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18/11/2013 | FRANCE | N°10/00274

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, Chambre sociale, 18 novembre 2013, 10/00274


COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRET No 381 DU DIX HUIT NOVEMBRE DEUX MILLE TREIZE

AFFAIRE No : 10/ 00274
Décision déférée à la Cour : jugement du Conseil de Prud'hommes POINTE A PITRE du 10 décembre 2009- Section Commerce.
APPELANTS
Maître Marie Agnès X... es qualité de mandataire liquidateur de la Société SYNAXIS PARTNER SAS, dont le siège social est ...à BAIE MAHAULT ......97190 LE GOSIER Représentée par Me Thierry AMOURET, (TOQUE 3), avocat au barreau de GUADELOUPE

Monsieur Pascal Y......... 97139 ABYMES Représenté par Me Karine

LINON, (TOQUE 9), avocat au barreau de GUADELOUPE

INTIMÉES
L'A. G. S. Immeuble Euryd...

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRET No 381 DU DIX HUIT NOVEMBRE DEUX MILLE TREIZE

AFFAIRE No : 10/ 00274
Décision déférée à la Cour : jugement du Conseil de Prud'hommes POINTE A PITRE du 10 décembre 2009- Section Commerce.
APPELANTS
Maître Marie Agnès X... es qualité de mandataire liquidateur de la Société SYNAXIS PARTNER SAS, dont le siège social est ...à BAIE MAHAULT ......97190 LE GOSIER Représentée par Me Thierry AMOURET, (TOQUE 3), avocat au barreau de GUADELOUPE

Monsieur Pascal Y......... 97139 ABYMES Représenté par Me Karine LINON, (TOQUE 9), avocat au barreau de GUADELOUPE

INTIMÉES
L'A. G. S. Immeuble Eurydice-Route de Pointe Sables Centre DILLON VALMENIERE 97200 FORT DE FRANCE (MARTINIQUE) Représentées par Me Isabelle WERTER-FILLOIS, (TOQUE 8), avocat au barreau de GUADELOUPE

SA ORANGE CARAIBES ...94110 ARCUEIL Représentée par Me Gwendalina MAKDISSI, (TOQUE53), avocat au barreau de GUADELOUPE-Représentante de Me BENSOUSSAN, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 07 Octobre 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, Mme Marie-Josée BOLNET, conseillère, Mme Françoise GAUDIN, Conseillère. qui en ont délibéré.

Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 18 NOVEMBRE 2013
GREFFIER Lors des débats Mme Juliette GERAN, Adjointe Administrative Principale, fft de greffière, serment préalablement prêté.
ARRET :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, et par Madame Marie-Luce KOUAME, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

Faits et procédures :

M. Y...a été embauché en qualité de technicien informatique par la Société SYNAXIS PARTNER le 12 avril 2002.
La Société SYNAXIS PARTNER affectait M. Y...à la Société ORANGE CARAÏBES aux fins d'assurer des opérations techniques sur le logiciel et le réseau informatique utilisés par cette dernière société, outre une assistance technique informatique et un développement d'applications informatiques.
À compter de janvier 2007, la Société ORANGE CARAÏBES décidait de mettre fin aux prestations assurées par la Société SYNAXIS PARTNER.
Par courrier du 12 mars 2007, la Société SYNAXIS PARTNER notifiait à M. Y...son licenciement pour motif économique.
La Société SYNAXIS PARTNER faisait l'objet d'un jugement en date du 21 août 2007 du Tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre, prononçant l'ouverture d'une liquidation judiciaire.
Le 31 mars 2008, M. Y...saisissait le Conseil de Prud'hommes de Pointe-à-Pitre afin de contester son licenciement.
Par jugement du 10 décembre 2009 la juridiction prud'homale disait que le licenciement pour motif économique était sans cause réelle et sérieuse et condamnait la Société SYNAXIS PARTNER ainsi que Maître Marie-Agnès X..., liquidateur judiciaire, à payer à M. Y...la somme de 13 140 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et celle de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 14 janvier 2010, M. Y...interjetait appel de cette décision.
Par déclaration du 15 janvier 2010, Maître Marie-Agnès X..., ès qualités de mandataire liquidateur de la Société SYNAXIS PARTNER, interjetait également appel de cette décision.
Les deux instances d'appel étaient jointes.
Par acte huissier en date du 23 janvier 2012, M. Y...assignait en intervention forcée la Société ORANGE CARAÏBES aux fins de voir ordonner sa réintégration au sein de ladite société et obtenir paiement par celle-ci d'un rappel de salaire et indemnisation du préjudice moral, en faisant état d'un jugement du 10 août 2010 confirmé par la cour d'appel de Basse-Terre le 13 septembre 2011, par lequel la Société ORANGE CARAÏBES était reconnue coupable du délit de marchandage, de prêt illicite de main-d'oeuvre et de travail dissimulé, faisant valoir que la Société ORANGE CARAÏBES était considérée comme étant son employeur.
****
Par conclusions notifiées aux parties adverses le 18 juin 2013, auxquelles il était fait référence lors de l'audience des débats, M. Y...soulève l'irrecevabilité de l'appel interjeté par le mandataire liquidateur de la Société SYNAXIS PARTNER.
À titre subsidiaire il entend voir juger que l'obligation de reclassement n'a pas été respectée par l'employeur et que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse.
Il sollicite la condamnation de la Société SYNAXIS PARTNER représentée par son mandataire liquidateur, à lui payer la somme de 26 280 euros à titre de licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Entendant voir déclarer recevable l'intervention forcée de la Société ORANGE CARAÏBES, M. Y...demande que soit ordonnée sa réintégration au sein de cette société, et que celle-ci soit condamnée à lui payer la somme de 363 921, 90 euro à titre de rappel de salaire, de diverses primes, et préjudice moral de 2002 à janvier 2012.
Il sollicite enfin la condamnation de la Société SYNAXIS PARTNER et de la Société ORANGE CARAÏBES à lui payer la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
****
Par conclusions notifiées aux parties adverses le 20 avril 2012, auxquelles il a été fait référence à l'audience des débats, la Société SYNAXIS PARTNER représentée par son liquidateur sollicite l'infirmation en toutes ses dispositions du jugement déféré et sollicite paiement de la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
En ce qui concerne l'irrecevabilité de son appel, elle indique que s'agissant d'une procédure sans représentation obligatoire, elle peut former un appel incident à l'audience des débats, ce qu'elle fait en confirmant verbalement à cette audience les conclusions écrites qu'elle a prises.
Répondant à l'argumentation de M. Y...lui reprochant l'absence de proposition de reclassement, la Société SYNAXIS PARTNER explique qu'elle n'appartenait pas à un groupe de sociétés et qu'elle ne pouvait donc rechercher des solutions de reclassement qu'en son sein ; ayant été privé de moyens de poursuivre son activité, à la suite de la rupture brutale du bénéfice du contrat qui la liait à ORANGE CARAÏBES, elle ne pouvait pas disposer de la moindre possibilité de reclassement.
****
Par conclusions notifiées aux parties adverses le 16 novembre 2012, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, la Société ORANGE CARAÏBES entend voir déclarer irrecevable la procédure d'intervention forcée initiée par M. Y.... Elle invoque à l'appui de cette fin de non-recevoir, à la fois les dispositions de l'article 555 du code de procédure civile, et le principe « una via electa » tiré des dispositions de l'article 5 du code de procédure pénale.
Sur le fond la Société ORANGE CARAÏBES conclut au rejet de toutes les demandes de M. Y..., en faisant valoir qu'elle n'avait pas la qualité d'employeur à son égard.
À titre subsidiaire elle invoque la prescription des demandes portant sur la période antérieure au 23 janvier 2007, et le caractère erroné, non précis et non vérifiable des demandes non prescrites. Elle entend voir enjoindre M. Y...de justifier ses demandes pécuniaires.
Elle réclame paiement de la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
**** Par conclusions notifiées aux parties adverses le 9 septembre 2011, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, l'AGS sollicite la réformation du jugement entrepris et fait valoir que l'employeur, la Société SYNEXIS PARTNER aurait tenté un reclassement de M. Y...conformément aux directives de l'inspection du travail, et que c'est l'entreprise ORANGE qui a purement et simplement refusé ledit reclassement.

L'AGS demande qu'il soit jugé que l'indemnité prévue par l'article 700 du code de procédure civile ne rentre pas dans le cadre de sa garantie, qu'aucune condamnation directe ne saurait intervenir à son encontre, et qu'elle peut tout au plus être amenée à prendre en charge les créances éventuellement fixées et ce dans les limites de sa garantie.
**** Motifs de la décision :

Sur l'irrecevabilité de l'appel interjeté par le liquidateur de la Société SYNAXIS PARTNER :
Le liquidateur de la Société SYNAXIS PARTNER a formé appel le 15 janvier 2010 auprès du greffe de la cour d'appel, du jugement du 10 décembre 2009 du Conseil de Prud'hommes de Pointe-à-Pitre, lequel lui avait été notifié le 14 décembre 2009 comme le montre la mention manuscrite figurant sur l'avis de réception signé par le liquidateur.
Il y a lieu de constater que cet appel principal du liquidateur a été formé le lendemain du jour de l'expiration du délai d'un mois prescrit par l'article R 1461-1 du code du travail.
En conséquence l'appel principal du liquidateur doit être déclaré irrecevable.
Cependant, compte tenu de la recevabilité de l'appel du salarié, le liquidateur a pu valablement former appel incident jusqu'à l'audience des débats, s'agissant d'une procédure non soumise aux dispositions de l'article 909 du code de procédure civile. Les demandes et moyens du liquidateur tendant à la réformation du jugement déféré sont donc recevables.
Sur la recevabilité de l'intervention forcée de la Société ORANGE CARAÏBES :
Il résulte des dispositions des articles 554 et 555 du code de procédure civile, que les personnes qui n'ont été ni parties, ni représentées en première instance peuvent être appelées devant la cour, même aux fins de condamnation, quand l'évolution du litige implique leur mise en cause.
Il y a lieu tout d'abord d'observer que si M. Y..., dans son acte introductif d'instance devant la juridiction prud'homale, fait état, comme le relève la Société ORANGE CARAÏBES dans son argumentation, du fait que les médias se soient " emparés des dysfonctionnements sur le plan du droit du travail dans les relations entre ORANGE CARAÏBES et la Société SYNAXIS PARTNER ", et qu'à la suite des visites de l'inspection du travail et les échos de la presse régionale, ORANGE CARAÏBES a mis fin " à son partenariat avec SYNAXIS PARTNER en février 2007, mettant fin " ipso facto " à environ plus de 90 % du chiffre d'affaires de cette dernière qui a travaillé quasiment en situation de mono clientèle, affectant ses salariés en régie au sein d'ORANGE CARAÏBES dont elle est totalement dépendante ", le rappel de cette situation ne fait pas référence à la qualité d'employeur de la Société ORANGE CARAÏBES dans le cadre d'une activité de travail dissimulé.
Il y a lieu de constater que ce n'est que postérieurement au jugement du 10 décembre 2009 du conseil de prud'hommes, que le rôle de la Société ORANGE CARAÏBES dans l'utilisation des prestations salariées du personnel de SYNEXIS PARTNER a été démontré, dans le cadre de l'instance pénale qui a donné lieu à des débats le 25 mai 2010 et à un jugement en date du 10 août 2010, cette décision, confirmée par un arrêt d'appel du 13 septembre 2011, reconnaissant la Société ORANGE CARAÏBES comme s'étant livrée aux faits de nature délictuelle dont elle a été reconnue coupable, pour travail dissimulé, participation aux opérations de prêt illicite de main-d'oeuvre et de marchandage.
La responsabilité de la Société ORANGE CARAÏBES, notamment en ce qui concerne les faits de travail dissimulé, et donc sa qualité d'employeur de M. Y...n'a été établie que par les décisions pénales suscitées.
Ces faits n'ont été établis qu'à la suite d'un processus d'enquête qui a débuté par un contrôle effectué le 27 octobre 2005 et un procès-verbal établi le 24 avril 2006 par un contrôleur du travail, et qui a été poursuivi par une enquête réalisée par la brigade territoriale de gendarmerie de Baie Mahault sur instructions du Procureur de la République du 9 octobre 2006, cette enquête s'étant déroulée entre le 17 novembre 2006 et le 15 juin 2007.
Sur poursuites du Ministère Public, M. Y...s'est constitué partie civile à l'audience du 25 mai 2010 du tribunal correctionnel de Pointe-à-Pitre.
Ainsi M. Y...n'a pu connaître l'ensemble des éléments de la poursuite pénale que dans le cadre de l'instance dont était saisi le tribunal correctionnel, il n'a pu voir établie la responsabilité de la Société ORANGE CARAÏBES que lors du prononcé de la condamnation de celle-ci le 10 août 2010.
Cette condamnation constitue une évolution du litige portant sur le licenciement de M. Y..., justifiant la mise en cause, au cours de la présente instance d'appel de la Société ORANGE CARAÏBES.
En conséquence la fin de non recevoir soulevée par le Société ORANGE CARAÏBES sur le fondement des dispositions des articles 554 et 555 du code de procédure civile doit être rejetée.
Sur la fin de non-recevoir tirée des dispositions de l'article 5 du code de procédure pénale et du principe " una via electa " :
Selon cet article la partie qui a exercé son action devant la juridiction civile compétente ne peut la porter devant la juridiction répressive. Il n'en

est autrement que si celle-ci a été saisie par le ministère public avant qu'un jugement sur le fond ait été rendu par la juridiction civile.

Il y a lieu de constater que M. Y...a saisi le Conseil de Prud'hommes antérieurement à sa constitution de partie civile à l'audience du 25 mai 2010 du tribunal correctionnel de Pointe-à-Pitre, que l'irrecevabilité tirée de l'article 5 du code de procédure pénale devait être soulevée devant la juridiction répressive, et que la saisine de celle-ci n'a pu avoir d'incidence sur l'instance prud'homale, le Conseil de Prud'hommes de Pointe-à-Pitre ayant été dessaisi par l'effet du jugement qu'il a rendu le 10 décembre 2009.
En ce qui concerne la présente instance d'appel, le principe « una via electa » s'oppose à ce que M. Y...puisse obtenir à l'encontre de la Société ORANGE CARAÏBES, une indemnisation des préjudices résultant des infractions pénales poursuivies à l'encontre de ladite société.
Il résulte de l'arrêt du 5 février 2013 de la Chambre criminelle de la Cour de Cassation, que la condamnation pénale de la Société ORANGE CARAÏBES des chefs de marchandage, prêt illicite de main-d'oeuvre et travail dissimulé, est définitive, mais que les dispositions relatives à l'action civile ont été annulées au motif que M. Y...ne pouvait être indemnisé que du seul préjudice résultant directement des infractions retenues durant la période visée à la prévention, soit de 2002 à 2005.
Il s'en déduit que les demandes formées, dans le cadre de la présente instance d'appel, par M. Y..., à l'encontre de la Société ORANGE CARAÏBES, sont recevables dans la mesure où elles ne concernent pas l'indemnisation du préjudice résultant des infractions retenues durant la période 2002 à 2005.

Sur la qualité d'employeur de la Société ORANGE CARAÏBES :

En application du principe de l'autorité de la chose jugée au pénal, la condamnation de la Société ORANGE CARAÏBES sur l'action publique des chefs de marchandage, prêt illicite de main-d'oeuvre et travail dissimulé implique que cette société s'est vue reconnaître la qualité d'employeur de M. Y....
La seule infraction de travail dissimulé implique nécessairement que la Société ORANGE CARAÏBES a failli à ses obligations d'employeur à l'égard de M. Y..., la juridiction pénale ayant retenu dans son jugement du 10 août 2010 que :
« Orange Caraïbes étant l'employeur par personne interposée des salariés de son sous-traitant Synaxis, le délit, dès lors, de travail dissimulé se trouve établi à l'encontre d'Orange au regard des conditions réelles d'emploi, de recrutement de ces prétendus salariés de Synaxis dans la mesure où ce ne sont pas les apparences formelles qui déterminent le statut véritable des travailleurs. Et ce, alors que les dispositions du droit du travail et de la sécurité sociale ont un caractère d'ordre public qui s'oppose à toute volonté de se soustraire par des moyens artificiels visant à éluder les règles fondamentales de la protection sociale des travailleurs.

Cette fraude sophistiquée a permis à Orange d'utiliser une main-d'oeuvre bon marché, qui plus est sans avoir à en subir les contraintes. La requalification de cette relation commerciale de sous-traitance en relation de salariat permet de considérer le bénéficiaire de la prestation comme l'employeur de ceux qui l'ont exécutée, avec toutes les conséquences qui en découlent...................................................................................................................... Enfin, il a été établi que le lien de subordination juridique unissant les salariés de Synaxis à leur entreprise a été totalement transféré sur l'utilisateur à savoir Orange. »

Ainsi M. Y...est fondé à se prévaloir d'une relation de travail salarié avec la Société ORANGE CARAÏBES.
Sur la demande de réintégration au sein de la Société ORANGE CARAÏBES :
La relation de travail salarié entre M. Y...et la Société ORANGE CARAÏBES, ayant été rompue de fait par cette dernière, laquelle a accepté de poursuivre une telle relation de travail avec certains membres du personnel de la Société SYNAXIS PARTNER mais a refusé de poursuivre ladite relation avec M. Y..., la rupture de la relation travail de celui-ci s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Si M. Y...a, en vertu des dispositions de l'article L. 1235-3 alinéa 1 du code du travail, la possibilité de solliciter sa réintégration au sein de la Société ORANGE CARAÏBES, il résulte des écritures et de la position adoptée par cette société, qu'elle s'oppose à cette réintégration. M. Y...ne justifiant bénéficier d'aucune protection lui permettant d'obtenir sa réintégration de plein droit, il ne peut être fait droit à ce chef de demande.

Sur l'indemnisation du préjudice résultant de la rupture du contrat de travail :

Du fait de l'opposition de la Société ORANGE CARAÏBES à la réintégration de M. Y..., les dispositions de l'article L. 1235-3 alinéa 2 du même code trouvent à s'appliquer. En conséquence il y a lieu d'inviter M. Y...à présenter le cas échéant, à l'encontre de la Société ORANGE CARAÏBES, ses prétentions au titre de l'article L. 1235-3 alinéa 2 du même code.
L'analyse des relations commerciales entre SYNAXIS PARTNER et ORANGE CARAÏBES, telles qu'elles ressortent des constatations effectuées par le contrôleur du travail (figurant en pièce no 16 de M. Y...), montre que le contrat de prestations de service passé entre les deux entités, est un montage juridique et commercial mis en place de manière délibérée permettant notamment de ne pas avoir à supporter les obligations sociales et fiscales, et en éludant les lois et règlements, conventions et accords collectifs qui en découlent.
On relèvera par exemple que M. Patrick Z...est à la fois décideur et prescripteur, en sa qualité de directeur des systèmes d'information d'ORANGE CARAÏBES, et fournisseur en tant que gérant du groupe NT GROUP et actionnaire de SYNAXIS PARTNER.
Ainsi il peut être valablement reproché à SYNAXIS PARTNER, une absence de recherche de reclassement de ses salariés licenciés, auprès d'ORANGE CARAÏBES, les deux entités devant être considérées comme ayant des liens de " groupe " au sens de l'article L 1233-4 du code du travail, étant relevé qu'il n'est pas démontré que le poste occupé par M. Y...au sein de la Société ORANGE CARAÏBES ait été supprimé

Il y a lieu de relever que les lettres des 24 et 31 août 2007 adressées par le liquidateur de la Société SYNEXIS PARTNER à diverses entreprises dont la Société ORANGE CARAÏBES, aux fins de recherche d'une perspective de reclassement du salarié, sont bien postérieures au licenciement.

En outre la Société SYNAXIS PARTNER ayant été le fournisseur de la main-d'oeuvre prêtée de façon illicite à la Société ORANGE CARAÏBES, et ayant permis de ce fait le travail dissimulé pour lequel cette dernière a été condamnée pénalement, est co-responsable de l'illicéité des conditions juridiques dans lesquelles M. Y...a été employé. Cette illécéité a été la cause de la cessation de son emploi. En conséquence le licenciement pour motif économique initié par la Société SYNAXIS PARTNER doit être considéré comme étant sans cause réelle et sérieuse.
Il sera cependant sursis à statuer sur la demande de M. Y...dirigée contre la Société SYNAXIS PARTNER aux fins d'indemnisation de son licenciement sans cause réelle et sérieuse, en l'attente des conclusions de M. Y...sur l'application des dispositions de l'article L. 1235-3 alinéa 2 du code du travail à l'égard de la Société ORANGE CARAÏBES, les deux co-employeurs pouvant être tenus in solidum à indemniser M. Y...des conséquences de la rupture de son contrat travail.

Sur la demande de rappel de rémunération de M. Y...:

Dans le cadre de l'instance pénale dirigée contre la Société ORANGE CARAÏBES, devant la Cour d'Appel de Fort de France en qualité de cour de renvoi, M. Y..., en qualité de partie civile, a sollicité, par voie de conclusions en date du 4 septembre 2013, paiement par la Société ORANGE CARAÏBES, des sommes suivantes :
- pour l'année 2002, la somme de 4 921, 64 euros, y compris le 13 ème mois,- pour l'année 2003, la somme de 2 912, 61 euros, y compris le 13 ème mois,- pour l'année 2004, la somme de 2 490, 13 euros, y compris le 13 ème mois,- pour l'année 2005, la somme de 5 759, 39 euros, y compris le 13 ème mois,- pour les congés payés au titre des années 2002 à 2005 la somme de 6 441, 62 euros,- pour les primes et autres avantages des années 2002 à 2005, la somme de 154 550, 76 euros,- pour les années 2006 et 2007, la somme de 97 057, 96 au titre des rappels de salaires, primes et autres avantages.

Les demandes d'indemnisation formées par M. Y...devant la juridiction pénale au titre des rappels de salaire, de congés payés, primes, avantages et autres préjudices, ne sont recevables que dans les limites de la prévention qui couvre seulement la période 2002 à 2005, comme l'a d'ailleurs fait remarquer la chambre criminelle de la Cour de Cassation dans son arrêt en date du 5 février 2013.
Le principe « una via electa » s'oppose à ce que M. Y...puisse demander les mêmes indemnisations pour la période considérée devant la chambre sociale de la cour d'appel de Basse-Terre. En conséquence seules les demandes d'indemnisation pour perte de rémunération et avantages divers, subie à compter du 1er janvier 2006 sont recevables devant ladite chambre sociale.
Contrairement à ce que soutient M. Y...en réponse à la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par la Société ORANGE CARAÏBES, le délai quinquennal était applicable aux demandes de paiement de salaire avant la loi du17 juin 2008.
Certes la demande en paiement de rappel de salaire et avantages divers a été formée par M. Y...à l'encontre de la Société ORANGE CARAÏBES par acte huissier en date du 23 janvier 2012, mais le délai de prescription d'une créance de rémunération court à compter de la date à laquelle le salarié a connaissance des éléments ouvrant droit à une rémunération. Ainsi le délai de prescription de l'action en paiement des salaires a commencé à courir à compter du 10 août 2010, date du jugement par lequel le tribunal correctionnel de Pointe-à-Pitre a condamné la Société ORANGE CARAÏBES pour des faits de marchandage, prêt illicite de main-d'oeuvre et travail dissimulé, établissant ainsi la qualité d'employeur de cette société.
En conséquence les demandes formées par M. Y...par l'acte d'assignation en intervention forcée du 23 janvier 2012 à l'encontre de la Société ORANGE CARAÏBES, ne sont pas atteintes par la prescription.
Toutefois ces demandes de rappel de rémunération ne peuvent prospérer que pour la période antérieure au 21 mai 2007, date de la fin du préavis de M. Y...faisant suite à la rupture de la relation de travail avec ses co-employeurs, la Société SYNAXIS PARTNER et la Société ORANGE CARAÏBES.
A l'appui de ses revendications salariales, M. Y...se réfère à un salaire qu'il aurait perçu au sein de l'entreprise ORANGE, sans toutefois préciser la catégorie professionnelle et la classification telle que prévue dans les accords d'entreprise, auxquels il se réfère.
Selon le contrat de travail produit aux débats par M. Y..., et la mention figurant sur ses bulletins de salaire, celui-ci occupait un emploi de " technicien informatique ".
Il résulte de l'annexe IV de la convention collective nationale des télécomunications du 26 avril 2000, que l'emploi occupé par M. Y...lui permet d'être classé dans le groupe " C ", le groupe " D " étant réservé aux administrateurs de base de données, administrateurs réseaux etc...
M. Y...ayant en 2006 plus de deux ans d'ancienneté, il pouvait prétendre au seuil 1 bis du groupe " C ", selon l'accord d'entreprise du 7 avril 2004.
Ainsi il résulte des accords d'entreprise du 7avril 2004, du 8 décembre 2005 et du 29 novembre 2006, que M. Y...pouvait prétendre, compte tenu de sa catégorie d'emploi, aux salaires suivants au sein de l'entreprise Orange :- au titre de l'année 2006, un salaire annuel de 23 649, 77 euros y compris une prime exceptionnel de 1 650 euros, outre un treizième mois de 2 190 euros, soit au total la somme de 25 839, 77 euros,- au tire de la période du 1er janvier 2007 au 21 mai 2007, un salaire de 10 585, 54 euros y compris une prime exceptionnelle de 1 500 euros, outre un treizième mois calculé prorata temporis à hauteur de 870 euros, soit au total la somme de 11 455, 54 euros,

Les salaires perçus de la part de la Société SYNAXIS PARTNER par M. Y...sont les suivants :- au titre de l'année 2006, la somme de 27 979, 82 euros,- au titre de la période du 1er janvier 2007 au 21 mai 2007, un salaire de 10 287, 67 euros,

En conséquence M. Y...est en droit de réclamer un complément de rémunération de 1 167, 87 euros au titre de l'année 2007.
En ce qui concerne les primes d'intéressement, les dispositions de l'accord du 12 juin 2006 prises en la matière montrent que certains paramètres de calcul, tels la Réserve Globale d'Intéressement, le rapport entre le temps de présence du bénéficiaire et le temps de présence de tous les bénéficiaires, ainsi que le rapport entre la masse salariale individuelle annuelle du bénéficiaire et la masse salariale totale de l'ensemble des bénéficiaires, ne peuvent être fournis que par la Société ORANGE CARAÏBES. Il y a donc lieu de surseoir à statuer sur ce chef de demande et d'enjoindre à ladite société de fournir une fiche de calcul pour l'année 2006 et pour la période du 1er janvier 2007 au 21 mai 2007, date de fin du préavis, et d'y joindre à titre de comparaison les fiches de calcul établies pour un de ses salariés de la même catégorie que M. Y...pour les années 2006 et 2007.
En ce qui concerne les demandes de M. Y..., portant sur « autres avantages CE » et « Formations », il y a lieu d'inviter le salarié à en préciser la nature et à en justifier les montants.

Par ces motifs,

La cour, statuant publiquement, par arrêt mixte, contradictoire, et en dernier ressort,
Déclare recevable l'appel interjeté par M. Y...,
Déclare irrecevable l'appel principal interjeté le 15 janvier 2010 par Me Marie-Agnès X..., ès qualités de mandataire liquidateur de la Société SYNAXIS PARTNER,
Déclare recevable son appel incident formé par voie de conclusions à l'audience des débats du 7 octobre 2013,
Déclare recevable l'intervention forcée par voie d'assignation de la Société ORANGE CARAÏBES,
Déclare irrecevables les demandes de rappel de rémunération présentées par M. Y...à l'encontre de la Société ORANGE CARAÏBES pour la période antérieure à l'année 2006,
Dit que la Société ORANGE CARAÏBES avait, avec la Société SYNAXIS PARTNER, la qualité de co-employeur de M. Y...,
Condamne la Société ORANGE CARAÏBES à payer à M. Y...la somme de 1 167, 87 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 1er janvier 2007 au 21 mai 2007,
Déboute M. Y...de sa demande de réintégration au sein de la Société ORANGE CARAÏBES,
Sursoit à statuer sur les autres demandes de M. Y...,
Enjoint à la Société ORANGE CARAÏBES de produire une fiche de calcul pour l'année 2006 et pour la période du 1er janvier 2007 au 21 mai 2007, en faisant figurer les paramètres chiffrés nécessaires à la détermination des primes d'intéressement, et d'y joindre, à titre de comparaison, les fiches de calcul établies pour un de ses salariés de la même catégorie que M. Y...pour les années 2006 et 2007,
Invite M. Y...à faire part de ses observations sur l'application des dispositions de l'article L. 1235-3 alinéa 2 du code du travail à l'égard de la Société ORANGE CARAÏBES, et à préciser la nature des « autres avantages CE » et « Formations » dont il demande paiement, et à en justifier le montant,
Renvoie l'examen de l'affaire à l'audience du :
7 avril 2014 à 14 heures 30
Réserve toute autre prétention et tout autre moyen des parties ainsi que les dépens.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10/00274
Date de la décision : 18/11/2013
Sens de l'arrêt : Sursis à statuer
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2013-11-18;10.00274 ?
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