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27/01/2014 | FRANCE | N°13/00245

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, Chambre sociale, 27 janvier 2014, 13/00245


BR/ JG
COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRET No 36 DU VINGT SEPT JANVIER DEUX MILLE QUATORZE

AFFAIRE No : 13/ 00245
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de CAYENNE du 28 février 2007, section encadrement.
APPELANTE
Madame Pierrette X......97300 CAYENNE Représentée par Me Lyne MATHURIN-BELIA, avocat au barreau de FORT-DE-FRANCE

INTIMÉS
SOCIETE GUYANET, venant aux droits de la SARL ESPACENET, suite à la fusion-absorption de ces deux sociétés 1 rue Zénobe GRAMME-ZI Pariacabo 97310 KOUROU

Maître Al

ain B..., és-qualités d'administrateur de la société GUYANET ...97300 CAYENNE

Maître Michel C.....

BR/ JG
COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRET No 36 DU VINGT SEPT JANVIER DEUX MILLE QUATORZE

AFFAIRE No : 13/ 00245
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de CAYENNE du 28 février 2007, section encadrement.
APPELANTE
Madame Pierrette X......97300 CAYENNE Représentée par Me Lyne MATHURIN-BELIA, avocat au barreau de FORT-DE-FRANCE

INTIMÉS
SOCIETE GUYANET, venant aux droits de la SARL ESPACENET, suite à la fusion-absorption de ces deux sociétés 1 rue Zénobe GRAMME-ZI Pariacabo 97310 KOUROU

Maître Alain B..., és-qualités d'administrateur de la société GUYANET ...97300 CAYENNE

Maître Michel C..., associé de la SCP C...RAVISE, ès-qualités de mandataire judiciaire de la société GUYANET ... 97300 CAYENNE

Représentés par Me Muriel PREVOT, avocat au barreau de CAYENNE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Novembre 2013, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Bernard ROUSSEAU, président de chambre, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, Mme Marie-Josée BOLNET, Conseillère, Mme Françoise GAUDIN, Conseillère.

Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 13 janvier 2013 puis le délibéré a été prorogé au 27 janvier 2014

GREFFIER Lors des débats Mme Valérie FRANCILLETTE, Greffière.

ARRET :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, et par Mme Juliette GERAN, Adjointe Administrative Principale, fft de greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

Faits et procédure :

Mme Pierrette X...était engagée par la Société GUYANET le 1er septembre 1985 en qualité " d'attaché de direction ". À compter du 1er avril 1989 il lui était confié les fonctions de directrice de la société.
Le 1er septembre 1998 il était demandé à Mme X...de prendre la responsabilité opérationnelle de la direction de la Société ESPACENET, autre filiale de la Société DEFI (Développement Financier).
Le 5 juin 2005, Mme X...saisissait le Conseil de Prud'hommes de Cayenne afin d'obtenir de la Société ESPACENET le paiement de sa rémunération pour la période du 1er septembre 1998 au 31 décembre 2005.
Par courrier du 12 décembre 2005 Mme X...avisait la Société ESPACENET qu'elle était contrainte de ne plus poursuivre ses activités au sein de cette société.
Par jugement du 28 février 2007, le Conseil de Prud'hommes de Cayenne considérant qu'aucun contrat ne liait Mme X...à la Société ESPACENET, déboutait la requérante de ses demandes.
Sur appel interjeté le 14 mars 2007 par Mme X..., la cour d'appel de Fort-de-France, chambre détachée de Cayenne, considérant que le lien de subordination vis-à-vis de la Société ESPACENET n'était pas démontré, et retenant l'absence de contrat de travail, confirmait par arrêt du 16 juin 2008 le jugement déféré.
Le 2 février 2009, la Société GUYANET absorbait la Société ESPACENET dont elle exploitait le fonds de commerce.
Par arrêt du 19 mai 2010, la Cour de Cassation, statuant sur le pourvoi formé par Mme X..., cassait et annulait en toutes ses dispositions l'arrêt du 16 juin 2008 au motif que la cour d'appel n'avait pas recherché si, comme le soutenait Mme X..., le gérant de la Société GUYANET, qui était également gérant de la Société ESPACENET, ne lui avait pas adressé des instructions en cette qualité. L'affaire était renvoyée devant la cour d'appel de Fort-de-France autrement composée.
Par jugement du 23 février 2011, le tribunal mixte de commerce de Cayenne ouvrait une procédure de sauvegarde à l'égard de la Société GUYANET, et désignait Me Michel C...en qualité de mandataire judiciaire, et Me Alain B...en qualité d'administrateur judiciaire.
Par arrêt du 31 mars 2011, la cour d'appel de Fort-de-France, statuant en qualité de cour de renvoi, confirmait à nouveau le jugement du

Conseil de Prud'hommes de Cayenne en toutes ses dispositions, en considérant que c'était à tort que la salariée soutenait qu'un contrat de travail distinct la liait à la Société ESPACENET, sa prise d'acte injustifiée devant produire dès lors les effets d'une démission.

Par jugement du 23 mai 2012, le tribunal mixte de commerce de Cayenne homologuait le plan de sauvegarde de la Société GUYANET selon les modalités précisées par le rapport déposé par l'administrateur. Me B...était désigné en qualité de commissaire à l'exécution du plan avec mission notamment de faire rapport au tribunal sur l'exécution des engagements du débiteur.
Par arrêt du 28 novembre 2012, la Cour de Cassation statuant sur un nouveau pourvoi formé par Mme X..., cassait et annulait en toutes ses dispositions l'arrêt du 31 mars 2011 de la cour d'appel de Fort-de-France pour le même motif que celui énoncé dans son arrêt précédent, à savoir que la cour de renvoi n'avait pas recherché, comme il lui était demandé, si le gérant de la Société GUYANET, qui est également gérant de la Société ESPACENET, n'adressait pas à Mme X...des instructions en cette dernière qualité.
Le 4 février 2013, Mme X...saisissait la cour de céans.
Le 21 février 2013, Me Muriel PREVOT, avocate à Cayenne, saisissait la cour de céans en faisant savoir qu'elle représentait la Société ESPACENET devenue GUYANET, la Société GUYANET, Me Alain B..., administrateur judiciaire de la Société GUYANET, et Me C..., mandataire judiciaire de la Société GUYANET.
L'ensemble des parties, y compris l'administrateur judiciaire et le mandataire judiciaire de la Société GUYANET, étaient régulièrement convoquées à l'audience du 10 juin 2013 par lettres recommandées en date du 9 avril 2013, dont les avis de réception étaient retournés signés par leurs destinataires.
Par une ordonnance rendue le 10 juin 2013 par le magistrat chargé d'instruire l'affaire, il était enjoint à la Société ESPACENET, à la Société GUYANET ainsi qu'aux organes de la procédure collective de notifier leurs pièces et conclusions à Mme X...dans le délai de 3 mois, l'audience des débats étant fixée au 25 novembre 2013.
****
Par conclusions notifiées le 3 juin 2013 à Me PREVOT (assurant la représentation de la Société GUYANET, du commissaire à l'exécution du plan et du mandataire judiciaire), auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, Mme X...entend voir juger que sa demande de paiement n'est pas prescrite, et que la rupture du contrat du fait de l'employeur ouvre droit pour elle, au bénéfice des indemnités allouées pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et pour licenciement abusif.
Elle sollicite la condamnation de la Société GUYANET à lui verser les sommes suivantes :-420 940, 62 euros au titre de ses salaires impayés pour la période du 1er septembre 1998 au 31 décembre 2004 et 71 447, 40 euros pour la période du 1er octobre 2004 au 31 décembre 2005,-35 075, 39 euros au titre de la prime de 13e mois, du 31 décembre 1998 au 31 décembre 2004, outre celle de 5 953, 95 pour 2005,

-49 455, 29 euros à titre d'indemnité de congés payés du 31/ 12/ 1998 au 31/ 12/ 2004, outre celle de 9923, 25 euros au 31 décembre 2005,-8 335, 52 euros avec intérêts de droit à compter de la décision à intervenir, au titre de l'indemnité légale de licenciement,-17 861, 85 euros avec intérêts de droit à compter de la décision à intervenir, au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,-35 723, 70 euros avec intérêts de droit à compter de la décision à intervenir, à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,-100 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,-30 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme X...demande que soit ordonnée la remise des fiches de paye pour la période du 1er septembre 1998 au 31 décembre 2005 sous astreinte de 100 euros par jour de retard et par document, et ce à compter de la notification du jugement à intervenir.
Mme X...entend voir ordonner l'inscription de sa créance sur l'état des créances de la Société GUYANET.
À l'appui de ses demandes Mme X...explique que les éléments de fait établissent sans conteste la preuve d'un lien de subordination entre elle-même et la Société ESPACENET. Elle indique qu'elle recevait ses ordres directement de la Société ESPACENET, qu'elle se conformait aux dits ordres et en rendait compte à cette société laquelle disposait d'un pouvoir de sanction à son égard.
Elle fait valoir que sa prise d'acte de la rupture du contrat de travail est justifiée par les manquements graves de l'employeur qui ne lui a versé aucune rémunération.
À l'appui de ses demandes financières elle invoque notamment la convention collective du nettoyage.
****
À l'audience des débats, Me PREVOT faisait savoir qu'elle représentait Me B..., en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan, mais demandait le rejet de la demande d'inscription de la créance de Mme X...au passif de la Société GUYANET, s'agissant d'une demande nouvelle formée à l'audience, dont elle n'avait pu discuter avec le gérant de la société et le commissaire à l'exécution du plan.
Par conclusions notifiées à la partie adverse le 28 octobre 2013, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, la Société GUYANET sollicite à titre principal la confirmation du jugement du 28 février 2007 et le rejet de toutes les demandes de Mme X.... Elle entend voir condamner celle-ci à lui payer la somme de 30 000 euros pour procédure abusive et celle de 8000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
À titre subsidiaire la Société GUYANET entend voir juger que sont prescrites les demandes de Mme X...pour tous les salaires et accessoires antérieurs au 5 juillet 2001.
Elle entend voir constater en outre que les demandes de salaires et accessoires de salaire formées par Mme X...ne sont justifiées par aucun élément, et entend voir ramener à de plus justes proportions l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse réclamée par l'appelante car manifestement excessive.

Elle conclut au rejet de la demande de dommages et intérêts pour licenciement abusif, car Mme X...ne peut cumuler les indemnités de licenciement sans cause réelle et sérieuse et des indemnités pour licenciement abusif.

La Société GUYANET sollicite le rejet de la demande de Mme X...portant sur l'établissement de fiches de paie au-delà du 5 juillet 2001.
À l'appui de ses prétentions, la Société GUYANET soutient que la mission qui a été confiée à Mme X...au sein de la Société ESPACENET ne présente pas les caractères d'un contrat de travail se substituant ou s'ajoutant à celui dont elle bénéficiait au sein de la Société GUYANET et auquel elle devait consacrer l'exclusivité de son activité professionnelle.
La Société GUYANET prétend que le lien de subordination qu'évoque Mme X...avec la Société ESPACENET, ne peut être déduit de deux courriers envoyés par le gérant de cette dernière, également gérant de la Société GUYANET, en date du 10 mars 2005 et du 19 mai 2005.
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Motifs de la décision :
La demande d'inscription de la créance de Mme X...au passif de la Société GUYANET est expressément mentionnée dans les conclusions de Mme X...qui ont été notifiées le 3 juin 2013 au conseil de la Société GUYANET.
Par ailleurs Me B..., comme Me C..., ont été convoqués par lettres recommandées dont il ont signé l'avis de réception le 18 avril 2013. Même si Me B...n'a fait savoir que par courriel du 7 novembre 2013, au Cabinet PREVOT, qu'il entendait se faire représenter par ce cabinet, en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan, tant ledit commissaire que le gérant la Société GUYANET ont disposé d'un temps suffisant avant l'audience des débats du 25 novembre 2013, pour faire toutes observations utiles sur la demande d'inscription de la créance de Mme X...au passif de la Société GUYANET. Aucune irrégularité dans le déroulement de la présente procédure d'appel, ne permet d'écarter cette demande d'inscription, laquelle doit être examinée au fond.
Sur la relation de travail ayant existé entre Mme X...et la Société ESPACENET :
Alors que Mme X...avait été engagée par la Société GUYANET en qualité d'" attaché de direction " à compter du 1er septembre 1985, et que par avenant du 1er avril 1989 elle s'est vue confier l'exercice des fonctions de directrice de ladite société, Messieurs Jean-Paul Z...et Yves A..., agissant au nom de la Société DEFI, par un courrier du 1er septembre 1998 demandaient à Mme X...de prendre la responsabilité opérationnelle de la direction de la Société ESPACENET à compter du 1er septembre 1998.
Dans ce courrier il était précisé que la situation actuelle du groupe, et particulièrement des filiales qui concernaient directement Mme X...(la Société GUYANET et la Société ESPACENET), conduisait les dirigeants de la Société DEFI à fixer avec Mme X...des objectifs pour l'année en cours, la réalisation de ces objectifs devant permettre de proposer à l'intéressée en fin d'année de nouvelles modalités de rémunérations des missions qu'elle remplissait pour le groupe en Guyane.
Par une note du 1er septembre 1998, les mêmes dirigeants agissant dans le cadre de la Société ESPACENET, faisaient connaître au personnel de celle-ci, la nomination de Mme X...au poste de directrice de cette société en précisant qu'elle était dès lors investie de l'ensemble des pouvoirs hiérarchiques et fonctionnels sur tout le personnel par délégation des gérants.
Il ressort du courrier en date du 10 mars 2005, adressé à Mme X..., par M. Z..., en sa qualité de gérant de la Société ESPACENET, que celui-ci donnait des instructions à celle-là, en en contrôlant l'exécution, puisqu'il fait état des " remarques " et " exigences " qu'il avait rappelées verbalement quant à l'exécution de ses missions de direction.
Il ressort de ce même courrier, qu'en la même qualité, M. Z...se comporte comme le véritable employeur de Mme X..., puisqu'il entend fixer les conditions de sa rémunération pour les fonctions exercées au sein de la Société ESPACENET. C'est ainsi qu'il fait état d'un intéressement aux résultats, et admet par ailleurs qu'en ce qui concerne la prise en charge par la Société ESPACENET, d'un salaire " supplémentaire ", il avait été " arrêté le montant de principe à 2 500 euros par mois ", en précisant toutefois qu'il s'en était réservé la mise en oeuvre en fonction des comptes 2004 et des possibilités d'y faire face.
Dans ce même courrier, le gérant de la Société ESPACENET rappelle les instructions précises données à Mme X..., à savoir l'établissement d'un plan de redressement basé sur un rétablissement des documents administratifs et comptables habituels (bilans ou situations comptables, budgets réalisés commentés, plans de trésorerie prévisionnels et réalisés), une analyse fine de la rentabilité des sociétés (prix de revient par chantier, analyse des heures payées et réalisées, analyse des consommations), un prévisionnel d'exploitation fiable faisant ressortir des perspectives de redressement (budget prévisionnel, développement d'activités, plan d'investissement ¿). Les mêmes exigences étaient adressées à Mme X...pour la Société GUYANET.
Dans le compte rendu établi le 11 avril 2001 de la réunion du 30 mars 2001 des délégués du personnel de la Société ESPACENET, il est noté la présence de M. Z...à cette réunion, lequel intervient nécessairement en qualité de gérant de la Société ESPACENET. Ce dernier répondant à une question des délégués du personnel sur le fait que sa présence est inhabituelle s'agissant de sa première participation en 2 ans, M. Z...répond qu'il a donné pleine et entière délégation à Mme X...pour s'occuper de la gestion quotidienne de la Société ESPACENET et mener les réunions des délégués du personnel, précisant que sa présence à la réunion est liée à la question no1 de l'ordre du jour, laquelle est relative au renouvellement du matériel défectueux et à l'acquisition de nouveaux matériels.
En reconnaissant qu'il a confié à Mme X...la gestion quotidienne de la Société ESPACENET, et la mission de mener les réunions des délégués du personnel, le gérant de la Société ESPACENET montre qu'il donne à la directrice des instructions quant à son intervention dans la gestion de ladite société et pour le représenter dans le cadre du fonctionnement de l'institution de représentation du personnel.
Le lien de subordination existant entre le gérant de la Société ESPACENET et Mme X...est corroboré par le contenu de la lettre du 19 mai 2005 adressée à celle-ci par celui-là. En effet, lui communiquant les

comptes annuels de la Société ESPACENET arrêtés au 31 décembre 2004, il fait savoir à la directrice qu'il est indispensable qu'elle lui fasse connaître son analyse de l'évolution défavorable de la situation d'exploitation de la société. Il lui demande des explications sur les écarts budgétaires constatés en regard des engagements pris pour l'année 2004 et sollicite des mesures correctives prises en 2005 ou qui restent à prendre pour y remédier. Il lui fait savoir en outre qu'il est en attente d'explications sur la diminution du stock de clients entre le 31/ 12/ 2003 et le 31/ 12/ 2004 et sur le traitement réservé au passif social accumulé au 31/ 12/ 2004.

Il lui demande, dès communication de ses réponses, de convoquer le comité d'entreprise pour informer les membres de cette situation et des mesures correctives prises.
Ainsi cette missive montre que le gérant de la Société ESPACENET donne des ordres précis en détaillant ce qu'il entend obtenir de la directrice, et en lui demandant de convoquer le comité d'entreprise.
Il est à noter que M. Z...adresse à Mme X..., dans un courrier distinct, daté du même jour, le même type d'instructions, mais cette fois-ci en sa qualité de gérant de la Société GUYANET, ce qui montre bien que M. Z...distingue les instructions données à Mme X..., d'une part en sa qualité de gérant de la Société ESPACENET et d'autre part en sa qualité de gérant la Société GUYANET.
Dans son courrier en réponse du 16 juin 2005, adressé à M. Z...en sa qualité de gérant de la Société ESPACENET, Mme X...rend compte des diligences qu'elle a effectuées à la suite des demandes formées par ce dernier, et fait part des constats qu'elle a faits concernant l'origine des pertes de ladite société, et propose des préconisations.
Par ailleurs Mme X...répondait dans un courrier du 9 juin 2005 à M. Z...en sa qualité de gérant de la Société GUYANET, en faisant état également des diligences effectuées et de ses constats et préconisations, ces réponses n'étant pas identiques à celles adressées au gérant de la Société ESPACENET.
Enfin lorsqu'il répond dans son courrier du 10 mars 2005 à Mme X...au sujet des prétentions salariales de celle-ci, et de son intention de saisir le Conseil de Prud'hommes en cas de refus de règlement de ses salaires, M. Z..., agissant en qualité de gérant de la Société ESPACENET, lui rappelle les réserves qu'il a émises sur sa capacité de diriger notamment ladite société, et exige des explications écrites en se réservant toute mesure conservatoire utile, ce qui montre les pouvoirs de sanction dont dispose le gérant de la Société ESPACENET à l'égard de Mme X....
Ainsi l'examen des courriers rédigés par M. Z...en sa qualité de gérant de la Société ESPACENET, et les déclarations faites aux représentants du personnel, montrent qu'il exerce à l'égard de Mme X...un pouvoir de direction et de contrôle, en se ménageant la possibilité de sanctions, tous éléments caractérisant un lien de subordination. Il en résulte que la relation de travail entre Mme X...et le gérant de la Société ESPACENET s'analyse en un contrat de travail.

Sur la demande de rappel de rémunération :

Les fiches de paies versées aux débats montrent qu'en 1987 Mme X...percevait un salaire brut mensuel de 11 800 francs, et que celui-ci a été progressivement augmenté pour atteindre en 1993, 34 000 francs, la salariée étant devenue directrice de la Société GUYANET en 1989.
On constate que bien qu'à compter de 1998 elle ait été en charge de la direction de la Société ESPACENET, le salaire qui lui était toujours versé par la Société GUYANET n'a pas augmenté puisqu'en 2000 il était toujours de 34 000 francs, soit 5183, 26 euros, et que ce montant est resté identique au cours de l'année 2005.
Mme X...qui n'a donc reçu de 1998 à 2005, aucun salaire de la Société ESPACENET, alors qu'elle était devenue directrice de celle-ci, n'a pas reçu non plus de complément de salaire de la part de la Société GUYANET.
Pour la fixation de son salaire mensuel dû par la Société ESPACENET, Mme X...invoque sa qualité de cadre ainsi que la convention collective du nettoyage, et produit une grille de salaire applicable au 1er juillet 2006.
Mme X...ayant saisi le Conseil de Prud'hommes le 5 juillet 2005 pour demander le paiement de son salaire par la Société ESPACENET, elle ne peut en application de la prescription quinquennale prévue par les dispositions de l'article L. 143-14 ancien du code du travail, reprises en substance par l'article L. 3245-1 actuel du même code, obtenir paiement de salaires antérieurs au 5 juillet 2000.
Mme X...ne peut valablement invoquer l'établissement d'un bulletin de paie le 27 décembre 2004, dont le montant ne lui a d'ailleurs pas été réglé, et qui a été annulé à la demande de la Société ESPACENET, pour soutenir que c'est à compter de l'établissement de ce bulletin de salaire que le préjudice né du non paiement des salaires est devenu certain et que dès lors la prescription n'a commencé à courir qu'à compter de cette date.
En effet les salaires dus par la Société ESPACENET n'ont jamais été payés à Mme X..., et ce depuis le 1er septembre 1998. L'établissement d'un bulletin de salaire à la demande de Mme X..., en sa qualité de directrice, par le service de la comptabilité de la Société ESPACENET, dont le montant n'a pas été réglé, n'a aucune incidence sur le cours de la prescription. Il n'y a jamais eu reconnaissance de la dette salariale par le gérant de la Société ESPACENET qui au contraire la contestait, et l'établissement du bulletin de salaire non réglé par l'employeur, ne peut constituer une cause d'interruption de la prescription, la créance de Mme X...étant certaine depuis la première échéance de salaire du 30 septembre 1998, restée impayée.
Par ailleurs Mme X...ne peut se prévaloir d'une grille de salaire applicable au 1er juillet 2006 faisant apparaître un salaire brut mensuel d'un montant de 2 542, 86 euros pour les cadres de la catégorie « CA2 », pour voir fixer la base de son salaire mensuel entre le 5 juillet 2000 et le 31 décembre 2005.
Il y a lieu de rappeler que la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés conclue le 1er juillet 1994 et son avenant no1 du 22 juillet 2009, ont été remplacés par la convention collective nationale des entreprises de propreté et services associés du 26 juillet 2011.
C'est donc sous l'empire de la première convention collective que le contrat de travail a été exécuté.
Si un avenant du 25 juin 2002 étendu par arrêté du 7 octobre 2002, fixe une grille de classification, notamment pour les emplois de cadres, et prévoit notamment une rémunération minimum par catégorie hiérarchique, aucun accord paritaire n'a alors déterminé ce minimum.
Pour déterminer le salaire brut mensuel dû à Mme X..., il y a lieu de se référer à la volonté des parties, en rappelant que dans son courrier du 10 mars 2005 le gérant de la Société ESPACENET, reconnaissait alors qu'il avait été arrêté le montant de 2500 euros. Au demeurant le bulletin de salaire de décembre 2004, que Mme X...a fait établir par le service comptabilité d'ESPACENET fait apparaître un salaire brut de base de 2 500 euros.
Dans la mesure où Mme X...ne démontre pas que le salaire brut mensuel de 2500 euros soit inférieur à un minimum conventionnel pour sa catégorie d'emploi de cadre, au cours de la période du 5 juillet 2000 au 31 décembre 2005, le montant de 2500 euros sera retenu pour le calcul du rappel de salaire dû à l'appelante.
Il y a lieu de rappeler que l'obligation de payer le salaire n'est pas subordonnée à l'examen des comptes de la société, comme le laisse entendre M. Z...dans son courrier du 10 mars 2005, mais cette obligation s'impose à l'employeur.
En conséquence le total du rappel de salaire dû à Mme X...s'élève à la somme de 148 000 euros, sur la base d'un salaire mensuel brut de 2 500 euros, pour la période s'étendant du 5 juillet 2000 au 12 décembre 2005, date de la lettre de Mme X..., portant rupture du contrat de travail avec la Société ESPACENET.
Mme X...ne justifiant pas que le versement d'une prime de 13e mois ait été d'usage au sein de la Société ESPACENET, ni que la convention collective applicable à l'époque lui ait permis d'obtenir le versement de cette prime, il ne peut être fait droit à sa demande de rappel de prime de 13e mois.
Compte tenu du rappel de salaire dû à Mme X..., celle-ci est en droit de recevoir une indemnité compensatrice de congés payés d'un montant de 14 800 euros.
Sur la rupture du contrat de travail :
L'absence de versement du salaire pendant 5 ans constitue un manquement grave de l'employeur à ses obligations. Dès lors Mme X...était fondée à adresser le 12 décembre 2005, une lettre portant rupture du contrat de travail, au gérant de la Société ESPACENET, cette lettre constituant une prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur.
En conséquence Mme X...est fondée à solliciter indemnisation pour cette rupture, laquelle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
En application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail, Mme X...a droit à une indemnité minimale équivalente à 6 mois de salaire, soit en l'espèce 15 000 euros.

Mme X...ne peut obtenir une indemnisation distincte pour licenciement abusif ou préjudice moral, aucune circonstance vexatoire ne caractérisant la rupture du contrat de travail, elle-même ayant pris l'initiative de la rupture par sa prise d'acte du 12 décembre 2005, l'employeur s'étant borné à considérer qu'elle n'avait pas droit à un salaire distinct pour les fonctions exercées dans le cadre de la Société ESPACENET.

En application des dispositions législatives et réglementaires en vigueur à l'époque de la rupture du contrat de travail (articles L. 122-9 et R. 12-2 anciens du code du travail) Mme X...ne pouvait prétendre, au titre de l'indemnité légale de licenciement qu'à une somme calculée sur la base d'un montant équivalent à un dixième de mois de salaire par année d'ancienneté, ce montant étant augmenté d'un quinzième de mois de salaire, au-delà de 10 ans d'ancienneté, soit en l'espèce 1 812, 49 euros puisqu'au 12 décembre 2005, Mme X...qui avait été recrutée le 1er septembre 1998 par la Société ESPACENET, avait 7 ans et 3 mois d'ancienneté au sein de cette société.
Compte tenu des fonctions de cadre de Mme X..., sa demande d'indemnité de préavis sollicitée à hauteur de trois mois de salaire, fondée sur les dispositions de la convention collective, est justifiée. Son montant doit être fixée à hauteur de 7 500 euros compte tenu du salaire mensuel retenu.
L'origine des créances de Mme X...étant antérieure à l'ouverture de la procédure de sauvegarde de la Société GUYANET, laquelle a absorbé la Société ESPACENET, lesdites créances devront être inscrites au passif de la Société GUYANET.
La Société GUYANET devra délivrer à Mme X...ses bulletins de salaires pour l'activité exercée en qualité de directrice de la Société ESPACENET du 5 juillet 2000 au 12 décembre 2005.
Comme il paraît inéquitable de laisser à la charge de Mme X...les frais irrépétibles qu'elle a exposés devant la juridiction du premier degré et devant les trois cours d'appel saisies du litige, il lui sera alloué la somme de 10 000 euros.

Par ces motifs,

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Réforme le jugement du 28 février 2007 du Conseil de Prud'hommes de Cayenne,
Et statuant à nouveau,
Dit que Mme X...était liée par un contrat de travail à la Société ESPACENET, du 1er septembre 1998 au 12 décembre 2005,
Dit que la rupture du contrat de travail est imputable à l'employeur et produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Dit que les créances de Madame X...au passif de la Société GUYANET, venant aux droits de la Société ESPACENET, sont fixées aux montants suivants :
-148 000 euros à titre de rappel de salaire pour la période non prescrite du 5 juillet 2000 au 12 décembre 2005,
-14 800 euros d'indemnité compensatrice de préavis calculée sur le rappel de salaire,
-15 000 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-1 812, 49 euros d'indemnité légale de licenciement,
-7500 euros d'indemnité compensatrice de préavis,
Dit que la Société GUYANET devra délivrer à Mme X...ses bulletins de salaire sur la base d'un montant brut mensuel de 2500 euros pour la période du 5 juillet 2000 au 12 décembre 2005, dans le délai de 2 mois à compter de la notification du présent jugement, chaque jour de retard passé ce délai étant assorti d'une astreinte de 20 euros,
Condamne la Société GUYANET à payer à Mme X...la somme de 10 000 euros d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit que les entiers dépens sont à la charge de la société
Déboute les parties de toute conclusion plus ample ou contraire.
Le Greffier, Le Président.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 13/00245
Date de la décision : 27/01/2014
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2014-01-27;13.00245 ?
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