FG-VF
COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRET No 83 DU VINGT QUATRE FEVRIER DEUX MILLE QUATORZE
AFFAIRE No : 12/ 00497
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 13 mars 2012- Section Encadrement.
APPELANTES
SARL KARUKERA EXPLOITATION Rue de l'Industrie-Immeuble LE GALION ZI de Jarry 97122 BAIE-MAHAULT Représentée par Maître Jérôme NIBERON de la SCP MORTON et ASSOCIES (Toque 104), avocat au barreau de la Guadeloupe
Maître Marie-Agnès Y...es-qualités de mandataire judiciaire de la SARL KARUKERA EXPLOITATION ......97190 GOSIER Représentée par Maître Jérôme NIBERON de la SCP MORTON et ASSOCIES (Toque 104), avocat au barreau de la Guadeloupe
SELAS SEGARD-CARBONI es-qualités d'administrateur de la SARL KARUKERA EXPLOITATION Immeuble Marina Center Blanchard 97190 GOSIER Représentée par Maître Jérôme NIBERON de la SCP MORTON et ASSOCIES (Toque 104), avocat au barreau de la Guadeloupe
INTIMÉS
Monsieur Alain X... ...97180 SAINTE ANNE Représenté par Maître Jean-yves BELAYE (Toque 3) substitué par Maître BEAUBOIS, avocat au barreau de la Guadeloupe
AGS Lotissement Dillon Stade 10 rue des Arts et Métiers 97200 FORT DE FRANCE Représentée par Maître Isabelle WERTER-FILLOIS (Toque 8), avocat au barreau de la Guadeloupe
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 6 janvier 2014, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Bernard ROUSSEAU, président de chambre, et Madame Françoise GAUDIN, conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Monsieur Bernard Rousseau, président de chambre, président, Madame Marie-Josée Bolnet, conseiller, Madame Françoise Gaudin, conseiller.
Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 24 février 2014
GREFFIER Lors des débats Madame Juliette Géran, adjointe administrative principale, faisant fonction de greffier.
ARRET :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par Monsieur Bernard Rousseau, président de chambre, président, et par Madame Valérie Francillette, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
M. Alain X... a été engagé par l'EURL S. T. V. D, Société de Travaux et de Voiries Divers, ayant une activité de Voirie Réseaux Distribution, suivant contrat de travail à durée indéterminée en date du 1er mars 2002, à effet du 1er septembre 2002, en qualité de directeur des travaux V. R. D, statut cadre, coefficient 162, position C de la Convention Collective Nationale du Bâtiment, Ingénieurs assimilés et Cadres.
Le contrat de travail prévoyait une rémunération mensuelle de 4. 668, 75 ¿ bruts sur 13 mois et un intéressement de 3 % sur la marge brute des chantiers réceptionnés sans réserves.
Selon avenant du 31 juillet 2007, les parties ont convenu d'ajouter à la rémunération mensuelle de 6. 622 ¿ bruts mensuels au 1er août 2007, une prime du même montant de 13ème mois, le maintien de salaire durant les congés payés réglés par la caisse des congés payés et une prime de performance évolutive en fonction du bénéfice net de l'entreprise selon barème joint, et ce pendant une période de 18 mois.
Le 25 janvier 2008, le contrat de travail de M. X... était transféré au sein de la société KARUKERA EXPLOITATION, dite KAREX, ayant le même gérant.
M. X... a été licencié pour motif économique par lettre recommandée du 11 août 2009 et a adhéré le 13 août à la convention de reclassement personnalisée qui lui a été proposée ;
Par jugement en date du 1er octobre 2009, le tribunal mixte de commerce de Pointe à Pitre a ouvert une procédure de sauvegarde à l'encontre de la SARL KARUKERA EXPLOITATION.
Estimant son licenciement nul et réclamant des indemnités de rupture en conséquence, M. X... a saisi le conseil des prud'hommes de Pointe à Pitre, lequel par jugement en date du 13 mars 2012, a :
. dit que le licenciement économique de M. Alain X... n'est pas avéré et prononce la nullité du licenciement économique selon l'article L. 1235-11 du code du travail,. condamné la société KARUKERA EXPLOITATION (KAREX) au paiement des sommes suivantes :
-83. 475, 35 ¿ à titre de préjudice subi pour licenciement abusif, sans cause réelle et sérieuse,-17. 301 ¿ à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,-6. 056, 19 ¿ au titre du préjudice subi en raison du non-respect de la procédure de licenciement,-3. 144, 73 ¿ au titre de l'indemnité compensatrice de salaire pour le mois de février 2009,-3. 172, 45 ¿ au titre des rappels sur salaires des mois d'avril et mai 2009,-1. 000 ¿ au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
. ordonné à la société KARUKERA EXPLOITATION de rembourser à Pôle Emploi la totalité des indemnités de chômage payées à M. X... conformément aux dispositions de l'article L. 1235-4 du code du travail.. ordonné l'exécution provisoire du présent jugement.. rejeté le surplus des demandes.
La SARL KARUKERA EXPLOITATION a formé appel de ladite décision le 23 mars 2012.
Sur assignation de M. X..., le tribunal mixte de commerce de Pointe à Pitre, par jugement du 4 octobre 2012, a ordonné la résiliation du plan de sauvegarde à l'égard de la société KARUKERA EXPLOITATION et a prononcé l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire, désigné Maître Marie-Agnès Y...ès qualités de mandataire judiciaire, désigné la SELAS SEGARD-CARBONI en qualité d'administrateur pour assister la société débitrice ;
La SARL KARUKERA EXPLOITATION, Maître Y..., ès qualités et la SELAS SEGARD-CARBONI, ès qualités, demandent à la cour d'infirmer le jugement rendu, de débouter M. X... de toutes ses demandes et de le condamner au remboursement des sommes qu'il a perçues indument, celle de 1. 820 ¿ à titre de trop perçu sur l'indemnité de licenciement et celle de 11. 175, 31 ¿ à titre d'indu de congés payés pour les années 2007 et 2009, outre sa condamnation au paiement d'une somme de 4. 000 ¿ au titre de l'article 700 du code de procédure civile. A titre infiniment subsidiaire, ils demandent à la cour de ramener la condamnation pour licenciement abusif à la somme correspondant à trois mois de salaire, sur la base d'un salaire moyen de 5. 705, 20 ¿.
Ils font valoir notamment que :
- le licenciement économique est régulier en la forme et justifié au visa des difficultés économiques réelles et sérieuses de l'employeur et de l'impossibilité de reclassement.- l'employeur a mis en ¿ uvre des procédures de reclassement externe auprès de diverses sociétés ainsi qu'une proposition de plan de reclassement personnalisé que M. X... a d'ailleurs acceptée.- les allégations de harcèlement moral à l'encontre du salarié ne sont étayées par aucun élément -le salarié a perçu ses indemnités de rupture et par erreur, l'indemnité de congés payés en sus de celle versée par la CRCBTP, caisse de congés payés de la Guadeloupe, lui a été payée en 2007 et 2008.- le préjudice du salarié consécutif à la rupture du contrat de travail est minime, M. X... ayant retrouvé un emploi, avec un niveau de rémunération supérieur, en janvier 2010, soit 5 mois après son licenciement.
M. X... demande la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il constate la nullité de son licenciement et le manquement de l'employeur à son obligation de reclassement, de statuer à nouveau et de :
- à titre principal, condamner l'employeur à lui payer la somme de 86. 086, 77 ¿ à titre de licenciement illicite subi et celle de 64. 565, 08 ¿ à titre de dommages et intérêts,- à titre subsidiaire, condamner l'employeur à lui payer la somme de 86. 086, 77 ¿ à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en toute hypothèse, condamner la société KARUKERA EXPLOITATION à payer à Monsieur X... les sommes suivantes :
. 43. 043, 38 ¿ à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice subi du fait de ces circonstances vexatoires ayant entouré le licenciement ;. 17. 519, 93 ¿ au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement ;. 6. 865, 70 ¿ au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés ;. 662, 20 ¿ au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis ;. 2. 445, 02 ¿ au titre d'indemnité compensatrice de salaire pour la période courant du 12 février 2009 au 24 février 2009 ;. 244, 5 ¿ au titre des congés payés afférents ;. 3. 972, 51 ¿ au titre de la prime contractuelle de congés payés du au titre de l'exercice 2009 ;. 397, 25 ¿ au titre des congés payés afférents ;
. 27. 210 ¿ au titre de rappels de salaire sur la rémunération variable de 2004 à 2007 ;. 39. 732, 36 ¿ au titre de l'indemnité forfaitaire de rupture prévue à l'article L. 8223-1 du code du travail,. 3. 500 ¿ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Il rétorque que :
- la cause déterminante du licenciement dont il a fait l'objet est la dénonciation qu'il a faite de faits constitutifs de harcèlement moral à son encontre, nonobstant les motifs visés par la lettre de licenciement. à titre subsidiaire, le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, comme reposant sur un faux motif économique, le véritable motif étant inhérent au salarié.- les motifs économiques invoqués par la société KAREX ne constituent pas une cause réelle et sérieuse de licenciement.- La société KAREX n'a pas satisfait son obligation de reclassement.
L'AGS et le CGEA de FORT DE FRANCE ont demandé qu'ils leur soit donné acte de leurs interventions et de ce qu'ils revendiquent le bénéfice express et d'ordre public des textes légaux et réglementaires applicables tant au plan de la mise en ¿ uvre du régime d'assurances des créances des salaires que de ses conditions et étendues de garantie, plus précisément des articles L 3253-8 et D 3253-5 du code du travail
Ils ont conclu à l'infirmation du jugement entrepris, au débouté des demandes du salarié et ont demandé à la cour de dire et juger qu'aucune condamnation directe ne saurait intervenir à l'encontre de l'AGS.
MOTIFS
Sur le bien-fondé du licenciement :
Attendu que M. X... Alain a été licencié par lettre du 11 août 2009 pour motif économique.
Que cependant, au-delà des termes de la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige quant aux faits qu'elle énonce, il incombe au juge, si le salarié soutient que le véritable motif n'y est pas exprimé ou que la cause véritable se situe ailleurs, de rechercher la véritable cause du licenciement.
Que M. X... invoque en premier lieu des agissements concomitants de harcèlement moral à son encontre d'où découle son licenciement.
Attendu qu'aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Qu'aux termes de l'article susvisé et de l'article L 1154-1 du code du travail, lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Qu'en l'espèce, le salarié invoque des agissements de l'employeur ayant eu pour effet une dégradation de ses conditions de travail, à savoir :. non-paiement d'éléments de salaire (primes ou congés payés..),. modification de ses fonctions,. mise à l'écart,. manque de moyens et de prérogatives,. pressions régulières,.. et a dénoncé ces faits par lettre du 21 juin 2009 adressée à son employeur.
Que le premier grief n'est pas de nature à constituer du harcèlement s'agissant de réclamations salariales sur lesquelles les parties peuvent s'expliquer, Que l'employeur en a convenu en réglant au salarié sur le bulletin de salaire de juillet 2009 le reliquat du 13ème mois impayé, Que la réclamation portant sur le salaire du pendant la période de grève où l'entreprise a été fermée concernait tous les salariés de l'entreprise, Que durant la relation contractuelle, avant son transfert vers KAREX, M. X... n'a jamais revendiqué le paiement des primes sur marge brute, lesquelles ont été remplacées par des primes de performance évolutives en fonction du bénéfice net de l'entreprise selon barème joint, et ce pendant une période de 18 mois. Qu'il a perçu ladite prime en 2007. Que M. X... soutient qu'il a été mis à l'écart à partir de 2008, le gérant « court-circuitant » selon lui, toutes ses décisions et lui retirant petit à petit ses prérogatives, ce à quoi l'employeur rétorque que face à des pertes importantes dans l'activité VRD gérée par M. X..., il a dû reprendre en main ledit secteur mais n'a pas retiré au salarié ses fonctions d'encadrement. Que le salarié ne peut tirer argument des attestations de Messieurs Z...et A..., irrégulières en la forme car ne mentionnant pas le lien de leur auteur avec les parties au litige, aux termes desquelles, M. GIRARD embauché en janvier 2009, atteste de ce qu'il lui a été « demandé de transmettre tous les documents et compte-rendu à M. Alain X... et M. Louis B...(gérant), ni celle de M. A..., ancien conducteur de travaux VRD selon l'organigramme versé au dossier, lequel atteste de ce qu'« au cours de l'année 2008, des réunions régulières étaient faites en présence de tout le monde (les chefs de chantier, conducteurs, M. X..., M. B...etc..) tous les lundi à 14 h30.. (..) mais dès le mardi matin, beaucoup de choses étaient modifiées sans préavis.. ces réunions se sont éteintes en janvier début février 2009.. »
¿ Qu'il en résulte que le gérant intervenait certes concomitamment avec M. X... mais que ce dernier était toujours associé aux décisions.
¿ Que de même l'attestation de M. C..., également irrégulière en la forme pour les mêmes raisons, relatant essentiellement les problèmes rencontrés sur un chantier qu'il a conduit en qualité de chef de chantier (dans le cadre d'un contrat à durée déterminée d'avril à septembre 2008), ne saurait caractériser des agissements confinant à du harcèlement moral de la part du gréant de la société KAREX, dont les prises de décision au niveau des moyens humains et financiers relevaient de son pouvoir de direction et de ses responsabilités de gérant.
¿ Que l'attestation de M. D..., chef de chantier au sein de KAREX de septembre 2007 à novembre 2008, n'apporte aucun élément probant en confirmant que la direction technique des chantiers était assurée conjointement par Messieurs X... et B....
¿ Que M. X... ne verse aux débats aucun élément médical de nature à établir les répercussions des actes allégués sur son état de santé.
Que concernant son avenir professionnel, il a lui-même, au terme de sa lettre du 21 juin 2009, sollicité de son employeur une rupture négociée de la relation de travail.
¿ Qu'en conséquence, le salarié n'établit pas la réalité d'agissements répréhensibles de l'employeur de nature à caractériser le harcèlement moral au sens du texte susvisé.
¿ Que sa demande en nullité du licenciement subséquente fondée sur l'article L. 1152-2 du code du travail sera rejetée de même que la demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral.
¿ Que subsidiairement, le salarié soutient que la véritable cause du licenciement tient à un motif inhérent à sa personne, faisant valoir que l'employeur, mécontent de ses services et lui imputant la responsabilité des pertes de l'activité VRD, a entendu se séparer de lui et arrêter ladite activité non rentable.
¿ Que la lettre de licenciement mentionne comme motif l'absence de nouveaux marchés pour l'activité VRD et la suppression de ladite activité ayant pour conséquence de supprimer le poste de directeur des travaux VRD.
¿ Que cependant, alors qu'il a initié une procédure pour motif économique, l'employeur a fait part au salarié, tant avant la procédure qu'après le licenciement, de nombreux griefs tenant à son insuffisance professionnelle et à son attitude.
¿ Qu'il résulte des pièces produites aux débats par M. X..., notamment mail du 20 décembre 2008 adressé par M. X... à M. Nicolas E...(SENSAMAR) que le gérant de KAREX avait l'intention d'arrêter l'activité VRD et en imputait les mauvais résultats à son directeur de travaux, ce dernier écrivant à son interlocuteur en parlant du gérant :
« il ressort de la réunion qu'il n'a pas besoin de mes services, que le VRD n'est pas une source de profit, qu'avec un peu d'opérations immobilières et peu de personnel (dont je ne ferai pas partie) il s'en sortira très bien.. pour lui, je ne serai plus la personne compétente à ce poste. A ses yeux, je suis la cause de toutes ses difficultés et heureusement qu'il est là pour rattraper les erreurs ! Cette réunion aura de fortes incidences sur mon proche avenir, car je sais que je suis en sursis.. »
¿ Que la reprise en main des chantiers VRD et l'interventionnisme du gérant de la société dans ce secteur mis en exergue par les attestations susmentionnées vont également dans le même sens.
. ¿ Que le salarié dénonçait les reproches faits à son encontre, dans sa lettre du 21 juin 2009 à son employeur en ces termes : « vous annoncez depuis une année à qui veut l'entendre, que le secteur VRD sera fermé. Vous déclarez auprès des maîtres d'ouvrage, des maîtres d'¿ uvre, même en ma présence, que mon travail est mal fait, mes chantiers mal gérés, que je suis la cause de tous vos malheurs, de vos pertes financières.. » et en réponse, par lettre du 30 juin 2009, le gérant de la société confirmait le manque de résultats du salarié dans la branche d'activité qu'il contrôlait (VRD), lui reprochant de vouloir qu'on fasse le travail à sa place, tout en concluant « vu votre niveau de responsabilité, de la confiance et des moyens que nous avons mis à votre disposition, nous sommes très déçus et perplexes de votre attitude négative qui nuit au quotidien à notre entreprise ».
¿ Que le salarié ayant sollicité une entrevue en vue d'une rupture négociée, l'employeur lui a donné rendez-vous pour en discuter le 6 juillet 2009, pour finalement engager la procédure de licenciement pour motif économique le 10 juillet suivant.
Qu'en outre, postérieurement au licenciement, par lettre en date du 30 Août 2009, le gérant de la société KAREX, M. B...faisait grief au salarié de multiples manquements ; ¿ « il est absolument impardonnable vous n'ayez pas surveillé votre conducteur de travaux et que vous n'ayez pris aucune précaution pour protéger votre ouvrage » ; ¿ « aucun mémo sur les plus-values n'a été fait et nous enregistrons encore une perte de 53 950 ¿ » ;- « le 26 mars 2009, vous avez signé sans mon accord et sans même m'en avoir informé au préalable, une modification du DQE de la tranche 2 ayant pour effet de ramener le montant du marché de 947 327 ¿ à 622 779 ¿ d'où une perte de 324 548 ¿ {... } » ;- « par vos agissements et vos dysfonctionnements très graves et camouflages divers, vous avez mis l'entreprise en danger. »
Que de même, par courrier en date du 22 décembre 2009, M. B...déplorait encore « les erreurs répétées que nous découvrons au fur et à mesure (les surfacturations anticipées, sous estimations, actualisation etc..) ont eu un coût sur notre exploitation nous mettant en grande difficulté. »
Qu'en conséquence, il découle de ces éléments que les motifs de rupture du contrat de travail de M. X... ne procédaient pas d'une cause économique mais de motifs inhérents à la personne du salarié, du fait notamment de son insuffisance professionnelle et que dès lors, en l'absence de juste motif ou de cause réelle, il convient de dire et juger que le licenciement de M. X... est dénué de cause réelle et sérieuse, nonobstant le motif économique énoncé dans la lettre de licenciement.
Qu'il y a lieu, réformant le jugement entrepris, de dire et juger que le licenciement de M. X... est sans cause réelle et sérieuse.
Sur l'indemnisation :
Attendu que M. X..., âgé de 56 ans, avait une ancienneté de 7 ans et a perçu la somme de 31. 986, 30 ¿ nets à titre de salaires et primes sur les six derniers mois.
Qu'il résulte des éléments du dossier, qu'après avoir adhéré à la convention de reclassement personnalisée et perçu des allocations chômage majorées au taux de 84 %, il a retrouvé en janvier 2010 un emploi de conducteur de travaux, statut cadre, au salaire de 7. 000 ¿ par mois, sans période d'essai, avec intéressement de 3 % sur chiffre d'affaire apporté.
Attendu qu'au visa de l'article L 1235-3 du code du travail applicable en l'espèce et tenant à l'ancienneté du salarié, sa rémunération, et de tous éléments de préjudice soumis à appréciation, il convient de fixer l'indemnité qui lui est due pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 32. 000 ¿.
Que le salarié, ne justifiant pas d'un préjudice distinct de celui de la rupture, sera débouté de sa demande de dommages et intérêts supplémentaires pour circonstances vexatoires du licenciement, lesquelles ne sont pas établies en l'occurrence.
Que l'indemnité de préavis n'est pas due en l'état de l'acceptation par le salarié de la convention de plan de reclassement, à l'exception du troisième mois qui lui a été réglé.
Que le salarié ne réclame que l'incidence congés payés sur ce troisième mois, soit 662, 20 ¿ bruts, qui lui sera allouée.
Que l'employeur, par le biais de sa filiale, lui a réglé la somme de 15. 000 ¿ à titre d'indemnité de licenciement.
Qu'en application de l'article 7, 5 de la convention collective applicable, le salarié a droit à une indemnité égale à 3/ 10ème de mois par année d'ancienneté entre 2 et 10 ans d'ancienneté majore de 10 % pour les cadres âgés de plus de 55 ans.
Que compte tenu du salaire de référence mensuel de 6. 622 ¿, augmenté du douzième de la prime de 13ème mois, ladite indemnité s'élève à la somme de 16. 571 ¿. Que le solde de 1. 571 ¿ doit être alloué au salarié, réformant le jugement sur ce point et rejetant la demande de remboursement de l'employeur à ce titre.
Sur les demandes salariales :
- congés payés
Attendu que le salarié réclame le paiement de 26 jours de congés payés non pris lui restant dus lors de la rupture du contrat de travail. Que sur le dernier bulletin de salaire de l'intéressé, il avait acquis 12, 5 jours de congés lui restant dus, soit une somme de 3. 820, 25 ¿ qui lui sera allouée à titre d'indemnité compensatrice de congés payés. Que M. X... conteste le fait que l'employeur lui ait décompté 10 jours de congés pendant la grève de février 2009, soutenant n'avoir jamais sollicité des congés mais avoir subi le lock-out de l'employeur. Qu'il ne peut cependant réclamer deux fois le paiement de la somme de 2. 445, 02 ¿ bruts qui lui a été déduite de son salaire de février 2009, une fois à titre de congés et une fois à titre de salaire. Qu'il convient donc d'examiner cette demande sous l'angle du rappel de salaire.
- rappel de salaire de février 2009
Attendu que l'employeur a décidé de fermer l'entreprise du 12 au 24 février 2009 du fait des événements de grève paralysant son activité.
Qu'une somme de 2. 445, 02 ¿ bruts a été déduite du salaire de M. X..., correspondant à ladite période. Que ce dernier conteste avoir posé des congés durant cette période et soutenant avoir travaillé à son domicile, réclame le paiement de son salaire ou à tout le moins, des dommages et intérêts compensateurs des salaires perdus, durant ladite période.
Qu'il est de principe que l'employeur qui, à la suite d'une grève, procède à la fermeture de l'entreprise, droit apporter la preuve d'une situation contraignante de nature à le délivrer de l'obligation de fournir du travail à ses salariés. Qu'en l'espèce, l'employeur justifie d'une grève générale et de raisons de sécurité l'ayant contraint à fermer l'entreprise. Que le caractère illicite du lock-out n'est d'ailleurs pas invoqué par le salarié qui se contente de dire qu'il travaillait chez lui. Que dès lors, l'employeur était délivré de son obligation de fournir du travail et parallèlement de régler le salaire y correspondant. Que la demande du salarié à ce titre sera rejetée, réformant le jugement à ce titre.
- salaires durant les congés payés
Attendu que le salarié, se prévalant d'un avenant signé entre les parties le 31 juillet 2007, prévoyant notamment le maintien de salaire durant les congés payés réglés par la caisse des congés payés, sollicite le paiement du salaire déduit pendant ses congés d'avril et mai 2009, soit la somme de 3. 972, 51 ¿ et son incidence congés payés y afférente.
Qu'il est constant que l'avenant susvisé concédait un avantage au salarié et qu'il ne pouvait s'interpréter que dans le sens où le salaire était maintenu par l'employeur durant les périodes de congés en sus de l'indemnité versée par la caisse des congés payés au salarié. Que d'ailleurs, ledit avantage a été versé à M. X... durant les années 2007 et 2008 ainsi qu'il en résulte de ses bulletins de salaires et en conséquence, l'employeur ne saurait invoquer une erreur de comptabilité et sa demande en remboursement d'indu doit être rejetée.
Qu'en revanche, ledit avenant prévoyait que ledit engagement s'achevait en décembre 2008, l'employeur n'étant plus tenu par ses engagements, ce qui impliquait en conséquence que l'accord devenait caduc.
Qu'en conséquence, la demande de paiement concernant l'année 2009 sera rejetée et le jugement réformé de ce chef.
- rémunération variable
Attendu que le salarié réclame la partie variable de son salaire, qu'il chiffre à la somme de 27. 210 ¿, telle que prévue par son contrat de travail de 2002, soit sur la période non prescrite de novembre 2004 à juillet 2007, date de l'avenant.
Que l'article 6 du contrat de travail prévoyait un intéressement de 3 % sur la marge brute des chantiers réceptionnés sans réserves, à condition que cette marge dépasse 25 %.
Que le salarié fait valoir que ladite prime ne lui a jamais été versée sur les années 2005 à 2007 mais ne produit pas ses bulletins de salaire de ladite période alors que l'employeur rétorque que le salarié a perçu des primes, ce qui résulte notamment du bulletin de salaire de janvier 2007 versé par la société, sur lequel figure une prime de 5. 900 ¿. Que dès lors, la demande du salarié non étayée par ses pièces ne saurait prospérer.
Sur le travail dissimulé :
Attendu qu'en application de l'article L. 8223-1 du code du travail le salarié auquel un employeur a recours en violation des dispositions de l'article L 8221-3 du code du travail (travail dissimulé par dissimulation d'activité) a le droit en cas de rupture de la relation de travail à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire, à moins que l'application d'autres règles légales ou de stipulations conventionnelles ne conduisent à une solution plus favorable ;
Que M. X... ne démontre pas que les conditions de l'article L. 8221-3 du code du travail soient réunis en l'espèce et notamment l'élément intentionnel en ce sens que le travail dissimulé ne peut être retenu que s'il est établi que l'employeur s'est soustrait intentionnellement à ses obligations. Que sa demande à ce titre sera rejetée.
Qu'en l'état de la procédure de redressement judiciaire dont fait l'objet l'employeur, il ne peut y avoir que fixation de créances de M. X... à l'encontre de la procédure collective de l'employeur. Que les sommes ainsi allouées seront inscrites par Me Y...sur l'état des créances de la procédure collective ouverte à l'encontre de la SARL KARUKERA EXPLOITATION.
Que compte tenu de la situation économique de l'employeur, il n'y a pas lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en la cause.
Qu'il y a lieu de donner acte à l'AGS-CGEA de FORT DE FRANCE, de son intervention et de ce qu'elle revendique le bénéfice exprès et d'ordre public des textes légaux et réglementaires applicables tant au plan de la mise en ¿ uvre du régime d'assurances des créances des salaires que de ses conditions et étendues de garantie, plus précisément des articles L 3253-8, L 3253-17 et D 3253-5 du code du travail.
Que les dépens seront considérés comme frais privilégiés de la procédure collective.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Infirme le jugement déféré,
Statuant à nouveau sur le tout,
Dit et juge le licenciement de M. X... Alain dénué de cause réelle et sérieuse,
En conséquence,
Fixe la créance de M. Alain X... sur le passif de la société KARUKERA EXPLOITATION aux sommes suivantes :
-32. 000 ¿ à titre de dommages et intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse, sur le fondement de l'article L. 1235-3 du code du travail.-662, 20 ¿ à titre de congés payés sur préavis,-1. 571 ¿ à titre de solde d'indemnité de licenciement,-3. 820, 25 ¿ à titre d'indemnité compensatrice de congés payés.
Déclare le présent jugement opposable à l'AGS et au CGEA de FORT DE France dans les limites de sa garantie, plus précisément des articles L 3253-8, L 3253-17 et D 3253-5 du code du travail.
Déboute les parties du surplus de leurs demandes.
Dit que les dépens seront considérés comme frais privilégiés dans le cadre de la procédure collective.
Le greffier, Le président,