COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRET No 5 DU TREIZE JANVIER DEUX MILLE QUATORZE
AFFAIRE No : 12/ 01721
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de Basse-Terre du 9 octobre 2009- Section activités diverses.
APPELANT
Maître Z... de la SELAS Z...- A..., es-qualités de mandataire ad hoc de l'EURL LE PELICAN MAGAZINE,... 97190 GOSIER Représenté par Maître Sandrine JABOULEY-DELAHAYE (Toque 13), avocat au barreau de la GUADELOUPE.
INTIMÉE
Mademoiselle Stéphanie X...... 97150 SAINT-MARTIN Représentée par Maître Jeanne-hortense LOUIS (Toque 62) substitué par Maître Philippe LOUIS, avocat au barreau de la GUADELOUPE.
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, L'affaire a été débattue le 25 novembre 2013, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Bernard ROUSSEAU, président de chambre, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Bernard Rousseau, président de chambre, président, Madame Françoise Gaudin, conseiller, Madame Marie-Josée Bolnet, conseiller,
Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 13 janvier 2014
GREFFIER Lors des débats Madame Valérie Francillette, greffier.
ARRET :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par Monsieur Bernard Rousseau, président de chambre, président et par Madame Valérie Francillette, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
Faits et procédure :
Le 12 novembre 2007, il était conclu entre d'une part l'Eurl Le Pelican Magazine et d'autre part Mlle X... un contrat d'agent commercial. Par ce contrat il était confié à Mlle X... le mandat de vendre les espaces publicitaires du Pélican Magazine au nom et pour le compte du mandant.
Par courrier du 10 novembre 2008, la gérante de l'Eurl Le Pelican Magazine, Mme Y..., faisait savoir à Mlle X... que, comme elle l'avait annoncé au mois de juillet précédent, elle confirmait sa décision de mettre fin à l'activité de l'Eurl Le Pelican Magazine, en faisant état des chiffres du bilan négatifs, et d'annulation de la publication de numéros due aux résultats commerciaux peu satisfaisants de Mlle X... et à une conjoncture économique peu favorable. La gérante de l'Eurl Le Pelican Magazine annonçait le dépôt de bilan de l'entreprise.
Le 9 octobre 2009, Mlle X... saisissait le Conseil de Prud'hommes de Basse-Terre devant lequel elle présentait une demande de requalification du contrat d'agent commercial en contrat de travail à durée indéterminée, et sollicitait paiement de la somme de 15 690 euros à titre d'indemnité compensatrice de rupture abusive.
L'Eurl Le Pelican Magazine ayant soulevé in limine litis l'incompétence de la juridiction prud'homale, celle-ci par jugement du 1er octobre 2012 requalifiait le contrat d'agent commercial en contrat de travail à durée indéterminée, retenait sa compétence et constatait que le licenciement de Mlle X... n'était pas fondé sur une cause réelle et sérieuse et que le cas de force majeure invoqué par l'Eurl Le Pelican Magazine n'était pas justifié. L'Eurl Le Pelican Magazine était condamnée à payer à Mlle X... la somme de 15 690 euros à titre d'indemnité compensatrice pour rupture abusive.
Par déclaration du 2 octobre 2012, l'Eurl Le Pelican Magazine formait contredit au jugement du conseil de prud'hommes.
Ni la notification du contredit, ni la convocation à l'audience devant la chambre sociale n'ayant pu être remises à la personne de Mlle X... par voie postale, l'Eurl Le Pelican Magazine représentée par Maître Z..., ès qualités de mandataire ad hoc, procédait à la signification, par acte huissier, de la déclaration de contredit et des pièces annexes, et donnait assignation à Mlle X... à comparaître à l'audience du 13 mai 2013 de la chambre sociale de la cour d'appel. À cette audience les débats étaient renvoyés contradictoirement à l'audience du 25 novembre 2013.
Dans sa déclaration de contredit, l'Eurl Le Pelican Magazine faisait valoir que Mlle X... était liée par un contrat d'agent commercial indépendant, et que le Conseil de Prud'hommes était incompétent rationae materiae pour se prononcer sur la demande formée par celle-ci. Elle entendait voir désigner comme juridiction compétente, soit le Tribunal de Grande Instance de Basse-Terre en raison de la nature civile de l'activité d'agent commercial, soit le tribunal mixte de commerce en raison de la forme commerciale des structures en présence, au choix de Mlle X.... Elle concluait à l'infirmation du jugement du Conseil de Prud'hommes en ce qu'il s'était déclaré incompétent pour connaître du litige.
Par conclusions notifiées à la partie adverse le 27 août 2013, auxquelles il était fait référence lors de l'audience des débats, l'Eurl Le Pelican Magazine reprend ses demandes tendant à voir infirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes en ce qu'il s'est déclaré compétent pour connaître du litige,
Au fond l'Eurl Le Pelican Magazine conclut au rejet de l'intégralité des demandes de Mlle X.... Elle conteste la somme de 3000 euros réclamée par Mlle X... pour non respect de la procédure de licenciement, en faisant valoir qu'une telle indemnité était plafonnée à un mois de salaire et que la moyenne des commissions de Mlle X... en 6 mois d'activité s'élevait à 871, 66 euros.
L'Eurl Le Pelican Magazine conteste également la demande d'indemnité pour absence de cause réelle et sérieuse de licenciement fixée à 15 690 euros en faisant valoir que ce montant correspond à 18 mois de rémunération et qu'il n'est pas démontré un quelconque préjudice, ladite somme correspondant à l'indemnisation commerciale afférente à la rupture d'un contrat d'agent commercial.
L'Eurl Le Pelican Magazine demande paiement de la somme de 3500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions notifiées à la partie adverse le 26 juillet 2013, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, Mlle X... sollicite la confirmation du jugement entrepris et demande paiement de la somme de 3000 euros à titre d'indemnité pour non respect de la procédure de licenciement et de celle de 15 690 euros à titre d'indemnité pour rupture abusive. Elle réclame en outre 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
À l'appui de ses demandes Mlle X... explique qu'elle accomplissait la profession de directrice de publication du Pélican Magazine, sous les instructions de Mme Y..., que sa mission n'était pas réduite à la commercialisation des espaces publicitaires mais qu'elle intervenait aux côtés de Mme Y... sur de nombreux aspects de la mise en page du magazine, les courriers que lui adressait cette dernière démontrant l'existence d'un lien de subordination, la salariée n'étant pas libre du choix de ses cocontractants et devant répondre aux sollicitations de Mme Y....
Motifs de la décision :
Selon les dispositions de l'article 78 du code de procédure civile, si le juge se déclare compétent et statue sur le fond du litige dans un même jugement, celui-ci ne peut être attaqué que par la voie de l'appel, soit dans l'ensemble de ses dispositions s'il est susceptible d'appel, soit du chef de la compétence dans le cas où la décision sur le fond est rendue en premier et dernier ressort.
En l'espèce les premiers juges se sont déclarés compétents et ont statué sur le fond du litige dans un même jugement. En conséquence seule la voie de l'appel était ouverte à l'encontre du jugement du 1er octobre 2012.
Toutefois, selon les dispositions de l'article 91 du même code, lorsque la cour estime que la décision qui lui est déférée par la voix du contredit devait l'être par celle de l'appel, elle n'en demeure pas moins saisie.
Il y a lieu de constater que l'Eurl Le Pelican Magazine a abusivement utilisé la voie du contredit aux fins de contester essentiellement la compétence de la juridiction prud'homale, alors que seule la voie d'appel lui était ouverte.
La cour étant cependant saisie tant de la compétence que du fond, et l'Eurl Le Pelican Magazine ayant pris des conclusions au fond, il y a lieu de statuer sur l'entier litige.
Selon le contrat du 12 novembre 2007 conclu entre les parties, il est stipulé que le mandant accorde à l'agent qui l'accepte, le mandat de vendre les espaces publicitaires du Pélican Magazine, au nom et pour le compte du mandant. Il est précisé : « dans le cadre de sa fonction, le " mandant " devra également réaliser les pages shopping des clients qui ont réservé des espaces publicitaires ».
Il résulte des termes de ce contrat, que la réalisation des pages shopping des clients n'était pas confiée au mandataire, qualifié d'agent commercial. Au demeurant la mise en page d'un magazine ne relève pas des missions qui peuvent être confiées à un agent commercial, s'agissant d'une prestation de services que l'Eurl Le Pelican Magazine devait confier soit à un travailleur salarié de l'entreprise, soit à un prestataire de services. En effet l'agent commercial est, comme le précise l'article L. 134-1 du code de commerce, un mandataire qui est chargé de façon permanente de négocier, éventuellement de conclure des contrats de vente, d'achat, de location ou de prestation de services.
L'examen des courriels échangés entre la gérante de l'Eurl Le Pelican Magazine, et Mlle X... montre qu'il est confié à celle-ci l'élaboration de pages du magazine comme le fait ressortir par exemple les courriels adressés le 27 novembre 2007 par Mlle X... qui rend compte de l'élaboration des différentes rubriques qui lui sont confiées, à savoir « shopping femme » comprenant 6 articles par page, mais aussi la rubrique " shopping idées cadeaux ", et la rubrique " shopping homme, enfant et hight tech. ". Cette prestation de travail est contrôlée par la gérante qui répond par un courriel du même jour dans lequel elle indique que " 6 articles ce n'est pas assez par page ", et qu'il faut " compléter par d'autres produits pour les shopping " ; il est demandé de ne pas encore envoyer les pages ainsi constituées.
Dans un e-mail du 15 janvier 2008, Mlle X... propose divers sujets : « des couples mythiques actuels ", Le cadeau de la Saint-Valentin qu'elles veulent », " Le cadeau de la Saint-Valentin qu'ils veulent ».
Dans d'autres e-mails en date des 23 novembre 2007, 14 janvier 2008, 19 janvier 2008, 29 janvier 2008, il apparaît que Mlle X... est sollicitée pour l'élaboration du magazine lui-même en lui donnant des instructions précises.
Par ailleurs de nombreuse instruction sont données à Mlle X..., lesquelles montrent que celle-ci n'exerce pas en qualité d'agent commercial indépendant. Il lui est ainsi demandé de déposer des affiches, de récupérer des chèques chez des clients désignés, de passer chercher des affiches confiées à un imprimeur etc...
Ces constatations montrent que Mlle X... exerce une prestation de travail sous la direction et le contrôle de la gérante de l'Eurl Le Pelican Magazine, et qu'elle est soumise à cette dernière par un lien de subordination, lequel caractérise le travail salarié.
En conséquence, c'est à juste titre que le Conseil de Prud'hommes s'est déclaré compétent pour connaître du litige entre les parties.
Il a été mis fin au contrat de travail de Mlle X... par un courrier du 10 novembre 2008 dans lequel la gérante de l'Eurl Le Pelican Magazine indique qu'après entretien avec sa comptable, elle a pris la décision de mettre fin à l'activité de l'Eurl. Elle relève qu'après les 3 numéros que Mlle X... a commercialisés, les chiffres du bilan sont négatifs et ne permettent pas de poursuivre cette activité. La gérante précise qu'au regard du pré-bilan qui lui a été remis par sa comptable le mois précédent, elle n'a perçu aucune rémunération de gérance au cours de l'année 2008. C'est pourquoi elle a décidé de déposer le bilan de l'Eurl Le Pelican Magazine qui existait depuis 3 ans.
Il convient de relever que Mlle X... n'a pas été convoquée à un entretien préalable avant la notification de cette lettre de rupture de la relation travail, laquelle tient lieu de lettre de licenciement.
Il y a lieu de constater, au regard des pièces versées aux débats, qu'effectivement les bilans et comptes de résultats des années 2007 et 2008 montrent une dégradation très sérieuse de la situation économique et financière de l'Eurl Le Pelican Magazine. En effet le chiffre d'affaires s'est effondré, passant de 53 221 euros au cours de l'exercice 2007 à 23 716 euros au cours de l'exercice 2008, ce dernier exercice dégageant une perte de 3 889 euros, alors que l'exercice précédent avait connu un bénéfice de 7 446 euros. Ainsi la suppression du poste de Mlle X... dans le cadre d'une cessation d'activité de l'entreprise est justifiée par les difficultés économiques et financières de l'Eurl Le Pelican Magazine.
Par procès-verbal du 17 novembre 2008, l'associé unique et gérant a décidé la dissolution anticipée de l'Eurl Le Pelican Magazine et la nomination de Mlle Y... en qualité de liquidateur. Cette dissolution anticipée de l'Eurl Le Pelican Magazine a été publiée au registre du commerce le 16 mars 2009. L'Eurl Le Pelican Magazine a été radiée du registre du commerce le 22 septembre 2009 par suite de la clôture de la liquidation de l'Eurl. Par ordonnance du 3 décembre 2012 de la présidente du tribunal mixte de commerce de Basse-Terre, Me Z... a été désigné en qualité de mandataire ad hoc avec pour mission de former un contredit à la décision rendue par le conseil de prud'hommes de Basse-Terre 1er octobre 2012.
Il y a lieu de rappeler que la cessation d'activité de l'entreprise, quand elle n'est pas due à une faute de l'employeur ou à sa légèreté blâmable, constitue un motif économique de licenciement.
En l'espèce il ne peut être relevé ni faute de l'employeur, ni légèreté blâmable ayant conduit à la cessation d'activité.
En conséquence le licenciement de Mlle X... est justifié par une cause réelle et sérieuse.
Néanmoins en application des dispositions de l'article L 1235-2 du code du travail, Mlle X... est en droit de solliciter une indemnité pour procédure irrégulière de licenciement, dans la mesure où elle n'a pas bénéficié d'un entretien préalable dans les conditions fixées par les articles L. 1232-2 et suivants du code du travail. Toutefois cette indemnité ne peut être fixée qu'en fonction du préjudice subi par la salarié, lequel doit être fixé en tenant compte des ressources que son emploi était susceptible de lui procurer. En conséquence son montant sera fixé à la valeur du SMIC en vigueur à l'époque du licenciement, soit la somme de 1321, 02 euros, étant observé que sa rémunération moyenne mensuelle au titre des commissions stipulées contractuellement, ne s'est élevée qu'à la somme de 871, 66 euros sur 6 mois d'activité.
Comme il paraît inéquitable de laisser à la charge de Mlle X... les frais irrépétibles qu'elle exposés tant en première instance qu'en cause d'appel, il lui sera alloué la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ces motifs,
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a retenu la compétence du conseil de prud'hommes de Basse-Terre, et requalifié le contrat d'agent commercial conclu entre Mlle X... et l'Eurl Le Pelican Magazine en contrat de travail à durée indéterminée,
Le réforme pour le surplus,
Et statuant nouveau,
Dit que le licenciement de Mlle X... est fondé sur une cause réelle et sérieuse,
Condamne l'Eurl Le Pelican Magazine, représentée par son administrateur ad hoc, Me Z..., à payer à Mlle X... la somme de 1321, 02 euro à titre d'indemnité pour procédure irrégulière de licenciement et celle de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit que les entiers dépens tant de première instance que d'appel sont à la charge de l'Eurl Le Pelican Magazine,
Déboute les parties de toute conclusion plus ample ou contraire.