13 novembre 2012 formait opposition à l'encontre de l'arrêt du 10 septembre 2001.
Les lettres de convocation adressées par le greffe aux intimées, n'ayant pu leur être remises par les services de la poste, la S. A. R. L GAROS, par actes d'huissier du 21 juin 2013 et du 22 juin 2013 faisaient respectivement citer à comparaître devant la chambre sociale de la cour d'appel de Basse-Terre :
- la Société FRANCE LOISIRS SAS, immatriculée au RCS de Paris sous le no 702 109 902, dont le siège est situé 123 Boulevard de Grenelle 75 015 Paris, et ayant un établissement en Guadeloupe, 317-318 centre commercial Destreland, 97122 Baie-Mahault,
- Mme Y...demeurant à Petit Bourg en Guadeloupe.
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Par conclusions notifiées aux parties adverses, par les actes d'huissier suscités, la S. A. R. L GAROS, faisant savoir qu'elle entendait à titre principal obtenir l'infirmation du jugement rendu par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Fort-de-France l'ayant déboutée de sa demande de constatation de la caducité de l'arrêt du 10 septembre 2001, faute de signification régulière dans le délai de six mois, sollicite le prononcé d'un sursis à statuer en l'attente de l'arrêt à intervenir de la part de la cour d'appel de Fort-de-France, lequel doit se prononcer notamment sur :
- la qualification par défaut de l'arrêt rendu par la cour d'appel de Basse-Terre le 10 septembre 2001,
- le caractère non avenu dudit arrêt, faute de signification dans les six mois.
À titre subsidiaire la S. A. R. L GAROS entend se voir donner à acte de ce qu'elle ne s'oppose pas à ce que son opposition soit déclarée irrecevable, sous réserve que la cour mentionne expressément dans son arrêt qu'elle n'est pas la partie condamnée par l'arrêt du 10 septembre 2001.
Encore plus subsidiairement, elle demande que son opposition soit déclarée recevable, et que le jugement du Conseil de Prud'hommes de Pointe-à-Pitre du 9 mars 2000, soit confirmée.
Elle réclame en tout état de cause paiement de la somme de 2000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
À l'appui de ses demandes, la S. A. R. L GAROS explique que son gérant, en août 1993, ayant été appelé à exercer des fonctions en métropole, n'était plus à même de gérer au quotidien les boutiques de Guadeloupe et de Martinique et qu'il avait été convenu que la gestion opérationnelle serait désormais assurée par M. Denis A..., salarié de la SAS FRANCE LOISIRS.
La S. A. R. L GAROS expose qu'à l'occasion d'un contrôle de comptabilité, elle aurait constaté en juillet 1995 que Mme Y..., responsable du service abonnés, aurait falsifié des factures et ses comptes de caisse, parvenant ainsi à détourner une somme de l'ordre de 12 000 euros, ce qui allait aboutir au licenciement pour faute grave de l'intéressée
Elle indique que le 27 octobre 1995 la Société FRANCE LOISIRS et elle-même rompaient amiablement le contrat de distribution qui les unissait, la Société FRANCE LOISIRS reprenant en direct la distribution de ses produits tant en Martinique qu'en Guadeloupe, tout le personnel de la S. A. R. L GAROS étant transféré à la Société FRANCE LOISIRS conformément aux dispositions de l'ancien article L. 122-12 du code du travail.
La S. A. R. L GAROS fait valoir que la procédure prud'homale qui a été initiée par Mme Y..., a été intégralement gérée par la compagnie SAS FRANCE LOISIRS, laquelle a missionné l'avocat chargé de représenter la S. A. R. L GAROS, lui a fourni les pièces nécessaires à la défense de la S. A. R. L GAROS et la rémunéré.
La S. A. R. L GAROS précise que le jugement prud'homal a été adressé en recommandé avec AR à l'adresse du 42 rue Achille Boisneuf à Pointe à Pitre, où il a été réceptionné par la Société FRANCE LOISIRS, la S. A. R. L GAROS n'en étant pas informé.
La S. A. R. L GAROS ajoute qu'elle est restée dans l'ignorance de l'appel interjeté le 18 avril 2000 par Mme Y..., puisque tous les courriers ont été reçus par la Société FRANCE LOISIRS ; elle n'a donc pas été convoquée à l'audience de la cour d'appel de Basse-Terre, puisque la convocation adressée par les soins du greffe à la « Société FRANCE LOISIRS ANTILLES, 42 rue Achille Boisneuf 97110 Pointe-à-Pitre », a été réceptionnée par un salarié de la Société FRANCE LOISIRS.
Elle relève que l'arrêt est qualifié de contradictoire, nonobstant l'absence aux débats de la S. A. R. L GAROS, au motif que « l'intimée, régulièrement convoquée, a signé l'avis de réception ».
Selon la S. A. R. L GAROS, ce n'est que 10 ans plus tard, à l'occasion d'une saisie attribution pratiquée le 3 mai 2011 sur son compte bancaire, qu'elle aurait eu connaissance de l'arrêt et a pu s'en procurer un exemplaire.
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Par conclusions notifiées aux parties adverses le 9 décembre 2013, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, Mme Y...sollicite le rejet des demandes de la S. A. R. L GAROS tendant à voir dire qu'elle n'est pas la partie condamnée par l'arrêt du 10 septembre 2001. Elle entend voir ordonner la rectification matérielle affectant cet arrêt, en mentionnant « la S. A. R. L GAROS » au lieu et place de la SARL FRANCE LOISIRS ANTILLES. Elle entend voir déclarer irrecevable l'opposition de la S. A. R. L GAROS au motif que l'arrêt du 10 septembre 2001 a été notifié à la Société FRANCE LOISIRS par courrier recommandé avec avis de réception par le greffe de la cour d'appel de Basse-Terre, le 17 septembre 2001 au 42 rue Achille Boisneuf à Pointe-à-Pitre.
Subsidiairement elle demande la confirmation de l'arrêt du 10 septembre 2001 et réclame en tout état de cause paiement de la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
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Par conclusions notifiées aux parties adverses le 14 mars 2014, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, la Société FRANCE LOISIRS SAS, venant aux droits de la SARL FRANCE LOISIRS, sollicite le rejet de la demande de la S. A. R. L GAROS tendant à voir juger qu'elle n'est pas la partie condamnée par l'arrêt du 10 septembre 2001. Elle sollicite la rectification de l'erreur matérielle contenue dans l'arrêt du 10 septembre 2001 en ce qui concerne la désignation de la S. A. R. L GAROS et qu'il soit dit qu'il convient de lire dans cet arrêt la " S. A. R. L GAROS " au lieu et place de la " SARL FRANCE LOISIRS ANTILLES ".
La Société FRANCE LOISIRS SAS entend voir constater qu'elle est tiers au litige opposant Mme Y...à la S. A. R. L GAROS. Elle s'en rapporte quant aux demandes subsidiaires de cette dernière.
Elle demande la condamnation de la S. A. R. L GAROS à lui payer une somme de 3000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Motifs de la décision :
La S. A. R. L GAROS est mal fondée à soutenir que Mme Y...a initié à son insu la procédure devant le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre.
En effet il résulte des pièces versées aux débats, que la S. A. R. L GAROS était bien partie à l'instance engagée devant ledit conseil, puisque elle a fait déposer par la Société d'avocats, la SCP MATHURIN/ SEREMES/ BELIA, devant ce conseil, des conclusions prises en son nom, en date du 29 janvier 1996, et notifiées à Me BREDENT, l'avocat de Mme Y....
Dans ces conclusions la S. A. R. L GAROS expliquait de façon détaillée les griefs qu'elle invoquait à l'encontre de Mme Y..., en particulier la non-application du tarif fixé par la S. A. R. L GAROS pour les ANTILLES, l'expédition rapide de colis sans récupérer les frais de port, et la falsification de plusieurs factures et de ses comptes de caisse dans le but de cacher ses erreurs de calcul. La S. A. R. L GAROS fait valoir en outre dans ses conclusions que Mme Y...lui a ainsi causé un important préjudice tant commercial que financier.
La présence de la S. A. R. L GAROS en qualité de partie au procès prud'homal est confirmée par les mentions figurant dans l'arrêt du 10 septembre 2001 de la cour de céans, puisqu'il est mentionné dans le rappel des faits et de la procédure, que : « le Conseil de Prud'hommes de Pointe-à-Pitre, saisi par requête du 11/ 9/ 1995 dans un litige opposant Mme Y...à la Société GAROS exerçant sous l'enseigne FRANCE LOISIRS ANTILLES a, par jugement contradictoire, en date du 9 mars 2000 statué ainsi ¿ »
Il en résulte qu'effectivement l'arrêt du 10 septembre 2001 contient une erreur matérielle manifeste, dans la mesure où l'intimée y est dénommée « Société FRANCE LOISIRS ANTILLES SARL », cette mention procédant d'une confusion entre l'enseigne commerciale « FRANCE LOISIRS ANTILLES » et la SARL GAROS qui utilisait cette enseigne jusqu'au 27 octobre 1995.
Il n'y a pas lieu, comme le demande la S. A. R. L GAROS de surseoir à statuer en l'attente de la décision de la cour d'appel de Fort-de-France, qui devrait se prononcer sur la qualification par défaut de l'arrêt rendu par la cour de céans le 10 septembre 2001.
En effet seule la cour d'appel de Basse-Terre est compétente pour rectifier l'erreur matérielle affectant la qualification de son arrêt du 10 septembre 2001, et plus précisément la qualification d'arrêt contradictoire.
L'examen de la procédure engagée devant la cour de céans, montre en premier lieu que l'arrêt du 10 septembre 2001 est faussement qualifié de contradictoire, puisqu'il est mentionné dans cet arrêt que l'intimée était non comparante.
En outre la procédure d'appel a été engagée à l'encontre de la S. A. R. L GAROS, faussement dénommée " Société FRANCE LOISIRS ANTILLES SARL ", à une adresse située 42 rue Achille René Boisneuf 97110 Pointe-à-Pitre,
Or à la date de l'appel, le 18 avril 2000, la S. A. R. L GAROS n'exerçait plus à cette adresse, d'activité commerciale sous l'enseigne " FRANCE LOISIRS ANTILLES ", puisqu'il résulte des conventions ci-avant évoquées, que l'accord entre la SARL FRANCE LOISIRS et la SARL GAROS avait été rompu.
Dans la mesure où il n'est pas établi que la convocation destinée à la S. A. R. L GAROS lui ait été notifiée à personne, et où en tout état de cause, le nom du destinataire de cette convocation ne correspondait pas au nom de la SARL GAROS, celle-ci n'ayant pas comparu, il y a lieu d'en conclure que l'arrêt du 10 septembre 2001, a été rendu par défaut
Dans ces conditions, il y a lieu de rectifier la qualification de l'arrêt du 10 septembre 2001 en précisant qu'il s'agit d'une décision rendue par défaut et non contradictoirement.
Il s'ensuit que l'opposition formée par la S. A. R. L GAROS à l'encontre de cet arrêt, ne peut être déclarée irrecevable au motif que l'arrêt serait contradictoire comme le soutient Mme Z....
Toutefois la cour d'appel de Fort-de-France étant déjà saisie de la question de savoir si cet arrêt était non avenu, faute de signification dans les six mois, il y a lieu de surseoir à statuer en l'attente de la décision de ladite cour, avant d'examiner au fond l'opposition de la S. A. R. L GAROS.
Par ces motifs,
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Vu l'article 462 du code de procédure civile,
Ordonne la rectification de l'erreur matérielle affectant l'arrêt du 10 septembre 2001 de la cour d'appel de céans, et dit que :
- la dénomination " FRANCE LOISIRS ANTILLES SARL " attribuée à l'intimée est remplacée par la dénomination " SARL GAROS ",
- la mention " ARRÊT CONTRADICTOIRE " figurant en première page de l'arrêt est remplacée par la mention " ARRÊT PAR DEFAUT ",
- la mention " l'intimée régulièrement convoquée, ayant signé l'avis de réception, est non comparante " figurant en page 2, est remplacée par la mention " l'intimée est non comparante ",
- la mention « la cour statuant publiquement, contradictoirement ", sera remplacée par la mention « la cour statuant publiquement, par défaut »,
Rejette la fin de non recevoir de l'opposition formée par la S. A. R. L GAROS, soulevée par Mme Z...et fondée sur le caractère contradictoire de l'arrêt du 10 septembre 2010,
Sursoit à statuer sur ladite opposition, en l'attente de la décision de la cour d'appel de Fort-de-France saisie de la question relative au caractère non avenu de l'arrêt en cause, faute de signification dans les six mois,
Réserve toute autre prétention et tout autre moyen des parties, ainsi que les dépens,
Dit que l'instance sera reprise, à l'initiative de l'une ou l'autre des parties, au vu de la décision de la cour d'appel de Fort de France.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.