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24/02/2014 | FRANCE | N°12/01539

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, Chambre sociale, 24 février 2014, 12/01539


FG-VF

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE ARRET No 87 DU VINGT QUATRE FEVRIER DEUX MILLE QUATORZE

AFFAIRE No : 12/ 01539
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 5 septembre 2012- Section Activités Diverses.
APPELANTE
SELARL AXO Rue Lethière Résidence les Icaques 97180 SAINTE ANNE Représentée par Maître Jérôme NIBERON (Toque 104), avocat au barreau de la Guadeloupe

INTIMÉ
Monsieur Jean-Paul X... ......56500 WALCOURT-CHASTRES-BELGIQUE Représenté par Maître Pascal NEROME (Toque 82

), avocat au barreau de la GUADELOUPE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions d...

FG-VF

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE ARRET No 87 DU VINGT QUATRE FEVRIER DEUX MILLE QUATORZE

AFFAIRE No : 12/ 01539
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 5 septembre 2012- Section Activités Diverses.
APPELANTE
SELARL AXO Rue Lethière Résidence les Icaques 97180 SAINTE ANNE Représentée par Maître Jérôme NIBERON (Toque 104), avocat au barreau de la Guadeloupe

INTIMÉ
Monsieur Jean-Paul X... ......56500 WALCOURT-CHASTRES-BELGIQUE Représenté par Maître Pascal NEROME (Toque 82), avocat au barreau de la GUADELOUPE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 janvier 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Françoise Gaudin, conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Bernard Rousseau, président de chambre, président, Madame Marie-Josée Bolnet, conseiller, Madame Françoise Gaudin, conseiller,

Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 24 février 2014
GREFFIER Lors des débats : Madame Marie-Luce Kouamé, greffier.
ARRET :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par Monsieur Bernard Rousseau, président de chambre, président, et par Madame Valérie Francillette, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

Faits-Procédure-Moyens et Prétentions des parties :
M. X... Jean-Pol a été engagé par le cabinet de géomètre expert de M. Philippe Y..., selon contrat de travail à durée déterminée du 15 décembre 2004 de douze mois à compter du 14 février 2005 en qualité d'assistant foncier. Le contrat prévoyait une rémunération mensuelle brute de 2. 500 ¿ mensuels correspondant à 35 heures de travail hebdomadaires et qu'une prime à l'intéressement devait être étudiée conjointement après 6 mois d'activité.

Le cabinet Y...est devenu la SELARL AXO et le contrat de travail de M. X..., devenu à durée indéterminée, a été transféré à ladite société.
Après plusieurs échanges épistolaires entre les parties, en l'absence d'avenant ratifié par les parties et d'accord de l'employeur sur le versement d'une prime d'intéressement, M. X... a pris acte de la rupture de son contrat par lettre recommandée du 2 février 2010.
Considérant que la rupture du contrat de travail était imputable à son employeur, M. X... a saisi le 25 mars 2010 le conseil des prud'hommes de Pointe à Pitre en paiement d'indemnités liées à la rupture abusive et de sommes à titre de prime d'intéressement pour les années 2009 et 2010.
Par jugement en date du 5 septembre 2012, le conseil de prud'hommes a dit que la rupture du contrat s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamné la SELARL AXO à payer au salarié les sommes de :
-5. 250, 02 ¿ au titre du préavis,-525 ¿ à titre de congés payés y afférents,-2. 625, 10 ¿ à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,-15. 750, 606 ¿ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,-69. 460, 97 ¿ à titre de prime d'intéressement de 2009,-5. 788, 41 ¿ à titre de prime d'intéressement de 2010,-7. 875, 30 ¿ au titre de la clause de non ¿ concurrence,-1. 000 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens.

Par acte du 17 septembre 2012, la SELARL AXO a régulièrement interjeté appel de cette décision.
Elle demande à la cour d'infirmer la décision déférée, de dire que la prise d'acte de la rupture à l'initiative du salarié, produit les effets d'une démission, les griefs invoqués au soutien de cette rupture n'étant pas établis, de débouter M. X... de l'ensemble de ses demandes, de le condamner au paiement d'une somme de 2. 625, 10 ¿ au titre de l'indemnité compensatrice de préavis non exécuté et fixer les dommages et intérêts dus au salarié pour nullité de la clause de non-concurrence à la somme de 2. 625, 10 ¿ et condamner M. X... au paiement de la somme de 3. 500 ¿ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle soutient, en substance, que c'est à tort que M. X... revendique une prime à l'intéressement dont il n'établit aucunement l'existence et que le doute ne profite pas au salarié en matière de prise d'acte de rupture.
M. Jean-Pol X... demande à la cour de :
. dire et juger que la prise d'acte qu'il a initiée doit être requalifiée en licenciement sans cause réelle et sérieuse,. condamner la SELARL AXO au paiement des sommes suivantes :

-5. 404, 70 ¿ au titre du préavis,-540, 77 ¿ à titre de congés payés y afférents,-2. 703, 85 ¿ à titre d'indemnité de licenciement,-20. 000 ¿ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,-69. 460, 97 ¿ à titre de prime d'intéressement de 2009,-5. 788, 41 ¿ à titre de prime d'intéressement de 2010,-8. 111, 50 ¿ au titre de la clause de non ¿ concurrence,-2. 500 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Il fait valoir, essentiellement, que l'employeur, après avoir pris l'engagement de lui verser une prime d'intéressement, est revenu sur son engagement et en conclut que le refus de la SELARL AXO de lui verser son intéressement, suivant une méthode de calcul imposée par l'employeur, qui constitue un accessoire du salaire est fautif et en conclut que la rupture lui est imputable.

MOTIFS

Sur la rupture du contrat
Attendu que M. X... a écrit à son employeur le 2 février 2010, en ces termes :
« Monsieur l'Administrateur Gérant, Je prends connaissance de votre réponse du 26 janvier 2010 suite à ma mise en demeure rappelant vos obligations en matière de décompte de la prime à l'intéressement définie préalablement. A ma grande surprise vous n'apportez aucun élément de calcul venant se rattacher sur vos obligations contractuelles. Une nouvelle fois, vous feigniez d'ignorer ce qui est l'évidence, et occulter totalement la méthode que vous avez émise à l'issue de notre entrevue de janvier 2008 et qui a conduit au versement d'une prime pour cette année 2007. Pour la première fois depuis 2005, nous disposions ainsi de l'outil de calcul pour la prime dont le principe figure au contrat d'entrée. Dans votre courrier, vous tentez de mettre en évidence un trait de caractère qui m'est cependant étranger. En effet, tous les montants répertoriés dans le bilan des facturations à attribuer aux dossiers d'expertise judiciaire correspondent à des dossiers qui ont demandé une ultime intervention en 2009, avant dépôt pour facturation. Ainsi, quelques dossiers ont été finalisés en janvier 2009 et tous les autres dossiers ont trouvé une issue complète au plus tard en décembre 2009 telle que leur envoi au tribunal et donc leur facturation, pouvait être lancé en 2009. D'autre part, votre secrétaire de direction m'a informé par téléphone ce dimanche 31 janvier 2010 au soir que vous m'accordiez trois jours de RTT. Or, vous n'ignorez pas que je ne dispose pas de RTT. La chose est assez cavalière... Considérant que ma fiche de paie de janvier n'apporte aucun décompte de prime à l'intéressement, je prends acte de la rupture de contrat à vos torts exclusifs en raison du fait que vous n'ayez pas réglé l'intégralité des sommes correspondant à ma rémunération.... »

Attendu que lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison des faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d'une démission ; Qu'en outre, la lettre de prise d'acte ne lie pas le débat et le salarié peut faire état d'autres griefs qu'il impute à son employeur non mentionnés dans sa lettre de prise d'acte.

Que le juge saisi de la légitimité d'une telle prise d'acte de rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur, doit examiner l'ensemble des griefs formulés par le salarié, fussent-ils développés postérieurement à ladite prise d'acte ;
Que selon le salarié, l'employeur ne lui a pas payé de prime à l'intéressement, pourtant prévue au contrat de travail, pour l'année 2009 et malgré une mise en demeure qu'il lui a adressée le 15 janvier 2010.
Qu'il est constant qu'aux termes de l'article 6 du contrat de travail d'origine, les parties ont convenu du principe d'une prime à l'intéressement, sans que les bases de calcul de celle-ci soient précisées.
Que cependant, in fine, elles n'ont pas signé d'avenant entérinant une base et une méthode de calcul de ladite prime.
Que l'employeur a versé une prime annuelle qualifiée d'exceptionnelle sur le bulletin de salaire de janvier 2008, d'un montant de 2. 096, 05 ¿.
Que le salarié produit une note explicative y afférente détaillant le principe et la méthode de calcul sans que ledit document soit signé des parties.
Que cependant, l'employeur ne peut réfuter l'existence de toute prime au vu de ces éléments et alors qu'il n'a jamais réellement contesté l'existence du principe d'une prime mais seulement la base de calcul et le montant de la prime réclamée pour l'année 2009 par M. X....
Que la société AXO a d'ailleurs proposé au salarié, qui l'a refusé, un avenant en date du 19 janvier 2009 confirmant l'existence d'une prime basée sur un chiffre d'affaire personnel minimum de 15. 000 ¿ H. T.
Que dans sa lettre en réponse au salarié en date du 26 janvier 2010, l'employeur contestait le chiffre d'affaire personnel retenu par M. X... et son mode de calcul de la prime, s'offusquant de l'« énormité de la demande et des bases totalement arbitraires de son calcul » et concluait « je respecte scrupuleusement nos accords contractuels et rejette en bloc vos méthodes de calcul d'une prime qui ne serait pas issue d'une négociation amiable préalable, comme nous l'avons fait chaque année depuis votre entrée au Cabinet ».
Que dès lors, le principe d'une prime est acquis et le salarié était en droit de reprocher à l'employeur de ne pas avoir initié à tout le moins une négociation amiable préalable, comme invoquée dans sa lettre.
Qu'en conséquence, ce manquement de l'employeur à ses obligations contractuelles, touchant à la rémunération du salarié, est suffisamment grave pour caractériser une rupture imputable à l'employeur et c'est à bon droit que le premier juge a considéré que la rupture du contrat de travail de M. X... devait produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Qu'il y a lieu en confirmation de ce chef, de dire et juger que la rupture du contrat de travail à l'initiative de M. X... doit produire les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Que la société AXO doit donc être déboutée de sa demande en paiement d'un préavis de démission.

Sur l'indemnisation de la rupture :

Attendu que le salarié, ayant plus de deux ans d'ancienneté dans l'entreprise, a droit, selon la convention collective applicable, à un préavis de deux mois, et à ce titre, il lui est dû la somme de 5. 407, 70 ¿, outre les congés payés y afférents, soit 540, 77 ¿ et à une indemnité conventionnelle de licenciement de 2. 703, 85 ¿.
Attendu que le salarié avait au moment de la rupture du contrat de travail 5 ans d'ancienneté et l'employeur occupait habituellement moins de onze salariés.
Qu'en conséquence, compte tenu de son salaire moyen (2. 703, 85 ¿) de son ancienneté et du fait qu'il est rentré en Belgique, il convient de lui allouer la somme de 17. 000 ¿ à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, conformément à l'article L1235-5 du code du travail.
Sur l'intéressement :
Attendu que le salarié réclame le paiement de sa prime d'intéressement pour 2009 et 2010, sachant qu'il n'a travaillé qu'un mois en 2010.
Qu'en l'absence de base de calcul et de méthode de calcul entérinée par les parties, il y a lieu de se référer au mode de calcul de l'unique prime allouée en janvier 2008 à M. X....
Que cependant, le salarié s'est basé sur un chiffre d'affaires minimum de 7. 000 ¿ mensuels, qui avait été convenu pour 2008, alors que l'employeur entendait partir d'un chiffre d'affaires personnel de 15. 000 ¿ mensuels en 2009 (cf avenant). Que dès lors, en reprenant la même méthode de calcul, il y a lieu de chiffrer ladite prime à la somme de 16. 415, 11 ¿ pour l'année 2009. Que la prime étant annuelle, le salarié sera débouté de sa demande afférente au mois de janvier 2010.

Sur la clause de non concurrence :

Attendu que le contrat de travail d'origine prévoyait en son article 7 une clause de non concurrence aux termes de laquelle M. X... s'engageait à ne pas s'installer à son propre compte pendant une période de 5 ans après son départ du Cabinet, dans le département de la Guadeloupe. Attendu que l'employeur n'a jamais dénoncé cette clause de non-concurrence que M. X... a du respecter.

Que de jurisprudence constante, il n'y a pas de clause de non concurrence valable sans contrepartie financière de l'employeur et dès lors, en l'absence de contrepartie financière, ladite clause insérée dans le contrat de M. X... était nulle.
Que le respect par le salarié d'une clause de non-concurrence illicite lui cause nécessairement un préjudice dont il convient d'apprécier l'étendue. Qu'il est établi que M. X..., après son départ de la société AXO, a quitté la Guadeloupe pour rejoindre sa région d'origine, la Belgique. Que compte tenu de ces éléments, il y a lieu d'allouer à M. X... une somme de 3. 000 ¿ en réparation du préjudice qu'il a subi du fait que l'employeur lui a imposé une clause nulle portant atteinte à sa liberté d'exercer une activité professionnelle.

Que la SELARL AXO sera condamnée à payer à M. X... la somme de 3. 000 ¿ à titre de dommages et intérêts en raison de la nullité de la clause de non-concurrence.
Attendu que l'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et d'allouer à l'intimé la somme de 1. 500 ¿ à ce titre ;
Que la société appelante succombe, en sorte qu'elle supportera les entiers dépens.
PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a dit que la rupture du contrat s'analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Réformant pour le surplus et statuant à nouveau,

. Condamne la SELARL AXO à payer à M. Jean-Pol X... les sommes suivantes :

-5. 404, 70 ¿ au titre du préavis,-540, 77 ¿ à titre de congés payés y afférents,-2. 703, 85 ¿ à titre d'indemnité de licenciement,-17. 000 ¿ à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,-16. 415, 11 ¿ à titre de prime d'intéressement de 2009,-3. 000 ¿ au titre de la clause de non ¿ concurrence,-1. 500 ¿ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette les autres demandes des parties.

Condamne la SELARL AXO aux entiers dépens.
Et ont signé,
Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12/01539
Date de la décision : 24/02/2014
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2014-02-24;12.01539 ?
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