COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRET No 4 DU TREIZE JANVIER DEUX MILLE QUATORZE
AFFAIRE No : 12/ 01453
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 21 juin 2012- Section industrie.
APPELANT
Maître Marie-Agnès Y... ès-qualités de mandataire liquidateur de la SARL SAINT-LANDRY... 97190 GOSIER Non Comparante, ni représentée
INTIMÉS
Monsieur Raphaël X...... 97129 LAMENTIN Représenté par Maître Estelle SZWARCBART-HUBERT (Toque 104) substituée par Maître CUARTERO, avocat au barreau de la GUADELOUPE
AGS Lotissement Dillon Stade 10 rue des Arts et Métiers 97200 FORT DE FRANCE Représentée par Maître Isabelle WERTER-FILLOIS (Toque 8), avocat au barreau de la GUADELOUPE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 novembre 2013, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Bernard ROUSSEAU, président de chambre, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Bernard Rousseau, président de chambre, président, Madame Françoise Gaudin, conseiller, Madame Marie-Josée Bolnet, conseiller,
Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 13 janvier 2014
GREFFIER Lors des débats : Madame Valérie Francillette, greffier.
ARRET :
Réputé contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par Monsieur Bernard Rousseau, président de chambre, président et par Madame Valérie Francillette, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
M. Raphaël X... a été embauché à compter du 4 septembre 2006 par la Société ALFA BATIMENT en qualité d'assistant conducteur de travaux, qualification ETAM.
Par jugement du 17 décembre 2009, le tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre a prononcé le redressement judiciaire de cet employeur, en procédant à la désignation de Maître Marie-Agnès Y... en qualité de représentant des créanciers, Maître B... en qualité d'administrateur judiciaire, et a renvoyé l'affaire à l'audience du 25 février 2010. Le 28 juin 2010, l'administrateur judiciaire a déposé un plan de cession.
Par jugement du 1er juillet 2010, le tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre a notamment :- ordonné la cession de la société ALFA BATIMENT dans les termes proposés par l'administrateur à la société SAINT-LANDRY et à la société BATEXIS selon les prix et modalités définis en page 24 et suivantes de la décision,- fixé la prise de jouissance au 1er juillet 2010 à zéro heure et dit que le transfert de propriété aura lieu lors de la réalisation des actes de cession devant être signés dans les trois mois de la signification de la décision,- dit que jusqu'au complet paiement du prix de cession et à la signature des actes, les sociétés choisies par le tribunal resteront garantes des engagements du plan au nom de la société créée pour les besoins de la reprise,- dit que seront maintenus les contrats nécessaires au maintien de l'activité, à l'exclusion des contrats que les repreneurs n'entendent pas poursuivre (page 25 du présent jugement) et dit que ces contrats seront exécutés aux conditions en vigueur au jour de l'ouverture de la procédure.
Par lettre du 09 septembre 2010, la société SAINT-LANDRY a informé M. X... de la rupture de son contrat de travail dans les termes suivants : " Le tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre s'est prononcé le 1er juillet 2010 et a ordonné la cession à la Société SAINT-LANDRY du contrat initialement attribué à ALFA BATIMENT. Malgré sa position devant le tribunal, il s'avère que le maître d'ouvrage refuse les conditions de l'offre de la SARL SAINT-LANDRY, telles que rappelées dans l'accord de transfert du marché que nous lui avons soumis. Malgré nos discussions, nous n'avons pas pu aboutir à un accord permettant d'assurer la reprise du reste à réaliser ; il nous est alors impossible de reprendre le chantier en l'absence d'accord formel de sa part sur les conditions essentielles de cette reprise.
En conséquence, nous sommes forcés de quitter le chantier avec effet au 10 septembre 2010 et sommes par là même contraints de constater la fin de votre contrat à durée chantier. Vous trouverez ci-joint votre solde de tout compte et les documents afférents à la fin de votre contrat. Nous adressons copie de la présente à Maître B..., administrateur judiciaire de la société ALFA BATIMENT ".
Par requête reçue au greffe du conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre le 5 octobre 2010, M. X... a fait convoquer la Sarl SAINT-LANDRY devant cette juridiction aux fins d'obtenir paiement de diverses sommes et la remise des documents de fin de contrat.
A l'audience du bureau de jugement du 6 octobre 2011, il a présenté les demandes suivantes :-30 900 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,-2 060 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,-5 150 euros au titre du préavis,-2 575 euros au titre des congés payés.
Il demandait également la remise de la lettre de licenciement, du certificat de travail, de l'attestation Assedic et de bulletins de salaire sous astreinte de 100 euros par jour de retard.
Par jugement du 21 juin 2012, le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre a condamné la Sarl SAINT-LANDRY à payer à M. X... les sommes suivantes :-15 450 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,-2 017, 08 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,-5150 euros à titre d'indemnité de préavis. Il était ordonné à l'employeur de remettre à M. Z... les documents sociaux rectifiés sous astreinte de 20 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement. M. Z... était débouté du surplus de ses demandes.
Par jugement du 19 avril 2012, c'est-à-dire pendant le délibéré de la juridiction prud'homale, la Sarl SAINT-LANDRY a fait l'objet d'un jugement de liquidation judiciaire.
Par déclaration adressée le 10 juillet 2012, Me Frédéric NAVARO, conseil de la Sarl SAINT-LANDRY, représentée par Monsieur René A..., interjetait appel de cette décision.
Maître Marie-Agnès Y..., désignée en qualité de mandataire liquidateur de la Sarl SAINT-LANDRY, ainsi que l'AGS étaient régulièrement convoquées par lettres recommandées dont les avis de réception étaient retournés signés par leurs destinataires.
Par courrier du 16 avril 2013, Me Y... faisait savoir qu'en l'absence de fonds suffisants et d'éléments utiles à la défense des intérêts de la Sarl SAINT-LANDRY, elle ne serait ni présente ni représentée à l'audience des débats et qu'elle entendait se rapporter à bonne justice.
Par conclusions notifiées à l'AGS le 12 juin 2013, auxquelles il était fait référence lors de l'audience des débats, M. X... sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a accueilli intégralement certaines de ses demandes, mais entend voir porter à 30 900 euros les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et à 100 euros par jour de retard l'astreinte prononcée pour la remise des documents de fin de contrat. Il réclame en sus paiement de la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions notifiées aux autres parties le 8 juillet 2013, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, l'AGS entend voir statuer ce que de droit sur la demande d'indemnité conventionnelle de licenciement, relevant que les calculs effectués par M. X... étaient exacts, et sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a alloué au salarié un préavis.
Par contre l'AGS conclut au rejet des demandes de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en faisant valoir que M. X... ne rapportait pas la preuve d'un préjudice pour prétendre à ces dommages et intérêts. Elle demandait à être mise hors de cause en ce qui concerne l'astreinte, cette demande ne rentrant pas dans le champ de sa garantie.
Motifs de la décision :
M. X... ayant été embauché dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée par la Société ALPHA BATIMENT, et ce contrat ayant été repris par la Sarl SAINT-LANDRY dans le cadre de la cession d'actifs ordonnée judiciairement dans le cadre du redressement judiciaire de l'employeur initial, la société appelante ne pouvait considérer que le contrat de travail du salarié était un contrat de chantier. Elle ne pouvait donc y mettre fin sous prétexte qu'elle n'intervenait plus sur le chantier de construction de l'hôpital de Capesterre Belle Eau.
En conséquence la rupture du contrat travail de M. X... s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Il résulte des pièces et explications fournies par les parties, que la Sarl SAINT-LANDRY qui avait été créée pour la reprise du chantier de construction de l'hôpital de Capesterre Belle Eau, n'avait repris que 3 salariés de la Société ALPHA BATIMENT, initialement en charge dudit chantier.
Il n'est pas établi que la Sarl SAINT-LANDRY ait employé habituellement d'autres salariés, étant relevé que le maître de l'ouvrage s'est opposé à la reprise du chantier de l'hôpital par la Sarl SAINT-LANDRY.
En conséquence, dans la mesure où la Sarl SAINT-LANDRY n'employait pas habituellement au moins 11 salariés, M. X..., par application des dispositions de l'article L. 1235-5 du code du travail ne peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 1235-3 du même code prévoyant une indemnité au moins égale aux six derniers mois de salaire en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse.
M. X... ne fournissant aucun élément permettant d'apprécier l'étendue du préjudice résultant de la rupture du contrat de travail, puisqu'il n'a pas précisé la durée de la période de chômage qu'il a pu subir, ni fourni aucune justification d'une telle période, son indemnisation sera fixée à la somme de 3 000 euros pour tenir compte de la perte d'un emploi stable et de revenus professionels.
Par ailleurs compte tenu de l'ancienneté de M. X... remontant au 4 septembre 2006, et les indemnités de fin de contrat n'étant critiquées ni par le liquidateur ni par l'AGS, les sommes allouées au salarié par les premiers juges au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement et au titre de l'indemnité de préavis seront confirmées.
Il résulte des dispositions de l'article D. 3141-9 du code du travail que l'employeur délivre au salarié, en cas de rupture du contrat de travail, un certificat justificatif de ses droits à congés compte tenu de la durée de ses services. La société SAINT-LANDRY étant le dernier employeur de M. X... était tenue de délivrer un tel certificat destiné à caisse de congés payés du bâtiment. Le défaut de délivrance de ce certificat cause préjudice au salarié. Par ailleurs il ne résulte pas des pièces versées aux débats, notamment des bulletins de paie produits par M. X..., que celui-ci ait vu ses congés payés pris en charge par l'employeur. En conséquence il sera alloué à M. X... une indemnité équivalente à un mois de salaire, soit la somme de 2575 euros.
Le liquidateur de la Sarl SAINT-LANDRY devra remettre à M. X..., dans le délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt, son certificat de travail et une attestation Pôle Emploi conformes aux dispositions de la présente décision ainsi qu'un bulletin de salaire complémentaire faisant apparaître les indemnités de fin de contrat allouées au salarié. En l'état le prononcé d'une astreinte n'apparaît pas nécessaire.
Une lettre de licenciement ayant été adressée par la Sarl SAINT-LANDRY, et le présent arrêt précisant les conditions de la rupture du contrat, il n'y a pas lieu d'ordonner la remise d'une lettre de licenciement par le liquidateur.
Comme il paraît inéquitable de laisser à la charge de M. X... les frais irrépétibles qu'il a exposés, il lui sera alloué la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ces motifs,
La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,
Réforme le jugement entrepris,
Et statuant à nouveau,
Fixe les créances de M. X... au passif de la liquidation judiciaire de la Sarl SAINT-LANDRY aux montants suivants :
-2 017, 08 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,
-5 150 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
-2 575 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,
-2 000 euros d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit que Maître Y..., en sa qualité de mandataire liquidateur judiciaire de la Sarl SAINT-LANDRY devra remettre à M. X..., dans le délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt, son certificat de travail et une attestation Pôle Emploi conformes aux dispositions du présent arrêt, ainsi qu'un bulletin de salaire complémentaire faisant apparaître les indemnités de fin de contrat allouées au salarié,
Rappelle que l'AGS est tenue de garantir le paiement des créances salariales de M. Raphaël X... dans les conditions prévues aux articles L. 3253-8 et suivants du code du travail, et qu'en aucun cas l'indemnité allouée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile n'est garantie par l'AGS, ne s'agissant pas d'une créance salariale,
Dit que les dépens de première instance et d'appel sont à la charge de la Sarl SAINT-LANDRY.
Déboute les parties de toute conclusion plus ample ou contraire.