La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/04/2014 | FRANCE | N°13/00557

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, Chambre sociale, 07 avril 2014, 13/00557


MJB/ MLK
COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRÊT No 137 DU SEPT AVRIL DEUX MILLE QUATORZE

AFFAIRE No : 13/ 00557
Décision déférée à la Cour : jugement du Conseil de Prud'hommes BASSE-TERRE du 28 janvier 2013- Section Activités Diverses.
APPELANTE
EURL I... SUN 42 B LES TERRES BASSES 97150 SAINT MARTIN Représentée par Me PIERRE-LOUIS, substituant Me Jan-Marc FERLY, avocat au barreau de GUADELOUPE

INTIMÉE
Madame Marcella X...... 97150 SAINT MARTIN Représentée par Me BANGOU, substituant Me Harry DURIMEL de la SELARL DURIMEL et BANGOU,

avocat au barreau de GUADELOUPE

COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 0...

MJB/ MLK
COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRÊT No 137 DU SEPT AVRIL DEUX MILLE QUATORZE

AFFAIRE No : 13/ 00557
Décision déférée à la Cour : jugement du Conseil de Prud'hommes BASSE-TERRE du 28 janvier 2013- Section Activités Diverses.
APPELANTE
EURL I... SUN 42 B LES TERRES BASSES 97150 SAINT MARTIN Représentée par Me PIERRE-LOUIS, substituant Me Jan-Marc FERLY, avocat au barreau de GUADELOUPE

INTIMÉE
Madame Marcella X...... 97150 SAINT MARTIN Représentée par Me BANGOU, substituant Me Harry DURIMEL de la SELARL DURIMEL et BANGOU, avocat au barreau de GUADELOUPE

COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 03 Février 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, Mme Marie-Josée BOLNET, conseillère, Mme Françoise GAUDIN, Conseillère. qui en ont délibéré.

Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 24 MARS 2014, prorogé au 31 MARS 2014, prorogé au 07 AVRIL 2014
GREFFIER Lors des débats Mme Valérie FRANCILLETTE, Greffière.
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, et par Madame Marie-Luce KOUAME greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE
Madame Marcella X... a été embauchée par contrat à durée indéterminée du 1er février 2001 par monsieur Stephen I... et madame Tomisue I..., de nationalité américaine, en qualité de femme de ménage-lingère pour leur villa située au ...à SAINT-MARTIN 97150, qu'ils occupent comme résidence secondaire.
Il est indiqué dans le contrat de travail que l'employeur insiste sur le sens des responsabilités de la salariée, celle-ci devant veiller à entretenir de bonnes relations avec ses collègues de travail, à effectuer sa tâche avec conscience professionnelle, quand bien même l'employeur ne serait pas régulièrement sur le site de travail. Il est également dit que la salariée est tenue de respecter les consignes données par le supérieur hiérarchique qui lui sera désigné, comme s'il s'agissait de l'employeur.
Une entreprise à responsabilité limitée à la dénomination sociale de I... SUN EURL a été créée le 1er janvier 2007 par madame Tomisue I... pour la maintenance de la résidence ainsi que pour l'exploitation d'installations hôtelières ou d'hébergement se trouvant sur le site. Le siège social de cette société est sis 42 B Les Terres-Basses 97150 SAINT-MARTIN. Monsieur Ian Y..., de nationalité britannique, en a été désigné le gérant.
Les bulletins de paie délivrés à madame X... à partir de cette date comportent l'indication que son employeur est désormais la société I... SUN EURL.
Par lettre du 14 janvier 2011, madame X... a été convoquée à un entretien préalable de licenciement prévu au 27 janvier suivant, avec mise à pied conservatoire à effet immédiat.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 1er février 2011, celle-ci a été informée de son licenciement pour inexécution des instructions, non-respect des usages et protocoles en vigueur dans l'entreprise et pour un comportement d'insubordination et/ ou inapproprié qui entraîne dans le fonctionnement de l'entreprise des difficultés constantes.
Contestant cette mesure, madame X... a saisi le conseil de prud'hommes de Basse-Terre le 16 mai 2011 aux fins de voir juger sans cause réelle et sérieuse son licenciement et voir condamner son employeur au paiement de diverses sommes.
Par jugement du 28 janvier 2013, la juridiction prud'homale a jugé irrégulière la procédure de licenciement, a jugé sans cause réelle et sérieuse ledit licenciement, a également dit que celui-ci est intervenu dans des circonstances abusives et vexatoires, et a condamné L'EURL I... SUN, en la personne de son représentant légal, à payer à l'intéressée les sommes suivantes :
-1 894, 60 euros à titre d'indemnité pour procédure irrégulière,-182, 27 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,-11 367, 60 euros au titre de l'indemnité pour circonstances abusives et vexatoires.

Elle a également proposé la réintégration de madame Marcella X... dans l'entreprise, et en cas de désaccord de l'une des parties, a condamné L'EURL I... SUN à payer à la demanderesse la somme de 22 735, 20 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et a condamné la société aux dépens.
Par déclaration du 15 avril 2013, l'EURL I... SUN a relevé appel de cette décision.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par conclusions no 2 notifiées à l'intimée le 26 novembre 2013 et réitérées à l'audience des plaidoiries du 3 février 2014, l'EURL I... SUN, représentée, demande à la cour, au visa des articles L. 1232-1 et suivants, L. 1234-5 et suivants, L. 1235-3 et suivants du code du travail, et de l'article 1382 du code civil, de :
- dire et juger que le licenciement de madame X... est régulier en ce que la procédure a été respectée,- dire et juger que ledit licenciement est pourvu d'une cause réelle et sérieuse,- dire et juger que celui-ci est intervenu en dehors de toute circonstance abusive et vexatoire,- débouter madame X... de l'ensemble de ses demandes, fins et écritures,- dire et juger recevable et bien fondée sa demande reconventionnelle,- dire et juger que les propos tenus par l'intéressée sont de nature à lui causer un préjudice,- condamner en conséquence celle-ci à réparer celui-ci à concurrence de la somme de 20 000 euros,- la condamner en tout état de cause au paiement de la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Elle rappelle d'abord que jusqu'en 2006, les époux I... ont embauché des salariés en tant qu'employeurs particuliers, qu'en janvier 2007, date de la création de l'EURL I... SUN pour gérer leur propriété le Château des Palmiers, leurs salariés ont été affectés au service de la société, sans changement dans leur statut, ni dans leur emploi, qu'en revanche, monsieur Mike Z... et madame Haether A... sont restés employés des époux I... à titre personnel, que par ce rattachement direct, ceux-ci ne sont amenés à intervenir que très rarement auprès des salariés de l'EURL I...SUN et exclusivement lorsque ceux-ci organisent la venue de leurs employeurs ou de leurs invités, qu'à l'époque des faits, c'est exclusivement madame Nadège B... qui occupait les fonctions de gérante après le départ de Monsieur Ian Y..., également chef cuisinier du Château des Palmiers, qu'en 2007, le contrat de travail de madame X... a été transféré à L'EURL I... SUN, l'intéressée occupant toujours les fonctions de femme de ménage-lingère, avec une rémunération mensuelle brute de 1 803, 47 euros.
Elle soutient ensuite que le conseil de prud'hommes de Basse-Terre s'est trompé en indiquant que la décision de licencier est intervenue avant de permettre à la salariée de s'expliquer, que de surcroît, c'est l'article L. 1235-5 du code du travail qui doit s'appliquer en l'espèce, la société disposant d'un effectif de moins de onze salariés, qu'il n'est pas en outre prévu par la loi d'établir un procès-verbal de ce qui est dit lors de l'entretien préalable et que celui-ci ne pourrait servir de preuve que s'il est signé des deux parties, madame B... contestant formellement avoir dit que le licenciement avait déjà été décidé par l'employeur.
Elle indique également que la juridiction prud'homale n'a pas motivé sa décision sur l'absence de cause réelle et sérieuse et rappelle qu'il incombe au juge de procéder à la vérification des motifs invoqués dans la lettre de licenciement, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, que le motif personnel doit être fondé sur des éléments objectifs imputables au salarié, vérifiables par des éléments extérieurs, qu'à cet égard, l'exécution défectueuse du travail, les manquements délibérés et réitérés, l'insubordination et le refus de collaborer constituent individuellement des causes réelles et sérieuses de licenciement, qu'en l'espèce, la juridiction prud'homale n'a pas pris soin d'analyser le contenu de la lettre de licenciement au regard des éléments de preuve présentés par les parties puisqu'aucune démonstration n'est faite pour caractériser l'absence de griefs sérieux alors que madame X... a adopté le 31décembre 2010 un comportement d'insubordination, générateur de difficultés dans le fonctionnement de l'entreprise, qui d'ailleurs n'a pas été qualifié de faute grave comme l'ont pensé à tort les premiers juges, qu'en outre, madame X... a toujours manifesté sa réticence à recevoir des ordres de sa hiérarchie, mettant en avant sa qualité de doyenne au sein de l'entreprise, que le jour des faits, à savoir le 31 décembre 2010, Heather A... a été amenée à intervenir auprès des salariés de L'EURL I... SUN, étant chargée de préparer le réveillon et la venue des invités des époux I... et elle demanda à madame X... de participer au nettoyage dans la cuisine, ce que celle-ci refusa de faire en lui rétorquant de le faire elle-même, que ce refus de la salariée d'exécuter son contrat de travail lors de la soirée du 31 décembre 2010 s'inscrit malheureusement dans le prolongement des habitudes de l'intéressée, ce que confirment d'ailleurs les autres salariés.
Elle précise que ce même soir, madame X... qui s'est libérée de toutes ses obligations professionnelles est restée jusqu'à 2 heures 30 au bar, se faisant servir comme les invités, alors qu " étant salariée depuis plus de 10 ans dans l'entreprise, elle ne devait pas ignorer le protocole établi lors de grands événements, suivant lequel les salariés devaient solliciter prioritairement les serveurs et non les barmen déjà occupés à servir les nombreux invités, qu'en pleine soirée, elle exigeait de Mme C... qu'elle la serve en personne alors que celle-ci était bien débordée.
Elle souligne en outre la mauvaise ambiance créée par l'intéressée, ne supportant plus le travail et le laissant faire par les autres, qu'elle n'acceptait pas davantage les remarques de la direction, estimant être la plus ancienne de tous, ne tirant aucune leçon d'un premier avertissement adressé par lettre recommandée avec avis de réception en date du 05 mars 2008 et d'une mise au point par lettre du 08 avril 2010, que par son comportement, elle oubliait la discrétion que lui imposait son contrat de travail.
Sur la prétendue réaction de l'employeur aux alertes des salariés sur les conditions de travail, elle dit qu'il est absurde de penser qu'elle ait mis un terme aux contrats de travail à durée déterminée alors que la vraie raison tient au nombre réduit de semaines d'occupation du Château des Palmiers.
Elle indique également qu'il a toujours été fait interdiction à l'intéressée de mélanger les produits utilisés pour l'entretien de la maison, ce qui lui a été rappelé dans la lettre du 08 avril 2010, que si madame X... est tombée malade, elle ne peut s'en prendre qu'à elle-même s'entêtant à ne pas respecter les consignes d'utilisation normale des produits d'entretien mis à sa disposition, que cette dernière ne pouvait ignorer qu'elle travaillait dans la propriété la plus luxueuse de Saint-Martin où une nuit au Château des Palmiers coûte entre 7 572 dollars et 10 572 dollars, soit entre 5 646, 80 euros et 7 900 euros, qu'au surplus, cette propriété accueille des personnalités du monde entier telles que Donatella D... ou des princes d'Arabie (pièce no 5 : programme du réveillon et liste des invités 2010-2011), que par conséquent, tous les postes occupés par les salariés de L'EURL I... SUN, y compris celui de madame X..., ne peuvent souffrir la moindre défaillance, qu'il ne peut être admis que la femme de chambre d'un hôtel 5 étoiles vocifère publiquement contre ses employeurs ou qu'elle refuse d'exécuter les ordres qui lui sont donnés devant les clients.
Elle soutient que c'est sur la base des salaires que madame X... aurait perçus durant le préavis que l'indemnité compensatrice doit se calculer et non sur celle d'un salaire moyen des trois derniers mois, qu'en admettant que le licenciement soit dépourvu d'une cause réelle et sérieuse, eu égard aux dispositions de l'article L. 1235-5 du code du travail, l'entreprise ayant moins de 11 salariés, madame X... ne peut être réintégrée au sein de l'entreprise et ne peut obtenir qu'une indemnité en réparation du préjudice réel subi et démontré, que s'agissant des circonstances vexatoires de la rupture, l'intéressée doit justifier d'un préjudice distinct dont la réparation ne peut trouver son fondement dans l'application de l'article L. 1235-5 du code du travail, ce qu'a ignoré la juridiction prud'homale en allouant à l'intéressé la somme de 11 367, 60 euros (6 mois de salaires) au vu d'un prétendu comportement fautif de l'employeur qui n'est d'ailleurs pas démontré.
Elle conclut que le conseil de prud'hommes de Basse-Terre a statué infra petita en omettant de répondre à sa demande de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de fausses accusations portées à son encontre, lesquelles laissent entendre que les salariés étaient à la merci d'un couple d'américains prénommés " Mike et Heather " entretenant des relations exécrables avec le personnel salarié, et que l'employeur serait à l'origine de l'empoisonnement de certains de ses salariés et notamment du décès de madame E..., qu'il est incontestable que ces allégations relèvent soit d'une psychose, soit d'une volonté malveillante de la part de l'intimée.
Par conclusions notifiées à l'appelante le 9 septembre 2013, et soutenues à l'audience des plaidoiries, madame Marcella X..., représentée, demande à la cour, au visa des articles L. 1232-1 et 2, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail, L. 1235-1 et 3 et R. 1234-2 du code du travail, et de l'article 145 du code de procédure civile, de :
- statuer sur l'appel de la société I... SUN EURL,- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,- débouter la société I... SUN EURL de toutes ses demandes,- condamner la même au paiement de la somme de 5 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens à recouvrer par la SELARL DURIMEL et BANGOU conformément à l'article 699 du même code.

Elle dit d'abord que la décision de licenciement a été prise avant qu'elle ait été en mesure de s'expliquer lors de l'entretien préalable et qu'à cet égard, la procédure est irrégulière, qu'en effet, monsieur F..., présent lors de l'entretien préalable, en sa qualité de conseiller des salariés, explique que la gérante de la société, madame B..., interpellée sur la cause réelle et sérieuse, a déclaré que la décision de licencier madame X... était déjà prise par monsieur I... et qu'il est vain de soutenir que le procès-verbal d'audition n'a aucune valeur, devant être signé des deux parties pour lui reconnaître une véritable force probante, alors qu'il est admis que la preuve est libre en procédure prud'homale.
Elle soutient ensuite qu'elle est fondée à se prévaloir de l'article L. 1235-3 du code du travail car elle bénéficie d'une ancienneté de 10 ans et que l'entreprise dispose d'un effectif de plus de 10 salariés si on se réfère aux propres pièces de l'employeur, que celui-ci ne manque pas de soutenir que Mike et Heather ne travaillent pas au sein de l'entreprise alors que le témoignage de l'un des salariés relate que ceux-ci donnaient des instructions aux salariés et s'assuraient de la bonne exécution des tâches de chacun, que les époux I... ont été condamnés en 2009 par le tribunal correctionnel de Basse-Terre pour avoir enfreint la législation du travail en conservant à leur service des étrangers démunis de titre de séjour les autorisant à exercer une activité salariée en France, en la personne de Heather A... et MiKE Z..., ceux-ci présentés sur le dépliant de publicité comme les managers du Domaine " Le Château des Palmiers " gérée par L'EURL I... SUN, que tout cela prouve que ces derniers travaillaient et continuent de travailler au sein de l'entreprise I... SUN, que dès lors, l'entreprise compte plus de 10 salariés, que toutefois, si la cour devait considérer que l'indemnité pour irrégularité de procédure ne se cumule pas avec celle sanctionnant l'absence de cause réelle et sérieuse, elle ne tiendra compte de la réparation que dans le cadre du licenciement abusif.
Elle soutient aussi que les griefs invoqués ne sont ni établis, ni exacts, qu'en effet, la lettre de licenciement fixe les limites du débat, que les attestations versées sont toutes inéluctablement de complaisance, madame B... étant elle-même la gérante de L'EURL I... SUN et ne peut attester, et les autres salariés ayant donné leurs témoignages sous la pression de l'employeur, qu'il est ainsi démontré que la société I... SUN EURL a entrepris de se débarrasser de salariés qui devenaient trop gênants parce que ceux-ci avaient alerté leur employeur, à plusieurs reprises, sur leurs conditions de travail déplorables et que ce dernier avait été inquiété par les services de police sur des violations répétées de la législation du travail, que s'agissant de sa propre situation, elle a dû faire état de son empoisonnement par les produits ménagers détergents mis à sa disposition pour l'accomplissement de ses tâches quotidiennes, qu'en raison de la gravité de l'intoxication, le docteur G... a dû proscrire l'utilisation de tels produits chimiques, que trois autres médecins du centre interprofessionnel de santé au travail ont formulé les mêmes recommandations à l'employeur, qui restait sourd aux demandes de ses salariés, qu'en riposte, la société I... SUN EURL a alors mis un terme aux contrats à durée déterminée de nombreux salariés, faisant l'objet de renouvellement répétés illégaux.
Elle précise que pour l'incident du réveillon, les époux I... l'avaient autorisée à participer à la soirée organisée à cette occasion, ce qui est tout à fait louable de leur part, qu'il ne peut donc lui être reproché d'avoir sollicité un barman plutôt qu'un serveur et ainsi enfreint le protocole applicable à la réception, que ce motif n'est pas vraiment sérieux, quand on sait qu'elle a une ancienneté de 10 ans au sein de l'établissement.
Elle conclut que c'est à bon droit que la juridiction de premier degré lui a accordé l'indemnité compensatrice de préavis calculée à partir du salaire brut moyen des trois derniers mois, l'indemnité pour licenciement pour absence de cause réelle et sérieuse déterminée sur le fondement de l'article L. 1235-3 du code du travail, des dommages-intérêts pour rupture vexatoire et abusive au regard de l'article L. 1235-5 du code du travail, étant observé qu'elle a travaillé 10 longues années pour la société I... SUN EURL, qu'elle a subi une grave dégradation de sa santé par l'utilisation de produits chimiques mis à sa disposition par son employeur et qu'elle est renvoyée sans égards, que c'est donc par une appréciation des faits de la cause et du droit applicable que les premiers juges lui ont attribué la somme de 11 367, 60 euros.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère expressément à leurs conclusions écrites et à la décision des premiers juges.
MOTIFS DE LA DÉCISION
SUR L'IRRÉGULARITÉ DE LA PROCÉDURE DE LICENCIEMENT
L'article L. 1232-2 du code du travail dispose que l'employeur qui envisage de licencier un salarié le convoque, avant toute décision, à un entretien préalable.
L'article L. 1232-3 du même code précise qu'au cours de l'entretien préalable, l'employeur indique les motifs de la décision envisagée et recueille les explications du salarié.
il est également rappelé que la preuve est libre en matière prud'homale. En l'espèce, madame X... verse l'attestation du conseiller qui l'a assistée lors de l'entretien préalable, monsieur Lucien F.... Celui-ci déclare qu'après explications des deux parties, madame B..., interpellée sur l'absence de cause réelle et sérieuse, lui a répondu que la décision était déjà prise par monsieur I....

Cette dernière soutient n'avoir jamais tenu de tels propos.
La cour note que l'attestation de monsieur F..., rédigée en des termes imprécis, ne démontre pas qu'il a été signifié, même oralement, à madame X... son licenciement lors de l'entretien préalable.
Le jugement rendu sur ce chef est infirmé.
SUR LA CAUSE RÉELLE ET SÉRIEUSE DU LICENCIEMENT
Les termes de la lettre de licenciement fixent les limites du litige.
En l'espèce, la lettre de licenciement du 1er février 2011 est rédigée en ces termes :
" Nous faisons suite à l'entretien préalable qui s'est déroulé au siège de notre société le jeudi 27 janvier dernier à 11 h et à l'occasion duquel vous étiez assistée. Les explications que vous nous avez fournies à cette occasion ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation des faits qui vous sont reprochés.

En effet, et malgré les observations réitérées qui vous ont été faites, vous persistez :
- à ne pas exécuter les instructions qui vous sont données et à systématiquement les contester ;- ou à les exécuter sciemment d'une manière dont vous seule décidez, ce qui entraîne un surcroît de travail pour les autres employés de l'entreprise ;- à ne pas respecter les usages et protocole en vigueur dans l'entreprise ;

à avoir un comportement d'insubordination et/ ou inapproprié qui entraîne dans le fonctionnement de l'entreprise des difficultés constantes.
Lors du réveillon du nouvel an, alors que Mr et Mme I..., les propriétaires, recevaient 175 invités, alors que Heather A..., assistante personnelle de Mme I..., vous demandait de bien vouloir aller aider au nettoyage dans la cuisine où les chefs préparaient les amuses-bouches et les snacks, vous avez refusé, lui disant que Mr et Mme I... vous avait dit que vous pouviez " profiter " de la soirée, ce qui vous aviez bien l'intention de faire.
Alors qu'elle vous indiquait que vous étiez d'abord en service et en uniforme, et que même si vous pouviez profiter de la soirée, vous vous deviez d'effectuer votre travail, vous lui avez rétorqué qu'elle n'avait qu'à le faire elle-même.
Voyant que votre comportement devenait déplacé, elle vous a demandé de bien vouloir la suivre dans l'allée entre les deux villas, afin de continuer la conversation.
Refusant toujours de respecter les instructions, elle vous a donc demandé de bien vouloir rentrer chez vous si vous ne souhaitiez plus travailler.
Elle est ensuite venu me faire part de ce qui se passait et nous avons convenu que ce n'était ni le moment, ni le lieu pour avoir un incident de ce genre, d'autant que des invités et des employés avaient pu assister à cet éclat.
Nous avons donc constaté que vous êtes restée jusqu'à 2 h 30, vous faisant servir au bar comme les invités, ce que j'ai d'ailleurs personnellement pu voir tout au long de la soirée. Pourtant, vous n'êtes pas sans ignorer que nous avons un protocole lors de ces soirées qui consiste à ce que les salariés sollicitent uniquement les serveurs, afin que les barmen puissent être libres de servir la foule d'invités qui se pressent au bar.

En début de soirée, vous aviez déjà donné le ton. En effet, alors que certains salariés dînaient, dont vous-même, et alors que la soirée battait déjà son plein, vous avez exigé d'Emma C..., majordome, qu'elle vous serve un cocktail. Alors qu'elle vous demandait si vous ne préfériez pas qu'elle vous apporte une boisson plus rapide à servir comme du vin ou du champagne, car elle était débordée, vous avez exigé qu'elle vous apporte le cocktail, peu importe qu'elle ne puisse pas servir la famille I... et ses invités pendant ce temps. Elle a simplement acquiescé et vous a servi afin de calmer le jeu, mais blessée d'un tel manque d'égard de votre part.
Ces exemples reflètent un comportement récurrent de votre part.
J'ai eu en effet à vous entretenir auparavant et à vous demander de cesser de systématiquement chercher le conflit lorsque je vous demande de faire quelque chose.
Par exemple, vous persisté à vouloir systématiquement faire les chambres à deux, lorsque cela ne s'avère pas nécessaire et que nous vous demandons de travailler séparément pour aller plus vite. Nous avons également eu l'occasion de discuter du fait que vous estimiez que le fait d'être plus âgée vous conférait le " droit " de, ce que vous appelez, être respectée.
Aucun d'entre nous ne vous a jamais manqué de respect, et nous avons dû vous préciser que vous donner des instructions relevait de notre rôle hiérarchique et n'avait rien à voir avec l'âge.
Vous avez eu à recevoir des avertissements dans le passé pour votre comportement.
Nous avons même reçu des plaintes concernant votre comportement familier avec certains invités. Mr et Mme I... ont eux-mêmes fait l'expérience d'un comportement qu'ils ont trouvé déplacé à plusieurs occasions, ce qui a été l'objet d'un avertissement.
Vous savez pourtant parfaitement le degré d'exigence des personnes qui séjournent à la propriété.
Nous devons assurer un service de très haute qualité, autant à la famille I... qu'à toutes les personnes séjournant à la propriété.
L'une des premières exigences est le respect et la discrétion.
Ils s'entourent d'un personnel suffisant et compétent pour ne pas avoir à subir les aléas de la gestion quotidienne de la propriété, et vous savez parfaitement qui sont vos supérieurs hiérarchiques, et à qui vous adresse en cas de besoin.
Lors de l'entretien, vous avez indiqué que je mentais, ainsi que les assistants de Mr et Mme I..., et que vous étiez libre de leur parler quand vous vouliez.
Vous avez indiqué que je mentais lorsque que je disais que Mr I... en particulier avait eu à se plaindre de votre comportement (cf lettre d'avertissement).
Vous avez indiqué que je mentais lorsque que j'indiquais dans la même lettre d'avertissement que vous m'aviez avoué mélanger les produits " pour les rendre plus efficaces ".
Vous avez également indiqué que l'assistante de Mme I... mentait lorsqu'elle m'a rapporté les événements du Réveillon.
Il semble évident que vous n'avez pas l'intention de vous calmer et que vous préférez l'agressivité au calme.
Tout au long de l'entretien, vous n'avez cessé de critiquer les autres sans jamais vous remettre en question.
Nous ne voyons donc pas comment vous convaincre, nos précédentes demandes étant restées sans effet, de contribuer à une atmosphère paisible au travail.
Nous nous voyons donc contraints de vous notifier par la présente votre licenciement pour cause réelle et sérieuse (...) ".
Les principaux griefs faits à madame X... portent à la fois sur son comportement lors du réveillon du 31 décembre 2010 et sur ses refus répétés d'exécuter les instructions de sa hiérarchie dans l'exécution de ses tâches.
La résidence hôtelière exploitée par L'EURL I... SUN est réservée à une clientèle haute gamme, notamment d'origine étrangère. Seuls les collègues de travail sont à même de témoigner du comportement de l'intimée au sein de cette résidence.
Sur son comportement lors du réveillon du 31 décembre 2010 : madame X... ne peut contester qu'elle était en service ce jour-là puisqu'elle portait sa tenue de travail. Elle ne pouvait se libérer des tâches lui incombant, en prétextant disposer de l'autorisation des propriétaires des lieux de participer à la fête. Aucun élément du dossier ne milite en faveur de cette thèse. Les attestations de madame C... et de madame H... confirment que madame X... n'entendait pas travailler le soir du réveillon, malgré les rappels faits par ses propres collègues et madame Heather A... l'assistante des époux I..., chargée d'organiser la dite fête. Leurs déclarations ne peuvent être qualifiées de complaisantes car, elles révèlent sans conteste l'insubordination chronique et le caractère impétueux de l'intéressée qui depuis quelques années refuse de suivre les instructions de la direction, comme il est relevé ci-après.
En effet, s'agissant de la deuxième série de griefs, les attestations et les lettres d'avertissement versées aux débats démontrent que madame X... se plaignait de tout, n'exécutant pas ses proches tâches, les laissant ainsi à la charge de ses collègues de travail et exigeant qu'on lui reconnaisse le statut d'aîné au sein de l'équipe de travail alors que cet état ne devait entraîner aucune prérogative statutaire. Le 05 mars 2008, un premier avertissement lui a été signifié par lettre recommandée avec avis de réception au sujet de son comportement irrespectueux et irascible s'opposant aux décisions de la direction, notamment à celles relatives au planning de travail pour les périodes de grosse occupation de la résidence impliquant nécessairement un surcroît de travail. Pourtant, l'organisation de ce planning relevait du pouvoir de direction de l'employeur. Par lettre du 08 avril 2010, il lui était encore rappelé les instructions à suivre scrupuleusement pour l'exécution de ses tâches quotidiennes, ainsi que les contre-indications à l'utilisation de produits toxiques alors qu'il est mis à sa disposition des produits naturels d'entretien. Il y est fait également état de son manque de réserve et de discrétion à l'égard des époux I... lors de leur séjour dans la résidence.
La cour constate ainsi que madame X..., pourtant prévenue de son comportement rebelle et inadapté aux fonctions de femme de ménage-lingère, n'en a tiré aucun enseignement.
Quant aux prétendues raisons liées à la dénonciation par la salariée du non-respect de la législation du droit du travail par les époux I... et à la mise à sa disposition de produits toxiques pour l'entretien de la maison, la cour les juge peu crédibles car aucun lien de causalité entre les démêlés judiciaires de madame et de monsieur I... devant la juridiction correctionnelle et le licenciement personnel du 1er février 2011 n'est démontré. Par ailleurs, il est relevé que la médecine du travail a déclaré en 2008 et 2009 madame X... apte au poste occupé avec des précautions à suivre. Malgré les interdictions de l'employeur et de la médecine du travail, madame X... s'est entêtée à poursuivre ses mélanges dangereux comme en atteste sa collègue Amorelle H.... Compte-tenu de l'ensemble de ces éléments, la cour juge caractérisés les griefs d'insubordination et d'inexécution par madame X... des instructions de l'employeur. Son licenciement est pourvu d'une cause réelle et sérieuse. Le jugement querellé sur ce point et sur les chefs financiers subséquents est infirmé.

SUR L'INDEMNITÉ COMPENSATRICE DE PRÉAVIS
Lorsque le salarié n'exécute pas le préavis, il a droit, sauf s'il a commis une faute grave, à une indemnité compensatrice. Celle-ci est déterminée en fonction de l'ancienneté dans l'entreprise. Si le salarié justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus d'au moins deux ans, celui-ci a droit à un préavis de deux mois.
L'indemnité due au salarié est égale au salaire brut, assujetti au paiement par l'employeur des cotisations sociales, que le salarié aurait touché s'il avait travaillé pendant la durée du préavis.
Il est établi que madame Marcella X... justifie d'une ancienneté de plus de deux ans au sein de la société I... SUN EURL, étant précisé qu'il est tenu compte de son ancienneté lorsqu'elle était directement affectée au service de monsieur et de madame I....
La société I... SUN EURL, déclare avoir versé à l'intéressée la somme de 3 606, 94 euros. Madame X... sollicite un solde résultant du calcul effectué à partir du salaire moyen brut des trois derniers mois.
Comme il est rappelé ci-dessus, le salaire brut à retenir est celui que le salarié aurait perçu s'il avait travaillé pendant la période de préavis.
Le jugement est donc infirmé sur ce point.
SUR LES DOMMAGES-INTÉRÊTS POUR PRÉJUDICE SUBI PAR L'EURL I... SUN
Aux termes de l'article 6 du code de procédure civile, à l'appui de leurs prétentions, les parties ont la charge d'alléguer les faits propres à les fonder.
La société I... SUN EURL sollicite des dommages-intérêts de 20 000 euros en réparation de son préjudice moral au motif que madame X... a porté de fausses accusations à son égard portant atteinte à son image, son sérieux et à son intégrité. Elle dit que ces accusations, à peine voilées de racisme, laisseraient entendre notamment qu'elle aurait laissé se développer chez ses employés des pathologies graves avant de s'en débarrasser.
Les faits allégués par madame X... sont ceux qu'elle estime être utiles au succès de ses prétentions. Ce mode de défense est conforme aux dispositions de l'article précité et ne peut être constitutif d'un dommage.
La demande est rejetée et le jugement est confirmé sur ce point.
SUR LES FRAIS IRREPETIBLES
L'équité commande de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société I... SUN EURL.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :
Déclare l'appel recevable ;
Infirme le jugement du 28 janvier 2013 ;
Et statuant à nouveau,
Dit que la procédure de licenciement est régulière ;
Dit également que le licenciement de madame Marcella X... a été prononcé pour une cause réelle et sérieuse ;
Rejette en conséquence les demandes financières fondées sur l'irrégularité de la procédure et sur l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement ;
Rejette le surplus de demandes ;
Condamne madame Marcella X... aux éventuels dépens.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13/00557
Date de la décision : 07/04/2014
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2014-04-07;13.00557 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award