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COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRET No 160 DU CINQ MAI DEUX MILLE QUATORZE
AFFAIRE No : 12/ 00999
Décision déférée à la Cour : ordonnance de référé du Conseil de Prud'hommes BASSE-TERRE du 9 mars 2012- Formation de Référé.
APPELANTE
Madame Corinne X......... 97200 FORT DE FRANCE Dispensée de comparaître en application des dispositions des articles 446-1 et 946 du code de procédure civile.
Ayant pour conseil, Maître Dinah RIOUAL-ROSIER de la SELARL RIOUAL-ROSIER, avocat au barreau de FORT DE FRANCE
INTIMÉE
Madame Julie Y... C/ o Z... Mona... 97133 SAINT-BARTHELEMY Représentée par Maître Stéphanie BRINGAND-VALORA, avocat au barreau de la GUADELOUPE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 mars 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Bernard ROUSSEAU, président de chambre, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Bernard ROUSSEAU, président de chambre, président, Mme Françoise GAUDIN, conseiller, Mme Marie-Josée BOLNET, conseiller,
Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 5 mai 2014
GREFFIER Lors des débats : Madame Valérie Francillette, greffier.
ARRET :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par M. Bernard ROUSSEAU, président de chambre, président, et par Mme Valérie FRANCILLETTE, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
Faits et procédure :
Par contrat de travail à durée déterminée, en date du 3 janvier 2011, Mme Julie Y... était engagée en qualité d'animatrice par Mme Corinne X... pour une période expirant le 19 août 2011. Un avenant du 14 juin 2011, substituait à ce contrat à durée déterminée, un contrat à durée indéterminée, le salaire mensuel étant fixé à la somme de 1 365 euros.
Par courrier recommandé avec avis de réception en date des 2 et 7 septembre 2011, les salariées de la structure du « Petit Jardin de l'Ile » ayant pour activité l'accueil des enfants de deux à six ans, dirigée par Mme X..., faisaient part à cette dernière d'un certain nombre de revendications concernant notamment leurs conditions de travail, les conditions de sécurité et les obligations de l'employeur quant à la délivrance de fiches de paye régulières, au versement des rémunérations et au respect de la durée hebdomadaire de travail, les intéressées faisant savoir à leur employeur qu'elles pourraient exercer leur droit de grève.
Par courrier du 23 septembre 2011, adressé par lettre recommandée avec avis de réception à Mme X..., les trois salariées faisaient savoir à celle-ci que faute de réalisation de travaux urgents et d'un début de régularisation de l'ensemble des problèmes précédemment évoqués, elles continueraient à faire valoir leur droit de grève tant que les lieux ne seraient pas sécurisés.
Les salaires des mois d'août et septembre 2011 ayant fait l'objet d'émissions de chèques sans provision, Mme X... à la suite d'un entretien en date du 28 septembre 2011, notifiait le 10 octobre 2011, à Mme Y... son licenciement pour motif économique.
Le 21 octobre 2011, Mme Y... saisissait la formation de référé du Conseil de Prud'hommes de Basse-Terre aux fins d'obtenir paiement d'arriérés de salaires, ainsi qu'une indemnité compensatrice de congés payés et la remise des bulletins de paie depuis avril 2011. Elle devait demander également une indemnité de préavis et la remise de tous les documents sociaux sous astreinte, ainsi que paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ordonnance du 9 mars 2012, la formation de référé prud'homale faisait droit aux demandes de Mme Y..., et ordonnait à Mme X... de payer à celle-ci les sommes suivantes :-1 400 euros au titre du salaire du mois de septembre 2011,-660 euros à titre de complément de salaires pour les mois de juillet et août 2011,-206 euros à titre de congés payés afférents à ces salaires,-1400 euros à titre de préavis pour le mois de novembre 2011,-2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile. Il était en outre ordonné à Mme X... de remettre à Mme Y... sous astreinte, les bulletins de paie d'avril à octobre 2011, le solde de tout compte et l'attestation ASSEDIC.
Par déclaration reçue au greffe de la cour d'appel de Basse-Terre le 16 avril 2012, Mme X... interjetait appel de cette décision qui lui avait été notifiée le 30 mars 2012.
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Par conclusions notifiées à la partie adverse le 16 décembre 2013, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, Mme X... sollicite l'infirmation de la décision déférée et entend voir être déchargée des condamnations prononcées à son encontre. Elle fait valoir que le licenciement de Mme Y... repose sur une cause réelle et sérieuse, et qu'aucun salaire n'est dû à cette dernière à compter du 8 septembre 2011, date de début de la grève. Elle réclame paiement de la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
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Par conclusions datées du 30 septembre 2013, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, Mme Y... sollicite à titre principal la confirmation en toutes ses dispositions de l'ordonnance entreprise.
À titre d'appel incident elle demande la condamnation de Mme X... à lui régler la somme de 80 100 euros au titre de l'astreinte prononcée par l'ordonnance de référé, pour la période du 31 mars 2012 au 14 octobre 2013. Elle sollicite la condamnation sous astreinte de Mme X... à lui remettre ses documents sociaux conformes à ses droits tels que l'attestation ASSEDIC rectifiée, le reçu pour solde de tout compte, le certificat de travail et ses bulletins de paie de janvier à octobre 2011. Elle réclame en outre paiement de la somme de 3500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
À l'appui de ses demandes elle fait valoir que son contrat de travail a été rompu du fait de son employeur, celui-ci ne lui permettant pas d'exercer ses fonctions dans des conditions d'hygiène et de sécurité tant pour elle-même que pour les jeunes enfants placés sous sa responsabilité.
Rappelant que l'employeur avait été informé par les salariées que celles-ci ne pouvaient plus travailler dans des conditions d'insalubrité et d'insécurité, Mme Y... explique qu'elles n'ont pas eu d'autre choix que d'exercer, non pas un droit de grève, mais un droit de retrait, dans le seul et unique but de préserver les enfants qui devaient être accueillis.
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Motifs de la décision :
Sur le paiement de l'arriéré de salaires :
Mme Y... soutient que les salariés auraient été contraints d'exercer un droit de retrait, mais non pas un droit de grève.
Selon les dispositions de l'article L. 4131-1 du code du travail, le travailleur alerte immédiatement l'employeur de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu'elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité qu'il constate dans les systèmes de protection ; il peut se retirer d'une telle situation.
L'examen des courriers adressés les 2 et 7 septembre 2011 par les salariées, et mentionnant en objet « revendications salariales », montre que lesdites revendications portaient sur :- le matériel éducatif et l'embauche de personnel qualifié lors des périodes de surcharge de travail,- le respect des règles de santé et de sécurité telles que les visites médicales obligatoires à réaliser, la vérification annuelle des extincteurs, l'entretien régulier du système de climatisation,- le respect des obligations d'affichage : convention collective, horaires d'ouverture, affichage du plan d'évacuation d'urgence,- le respect des obligations en matière de rémunération et bulletins de salaire : mentions légales sur les fiches de paye, adhésion à une caisse de retraite complémentaire et de prévoyance, primes d'ancienneté, respect des délais de paiement de salaire, versement du complément employeur en cas d'arrêt de travail, respect de la durée hebdomadaire de travail,- l'état d'insalubrité et d'insécurité de la structure : peinture au sol antidérapante, réseau électrique qui présenterait « un gros état de détérioration », problèmes d'infiltrations d'eau et d'humidité,- respect de la vie privée des salariées pendant leur temps de repos, les échanges professionnels devant être faits durant les heures de travail.
Force est de constater que l'ensemble des revendications ainsi exprimées par les salariées, ne caractérisent pas un « danger grave et imminent pour la vie ou la santé » des travailleurs, étant observé que le « gros état de détérioration » du réseau électrique, invoqué par les salariées, n'est caractérisé par aucun élément précis, et n'est corroboré par aucun élément versé aux débats. Si des photographies produites par la salariée montrent des infiltrations pluviales sur des appareils électriques, il n'est nullement établi les conditions dans lesquelles ces photographies ont été prises, notamment la date et le lieu des prises de vue.
Ainsi l'arrêt de travail des salariées à compter du 8 septembre 2011, ne peut être considéré comme entrant dans l'exercice justifié du droit de retrait prévu par le texte suscité.
Par ailleurs si l'employeur est tenu de payer aux grévistes, une indemnité compensant la perte de leur salaire dans le cas où les salariés se trouvent dans une situation contraignante telle qu'ils sont obligés de cesser le travail pour faire respecter leurs droits essentiels, directement lésés par suite d'un manquement grave et délibéré de l'employeur à ses obligations, en l'espèce le retard apporté par Mme X... dans le paiement du salaire du mois d'août 2011, ne procède pas d'un manquement délibéré de sa part dans la mesure où les pièces versées au débat montrent que l'employeur s'est trouvé confronté, au cours de l'été 2011, à des difficultés financières réelles.
En effet il ressort des pièces versées au débat que Mme X..., en 2003, avait pris en location auprès d'un particulier, les locaux dans lesquels elle dirigeait la structure d'accueil " Le Petit Jardin de l'Ile ", que lesdits locaux ont été vendus à la Collectivité Territoriale de Saint Barthélémy, laquelle s'est abstenue d'entériner le contrat de location, Mme X... devant engager à ses frais des travaux résultant notamment du manque d'étanchéité du bâtiment (factures de 2 500 euros et de 2 167 euros des 28 août et 3 septembre 2011) compte tenu de la défaillance du bailleur dans l'entretien de la toiture.
Par ailleurs il résulte d'un courrier du 26 août 2011, adressé au Président de la Collectivité Territoriale de Saint-Barthélemy, que Mme X... s'engageait à régulariser la situation depuis janvier 2009 avec un étalement sur 24 mois, en prenant en compte la déduction des travaux qu'elle avait engagés depuis cette date.
Toutefois l'arriéré de la dette locative devait être réglé selon un protocole d'accord transactionnel en date du 30 septembre 2011, par lequel Mme X... s'engageait à libérer les lieux et à remettre les clés de à collectivité territoriale, celle-ci renonçant à engager toute action judiciaire au titre du bail du 15 octobre 2003 et de l'occupation des lieux par le preneur.
Ainsi il n'apparaît pas que le retard de paiement du salaire du mois d'août 2011, procède d'un manquement délibéré de l'employeur. Dans ces conditions la cessation par la salariée de son travail à compter du 8 septembre 2011, qui affirmait alors exercer son droit de grève, ne peut donner lieu au paiement d'un salaire.
L'employeur ne justifiant pas avoir versé à Mme Y..., ni l'arriéré de salaire réclamé pour juillet et août 2011, ni le salaire correspondant aux 8 premiers jours de septembre 2011, doit être condamné à payer lesdits salaires, soit 660 euros pour l'arriéré de juillet et août 2011 et 373, 33 euros pour septembre 2011, sommes auxquelles s'ajoutent 103, 33 euros à titre d'indemnité de congés payés afférente aux dits salaires.
Sur les autres demandes de Mme Y... :
Le licenciement de Mme Y... ayant été notifié pour licenciement économique, l'employeur est redevable d'une indemnité compensatrice de préavis, laquelle, en application des dispositions de l'article L. 1234-1 du code du travail, et compte tenu de l'ancienneté de la salariée, supérieure à 6 mois et inférieure à deux ans, doit être fixée à un mois de salaire. La décision déférée sera donc confirmée sur ce chef de demande.
Les pièces versées au dossier montrent que Mme X... a adressé le 6 décembre 2011, au Président du Conseil de Prud'hommes de Basse-Terre, l'attestation ASSEDIC, le certificat de travail daté du 29 novembre 2011, et les bulletins de salaires d'avril à août 2011. Ces pièces n'ont pu être remises à la salariée car elles sont arrivées au Conseil de Prud'hommes le 9 décembre 2011 à 12h15, comme mentionné par le greffe de cette juridiction, alors que l'audience de la formation de référé a débuté à 9 heures le même jour.
En tout état de cause, la cour d'appel, si elle est compétente pour assortir d'une astreinte, une condamnation prononcée par le premier juge, elle ne l'est pas pour liquider une astreinte qu'elle n'a pas prononcée elle-même.
Il ya lieu de constater que Mme X... n'a pas fait obstacle délibérément à la remise des pièces sollicitées. Celles-ci seront restituées à Mme X..., qui devra les rectifier pour tenir compte des indemnités de fin de contrat, et ce aux fins de remise effective et directe à Mme Y... dans le délai d'un mois suivant la notification de la présente décision.
Le reçu pour solde de tout compte ne pouvant être délivré qu'au moment du paiement de l'intégralité de la somme due par l'employeur, il ne peut être en l'état ordonné sa remise.
Comme il paraît inéquitable de laisser à la charge de Mme Y... les frais irrépétibles qu'elle a exposés, il lui sera alloué la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ces motifs,
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Confirme l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a condamné Mme X... à payer à Mme Y... la somme de 1 400 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, et celle de 660 euros à titre de rappel de salaires pour les mois de juillet et août 2011,
La réforme pour le surplus,
Et statuant à nouveau,
Condamne Mme X... à payer à Mme Y... la somme de 373, 33 euros au titre du salaire dû pour les 8 premiers jours de septembre 2011, celle de 103, 33 euros d'indemnité de congés payés afférente aux salaires restés impayés, et celle de 1 000 euros à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit que l'attestation ASSEDIC, le certificat de travail et les bulletins de salaire établis par Mme X... à l'intention de Mme Y..., et figurant au dossier de la cour, seront restitués à celle-ci par les soins du greffe dès la notification du présent arrêt,
Dit que Mme X... devra remettre à Mme Y..., dans le délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt, l'attestation ASSEDIC, le certificat de travail et ses bulletins de salaire de janvier 2011 au 8 septembre 2011, conformes aux droits de la salariée, et dit que passé ce délai, chaque jour de retard sera assorti d'une astreinte de 20 euros,
Dit que la cour se réserve le pouvoir de liquider l'astreinte ainsi prononcée,
Dit que les dépens sont à la charge de Mme X...,
Déboute les parties de toute conclusion plus ample ou contraire.
Le Greffier, Le Président,