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24/03/2014 | FRANCE | N°13/00582

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, Chambre sociale, 24 mars 2014, 13/00582


COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRET No 106 DU VINGT QUATRE MARS DEUX MILLE QUATORZE

AFFAIRE No : 13/ 00582
Décision déférée à la Cour : jugement du Conseil de Prud'hommes de BASSE-TERRE du 24 janvier 2013- Section Commerce.
APPELANTE
SARL MOTOR WORLD 169, Rue de Hollande-Galisbay-Marigot 97150 SAINT-MARTIN Représentée par Maître BANGOU de la SELARL DURIMEL et BANGOU (Toque 56), avocat au barreau de la GUADELOUPE

INTIMÉ
Monsieur Daniel X...... 97150 SAINT-MARTIN Représenté par Maître Anne SEBAN (Toque 12) substituée par Maître PIER

RE-LOUIS, avocat au barreau de la GUADELOUPE

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a ét...

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRET No 106 DU VINGT QUATRE MARS DEUX MILLE QUATORZE

AFFAIRE No : 13/ 00582
Décision déférée à la Cour : jugement du Conseil de Prud'hommes de BASSE-TERRE du 24 janvier 2013- Section Commerce.
APPELANTE
SARL MOTOR WORLD 169, Rue de Hollande-Galisbay-Marigot 97150 SAINT-MARTIN Représentée par Maître BANGOU de la SELARL DURIMEL et BANGOU (Toque 56), avocat au barreau de la GUADELOUPE

INTIMÉ
Monsieur Daniel X...... 97150 SAINT-MARTIN Représenté par Maître Anne SEBAN (Toque 12) substituée par Maître PIERRE-LOUIS, avocat au barreau de la GUADELOUPE

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 3 février 2014, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Bernard Rousseau, président de chambre, président Madame Françoise Gaudin, conseiller, Madame Marie-Josée Bolnet, conseiller, qui en ont délibéré.

Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 24 mars 2014.
GREFFIER Lors des débats Madame Valérie Francillette, greffier.
ARRET :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par Monsieur Bernard Rousseau, président de chambre, président et par Madame Valérie Francillette, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

Faits et procédure :
Il ressort des explications fournies par les parties, que M. Daniel X... exerçait une activité de " commercial et responsable de garage ", dans le cadre de laquelle il bénéficiait de la part de la Société MOTOR WORLD de commissions calculées à hauteur de 10 % de la marge nette de l'entreprise, par véhicule vendu.
Le 16 avril 2010, M. X... saisissait le Conseil de Prud'hommes de Basse-Terre aux fins d'obtenir paiement de dommages et intérêts pour travail dissimulé, et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que des indemnités de fin de contrat de travail. La Société MOTOR WORLD pour sa part soulevait in limine litis l'incompétence du Conseil de Prud'hommes en faisant valoir que les parties n'étaient pas liées par un quelconque lien de subordination et que le litige ne relevait pas de l'exécution d'un contrat de travail.
Par jugement du 24 janvier 2013, la juridiction prud'homale considérait que M. X... avait travaillé pour le compte de la Société MOTOR WORLD dans le cadre d'un contrat de travail, et, constatant qu'il n'avait jamais été déclaré par son employeur, condamnait la Société MOTOR WORLD à lui payer les sommes suivantes :-15 600 euros à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,-31 200 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,-1 560 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,-5 200 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,-520 euros à titre de congés payés afférents au préavis,-9 360 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,-2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclarations des 16 avril et 22 avril 2013, la Société MOTOR WORLD interjetait appel de cette décision ; ces appels étaient joints.
**** Par conclusions notifiées le 31 janvier 2014 à la partie adverse, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, la Société MOTOR WORLD sollicite l'infirmation en toutes ses dispositions du jugement déféré, et entend voir déclarer la juridiction prud'homale incompétente pour connaître du litige opposant les parties, M. X... ne justifiant d'aucun contrat de travail.

Elle explique que les parties n'étaient pas liées par un quelconque lien de subordination et que le litige ne relevait pas de l'exécution d'un contrat de travail.
Elle sollicite la condamnation de M. X... à lui payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure dilatoire et abusive, outre celle de 4000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
****
Par conclusions notifiées à la partie adverse le 10 janvier 2014, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, M. X... sollicite la confirmation du jugement entrepris et réclame en outre paiement de la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
À l'appui de sa demande il explique que, étant au service de la Société MOTOR WORLD en juin 2006, en qualité de commercial et responsable de garage, sa rémunération mensuelle étant constituée de commissions calculées sur la marge nette de l'entreprise, par véhicule vendu, la moyenne nette de cette rémunération s'élevait en dernier lieu à la somme de 2 600 ans euros par mois (sur l'année 2008).
M. X... expose que malgré de multiples réclamations verbales, il n'a jamais été déclaré, qu'il n'a jamais reçu le moindre bulletin de paie, et qu'après une dernière réclamation faite par l'intermédiaire de son avocat, il a pris acte de la rupture de son contrat de travail par courrier recommandé en date du 19 juin 2009.
****
Motifs de la décision :
Sur l'existence d'un contrat de travail :
Dans son courrier daté du 19 juin 2009 adressé à la gérante de la Société MOTOR WORLD, M. X... écrit :
« Malgré le courrier recommandé que vous a adressé mon avocat en date du 23 mai dernier, je constate que vous n'avez pas accédé à mes demandes concernant la remise de mes bulletins de salaire et la déclaration correspondante de mes salaires. Par conséquent, je vous informe que je romps le contrat de travail qui nous lie. Ceci n'est pas une démission, mais une prise d'acte de rupture, à vos torts exclusifs. »

Dans un courrier du 11 juillet 2009, Mme Farina Z..., gérante de la Société MOTOR WORLD, répondait à M. X... de la façon suivante :
« En effet, suite au courrier reçu de votre avocat, Me SEBAN, nous nous sommes rapprochés de la Société MARSHALL MOTORS NV qui vous engageait depuis le 24 mai 2006 et qui est toujours en attente de votre reprise de travail après votre départ en congés le 30 avril 2009.
La Société MARSHALL MOTORS NV nous a chargé de vous communiquer que les différents documents (déclaration et bulletins de paie correspondants) que vous réclamez sont à votre disposition à leur bureau à Cole Bay, et vous pouvez les récupérer directement.
Nous tenons à vous rappeler que votre embauche par la Société MARSHALL MOTORS NV répondait à votre demande qui résultait d'un entretien que vous avez eu avec M. A..., notre responsable administratif et comptable.
Nous vous avisons donc de bien vouloir vous rapprocher de votre employeur contractuel, la Société MARSHALL MOTORS NV Marshal, à fin de lui informer de votre décision de rupture de travail. »
Il ressort des explications fournies par M. X..., non contestées par l'appelante, que la Société MOTOR WORLD située sur la partie française de l'île de Saint-Martin, fait partie d'un groupe de 2 entreprises, comprenant également la Société MARSHALL MOTORS NV Marshal située sur la parti hollandaise de l'île, ces deux sociétés étant dirigées par la même personne Mme Z....
Il ressort du courrier daté du 11 juillet 2009 suscité, que la gérante de la Société MOTOR WORLD reconnaissait à M. X... le statut de salarié, tout en faisant valoir que son employeur aurait été la société néerlandaise MARSHALL MOTORS NV.
Toutefois dans un message intitulé « Processus en cours, et rappel des procédures de livraison », adressé par fax le 19 juin 2006, à M. X..., la gérante de la Société MOTOR WORLD, s'exprime de la façon suivante :
« Les résultats des ventes que vous réalisez à ce jour sont excellents. Je vous encourage à poursuivre vos efforts.
Wendel m'informe de vos souhaits d'être déclaré sur la Société MARSHALL MOTORS NV. Mais au regard de la rigidité des obligations et des réglementations du côté français de l'île, je dois impérativement suivre les procédures en vigueur ; vous assurez en permanence une présence sur le lieu pour réaliser vos activités de vente. (P. I. : Winfried, malgré le fait qu'il m'a remis sa lettre de démission à ce jour et entame déjà son activité salariale avec un concurrent nous mène devant l'inspection du travail).
Vous avez rencontré mon fils Resa accompagné de Wendel pour vous familiariser avec notre organisation et procédures diverses en place. Je tiens à vous rappeler qu'il faut respecter cette procédure et notamment celles relatives à la livraison des véhicules vendus :
- Dossier en financement (Soguafi, banques, etc) : accord de ces entités, pour Soguafi, accomplir les formalités du dossier (signature de tout document nécessaire par le client), et confirmation des envois des dossiers, Très important : conserver un double des clés du véhicule dans le dossier du client, après confirmation du règlement, il sera restitué.

Daniel je vous informe à présent que la maîtrise de nos coûts de fonctionnement passe par le contrôle de l'ensemble de nos dépenses. Donc, à cet effet nous insistons sur le fait que tout appel téléphonique doit être strictement professionnel. Les appels réalisés pour votre compte personnel seront déduits de votre rémunération.
Je vous confirme également que toutes ventes réalisées pour le compte du côté français comprend dans le prix de vente, l'inspection du véhicule, l'enregistrement auprès de la sous-préfecture, et l'installation de la plaque. Les ventes que nous réaliserons et qui nécessiteront la même procédure sur le côté hollandais sont sujets à des frais d'une valeur de 200 dollars.

Également Daniel il faut veiller à ce que B... ne retire pas les étiquettes à barre optique qui sont apposées sur les véhicules. Cela est très important. On lui a déjà souligné plusieurs fois le caractère primordial de la présence de ces étiquettes sur les voitures. Insistez donc auprès de B..., car cela va lui coûter 25 ¿ par étiquette enlevée.

Où en êtes-vous sur la campagne promotionnelle que vous aviez vue avec Wendel ? Avez-vous obtenu confirmation de date avec la Soguafi ? »

Il résulte de ce document que la gérante de la Société MOTOR WORLD considère que M. X... ne peut être déclaré travaillant pour le compte de la société néerlandaise MARSHALL MOTORS NV, dans la mesure où il est en permanence présent dans l'établissement français pour réaliser l'activité de vente. Il ressort également des termes de ce courrier que M. X... reçoit de la part de la gérante de la Société MOTOR WORLD des instructions précises sur l'établissement des dossiers clients auprès des organismes prêteurs, ainsi que sur les conditions de livraison, que si l'intéressé dispose de la ligne téléphonique de l'entreprise, il ne peut effectuer que des appels strictement professionnels, et qu'il lui est demandé de rendre compte au sujet de la campagne promotionnelle alors en cours.
Par ailleurs, les éléments de fait fournis dans le fax suscité, par la Société MOTOR WORLD elle-même, font apparaître que M. X... travaille en permanence au sein de son établissement, dont la responsabilité lui a été confiée.
Il résulte suffisamment de ces constatations que M. X..., qui reçoit de la part de la gérante de la Société MOTOR WORLD, des instructions précises, limitant notamment les conditions de ses appels téléphoniques, et lui demandant de rendre compte au sujet d'opérations promotionnelles, est soumis à un lien de subordination à l'égard de ladite société, puisqu'il agit sous la direction et sous le contrôle de la gérante.
En outre il ressort notamment des factures numérotées et datées, établies à l'en-tête, et avec le cachet de la Société MOTOR WORLD, et portant la précision « vendeur X... », que M. X... n'a pas d'activité commerciale indépendante concernant la vente des véhicules de la Société MOTOR WORLD.
Le lien de subordination auquel est soumis M. X..., est corroboré par les instructions qui sont adressées à celui-ci par M. A..., responsable administratif et comptable de la Société MOTOR WORLD, notamment dans un courriel du 12 janvier 2008 dans lequel il est indiqué : « Daniel,

Au vu des " Deal Jackets " correspondants aux véhicules déjà livrés, le document intitulé PDI CHECKLIST fait état d'aucune vérification préalable à leur livraison.
Voici ci-après la liste des numéros de stocks et le modèle des véhicules concernés :- No Stock : 6361, model Santa Fe,- No Stock : D6270, model Terios,- No Stock : D5 1193, model Terios,- No Stock : D6267, model Terios,- No Stock : D6 1300, model Terios.

Au cas où il s'agissait des ventes à des particuliers, ce Mémo est pour te prévenir que ta responsabilité sera engagée si l'absence de ces contrôles préalables entraînerait des ennuis mécaniques pouvant générer des incidences de coût, et remettre en question la garantie constructeur sur les véhicules des personnes concernées.

Il faudra donc prendre toutes les dispositions afin de nous couvrir contre tous risques possibles suite au manquement de ces vérifications à caractère obligatoire.

Dans l'attente d'une régularisation rapide. »
Ainsi il est établi que M. X... recevait, non seulement de la gérant de la Société MOTOR WORLD, mais également du responsable administratif et comptable de cette société, des instructions, mises en garde et demande de régularisation, tous éléments confirmant le lien de subordination de M. X... avec la Société MOTOR WORLD.
Les informations fournies par M. X... à une EURL JMP Chantier Naval GEMINGA, concernant la fourniture d'éléments de grue, informations d'ailleurs transmises à M. A..., ne sauraient mettre en doute l'existence du lien de subordination, suffisamment démontré par les constatations qui précèdent.
En conséquence les réclamations formulées par M. X... en mai et juin 2010 tendant à obtenir la remise de bulletins de paie, et sa déclaration auprès des organismes sociaux sont justifiées par son activité salarié au sein de la Société MOTOR WORLD.
Compte tenu du manquement persistant de la Société MOTOR WORLD à ses obligations d'employeur, consistant en la remise de bulletin de paie et en la déclaration du salarié aux organismes sociaux, M. X... était fondé, par courrier du 19 juin 2010, à prendre acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur.
Sur les demandes pécuniaires de M. X... :
La dissimulation d'emploi salarié, caractérisée par le défaut de délivrance de bulletins de salaire et de déclaration aux organismes sociaux, ayant perduré pendant 4 ans, ce qui caractérise l'intention de se soustraire à ses obligations sociales, M. X... est fondé à réclamer, par application des dispositions des articles L. 8221-5 et L. 8223-1 du code du travail, le paiement d'une indemnité forfaitaire égale à 6 mois de salaire soit en l'espèce la somme de 15 600 euros.
La prise d'acte de la rupture du contrat de travail étant justifiée par les manquements de la Société MOTOR WORLD à ses obligations d'employeur, cette prise d'acte produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
M. X... justifiant être resté sans emploi, au moins jusqu'en octobre 2013, puisqu'à cette date il percevait le Revenu de Solidarité Active pour un montant de 425, 25 euros par mois, l'indemnisation du préjudice subi à la suite de la rupture du contrat de travail sera fixée à la somme de 31 200 euros correspondant à 12 mois de salaire.
M. X... ayant plus de 2 ans d'ancienneté à la date de la rupture du contrat de travail, est fondé à réclamer, en application des dispositions de l'article L. 1234-1 du code du travail, une indemnité compensatrice de préavis équivalente à 2 mois de salaire, soit la somme de 5200 euros, outre celle de 520 euros correspondant aux congés payés afférents à cette indemnité.

Compte tenu de son ancienneté, M. X... est également fondé à réclamer paiement d'une indemnité légale de licenciement d'un montant de 1560 euros, en application des dispositions de l'article L. 1234-9 du code du travail.

L'indemnité de congés payés due à M. X..., qui n'a pas bénéficié de tels congés pendant 3 ans, doit être fixée à la somme de 9360 euros.
Comme il paraît inéquitable de laisser à la charge de M. X..., les frais irrépétibles qu'il a exposés tant en première instance qu'en cause d'appel, il lui sera alloué la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en sus de celle déjà allouée par les premiers juges.
Par ces motifs,
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris,
Y ajoutant,
Condamne la Société MOTOR WORLD à payer à M. X... la somme de 2000 euros d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que les entiers dépens sont à la charge de la Société MOTOR WORLD.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13/00582
Date de la décision : 24/03/2014
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2014-03-24;13.00582 ?
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