MJB-VF
COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRET No 421 DU VINGT CINQ NOVEMBRE DEUX MILLE TREIZE
AFFAIRE No : 10/ 01595
Décision déférée à la Cour : jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 4 mars 2010- Section Industrie.
APPELANTE
SARL T. T. M Rue Alfred Lumière Zone Industrielle de Jarry 97122 BAIE-MAHAULT Représentée par Maître Sully LACLUSE (Toque 2) substitué par Maître WINTER, avocat au barreau de la GUADELOUPE
INTIMÉ
Monsieur Justin, Yves X...... 97160 LE MOULE Comparant en personne Ayant pour conseil Maître Myriam PONREMY (Toque 78), avocat au barreau de la GUADELOUPE
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 7 octobre 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Bernard ROUSSEAU, président de chambre, président, Mme Françoise GAUDIN, conseiller, Mme Marie-Josée BOLNET, conseiller, qui en ont délibéré.
Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 18 novembre 2013, date à laquelle le prononcé de l'arrêt a été prorogé au 25 novembre 2013.
GREFFIER Lors des débats Madame Juliette GERAN, Adjointe Administrative Principale, faisant fonction de greffier.
ARRET :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par M. Bernard ROUSSEAU, président de chambre, président, et par Madame Valérie FRANCILLETTE, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
Par arrêt avant-dire droit du 15 mars 2012 auquel il convient de se reporter pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, la cour a sursis à statuer sur les demandes des parties, a ordonné la réouverture des débats à l'audience du 4 juin 2012 à 14 heures 30 en invitant celles-ci à s'expliquer sur le rattachement du métier de chauffeur de M. X...aux catégories et qualification professionnelles prévues par la convention collective départementale " IDCC : 2328- Bâtiment et travaux publics de la Guadeloupe et des dépendances du 28 février 2002 " étendue par arrêtés du 20 juillet 2004 et du 18 juillet 2006, après avoir pris soin d'échanger préalablement, dans le respect du principe du contradictoire, les nouvelle pièces justifiant à ce titre leurs positions, précisé que la convocation des parties à l'audience de renvoi sera assurée par la notification de la décision et a réservé les dépens.
A l'audience de renvoi, n'étant pas en état d'être jugée, l'affaire a été renvoyée à l'audience de mise en état du 19 novembre 2012.
Après plusieurs renvois successifs, le dossier a été appelé à l'audience des plaidoiries du 07 octobre 2013.
Par conclusions déposées le 07 juin 2012 et soutenues oralement, la société TTM demande à la cour de dire que la qualification à laquelle peut prétendre M. X...au regard de la convention collective " Bâtiment et travaux publics de la Guadeloupe et des dépendances du 28 février 2002 " est celle d'ouvrier d'exécution (OE) position 1 et d'accorder une suite favorable à l'ensemble de ses demandes au regard de ses précédentes écritures.
Elle indique que la grille de classification des ouvriers du Bâtiment et des Travaux Publics de la Guadeloupe comporte quatre niveaux d'emplois, définis par les critères suivants :- contenu de l'activité et responsabilité dans l'organisation du travail,- autonomie et initiative,- technicité,- formation adaptation et expérience,
que la qualification d'ouvrier d'exécution (OE) position 1 se définit ainsi : Les ouvriers de niveau I/ 1 effectuent des travaux de simple exécution, ne nécessitant pas de connaissances particulières, selon des consignes précises et faisant l'objet d'un contrôle constant. Les emplois de ce niveau demandent une simple adaptation aux conditions générales de travail de l'environnement. Cette position est une position d'accueil pour les ouvriers n'ayant ni formation, ni spécialisation professionnelle.
Par conclusions déposés le 16 avril 2013 (dossier de plaidoirie), M. X...demande à la cour, par la voie de son avocat, d'ordonner à la SARL TTM de produire réellement le texte de la convention collective applicable à sa situation avec l'indication de la grille des salaires correspondant à sa qualification.
Il soutient que les fiches de paie délivrées de décembre 2004 à septembre 2006 portent la mention de la convention collective ouvrier du bâtiment et travaux publics Guadeloupe et dépendances ; que paradoxalement, celles délivrées d'octobre 2006 à mai 2007 portent la mention des Accords Nationaux 3107 et ce alors même que le montant du salaire n'a pas varié et ne correspond aux minima ni de l'une, ni de l'autre de ces deux conventions.
IL dit également que cette double mention prête à confusion et l'oblige à rechercher laquelle des deux conventions lui est applicable, surtout que contrairement aux clauses du contrat, il n'était pas affecté sur le chantier en tant que chauffeur, mais chauffeur à la collecte des ordures ménagères ; que cette activité est elle-même régie par la convention nationale relative à la collecte des déchets et comporte au nombre des fonctions rémunérées celle de chauffeur.
A cet égard, il invoque la jurisprudence de la chambre sociale de la cour de cassation constante sur la production des conventions collectives (Cass. soc du 7 novembre 2006).
A l'audience, M. X...explique avoir insisté auprès de son employeur pour obtenir la modification de son contrat afin que celui-ci soit conforme à sa réelle activité de chauffeur de camion destiné à la collecte des ordures ménagères.
MOTIFS DE LA DÉCISION
SUR LE LICENCIEMENT SANS CAUSE RÉELLE ET SÉRIEUSE :
Aux termes de l'article L. 1236-8 du code du travail, lorsqu'un contrat de travail a été conclu pour la durée d'un chantier, l'achèvement de celui-ci constitue la cause légitime du licenciement.
En l'espèce, la lettre de licenciement du 12 mars 2007 qui fixe les termes du litige, a été notifiée à M. X...en ces termes : " à la suite de notre entretien du 8 mars 2007, nous vous informons que nous avons décidé de vous licencier pour le motif suivant : fin de chantier et que nous sommes dans l'impossibilité de vous réemployer (...) ".
Le contrat de travail du 1er mars 2005, intitulé " contrat de chantier ", stipulait que M. X...était embauché en qualité de chauffeur pour être affecté sur le chantier commandé par le conseil général pour le déblaiement de la route de Rivière-Sens (entre Gourbeyre et Vieux-Fort) et qu'à l'expiration du chantier en cours, si le réemploi de l'intéressé sur un nouveau chantier s'avérait impossible, il serait procédé à la résiliation du contrat pour " fin de chantier " dans le cadre de la législation en vigueur et conformément à l'usage de la profession. Il y est indiqué également en caractères gras que si un nouveau chantier est proposé au salarié, un avenant d'affectation sera établi au moins 7 jours avant la fin du chantier cité en article 4 du contrat.
Au vu des pièces du dossier, la cour constate que la SARL TTM ne démontre par aucun élément que le contrat de chantier était régulièrement arrivé à son terme par une fin de chantier à Rivière-Sens, fin de chantier seule susceptible de justifier le licenciement de celui-ci, à défaut de réemploi.
De plus, il ressort clairement des pièces de M. X...que bien que recruté par contrat de chantier, ce dernier était en réalité mis à la disposition de la société ROM pendant toute la durée de son contrat initial pour y effectuer des travaux de collecte d'ordures ménagères ou de nettoyage, qu'il n'a jamais vraiment travaillé sur le chantier de Rivière-Sens (cf deux récépissés SICTOM de l'agglomération no0701127399 et 0701127357 faisant apparaître une origine des déchets de la commune des ABYMES-un rapport hebdomadaire d'activité sur la collecte des ordures ménagères de la ville des ABYMES-4 attestations extrêmement précises dont l'une est commune à trois équipiers de collecte).
LA cour note enfin que l'employeur est dans l'incapacité de produire un quelconque avenant autorisant le changement de chantier conformément aux dispositions contractuelles.
Ayant considéré sans cause réelle et sérieuse le licenciement de M. X..., la décision entreprise sur ce point et sur les dommages et intérêts subséquents est confirmée.
SUR LE RAPPEL DE SALAIRES :
Pour obtenir, à ce titre, paiement de rappels de salaires à hauteur de 5 183, 04 euros, M. X...se prévaut en premier lieu de l'application du coefficient BTP prévu pour le poste de chauffeur par la convention collective départementale du Bâtiment en Guadeloupe. Il revendique également l'application de la convention nationale du bâtiment dont mention est faite en bas de page des bulletins de salaires d'octobre 2006 à mai 2007 comme suit " CC : Bâtiment (accords nationaux) (3107) " et enfin la convention collective nationale relative aux activités de déchets.
La cour note après examen que la référence à la convention collective du bâtiment et travaux publics 3107 n'apporte pas d'éléments pertinents favorables au salarié car cette convention ne fait que regrouper des accords nationaux et régionaux qui viennent compléter les différentes conventions collectives nationales qui régissent les salariés du bâtiment et des travaux publics en fonction de la taille de l'entreprise ou du statut des salariés.
La cour relève également que la convention nationale des activités du déchet (IDCC 2149- brochure no3156) qui régit les rapports entre employeurs et salariés des activités du déchet et de la propreté urbaine ne s'applique que sur le territoire métropolitain, de la Corse et sur l'île de la Réunion.
De ces éléments, il résulte que seuls les accords paritaires départementaux relatifs aux salaires des ouvriers du bâtiment de la Guadeloupe auxquels s'est reporté l'employeur pour établir les bulletins de paie contestés, peuvent profiter à M. X....
Il ressort de ces documents que l'intimé peut en sa qualité de chauffeur de camion être rattaché à la classification professionnelle des ouvriers professionnels de niveau II position 2 qui se caractérise par des travaux courants de leur spécialité et nécessitant au moins un diplôme professionnel ou une formation spécifique (permis de conduire pour poids lourd en l'espèce), et au final par une autonomie dans la réalisation du travail. Le salaire brut de M. X...doit être déterminé sur la base d'un salaire mensuel minimum brut de 1 366, 82 euros pour la période du 1er juillet 2004 au 31 décembre 2004 et 1 401, 40 euros à compter du 1er janvier 2005.
L'examen des bulletins de paie révèle des salaires bruts inférieurs à ces minima :- à compter du 7 décembre 2004 un salaire mensuel brut de 1 012, 13 euros,- les six premier mois de 2005 un salaire mensuel brut de 1154, 21 euros,- les six autres mois de 2005 un salaire mensuel brut de 1 217, 91 euros,- les six premiers mois de 2006 un salaire mensuel brut de 1 217, 91 euros,- les six autres mois de 2006 un salaire brut mensuel brut de 1 254, 31 euros,- les cinq premiers mois de 2007 un salaire mensuel brut de 1 254, 31euros.
La demande de M. X...est satisfaite à hauteur des sommes suivantes :- décembre 2004 : (1 366, 82 euros x133/ 151, 67 heures = 1198, 56 euros)-1012, 13 euros = 186, 44 euros-les six premier mois de 2005 : (1 401, 40 euros x 6 mois = 8 408, 40 euros)- (1154, 21 euros x 6 mois = 6 925, 26 euros) = 1483, 14 euros,- les six autres mois de 2005 : (1 401, 40 euros x 6 mois = 8 408, 40 euros)- (1 217, 91 euros, x 6 mois = 7307, 46 euros) = 1100, 94 euros-les six premiers mois de 2006 : (1 401, 40 euros x 6 mois = 8 408, 40 euros)- (1 217, 91 euros, x 6 mois = 7307, 46 euros) = 1100, 94 euros-les six autres mois de 2006 : (1 401, 40 euros x 6 mois = 8 408, 40 euros)- (1 254, 31 euros x 6 mois = 7 525, 86 euros) = 882, 54 euros-les quatre premiers mois de 2007 : (1401, 40 euros x 4 mois = 5 605, 60 euros)- (1 254, 31 euros x 4 mois = 5 017, 24 euros) = 588, 36 euros
soit un total de 5 342, 36 euros limité à 5 183, 04 euros conformément à la demande.
SUR L'INDEMNITÉ DE LICENCIEMENT :
M. X...réclame à ce titre la somme de 2 848, 44 ¿.
Par application de l'article R. 122-2 ancien du code du travail, pour le licenciement fondé sur un motif autre que celui visé à l'article ancien L. 321-1 (licenciement économique), l'indemnité ne peut être inférieure à un dixième du mois de salaire par année d'ancienneté. Le salaire à prendre en considération pour le calcul de l'indemnité est le douzième de la rémunération des douze derniers mois précédent le licenciement ou, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié, le tiers des trois derniers mois.
M. X...a eu une ancienneté de deux ans et trois mois dans l'entreprise.
Pour calculer l'indemnité due, il est tenu compte du salaire brut constant précité de 1401, 40 euros :
-1401, 40 euros x1/ 10 x2 ans : 280, 28 euros-1401, 40 euros x 1/ 10 x 3/ 12 mois : 35, 04 euros total : 315, 32 euros
Il est fait droit à sa demande à hauteur de 315, 32 euros-282, 40 euros déjà perçus = 32, 92 euros.
SUR LE RAPPEL DE SALAIRES POUR TROIS JOURS DE TRAVAIL :
Les juges prud'homaux ont fait une juste appréciation des éléments produits pour satisfaire la demande de M. X...relative au rappel de salaire due au titre de la journée du 8 janvier 2007 et pour rejeter celle relative aux deux jours de février 2005, en considérant qu'aucune retenue de salaire pour ces deux jours n'a été faite sur le bulletin de paie de février 2005 mais qu'en revanche, il est certain que le 8 janvier 2007, M. X...a effectivement travaillé comme l'atteste le récépissé client no0701127399 déjà cité.
La décision entreprise sur ce chef est confirmée en son principe mais infirmé en son montant, Il est dû à ce titre la somme de 60, 06 euros (6 heures 50 x 9, 24 correspondant au taux horaire du salaire minimal de 1 401, 40 euros).
SUR LA REMISE DES DOCUMENTS :
L'attestation Pôle Emploi (attestation ASSEDIC) délivrée par l'employeur fait mention à tort d'une rupture du contrat pour fin de chantier.
Il est donc fait droit à la demande de délivrance de l'attestation Pôle Emploi devant être conforme au présent arrêt, et ce sans avoir à prononcer d'astreinte.
Le surplus de demandes est rejeté pour les motifs développés ci-dessus.
SUR LES FRAIS IRREPETIBLES :
L'équité justifie que soit allouée la somme de 1000 euros à M. X...pour les frais engagés par lui dans la présente instance et non compris dans les dépens.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :
Déclare l'appel recevable ;
Confirme le jugement du 04 mars 2010 sauf en ce qu'il a rejeté les demandes visant le rappel de salaires, l'indemnité de licenciement, et la délivrance de l'attestation Pôle Emploi et en ce qu'il a accordé la somme de 54, 28 euros au titre du rappel de salaire pour les heures de travail du 8 janvier 2007 ;
Le réforme sur ces chefs ;
Statuant à nouveau,
Condamne la SARL TTM BÂTIMENT ET TRAVAUX PUBLICS, en la personne de son représentant légal, à payer à M. X...les sommes suivantes :
* 5 183, 04 euros euros à titre de rappel de salaires, * 32, 92 euros au titre de l'indemnité de licenciement, * 60, 06 euros au titre du rappel de salaire pour les heures de travail du 8 janvier 2007,
Ordonne la délivrance de l'attestation Pôle Emploi conforme au présent arrêt ;
Rejette le surplus de demandes ;
Condamne la SARL TTM BÂTIMENT ET TRAVAUX PUBLICS, en la personne de son représentant légal, à payer à M. X...la somme de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; Condamne la SARL TTM BÂTIMENT ET TRAVAUX PUBLICS aux éventuels dépens de l'instance d'appel ;
Le greffier, Le président,