BR/ MLK
COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRÊT No 133 DU SEPT AVRIL DEUX MILLE QUATORZE
AFFAIRE No : 13/ 00600
Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de la GUADELOUPE en date du 13 avril 2010.
APPELANT
Monsieur Georges X... ...97116 POINTE NOIRE Représenté par Me Jérôme NIBERON de la SCP MORTON et ASSOCIES, (104), avocat au barreau de GUADELOUPE
INTIMÉES
SNC NOFRAG Belle Plaine 97139 LES ABYMES Représentée par Me Ferdinand EDIMO NANA, avocat au barreau de FORT DE FRANCE
CAISSE GÉNÉRALE DE SECURITE SOCIALE DE LA GUADELOUPE BP 486 Quartier de l'Hôtel de Ville 97159 POINTE A PITRE-CEDEX Représentée par Mme Y...Franciane, Mandataire
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Février 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Bernard ROUSSEAU, président de chambre, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, Mme Marie-Josée BOLNET, conseillère, Mme Françoise GAUDIN, Conseillère.
Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 07 avril 2014
GREFFIER Lors des débats Mme Valérie FRANCILLETTE, Greffière.
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées
conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, et par Madame Marie-Luce KOUAME, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
Faits et procédure :
M. Georges X... été engagé par la Société NOFRAG en qualité de maçon-coffreur dans le cadre de différents contrats de chantiers, le dernier débutant le 24 mars 2003.
Le 19 mai 2003, il était victime d'un accident du travail qui entraînait l'amputation de l'avant-pied gauche.
La Caisse Générale de Sécurité Sociale de la Guadeloupe notifiait le 13 juillet 2006 à M. X..., que selon le médecin conseil, son état, en rapport avec l'accident du travail, était consolidé au 30 juin 2006.
M. X... adressait une requête, reçue par la Caisse Générale de Sécurité Sociale le 5 décembre 2006, par laquelle, invoquant la faute inexcusable de l'employeur, il sollicitait la mise en oeuvre d'une tentative de conciliation.
La Caisse Générale de Sécurité Sociale ne donnait pas suite à cette demande, et par requête déposée le 5 mai 2008 auprès du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de la Guadeloupe, M. X... demandait qu'il soit constaté la faute inexcusable de la Société NOFRAG dans l'accident dont il a été victime le 19 mai 2003. Il sollicitait également une expertise médicale afin de déterminer les préjudices subis.
Un avis de recours était adressé dès le 19 mai 2008, par le greffe du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale, à la Société NOFRAG et à la Caisse Générale de Sécurité Sociale. Des convocations étaient adressées aux parties le 28 août puis réitérées le 6 novembre 2008. Aucun accusé de réception des lettres recommandées portant convocation de la Société NOFRAG, n'ayant été retourné, le secrétaire de la juridiction invitait le requérant à faire citer la Société NOFRAG.
Par acte huissier en date de du 12 février 2009, M. X... faisait citer la Société NOFRAG à comparaître à l'audience du 31 mars 2009 du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale pour voir constater la faute inexcusable de cette société et voir ordonner une expertise médicale. Une indemnité de 1500 euros était sollicitée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 13 avril 2010, le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale déclarait l'action de M. X... à l'encontre de la Société NOFRAG, irrecevable pour cause de prescription.
Par déclaration du 11 mai 2010, M. X... interjetait appel de cette décision.
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Par conclusions notifiées à la partie adverse le 10 avril 2013, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, M. X... réitérait ses demandes formées en première instance, sollicitant en outre paiement de la somme de 30 000 euros à titre de provision sur l'indemnisation de son préjudice corporel, ainsi que la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
À l'appui de ses demandes M. X... faisait valoir qu'à la suite de son accident du travail, du 19 mai 2003, il a perçu des indemnités journalières jusqu'au 2 juillet 2006 et que sa requête saisissant la Caisse Générale de Sécurité Sociale avait été réceptionnée par celle-ci le 5 décembre 2006, ce qui interrompait la prescription biennale. Il ajoutait que la requête saisissant le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale avait été reçue par cette juridiction le 5 mai 2008, et qu'en conséquence à cette date le délai de prescription n'était pas écoulé.
Sur le fond, M. X... fait valoir que la Société NOFRAG a manqué à son obligation de sécurité de résultat, en indiquant qu'elle ne pouvait ignorer le risque de chute de la plaque métallique, ni le danger encouru par le personnel, reprochant à l'employeur de n'avoir pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver. Il soutenait que cette abstention fautive était la cause de l'accident et qu'il y avait donc lieu de tirer toutes les conséquences de la faute inexcusable de l'employeur.
À l'appui de sa demande d'expertise, M. X... explique que les conséquences de l'accident n'ont jamais été déterminées et que compte tenu de la gravité des blessures et de la longue maladie qu'il a subie, il ne peut être contesté que des répercussions psychologiques sont également à prévoir.
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Par conclusions notifiées à la partie adverse le 17 octobre 2013, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, la Société NOFRAG entend voir juger irrecevable l'action de M. X..., pour cause de forclusion. Elle explique à ce sujet que c'est à partir de la reconnaissance officielle de l'accident du travail que commence à courir le délai de prescription de l'action en reconnaissance de la faute inexcusable, à savoir en l'espèce le 19 mai 2003, l'accident du travail ayant été immédiatement reconnu comme tel. Elle ajoute que ce n'est que le 12 février 2009, voir le 5 décembre 2008, que le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale a été saisi, et que si un acte interruptif de prescription n'est intervenu qu'en décembre 2006, le délai de 2 ans était en tout état de cause expiré.
Subsidiairement, la Société NOFRAG expose que l'état du matériel utilisé par M. X... ne peut être mis en cause, et que la technique utilisée ne présentait aucun danger. Elle soutient que l'accident était totalement imprévisible et que M. X... ne rapporte pas la preuve de la conscience du danger qu'avait ou aurait dû avoir la Société NOFRAG, ni l'absence de mesures de prévention et de protection. Elle en conclut qu'il ne peut être reproché aucune faute à la Société NOFRAG. Elle demande le rejet des
prétentions de M. X... et sa condamnation à lui payer la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
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Motifs de la décision :
Sur la recevabilité de l'action de M. X... :
Selon les dispositions de l'article L. 431-2 du code de la sécurité sociale, la prescription en matière de faute inexcusable est de deux ans. Elle court soit du jour de l'accident, soit du jour de la cessation du paiement des indemnités journalières.
Il résulte des attestations de paiement d'indemnités journalières, établies par les services de la Caisse Générale de Sécurité Sociale, que M. X... a perçu lesdites indemnités pour accident du travail jusqu'au 2 juillet 2006. Cette date constituant le point de départ du délai de prescription, il y a lieu de constater que la requête de M. X..., reçue le 5 décembre 2006 par la Caisse Générale de Sécurité Sociale, tendant à voir organiser une tentative de conciliation en vue de la constatation de la faute de l'employeur, a interrompu la prescription, puisque, constituant en la matière un préalable à l'introduction d'une instance contentieuse, la tentative de conciliation équivaut à une citation justice.
En outre entre un nouveau délai de prescription de deux ans ne commence à courir qu'à compter de la date de notification du résultat de la conciliation.
En l'espèce il n'a pas été donné suite à la requête de M. X....
Il y a lieu de relever qu'il résulte des dispositions de l'article D. 752-3 du code de la sécurité sociale qu'en Guadeloupe, comme dans les autres départements d'outre-mer, les attributions dévolues aux caisses primaires d'assurance-maladie et aux unions de recouvrement sont exercées par les caisses générales de sécurité sociale.
En tout état de cause la requête aux fins de saisine du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale, déposée auprès de cette juridiction le 5 mai 2008, conformément aux dispositions de l'article R. 142-18 du code de la sécurité sociale, a à nouveau interrompu le délai de prescription.
Force est de constater que, compte tenu de ces actes interruptifs successifs, les conditions du délai biennal de prescription ne sont pas réalisées.
En conséquence le jugement déféré sera infirmé, et la demande de M. X... déclarée recevable.
Sur le fond :
La fiche d'analyse d'accident établie par le service de prévention des risques professionnels de la Caisse Générale de Sécurité Sociale, à partir de l'enquête du CHSCT, fait ressortir que l'accident s'est produit au cours de
la manutention d'un panneau de coffrage soulevé par une grue, l'élingue du panneau ayant été mise dans les crochets de la chaîne de la grue ; la seule explication ressortant des constatations faites, est que le crochet n'était pas complètement verrouillé et qu'au cours du levage, l'élingue du panneau s'est interposée entre le crochet et le loquet de sécurité ; lors de la mise en place du panneau le décrochement c'est produit.
Les renseignements figurant dans la fiche d'analyse font apparaître qu'il s'agissait d'un travail habituel effectué dans des circonstances habituelles.
Le rapport d'inspection du matériel du chantier, établi conjointement par le secrétaire du comité d'entreprise, le directeur de travaux, le chef de chantier, l'un des ouvriers travaillant sur le dit chantier ainsi que par un représentant de la sécurité sociale, fait ressortir que les élingues étaient en parfait état, que les crochets étaient en conformité et que les panneaux étaient en bon état. Il est conclu en fin de ce rapport que l'état du matériel contrôlé sur le chantier où a eu lieu l'accident, ne peut être mis en cause, et que l'accident est visiblement le fait d'un mauvais agencement entre le crochet et l'élingue.
En l'état de ces constatations, il ne peut être soutenu que l'employeur avait conscience d'un danger auquel était exposé M. X..., l'état du matériel utilisé n'étant pas en cause, et l'opération effectuée était habituelle, la chute du panneau étant due à la mauvaise manipulation d'accrochage de l'élingue sur le crochet, sans que celui-ci soit verrouillé.
Dans ces conditions aucune faute de l'employeur n'est établie. Aucune négligence ne peut lui être imputée.
Par ailleurs il ressort de la fiche d'analyse de l'accident que l'accrochage a été effectué par un ouvrier qualifié de catégorie 3.
Il résulte de l'ensemble de ces constatations que l'accident, au regard des conditions de mise en oeuvre de l'opération de levage, était non prévisible, l'opération étant confiée à un salarié expérimenté, utilisant une technique habituelle, précédemment employée sans difficulté. Aucun manquement à l'obligation de sécurité ne peut être relevé.
En conséquence M. X... doit être débouté de sa demande de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur
L'équité n'implique pas qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Infirme le jugement déféré et statuant à nouveau,
Déclare recevable l'action de M. X...,
Au fond la dit mal fondée et déboute M. X... de l'ensemble de ses demandes,
Déboute la Société NOFRAG de sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.