La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

01/07/2013 | FRANCE | N°11/01108

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, Chambre sociale, 01 juillet 2013, 11/01108


MJB-JG
COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRET No 250 DU UN JUILLET DEUX MILLE TREIZE

AFFAIRE No : 11/ 01108
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de BASSE-TERRE du 16 décembre 2010, section commerce.
APPELANTE
LA CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE GUADELOUPE Petit Pérou 97142 ABYMES Représentée par Me Cécile TACCHELA de la SELARL CAPSTAN LMS, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE
Madame Y...-X......97130 CAPESTERRE BELLE EAU Représentée par Me EZELIN de la SCP EZELIN-DIONE (TOQUE 96) avocat au bar

reau de GUADELOUPE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'artic...

MJB-JG
COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRET No 250 DU UN JUILLET DEUX MILLE TREIZE

AFFAIRE No : 11/ 01108
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de BASSE-TERRE du 16 décembre 2010, section commerce.
APPELANTE
LA CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE GUADELOUPE Petit Pérou 97142 ABYMES Représentée par Me Cécile TACCHELA de la SELARL CAPSTAN LMS, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE
Madame Y...-X......97130 CAPESTERRE BELLE EAU Représentée par Me EZELIN de la SCP EZELIN-DIONE (TOQUE 96) avocat au barreau de GUADELOUPE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 décembre 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Marie-Josée BOLNET, conseillère, chargée d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, Mme Marie-Josée BOLNET, Conseillère, M. Jean DE ROMANS, Conseiller.

Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 18 février 2013 puis le délibéré a été successivement prorogé jusqu'au 01 juillet 2013
GREFFIER Lors des débats Mme Juliette GERAN, Adjointe Administrative Principale, fft de greffière, serment préalablement prêté.
ARRET :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, et par Mme Juliette GERAN, Adjointe Administrative Principale, fft de greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Embauchée le 1er février 2001 par la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de la Guadeloupe par contrat à durée déterminée, Mme Paola Y...-X...a bénéficié du renouvellement de cette embauche sous la forme d'un contrat à durée indéterminée à compter du 1er janvier 2002 pour exercer le métier d'assistante de clientèle au sein de l'agence située dans la commune du Lamentin en Guadeloupe.
Le dernier poste occupé par celle-ci est celui de conseiller de clientèle particulier niveau E classe 2 à l'agence de Milénis, selon les dispositions de la convention collective nationale du Crédit Agricole.
Le 4 juillet 2007, Mme Paola Y...-X...adressait à son employeur une lettre de démission.
Le 11 juillet suivant, la Direction des Ressources Humaines prenait acte de cette démission.
Le 18 juillet, Mme Paola Y...-X...est revenu sur sa décision, se disant victime de harcèlement de la part de son responsable hiérarchique direct et arguant avoir agi sous la contrainte exercée par celle-ci.
Considérant que sa salariée a démissionné, l'employeur a fixé le terme du contrat de travail au 3 août 2007.
Mme Y...-X...était dispensée de préavis à compter du 30 juillet et a reçu ses documents de fin de contrat.
Le 1er avril 2008, celle-ci saisissait le conseil de prud'hommes de Basse-Terre aux fins de voir ordonner sa réintégration et condamner la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de la Guadeloupe au paiement de diverses sommes.
Par jugement du 16 décembre 2010, la juridiction prud'homale a jugé que la rupture du contrat de travail de l'intéressée s'analyse comme un licenciement abusif, a condamné la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de la Guadeloupe au paiement de diverses sommes au titre de l'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement (2 254, 43 euros), de l'indemnité de congés payés (673, 32 euros), de l'indemnité de préavis (6 763, 29 euros), à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif (81 159, 48 euros) et pour préjudice moral (10 000 euros) et sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile (1 500 euros).
Elle a débouté la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de la Guadeloupe de ses demandes reconventionnelles, a ordonné l'exécution provisoire, a dit que la moyenne des trois derniers mois s'élève à la somme brute de 2 254, 43 euros et a condamné l'employeur aux dépens.
Par déclaration enregistrée le 26 juillet 2011, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de la Guadeloupe a relevé appel de cette décision.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions en réplique et récapitulatives remises à l'audience des plaidoiries du 17 décembre 2012 auxquelles la cour se réfère, et reprises oralement à cette audience, la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de la Guadeloupe, représentée, demande à la cour de :

In limine litis,- constater que l'erreur matérielle relevée, dans la déclaration d'appel concernant la dénomination du conseil de prud'hommes ayant rendu la décision querellée, n'emporte pas nullité de la déclaration d'appel,- déclarer en conséquence recevable son appel, A titre principal,- déclarer bien fondées ses conclusions,- dire et juger que la démission de Mme Y...-X...est libre, claire et non équivoque,- dire et juger que l'action en requalification de cette décision en licenciement sans cause réelle et sérieuse plus de neuf mois après sa manifestation est tardive,- dire et juger que le consentement de Mme Y...-X...n'a pas été vicié,- dire et juger que la situation de harcèlement moral alléguée par l'intéressée ne se justifie ni en droit, ni en fait,- dire et juger que celle-ci doit supporter les conséquences de sa démission,- infirmer en conséquence en toutes ses dispositions le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Basse-Terre le 16 décembre 2010,- condamner Mme Y...-X...à lui payer la somme de 3 000 euros ainsi qu'aux dépens. A titre subsidiaire,- rapporter le montant des dommages et intérêts alloués en raison de la requalification de la démission en licenciement abusif à hauteur de six mois de salaire à défaut de démonstration de tout préjudice de rupture, soit la somme de 18 144, 06 euros,- dire et juger qu'aucun préjudice distinct n'est démontré,- dire et juger que l'allocation de dommages et intérêts pour irrégularité de procédure n'est pas fondée,- réformer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à verser à Mme Y...-X...la somme de 2 254, 46 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement.

Elle fait d'abord valoir que sa déclaration d'appel, frappée d'une simple erreur matérielle, est parfaitement recevable au regard des disposions des articles 933 et 58 du code de procédure civile, de l'article R. 1451-1 du code du travail et de la jurisprudence de la chambre sociale sur ce point (cass. soc du 31 octobre 2006. Cass. soc du 19 juin 2007. Cass. soc du 11 mars 2008), Mme Y...-X...n'ayant été empêchée de conclure au fond.
Elle soutient ensuite que la démission de Mme Y...-X...du 4 juillet 2007 est une démission claire et non équivoque conforme aux critères fixés par la chambre sociale de la cour de cassation dans ses quatre arrêts du 9 mai 2007, à savoir :- le respect d'un délai raisonnable permettant de remettre en cause la manifestation claire et non équivoque de démissionner,- les circonstances invoquées par le salarié pour faire requalifier la démission doivent être antérieures ou contemporaines de la démission,- les circonstances ayant précédé la démission doivent objectivement être d'une gravité telle qu'elles démontrent que la rupture du contrat est le résultat du comportement de l'employeur obligeant le salarié à prendre l'initiative de la rupture ; qu'en l'espèce, Mme Y...-X...a démissionné de ses fonctions par lettre du 4 juillet 2007 et n'a saisi le conseil de prud'hommes que le 1er avril 2008, soit 9 mois plus tard ; que ses courriers de rétractation des 18 et 27 juillet 2007 ne sauraient justifier de la tardiveté de son action car elle était informée dès le 30 juillet 2007 par l'employeur qu'il n'entendait pas accepté sa rétractation ; que de plus, force est de constater qu'au moment de sa démission, elle disposait de l'ensemble de ses facultés puisqu'elle demandait à user de son préavis de démission pour rechercher un emploi et qu'elle était en mesure de solliciter des attestations pour étayer son dossier en juin et juillet 2007 ; que la Cour relèvera les contradictions de l'intéressée qui déclare avoir été hospitalisée trois mois après sa démission, c'est à dire en octobre 2007, cette circonstance ne l'empêchant pas de saisir la formation de référé le 8 octobre 2007 comme elle le mentionne dans ses écritures ; que curieusement, pour cette procédure, Mme Y...-X...n'a rencontré aucune difficulté pour se procurer des pièces.

Elle rappelle que la démission entraîne la rupture automatique et définitive du contrat de travail ; que sa prise d'effet est retardée à la fin du préavis de démission ; qu'elle n'est point soumise à l'acceptation de l'employeur ; que dès lors que la volonté de démissionner est clairement établie, la seule rétractation du salarié est sans effet sur la rupture du contrat, même si elle eu lieu dans un bref délai ; que cette règle constitue le droit positif applicable en l'espèce, contrairement à ce que prétend l'intimée ; qu'en effet, la démission claire et non équivoque de celle-ci est intervenue le 4 juillet 2007 et a été réceptionnée le 6 juillet 2007 ; qu'à compter de cette date, Mme Y...-X...ne pouvait plus rétracter librement sa démission sans l'acceptation de son employeur ; que l'employeur en a pris acte par courrier du 11 juillet 2007, sans que cette prise d'acte puisse interférer sur le principe de la rupture ; que Mme Y...-X...a cru devoir se rétracter le 18 juillet 2007 en se prévalant pour la première fois depuis son embauche de sa position de victime de harcèlement moral ; que cette rétraction est donc sans effet depuis le 11 juillet, date du traitement de la démission par les services des ressources humaines, même si ces services accusaient réception de cette rétraction le 27 juillet 2007 alors que ceux-ci n'étaient pas tenus de le faire.

Elle fait observer à la cour qu'après avoir librement démissionné, Mme Y...-X..., demandait, non sans audace, à être licenciée à l'amiable ; qu'à l'instar de sa lettre de démission, ses écritures sont sans équivoque : " Je suis une personne discrète à la Caisse et je ne vous connais même pas. Par contre, je connais mes droits et je compte bien les faire valoir. Alors pour éviter tout conflit et ternir une fois de plus l'image de votre entreprise, je vous propose un licenciement à l'amiable car sinon, je compte bien me défendre par le biais de l'UGTG, de mon avocat et des prud'hommes et de porter plainte contre ceux qui m'ont porté préjudice " ; que celle-ci ne peut duper la cour puisqu'elle s'absentait de son poste de travail pour effectuer ses recherches d'emploi (pièce no20), ce qui est la preuve que Mme Y...-X...voulait librement quitter la Caisse, sans toutefois en supporter les conséquences financières.
Elle soutient également que Mme Y...-X...n'a été victime d'aucun fait de harcèlement au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail ; qu'eu égard aux dispositions de cet article, elle ne rapporte pas la preuve de faits précis, datés et concordants ; qu'elle se contente de déclarer qu'elle subissait des pressions et le harcèlement de sa hiérarchie ; que le médecin psychiatre de Mme Y...-X...ne peut affirmer que son état de santé est la conséquence directe et exclusive du harcèlement moral subi par sa hiérarchie alors qu'il n'a jamais été témoin de faits, et qu'il est tenu d'établir des constatations médicales et non de recueillir des déclarations et de les reprendre à son compte ; que la cour ne manquera pas de constater que le médecin généraliste, consulté au mois de juillet 2007, a simplement constaté un état dépressif, sans évoquer de lien avec le travail, et qu'aucune des prescriptions médicamenteuses n'est antérieure à la démission, alors que ces deux médecins auraient pu faire état d'un suivi médical préexistant à la démission ; qu'en outre, le certificat du docteur A...du 15 février 2007, non communiqué jusqu'à la procédure d'appel et tiré d'une autre procédure enregistrée dans les services de la gendarmerie nationale, ne fait pas davantage de lien entre l'état de santé de sa patiente et ses conditions de travail ; qu'il faut rappeler que seul le médecin du travail dispose de l'autorité pour établir le lien entre les conditions de travail et les affections du salarié ; que dans ces conditions, aucun lien de causalité certain et exclusif ne peut être retenu pour démontrer que la cause de la pathologie de Mme Y...-X...trouverait son origine dans l'exécution de son travail ; que de l'aveu de son propre époux, il est rapporté que ceux-ci étaient en procédure de divorce à cette même période ; que les deux attestations produites, celle de son époux et de son ex-belle-mère ne révèlent pas de faits auxquels ils ont directement assisté ; qu'enfin, les correspondances électroniques de sa supérieure hiérarchique ne font fait état d'aucun échange infamant ou vexatoire mais sont la réalité de manifestation du pouvoir de direction exercé sans abus à propos d'une réunion d'animation et de la prise de congés inopportune sans autorisation aux dates présentées ; que l'intervention des proches de la salariée (père) et le comportement de celle-ci (absences répétées et non justifiées-manque de respect vis à vis de sa hiérarchie), ont été dénoncés par ce chef de service comme inacceptables.
A titre subsidiaire, elle retient que le conseil de prud'hommes de Basse-Terre a fait droit à l'intégralité des demandes de Mme Y...-X...sans la moindre motivation concernant la réalité et l'étendue des préjudices allégués ; qu'à la lecture des pièces versées aux débats par l'intimée, il n'est rapporté la preuve d'aucun préjudice conformément aux dispositions des articles L. 1235-3 et L. 1235-5 du code du travail ; que cette personne n'a versé aucune pièce relative à sa situation d'emploi ou de non-emploi depuis la rupture du contrat de travail ; que l'attestation de non indemnisation par l'Assedic démontre qu'elle ne s'est pas inscrite auprès de Pôle Emploi ; que si la démission devait la priver de toute inscription, Mme Y...-X...ne prouve pas avoir recherché un emploi ; qu'il n'est pas davantage rapporté la preuve d'un préjudice moral personnel.
Par conclusions remises le 12 avril 2012 et développées à l'audience des plaidoiries, Mme Paola Y...-X..., représentée, demande à la cour de déclarer nulle et de nul effet la déclaration d'appel du 25 juillet 2011, de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et de condamner la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de la Guadeloupe au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Elle fait d'abord observer que la déclaration d'appel porte sur un jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre alors que le jugement qui intéresse les parties a été rendu par la juridiction prud'homale de Basse-Terre ; qu'ainsi, la déclaration d'appel doit être déclarée nulle.
Elle soutient qu'en 2006, elle est affectée à l'agence de Milénis car elle est un agent sérieux, donnant le meilleur d'elle-même, ponctuelle et efficace à son poste ; que sans qu'elle ne puisse en déterminer les raisons, elle va très vite subir des remarques déplacées sous forme de boutades sur ses goûts vestimentaires et sa présentation, lesquelles deviennent très vite des incivilités, des impolitesses et des attitudes irrespectueuses qui vont dégrader le climat et l'ambiance de travail rendant difficile la vie en commun ; qu'elle devient la personne à abattre, le souffre douleur d'une certaine hiérarchie ;

que par peur de représailles, elle se confie avant tout à ses parents, son père affolé par la dégradation de son état de santé, prend contact avec sa supérieure hiérarchique pour exprimer son inquiétude qui va être interprétée comme une pression ; que cet appel a été utilisé pour lui porter le coup de grâce puisque par la suite, le bonjour lui a été retiré.

Elle ajoute qu'elle vivait une situation de mal être à son travail, ponctuée d'un arrêt maladie de juin à juillet 2007 ; que le tableau clinique qui est décrit par les thérapeutes ainsi que l'hospitalisation en centre spécialisé démontrent l'importance de l'affection ; qu'il a fallu que le docteur B...praticien hospitalier public, intervienne pour décrire objectivement ses constatations révélant que son état de santé est la conséquence directe et exclusive du harcèlement moral ; que sa démission n'a pas été librement consentie compte tenu de son état psychologique fragile.
Elle précise que le harcèlement moral est caractérisé par l'impossibilité d'assurer des formations sans l'accord de son supérieur hiérarchique, une attitude irrespectueuse et un comportement de dictateur confirmés par les attestations versées aux débats.
Elle conclut que les sommes allouées sont justifiées car en raison de la rupture, elle ne pouvait recevoir le versement d'aucune prestation des Assedics et des conditions de vie auxquelles elle a dû faire face, sollicitant de son père une aide financière substantielle et de sa belle mère qu'elle retarde son départ pour prendre soin d'elle.

MOTIVATION

Sur la nullité de la déclaration d'appel :
Attendu que les irrégularités qui affectent les mentions de la déclaration d'appel constituent, en application de l'article 933 du code de procédure civile, des vices de forme qui ne peuvent entraîner la nullité que sur justification d'un grief ;
qu'en l'espèce, l'indication dans la déclaration d'appel que le jugement querellé est une décision de Pointe-à-Pitre alors qu'il a été joint à cette déclaration le jugement contesté rendu par le conseil de prud'hommes de Basse-Terre n'est qu'une simple erreur matérielle sans conséquence sur les droits en défense de la partie intimée qui a pu conclure au fond ;
qu'il y a lieu en conséquence de déclarer inopérant le moyen tiré la nullité et de rejeter la demande s'y rattachant.

Sur le harcèlement moral :

Attendu qu'aux termes de l'article L1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ;
Attendu que le point fort de la définition du harcèlement moral réside dans le caractère répétitif et récurrent des agissements coupables de l'auteur du harcèlement lesquels peuvent se dérouler sur une brève période ;
Qu'en l'espèce, Mme Y...-X...dénonce le harcèlement dont elle a été victime, sans référence de jours et de faits précis, avec une grande imprécision, dans les termes suivants : " il peut s'agir de comportements sournois, agressifs, autoritaires, de dérisions, d'exagérations souvent difficiles à prouver et pour ces raisons, la loi n'en met pas la charge de la preuve sur la victime. Il apparaît des éléments fournis que Mme Y...-X...dénonce comme éléments caractérisant le harcèlement : l'imposition d'assurer des formations sans son accord, sans l'avoir prévenue, en remplacement de son supérieur hiérarchique direct ; une attitude irrespectueuse et un comportement de dictateur ; que ces faits sont confirmés par les attestations qui sont versées aux débats et que ces répercussions sur la santé sont également établies par les documents médicaux " ;

Que la cour relève que Mme Y...-X...produit de nombreux certificats médicaux et arrêts de travail qui révèlent que de fin 2006 au début 2009, celle-ci présentait un état d'anxiété majeure ayant nécessité un traitement médical et des interruptions répétées de son activité professionnelle alors que l'intéressée fonde sa défense sur un état anxieux concomitant à la période de juillet 2007 ;

Que ces documents médicaux ne permettent pas d'établir l'existence d'un quelconque lien entre un harcèlement moral qui n'est pas en l'occurrence caractérisé par des faits précis et l'état de dépression quasi chronique de Mme Y...-X...;
Que plus particulièrement, le certificat médical du 25 février 2007 permet à la cour de tirer cette dernière conclusion car l'intimée présentait déjà un état dépressif que l'analyse de cette pièce fait paraître, ce document ayant été tiré d'une autre procédure, très certainement pénale puisqu'il y apparaît la référence de la gendarmerie ;
Que de plus, l'attestation de Mme Z...Nicole du 24 août 2007 n'apporte pas plus d'informations précises sur le harcèlement moral puisqu'elle ne révèle pas en quoi l'attitude de la supérieure hiérarchique était humiliante le 30 juillet 2007, date à laquelle l'intimée n'était pas censée travailler ;
Que les attestations de Mme Y... Marie-Claude et de M. Y... Daniel en date des 16 juin et 20 juillet 2007, ne sont pas davantage convaincantes dans la mesure où des liens familiaux unissent ces personnes à l'intimée ; qu'à cet égard, la cour relève que ces deux attestations ont été rédigées par la même personne dont l'écriture ressemble étrangement à celle de Mme Paola Y...-X...(cf lettre de celle-ci du 30 juillet 2007- pièce no13 de l'employeur) ; que celle de Mme Y... Marie-Claude a été bizarrement établie le 16 juin 2007 alors qu'à cette date, le conflit entre Mme Paola Y...-X...et son employeur n'est pas encore connu et révélé ; que M. Y... Daniel reconnaît, lui, l'existence d'une procédure de divorce en cours à cette période avec Mme Y...-X..., son épouse ;
Que par ailleurs, les documents électroniques du 28 juin 2007 versés par l'appelante ayant trait aux relations entre Mme Paola Y...-X...et son chef de service, Mme D..., laissent supposer l'existence de relations de travail tendues et difficiles entre ces deux personnes sans qu'elles revêtent le caractère d'un harcèlement moral ; que ce chef de service ne manquait pas de solliciter par mail du même jour (soit le 28 juin 2007) de son directeur commercial son aide face aux difficultés générées par le comportement de son employée, lui rappelant ainsi non seulement ses absences répétées et injustifiées, déjà signalées à la direction des ressources humaines, mais aussi les réclamations de clients sur l'accueil réservé par Mme Y...-X...ainsi que les reports répétés des " rendez-vous clientèle " compte-tenu de ses absences ; que ce chef de service dénonçait également un manque de respect de la salariée à son égard ;
Que la cour constate que Mme Paola Y...-X...n'a fait aucun signalement de sa situation de salariée harcelée auprès du médecin du travail, ni auprès du CHSCT ni auprès du délégué du personnel ;
Que tous ces éléments conduisent la cour à juger que le harcèlement moral n'est pas constitué ;
qu'il y a lieu en conséquence de rejeter ce moyen.
Sur la démission :
Attendu que la démission ne peut résulter que d'une manifestation claire et non équivoque de volonté de rompre le contrat de travail ; que cette volonté ne doit pas être altérée par l'exercice de manoeuvres dolosives ou de violence morale ;
Attendu que la démission emporte rupture définitive du contrat de travail ; que la rétractation du salarié est sans effet sauf accord de l'employeur ;
qu'en l'espèce, Mme Y...-X...a donné sa démission par lettre du 04 juillet 2007 dans les termes suivants :

" Madame la directrice,

Employée dans votre société depuis le 02 février 2001, je vous présente ma démission du poste de conseiller agence à Milénis. Mon préavis étant d'u mois, je vous informe que je quitterai donc le Crédit-Agricole le 04 août 2007 prochain. D'ici là, je m'absenterai, si nécessaire, chaque jour pendant une heure, comme le prévoit le code du travail, afin de rechercher un nouvel emploi. Veuillez agréer, Madame la Directrice, l'assurance de ma considération distinguée " ;

que la volonté de démissionner de Mme Y...-X...est claire et non équivoque ;

Qu'il ressort de cette démission que l'intéressée n'a pas entendu révéler à la direction des ressources humaines une quelconque difficulté dans le cadre de l'exécution de son contrat de travail ;
Que sa volonté de démissionner apparaissait par la suite encore plus évidente puisqu'elle informait, le 16 juillet 2007, son chef de service de son droit de s'absenter une heure pour chercher du travail (échange électronique entre le chef de service et la directrice des ressources humaines-pièce no20 de l'employeur) ;
Qu'il ressort également des incohérences dans les moyens de défense de Mme Y...-X...qui prétend avoir signé sa démission sous la pression et la contrainte exercée par Mme D...alors qu'elle se prévaut pour justifier de l'existence d'un harcèlement moral des déclarations
de son mari qui indique dans son attestation du 20 juillet 2007 avoir conseillé à son épouse de démissionner dans les termes suivants : "... je lui ai demandé de démissionner car la santé n'a pas de prix, cependant le 17 juillet 2007, elle a vu un médecin qui lui a conseillé de revenir sur sa démission... " ;
Que Mme Y...-X...ne peut alors soutenir que c'est sous la contrainte de son supérieur hiérarchique qu'elle a signé sa lettre de démission ; qu'en plus, elle était en congés du 02 juillet 2007 au 17 juillet 2007 (Cf pièce no4 de l'employeur), période de congés qui s'est poursuivie par deux arrêts de travail délivrés les 17 juillet et 30 juillet 2007 ;
Qu'en outre, Mme Y...-X...fait preuve d'une très grande assurance mettant en garde son employeur le 30 juillet 2007 (plus exactement la DRH de la Caisse) dans les termes suivants, nonobstant l'état de dépression qu'elle n'a pas cessé de mettre en avant :
" Objet : Réponse à votre courrier de démission du 27 juillet 07
Madame,
Je me permets de vous écrire car je crois que n'avez pas compris mon courrier ou alors vous avez tenté de me piéger. L'inspection du travail et mon avocat ont vu votre courrier qui est illégal. Il n'y a pas délai pour revenir sur une démission tant que je suis dans mon préavis. D'autre part, pourquoi ce courrier n'est-il pas parvenu et recommandé comme le premier et que vous m'imposez de venir le signer au siège par peur qu'il arrive après le 03 juillet 2007 ? Enfin, je répète l'origine de ma démission vient de la pression exercée par mon supérieur hiérarchique sans compter que jamais, je ne vous autorisé à me dispenser de la fin de mon préavis. Votre courrier est illégal selon l'inspection du travail et de mon avocat. Je suis une personne discrète à la caisse régionale et je ne vous connais même pas. Par contre, je connais mes droits et je compte bien les faire valoir. Alors pour éviter tout conflit et ternir une fois de plus l'image de votre entreprise, je vous propose un licenciement à l'amiable car sinon je compte bien me défendre par le biais de L'UGTG ? De mon avocat et des prud'hommes et porter plainte contre tous ceux qui m'ont porté préjudice. Cordialement. "
Que tous ces éléments démontrent chez Mme Y...-X..., une réelle volonté de démissionner, claire, non-équivoque et exempte de tout vice résultant de manoeuvres frauduleuses ou de violence morale de la part de son employeur ;
que dès lors, il convient d'infirmer le jugement querellé en toutes ses dispositions et de dire que la démission de Mme Y...-X...emporte valablement rupture définitive du contrat de travail.
Sur les frais irrépétibles :
Attendu que l'équité commande de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile, les demandes formulées de ce chef sont rejetées.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :
Déclare recevable en la forme l'appel de la Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de la Guadeloupe ;
Réforme le jugement entrepris ;
Statuant à nouveau,
Dit que le harcèlement moral invoqué par Mme Paola Y...-X...n'est pas caractérisé ;
Dit que sa volonté de démissionner est claire et non équivoque et que sa démission emporte valablement rupture définitive de son contrat de travail ;
Rejette le surplus de demandes ;
Condamne Mme Paola LA FORTUNE-X...aux éventuels dépens de l'instance ;

La greffièreLe président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11/01108
Date de la décision : 01/07/2013
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2013-07-01;11.01108 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award