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COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRET No 448 DU SEIZE DECEMBRE DEUX MILLE TREIZE
AFFAIRE No : 11/ 01356
Décision déférée à la Cour : jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 7 septembre 2011- Section Activités Diverses.
APPELANTE
Madame Nadège X...épouse Y......97160 LE MOULE Représentée par Maître Philippe MATRONE (Toque 23) substitué par Maître Jean-Marc DERAINE, avocat au barreau de la Guadeloupe. (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2012/ 000034 du 13/ 02/ 2012 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BASSE-TERRE)
INTIMÉS
Maître Marie-Agnes Z..., es qualités de mandataire liquidateur de l'association Espace Rural pour l'emploi et la Formation Dans Le Nord Grande-terre ...... 97190 GOSIER Non Comparante
AGS-CGEA DE FORT DE FRANCE Lotissement Dillon Stade 10 rue des Arts et Métiers 97200 FORT DE FRANCE Représentée par Maître Isabelle WERTER-FILLOIS (Toque 8), avocat au barreau de la Guadeloupe.
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 4 novembre 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Bernard ROUSSEAU, président de chambre, président, Mme Françoise GAUDIN, conseiller, Mme Marie-Josée BOLNET, conseiller, qui en ont délibéré.
Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 16 décembre 2013
GREFFIER Lors des débats : Madame Valérie Francillette, greffier.
ARRET :
Réputé contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par M. Bernard ROUSSEAU, président de chambre, président, et par Madame Valérie Francillette, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
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Faits et procédure :
Il résulte des pièces versées aux débats que par un contrat de travail daté du 24 juillet 2008, Mme Nadège X...épouse Y...a été embauchée pour 24 mois, par l'Association Espace Rural pour l'Emploi et la Formation dans le Nord Grande Terre (ci-après désignée EREF-NGT), en qualité de secrétaire, à compter du 15 août 2008, dans le cadre d'un contrat d'accompagnement dans l'emploi.
Par ailleurs une convention individuelle était souscrite le 15 août 2008, d'une part par l'Association EREF-NGT et d'autre part par l'ANPE des Abymes, dans le cadre des dispositions légales et réglementaires relatives au contrat d'accompagnement dans l'emploi.
Le 9 août 2010, Mme Y...saisissait le Conseil de Prud'hommes de Pointe-à-Pitre auprès duquel elle devait demander la condamnation de l'Association EREF-NGT à lui payer des dommages et intérêts pour rupture abusive ainsi qu'un rappel de salaire et des indemnités de fin de contrat, mais aussi pour travail dissimulé et pour harcèlement moral.
Par jugement du 7 septembre 2011, la juridiction prud'homale allouait à Mme Y...la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile mais la déboutait de l'ensemble de ses autres demandes, les dépens étant mis à la charge de l'Association EREF-NGT.
Par déclaration du 26 septembre 2011, Mme Y...interjetait appel de cette décision.
Par jugement du 14 décembre 2011 du Tribunal de Grande Instance de Pointe-à-Pitre ouvrait une procédure de liquidation judiciaire à l'encontre de l'Association EREF-NGT. Maître Marie-Agnès Z...était désignée en qualité de mandataire liquidateur. Celle-ci régulièrement convoquée par lettre recommandée avec avis de réception, faisait savoir par courrier des 16 avril et 2 octobre 2013 qu'en l'absence de fonds suffisants et d'éléments utiles à la défense des intérêts de l'Association EREF-NGT, elle ne pouvait être ni présente ni représentée à l'instance d'appel, et qu'elle s'en rapportait à justice.
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Par conclusions notifiées à l'AGS et au mandataire liquidateur les 11 et 12 juillet 2013, auxquelles il était fait référence lors de l'audience des débats, Mme Y...sollicite l'infirmation du jugement déféré et entend voir fixer sa créance au passif de la liquidation judiciaire de l'Association EREF-NGT aux montants suivants :-10 303, 92 euros de dommages et intérêts en réparation forfaitaire du préjudice subi pour travail dissimulé,-10 303, 92 euros, correspondant à 6 mois de salaire, à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,-3 434, 64 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,-686, 93 euros à titre d'indemnité de licenciement,-3 434, 64 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,-343, 46 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis.
Mme Y...demande en outre qu'il soit ordonné à l'Association EREF-NGT représentée par son mandataire liquidateur, de lui remettre son bulletin de paie afférent à période du 1er au 14 août 2010, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir.
À l'appui de ses demandes elle fait valoir que les faits de travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié sont constitués par la non déclaration de son activité salariée pendant les années 2008 et 2010 auprès de la caisse de retraite des salariés, et par l'absence de paiement de cotisations afférentes entre les mains de la caisse générale de sécurité sociale de la Guadeloupe.
Elle expose que le contrat d'accompagnement dans l'emploi signé le 15 août 2008 doit nécessairement être requalifié en contrat à durée indéterminée, en expliquant qu'il s'est avéré que l'action de formation n'a pas été dispensée à son profit, ayant été mise à disposition d'une auto-école appartenant à Mme A...(auto école Phenix) en toute illégalité puisqu'un C. A. E ne peut être conclu qu'avec un organisme de droit privé à but non lucratif.
Elle en déduit que la rupture du contrat de travail intervenue le 14 août 2010, constitue un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
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Par conclusions notifiées à la partie adverse le 30 août 2013, auxquelles il a été fait référence à l'audience des débats, l'AGS sollicite la réformation du jugement entrepris, en demandant qu'il soit statué ce que de droit sur les demandes de préavis, congés payés sur préavis, congés payés et indemnité de licenciement, mais que la décision déférée soit confirmée pour le surplus en ce qu'elle a débouté la salariée de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour travail dissimulé.
L'AGS relève que Mme Y...ne verse aux débats aucune preuve du préjudice lui ouvrant droit à des dommages et intérêts.
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Motifs de la décision :
Sur la demande de requalification du contrat de travail et ses conséquences :
Selon les dispositions de l'article L 1242-3 du code du travail, un contrat de travail à durée déterminée peut être conclu au titre de dispositions légales destinées à favoriser le recrutement de certaines catégories de personnes sans emploi.
Au titre des dites dispositions légales figurent celles des articles 5134-20 et suivants du code du travail, lesquelles régissent le contrat d'accompagnement dans l'emploi ayant pour objet de faciliter l'insertion professionnelle de personnes sans emploi.
Selon les dispositions de l'article L. 5134-22 du code du travail, les conventions conclues dans le cadre de contrats d'accompagnement dans l'emploi prévoient des actions de formation professionnelle et de validation des acquis de l'expérience nécessaires à la réalisation de projet professionnel.
Il résulte des textes sus-cités que l'obligation pour l'employeur d'assurer des actions de formation, d'orientation professionnelle et de validation des acquis destinées à réinsérer durablement le salarié constitue une des conditions d'existence du contrat d'accompagnement dans l'emploi à défaut de laquelle il doit être requalifié en contrat à durée indéterminée.
En l'espèce il n'est justifié d'aucune action de formation, ni d'orientation professionnelle et de validation des acquis, ayant bénéficié à la salariée.
Au surplus il ressort des éléments du débat, en particulier des attestations établies par Mme Claudine B...et Mme Astrid C..., ainsi que du procès-verbal d'audition du 11 juillet 2011 établi par les services de police, que Mme Y...a été en réalité mise à disposition de l'auto-école « le Phénix », alors qu'il résulte des dispositions de l'article L. 5134-21 du code du travail, qu'un contrat d'accompagnement dans l'emploi ne peut-être conclu par un organisme de droit privé à but lucratif.
Il résulte des violations des dispositions légales ainsi constatées, relatives au contrat d'accompagnement dans l'emploi, qu'il ne pouvait être souscrit de contrat à durée déterminée dans ce cadre légal, et qu'en application des dispositions de l'article L 1245-1 du code du travail, le contrat de travail de Mme Y...doit être requalifié en contrat à durée indéterminée.
Ainsi la rupture du contrat de travail à compter du 14 août 2010, sans qu'aucune lettre de licenciement motivée ait été notifiée, s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Bénéficiant d'une ancienneté de 2 ans dans l'entreprise, Mme Y...a droit, en application des dispositions de l'article L 1234-1 du code du travail, à une indemnité compensatrice de préavis d'un montant de 3434, 64 euros, outre 343, 46 euros d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis.
Par ailleurs Mme Y...a droit, en application des dispositions de l'article L. 1234-9 et de l'article R. 1234-2 du code du travail, à une indemnité de licenciement d'un montant de 686, 93 euros.
Mme Y...ayant 2 ans d'ancienneté, et l'Association EREF-NGT employant plus de 11 salariés comme le montre l'état de présence des salariés au sein de ladite association établi par l'employeur et figurant en pièce no 6 de l'appelante, il sera alloué à Mme Y...la somme de 10 303, 92 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail.
Il résulte des mentions figurant sur les bulletins de paie de Mme Y..., et relatives au décompte de ses congés payés, que celle-ci a bénéficié de l'intégralité des congés auxquels elle avait droit. Elle sera donc débouté de sa demande d'indemnité compensatrice de congés payés pour laquelle elle ne produit d'ailleurs aucun décompte contredisant les mentions portées sur les fiches de paie.
Sur le travail dissimulé :
Il y a lieu de relever que l'exécution du contrat de travail de Mme Y...a pris fin le 14 août 2010, alors que les dispositions de l'article L. 8221-5- 3o, assimilant le défaut de déclarations de salaires ou de cotisations sociales, sont issues de la loi 2010-1594 du 20 décembre 2010, et n'étaient donc pas applicables au dit contrat.
Par ailleurs le défaut de déclaration préalable à l'embauche n'est pas établi et la non délivrance de bulletin de paie ainsi que la mention de nombre d'heures de travail minoré ne peuvent-être retenues en l'espèce, étant observé qu'il résulte du relevé de carrière produit par Mme Y...que celle-ci a fait l'objet de déclarations par l'employeur au titre de l'année 2009, ce qui montre que celui-ci ne s'est pas délibérément soustrait aux obligations sanctionnées par l'article L8 1221-5 du code du travail.
En conséquence les faits de travail dissimulé n'étant pas constitués, Mme Y...sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour travail dissimulé.
Enfin il n'est pas justifié de la délivrance d'un bulletin de salaire à Mme Y...pour la période du 1er août au 14 août 2010. En conséquence il sera ordonné au représentant légal de l'Association EREF-NGT de délivrer un tel bulletin à Mme Y.... En l'état le prononcé d'une astreinte n'apparaît pas nécessaire.
Par ces motifs,
La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,
Infirme le jugement déféré,
Et statuant à nouveau,
Dit que le contrat de travail d'accompagnement dans l'emploi de Mme Y...doit être requalifié en contrat à durée indéterminée,
Dit que la rupture du contrat de travail à compter du 15 août 2010 constitue un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Fixe la créance de Mme Y...au passif de la procédure collective de l'Association EREF-NGT aux montants suivants :
-10 303, 92 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-3 434, 64 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
-343, 46 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,
-686, 93 euros à titre d'indemnité de licenciement,
Dit que Maître Z..., en sa qualité de mandataire liquidateur judiciaire de l'Association EREF-NGT devra remettre à Mme Y...son bulletin de paie pour la période du 1er au 14 août 2010,
Rappelle que l'AGS est tenue de garantir le paiement des créances salariales de Mme Y...dans les conditions prévues aux articles L3253-8 et suivants du code du travail,
Dit que les dépens de première instance et d'appel sont à la charge de l'Association EREF-NGT,
Déboute les parties de toute conclusion plus ample ou contraire.
Le Greffier, Le Président,