COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRET No 126 DU TRENTE ET UN MARS DEUX MILLE QUATORZE
AFFAIRE No : 13/ 00664
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 22 mars 2013, section commerce.
APPELANTE
SARL WEST INDIES TRADING, 1 Rond-Point de Miquel 97142 ABYMES Représentée par Me Yves COUROUX de la SCP COUROUX/ SILO-LAVITAL (TOQUE 38), avocat au barreau de GUADELOUPE
INTIMÉ
Monsieur Raymond X... ... 97190 GOSIER Représenté par Me MIGNOT substituant Me Laurent HATCHI (TOQUE 44), avocat au barreau de GUADELOUPE (bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2013/ 000602 du 31/ 07/ 2013 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BASSE-TERRE)
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 03 Février 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, Mme Marie-Josée BOLNET, Conseillère, Mme Françoise GAUDIN, Conseillère. qui en ont délibéré.
Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 24 mars 2014 puis le délibéré a été prorogé au 31 mars 2014
GREFFIER Lors des débats Mme Valérie FRANCILLETTE, Greffière.
ARRET :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, et par Mme Juliette Y..., Adjointe Administrative Principale, fft de greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
M. Raymond X... a été embauché par la société WEST INDIES TRADING par contrat de travail à durée indéterminée du 4 novembre 2006 en qualité de fleuriste moyennant un salaire mensuel brut de 1 254, 58 euros.
Convaincu d'avoir subi un accident du travail en soulevant un pot de fleurs, lui causant un important traumatisme à l'épaule droite, ce que lui ont reconnu deux médecins, il a bénéficié successivement d'arrêts de travail du 23 avril 2011 au 22 août 2011.
Le 18 juillet 2011, une mise à pied conservatoire a été prononcée à son encontre, puis il a été licencié le 19 août 2011 au motif que les absences répétées ont désorganisé le travail de l ¿ entreprise.
Contestant cette mesure, M. X... saisissait le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre pour défendre ses droits et obtenir paiement de diverses sommes.
Par jugement du 22 mars 2013, la juridiction prud'homale a condamné la société WEST INDIES TRADING, en la personne de son représentant légal, au paiement des sommes suivantes :-8 390, 40 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif,-2 371, 70 euros au titre de de l'indemnité compensatrice de préavis,-1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle a également débouté M. X... du surplus de ses demandes, débouté la société WEST INDIES TRADING de ses prétentions et condamné cette dernière aux entiers dépens.
Par déclaration remise au greffe de la cour le 11 avril 2013, la société WEST INDIES TRADING a relevé appel de cette décision.
Par conclusions du 3 octobre 2013 soutenues à l'audience des plaidoiries du 3 février 2014, représentée, la société demande à la cour de :
- constater que M. X... a fait l'objet d'arrêts de travail successifs, du 23 avril au 22 août 2011,- constater que le caractère professionnel de l'accident déclaré n'a pas été retenu par la caisse générale de sécurité sociale,- constater que M. X... ne justifie aucune de ses demandes,- recevoir en conséquence ses écritures et de les dire bien fondées,- infirmer le jugement du 22 mars 2013 en ce qu'il a retenu le caractère professionnel de l'affection de M. X..., jugé le licenciement abusif, et l'a condamnée au paiement des sommes de 8 390, 40 euros pour licenciement abusif, de 2 371, 70 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles,- statuer à nouveau et de dire que le licenciement présente une cause réelle et sérieuse,- dire qu'il n'y a pas de préjudice,- débouter M. X... de l'intégralité de ses prétentions, fins et moyens,- condamner le même à lui payer la somme de 1200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Elle rappelle que si la maladie n'est pas en soi une cause légitime de licenciement, ses conséquences peuvent en revanche justifier la rupture de relations contractuelles, tel est notamment le cas lorsque l'absence prolongée du salarié ou ses absences répétées ont pour effet de perturber le fonctionnement de l'entreprise, obligeant l'employeur à procéder au remplacement dudit salarié (cass. soc. du 28 octobre 2009 no08644. 241).
Elle rappelle également que dans ce cas de figure, la rupture ne peut intervenir qu'en cours de l'arrêt de travail (cass. soc du 20 janvier 2010, no08-41. 697), que l'information donnée à l'employeur du refus de reconnaître le caractère professionnel d'un accident l'autorise à écarter les dispositions de l'article L. 1226-9 du code du travail et à procéder à la rupture du contrat de travail.
Elle insiste sur le fait que ne disposant que d'un fleuriste par point de vente, l'absence prolongée de M. X..., unique salarié de ce point, n'a pas été sans conséquences pour l'entreprise qui s'est retrouvée gravement perturbée car elle a été contrainte de procéder au remplacement de son salarié absent, par le recrutement de Mme Z....
Elle dit également qu'eu égard au caractère pour le moins étrange des circonstances entourant le prétendu accident de M. X..., elle a été amenée à en contester le bien fondé, que la caisse générale de sécurité sociale a refusé de reconnaître le caractère professionnel de l'accident déclaré, qu'il ne peut être contesté que la caisse est le seul organisme habilité à établir de l'existence d'un accident de travail au terme de la procédure prévue par l'article R. 441-10 du code de la sécurité sociale, qu'il n'est pas davantage contestable que le caractère professionnel de l'accident dont a fait état M. X... a été rejet par décision du 21 juin 2011 et que loin d'être un simple avis, il s'agit d'une décision définitive qui n'a fait l'objet d'aucun recours, que l'intéressé ne pouvant prétendre avoir subi un accident du travail, les règles protectrices afférentes ne trouvent pas à s'appliquer.
Elle conclut alors qu'aucune indemnité pour licenciement abusif ne peut être allouée, le licenciement reposant sur une causé réelle et sérieuse, qu ¿ aucune indemnité légale ne peut davantage être accordée, que faute d'avoir été en mesure d'exécuter ledit préavis, il est manifeste que M. X... ne peut prétendre à une quelconque indemnité à ce titre et qu'enfin, aucun caractère vexatoire n'est établi puisque le licenciement a été prononcé en raison des perturbations et de la désorganisation de l'entreprise découlant de l'absence prolongée de M. X....
Elle rejette toute demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile, la communication de sept pièces ne saurait justifier l'octroi de la somme de 1000 euros.
Par conclusions notifiées le 04 décembre 2013, soutenues à l'audience, représenté, M. X... demande à la cour de :- constater le caractère professionnel de l'accident survenu,- dire et juger abusif le licenciement et de condamner la SARL WEST INDIES TRADING à lui payer les sommes suivantes : * 11 858, 50 euros pour licenciement abusif, * 2 371, 70 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, * 3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice distinct, * 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Il se prévaut des dispositions de l'article L. 1226-7 alinéa 1 du code du travail pour soutenir que l'avis de la caisse n'est que provisoire et que même pris comme une décision, il ne peut influer sur l'application de cet article, que la cour de cassation a adopté une position très souple à ce sujet (cass. soc. 22 février 2006- cass. soc 22 février 2007), qu'il appartient alors aux seuls juges du fond de rechercher le lien de causalité entre l'accident du travail et l'inaptitude du salarié, que c'est une grave erreur que de prétendre que la caisse est le seul organisme habilité à reconnaître le caractère professionnel d'un accident.
Il expose que les différents arrêts de travail produits démontrent qu'il souffre d'un important traumatisme à l'épaule droite (tendinopathie), ce qui correspond en tout point avec l'accident qu'il a relaté, alors qu'il était en train de transporter un imposant pot de fleurs, que de plus, suivant la lettre du 18 juillet 2011, l'employeur a admis avoir été informé de cet accident depuis le 09 mai 2011, que dès lors, les dispositions protectrices des articles L. 1226-7 et suivants du code du travail sont applicables, que corrélativement, à titre d'exception, figure le licenciement motivé, non par l'état de santé du salarié, mais par la situation objective de l'entreprise dont le fonctionnement est perturbé par l'absence prolongée ou les absences répétées du salarié mais qu'il a été rappelé solennellement par l'assemblée plénière de la cour de cassation dans un arrêt important du 22 avril 2011 que le salarié ne peut toutefois être licencié que si les perturbations entraînent la nécessité pour l ¿ employeur de procéder à son remplacement définitif par l'engagement d'un autre salarié (cass. ass. plén. du 22 avr. 2011 no 09-43. 334), que force est de constater que non seulement, la SARL WEST INDIES TRADING n'apporte pas le moindre élément étayant l'existence de quelconques perturbations en son sein, mais aussi que l'engagement d'un autre salarié doit intervenir dans un délai raisonnable, qu'en l'espèce, l'embauche de Mme Z... est intervenue cinq mois après.
Il sollicite en conséquence l'application de l'article L. 1235-3, L. 1234-9, R1234-1, L. 123-1 du code du travail et de l'article 1382 du code civil en raison du comportement fautif de l'employeur dans les circonstances de la rupture. La conjonction de l'accident dont il a été victime et de son licenciement subséquent révèle que l'employeur a voulu se débarrasser de lui, le considérant non rentable pour l'entreprise, ce qui caractérise le caractère vexatoire du licenciement.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère expressément à leurs conclusions écrites et à la décision des premiers juges.
MOTIFS DE LA DÉCISION
SUR LE LICENCIEMENT SANS CAUSE RÉELLE ET SÉRIEUSE
Aux termes de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale, est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise.
La victime d'un accident du travail doit en informer son employeur dans la journée ou au plus tard dans les 24 heures, sauf en cas de force majeure, de motif légitime ou d'impossibilité absolue.
L'employeur doit déclarer tout accident dont il a connaissance dans un délai de 48 heures par lettre recommandée avec avis de réception.
Il n'appartient pas à l'employeur d'apprécier le caractère professionnel de l'accident.
Les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle qui découlent de ces déclarations, s'appliquent dès lors que l'employeur a eu connaissance de l'origine professionnelle de la maladie ou de l'accident. Au cours de la période de suspension du contrat de travail, par application de l'article L. 1226-9 du code du travail, l'employeur ne peut rompre le contrat que s'il justifie soit d'une faute grave du salarié, soit de son impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie. Il en est ainsi alors même qu'au jour du licenciement, l'employeur a été informé d'un refus de prise en charge au titre du régime des accidents du travail ou des maladies professionnelles.
En l'espèce, par lettre du 21 juin 2011, la caisse générale de sécurité sociale a informé la société WEST INDIES TRADING de son refus de prise en charge de l'accident de M. X... comme accident du travail. A la date de la notification de cette décision, à savoir le 21 juin 2011, l'intéressé disposait d'un délai de deux mois pour pouvoir contester celle-ci.
Durant ces deux mois, celui-ci était encore placé sous le régime protecteur rappelé ci-dessus. L'employeur devait justifier pour procéder au licenciement le 19 août 2011 soit d'une faute grave, soit d'un motif étranger à l'accident.
Sont dénoncées dan la lettre de licenciement les absences répétées entraînant une désorganisation du service. Ces absences répétées, résultant des arrêts-maladie, ne pouvaient être retenues comme motifs de licenciement. La désorganisation de l'entreprise n'est pas davantage démontrée. Aucun document n'est versé pour en traduire l'effectivité.
Dès lors, le jugement rendu sur ce point est confirmé.
SUR L'INDEMNITÉ POUR LICENCIEMENT ABUSIF
Par application de l'article L. 1235-5 du code du travail, le salarié dont l'entreprise dispose de moins de 11 salariés, peut prétendre, en cas de licenciement abusif à une indemnité calculée en fonction du préjudice subi.
Dans sa requête introductive d'instance, M. X... indique que l'entreprise a un effectif inférieur à onze salariés. C'est donc à juste titre que les premiers juges ont retenu le principe de l'indemnité pour rupture abusive mais celle-ci est fixée à la somme de 4 000 euros, M. X... ne justifiant pas d'une période de chômage.
SUR L'INDEMNITÉ LÉGALE DE LICENCIEMENT
M. X... sollicite le paiement de l'indemnité légale de licenciement conformément aux dispositions des articles L. 1234-9 et R. 1234-1 et suivants du code du travail.
Cette demande étant justifiée au regard des articles précités, il y est fait droit à concurrence de ce qui est demandé, à savoir 1185, 85 euros.
SUR L'INDEMNITÉ COMPENSATRICE DE PRÉAVIS
Lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit s'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus d'au moins deux ans, à un préavis de deux mois.
Les pièces du dossier révèlent que M. X... justifie d'une ancienneté de plus de deux ans au sein de la SARL WEST INDIES TRADING.
Le jugement entrepris est donc confirmé sur ce point.
SUR LES DOMMAGES-INTÉRÊTS POUR PRÉJUDICE DISTINCT
Pour justifier de sa demande fondée sur l'article 1382 du code civil, M. X... soutient que son préjudice découle de deux événements, l'accident dont il a été victime et le licenciement sans cause réelle et sérieuse consécutif.
La cour constate qu'il ne s'agit pas d'un préjudice distinct, les absences répétées n'étant que le motif du licenciement et celui-ci, étant déclaré abusif, a nécessairement impliqué la reconnaissance ci-dessus d'une indemnité pour rupture abusive.
M. X... fait état de nombreuses vexations, soutenant avoir été accusé de toutes sortes de maux par l'employeur.
Au moment où il entame la procédure, l'employeur était en droit de faire part au salarié de ses griefs. Ceux-ci exposés dans la lette de mise à pied ne revêt aucun caractère vexatoire. La lette de licenciement qui s'ensuivit ne comporte pas davantage d'élément vexatoire.
La demande est rejetée.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :
Déclare l'appel recevable ;
Confirme le jugement du 22 mars 2013 sauf en ce qu'il a accordé à M. Raymond X... la somme de 8 390, 40 euros au titre de l'indemnité pour licenciement abusif et a rejeté sa demande visant l'indemnité légale de licenciement ;
Et statuant à nouveau,
Condamne la société WEST INDIES TRADING, en la personne de son représentant légal, à payer à M. Raymond X... les sommes suivantes :
-4 000 euros au titre de l'indemnité pour licenciement abusif,-1185, 85 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société WEST INDIES TRADING aux dépens ;