COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRET No 12 DU TREIZE JANVIER DEUX MILLE QUATORZE
AFFAIRE No : 13/ 00221
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de BASSE-TERRE du 25 septembre 2011- Section Activités Diverses.
APPELANTE
Maître Marie-Agnès X... es-qualités de liquidateur judiciaire de l'Association SOUS LE VENT AIDE FAMILLES... 97190 GOSIER Représentée par Maître Sully LACLUSE (Toque 2) substitué par Maître CUARTERO, avocat au barreau de la GUADELOUPE
INTIMÉES
AGS Lotissement Dillon Stade 10 rue des Arts et Métiers 97200 FORT DE FRANCE Représentée par Maître Isabelle WERTER-FILLOIS (Toque 8), avocat au barreau de la GUADELOUPE
Madame Suzette Y...... 97116 POINTE NOIRE Représentée par Maître Félix RODES (Toque 80) substitué par Maître Murielle RODES, avocat au barreau de la GUADELOUPE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 novembre 2013, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Bernard ROUSSEAU, président de chambre, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Bernard Rousseau, président de chambre, président Madame Françoise Gaudin, conseiller, Madame Marie-Josée Bolnet, conseiller,
Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 13 janvier 2014
GREFFIER Lors des débats Madame Valérie Francillette, greffier.
ARRET :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par Monsieur Bernard Rousseau, président de chambre, président et par Madame Valérie Francillette, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
Faits et procédure :
Il résulte des pièces versées aux débats et des explications fournies par les parties que Mme Suzette Y... a été recrutée par l'Association SOUS LE VENT AIDE FAMILLES à compter du 2 avril 2001 en qualité d'aide à domicile pour personnes âgées, et qu'elle a exercé cet emploi dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée, à temps partiel.
Après convocation à un entretien préalable fixé au 27 août 2008, Mme Y... recevait notification de son licenciement pour faute grave par lettre datée du 28 août 2008 reçue le 1er septembre 2008.
Le 18 novembre 2008 Mme Y... saisissait le Conseil de Prud'hommes de Basse-Terre aux fins de contester son licenciement et obtenir diverses indemnités.
Par jugement du 20 septembre 2011, le Conseil de Prud'hommes de Basse-Terre a condamné l'Association SOUS LE VENT AIDE FAMILLES à payer à Mme Y... les sommes suivantes :-1 327, 78 euros à titre d'indemnité de préavis,-663, 89 euros à titre d'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement,-5 000 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,-7 966, 68 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,-3 183, 34 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,-1 000 euros à titre d'indemnité pour non remise du certificat de travail,-750 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Il était en outre ordonné la remise sous astreinte de l'attestation Pôle Emploi et du certificat de travail.
Par déclaration du 20 décembre 2011, l'Association SOUS LE VENT AIDE FAMILLES interjetait appel de cette décision.
Par arrêt du 1er octobre 2012, la cour constatait l'interruption de l'instance par l'effet de l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de l'Association SOUS LE VENT AIDE FAMILLES.
Maître Marie-Agnès X..., ès qualités de liquidateur judiciaire de l'Association SOUS LE VENT AIDE FAMILLES, et l'AGS étaient régulièrement convoquées à l'audience du 10 juin 2013, l'affaire étant renvoyée contradictoirement à l'audience des débats du 25 novembre 2013.
Par conclusions notifiées aux parties adverses le 10 juin 2013, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, Maître X... en qualité de mandataire liquidateur de l'Association SOUS LE VENT AIDE FAMILLES, sollicite l'infirmation du jugement déféré. Reconnaissant que la procédure de licenciement était irrégulière dans la mesure où le délai de 5 jours ouvrables devant exister entre la date de convocation et la tenue effective de l'entretien préalable, n'avait pas été respecté, Maître X... fait valoir que l'indemnité sollicitée à ce titre, ne se cumule pas avec la condamnation de l'employeur au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse.
L'Association SOUS LE VENT AIDE FAMILLES soutient que le licenciement est fondé sur la faute grave de la salariée et conclut au rejet de toutes les demandes de celle-ci. L'Association SOUS LE VENT AIDE FAMILLES réclame paiement de la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions notifiées au conseil du mandataire liquidateur le 23 avril 2012, auxquelles il était fait référence lors de l'audience des débats, Mme Y... sollicite la confirmation pure et simple en toutes ses dispositions du jugement entrepris et réclame paiement de la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Elle se réfère à ses conclusions de première instance et au motif du jugement entrepris.
Par conclusions notifiées aux parties adverses le 6 septembre 2013, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, l'AGS sollicite l'infirmation en toutes ses dispositions du jugement déféré et entend voir juger que c'est à juste titre qu'un licenciement pour faute grave a été prononcé à l'encontre de Mme Y.... Elle conclut au rejet de l'intégralité des demandes de celle-ci. Elle s'associe aux explications fournies par l'Association SOUS LE VENT AIDE FAMILLES.
À titre subsidiaire elle entend voir juger que les demandes de dommages et intérêts pour rupture abusive et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse ne sauraient se cumuler en application des dispositions de l'article L 1235-3 du code du travail, seul applicable en l'espèce.
Motifs de la décision,
Dans sa lettre de licenciement du 28 août 2008, l'employeur exprime de la façon suivante les motifs de sa décision :
«- Vous avez quitté votre poste de travail sans en avertir votre employeur en laissant un four allumé. Vous avez reconnu, lors de l'entretien, ce fait même si vous maintenez que le bénéficiaire, âgé de 86 ans, vous a assuré qu'elle pouvait s'en occuper alors que finalement ce n'était pas le cas. Vous ne mesurez par la responsabilité qui pèse sur vous lorsque vous intervenez au domicile d'un bénéficiaire. De plus vous avez déjà reçu un avertissement pour avoir quitté votre poste sans avertir (article 4 du règlement de fonctionnement).
- Vous avez accepté de l'argent du bénéficiaire alors que vous savez que cela est strictement interdit par le règlement (article 7).
Vous êtes tenue à la discrétion professionnelle. Cela fait l'objet d'un article de votre contrat de travail et est stipulé dans le règlement (article 5).
Ces points sont régulièrement rappelés en réunion.
Ces manquements nuisent au bon fonctionnement de l'Association SOUS LE VENT AIDE FAMILLES ainsi qu'à son image. »
Il résulte du rapport établi le 25 août 2008 par la responsable de secteur de l'Association SOUS LE VENT AIDE FAMILLES, Mme Z..., et par la directrice, Mlle A..., après contact pris avec la famille de Mme B... Rosette, dont la prise en charge de l'aide à domicile était confiée à Mme Y..., les faits suivants :- le vendredi 22 août 2008 à 10 heures 45 le fils de Madame B... contactait l'Association SOUS LE VENT AIDE FAMILLES pour l'informer que l'aide à domicile intervenant auprès de sa mère, Mme Y..., était partie en lui disant qu'elle allait voir son fils en prison, alors qu'elle devait travailler jusqu'à 13 heures,- l'employeur n'a pas été mis au courant de l'absence de Mme Y... qui avait quitté son poste de travail à 10 heures 30,- lorsque la directrice de l'association, Mlle A..., l'a jointe au téléphone et lui a demandé où elle était, l'intéressée a répondu « en principe à Basse-Terre » et qu'elle avait l'intention d'appeler plus tard, s'excusant en disant que son fils avait été condamné à une lourde peine et qu'elle n'avait pu assister au procès, aucun justificatif du passage de Mme Y... en prison n'étant constaté par l'employeur,- alors que Mme B... est sous la responsabilité de Mme Y... de 8 h à 13 h, cette dernière est partie en laissant le four allumé, alors que la bénéficiaire, âgée de 86 ans, ne savait pas s'en servir, et qu'elle a du faire appel à ses enfants.
Il est également fait état dans ce rapport du dénigrement de l'employeur de la part de Mme Y..., de confidences de celle-ci auprès de Mme B... sur le meurtre d'un de ses fils et sur l'emprisonnement d'un autre de ses enfants, alors qu'il est indiqué que l'aide à domicile est là pour égayer le quotidien du bénéficiaire. Il est aussi relevé l'acceptation par Mme Y... de 5 euros que lui a donnés Mme B... alors que le règlement l'interdit formellement.
Mme Y... ne conteste pas avoir quitté son poste de travail, en laissant le four allumé chez Mme B..., âgée de 86 ans, ce qui constitue une faute sérieuse, même si elle prétend que cette dernière savait s'en servir, alors qu'il apparaît que ce ne soit pas le cas puisque Mme B... a dû faire appel à ses enfants et que ceux-ci ont alerté l'Association SOUS LE VENT AIDE FAMILLES.
Mme Y... avait déjà fait l'objet d'un avertissement en date du 1er août 2006, lui reprochant d'avoir décidé de ne pas vouloir se rendre au domicile de M. B... Guillaume, le lundi 31 juillet 2006 de 10 heures 30 à 13 heures sans en avertir l'Association SOUS LE VENT AIDE FAMILLES, ni en l'occurrence la famille du bénéficiaire, alors que celui-ci est atteint de la maladie d'Alzheimer, Mme Y... ayant répondu à son responsable de secteur qui lui avait demandé la raison de son absence injustifiée : « j'avais mes affaires à faire ».
Par cet avertissement il était fait savoir à Mme Y... que si elle persistait dans son attitude, des mesures seraient prises, risquant d'aboutir à son licenciement pour faute grave. Il était précisé qu'une autre faute de ce type ne saurait faire l'objet d'un nouvel avertissement.
La cour constate que le comportement de Mme Y..., laquelle a réitéré l'abandon de son poste pour des raisons ni impératives ni urgentes, est de nature à mettre en danger la sécurité des bénéficiaires de l'aide à domicile et à nuire au fonctionnement et à l'image de l'association, et qu'en conséquence la faute reprochée constitue une cause réelle et sérieuse de son licenciement.
Toutefois, la faute reprochée ne constituant pas une violation des obligations résultant de son contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rendait impossible le maintien de la salariée au sein de l'association pendant la durée du préavis, ne peut-être qualifiée de faute grave, privative de l'indemnité compensatrice de préavis et de l'indemnité de licenciement.
Compte tenu de l'ancienneté supérieure à deux ans de Mme Y... au sein de l'Association SOUS LE VENT AIDE FAMILLES, il lui est dû deux mois d'indemnité compensatrice de préavis. La somme de 1 327, 78 euros allouée à ce titre par les premiers juges, sera confirmée.
Mme Y... ayant une ancienneté de 7 ans et 7 mois à la fin du délai de préavis, et ayant perçu un salaire mensuel moyen de 771, 11 euros au cours des trois derniers mois de travail, a droit, en application des dispositions des articles L. 1234-9 et R. 1234-2 du code du travail, à une indemnité légale de licenciement d'un montant de 1 169, 51 euros.
Par ailleurs il y a lieu de constater que la procédure de licenciement est irrégulière, puisque le délai de 5 jours édicté par l'article L. 1231-2 du code du travail, devant séparer la réception de la convocation et l'entretien préalable, n'a pas été respecté. Il sera alloué à Mme Y... une indemnité de 700 euros à ce titre.
Mme Y... est en droit d'obtenir de son employeur une attestation Pôle Emploi, conforme à la présente décision, c'est-à-dire mentionnant le montant de l'indemnité compensatrice de préavis, et précisant que le motif du licenciement est une cause réelle et sérieuse. En l'état le prononcé d'une astreinte n'apparaît pas nécessaire.
Par contre un certificat de travail en date du 8 septembre 2008 figurant parmi les pièces contenues dans le dossier de première instance de la salariée, il n'y a pas lieu de mettre à la charge du liquidateur la délivrance d'un tel certificat, ni d'allouer une indemnité pour défaut de remise de ce certificat.
Comme il paraît inéquitable de laisser à la charge de Mme Y... les frais irrépétibles qu'elle a exposés, il lui sera alloué la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ces motifs,
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et dernier ressort,
Réforme le jugement déféré,
Et statuant à nouveau,
Fixe la créance de Mme. Y... à la procédure de liquidation judiciaire de l'Association SOUS LE VENT AIDE FAMILLES représentée par son liquidateur judiciaire Me X..., aux montants suivants :-1 327, 78 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,-1 169, 51 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,-700 euros à titre d'indemnité pour procédure irrégulière de licenciement,-1 500 euros d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit que Maître X..., en sa qualité de mandataire liquidateur judiciaire de l'Association SOUS LE VENT AIDE FAMILLES devra remettre à Mme Y... une attestation Pôle Emploi conforme à la présente décision,
Rappelle que l'AGS est tenue de garantir le paiement des créances salariales de Mme Y... dans les conditions prévues aux articles L3253-8 et suivants du code du travail, et qu'en aucun cas l'indemnité allouée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile n'est garantie par l'AGS, ne s'agissant pas d'une créance salariale,
Dit que les dépens de première instance et d'appel sont à la charge de l'Association SOUS LE VENT AIDE FAMILLES.
Déboute les parties de toute conclusion plus ample ou contraire.