VF-FG
COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRET No 247 DU VINGT QUATRE JUIN DEUX MILLE TREIZE
AFFAIRE No : 12/ 01449
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 28 juin 2012- Section Commerce.
APPELANTE
SARL RAYMAC RESIDENCE PRADEL Pradel 97118 SAINT FRANCOIS Représentée par Maître Anis MALOUCHE (Toque 125) avocat au barreau de la Guadeloupe substitué par Maître GREZE, avocat au barreau de Paris.
INTIMÉE
Madame Adriana Y... ......97160 MOULE Représentée par Maître Jan-marc FERLY (Toque 26) substitué par Maître NIBERON, avocat au barreau de la Guadeloupe.
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 6 mai 2013, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Bernard Rousseau, président de chambre, et Madame Françoise Gaudin, conseiller,
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Bernard Rousseau, président de chambre, président, Madame Françoise Gaudin, conseiller, Madame Marie-Josée Bolnet, conseiller,.
Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 24 juin 2013
GREFFIER Lors des débats Mme Valérie Francillette, greffier.
ARRET :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par Monsieur Bernard Rousseau, président de chambre, président et par Madame Valérie Francillette, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Mme Adriana Y... a été embauchée par la société SARL RAYMAC, laquelle exploite un hôtel Résidence PRADEL à ST FRANCOIS, à compter du 1er décembre 2007, d'abord selon contrats à durée déterminée puis en contrat à durée indéterminée le 1er octobre 2009, en qualité d'employée polyvalente.
Le 4 août 2010, Mme Y... a donné naissance à son troisième enfant et s'est trouvée en congé maternité jusqu'au 13 octobre 2010.
Par lettre du 8 septembre 2010, la salariée informait son employeur qu'elle souhaitait bénéficier d'un congé parental de 3 ans à l'issue de son congé postnatal.
Mme Y... est convoquée par lettre recommandée du 4 juillet 2011 à un entretien préalable en vue de son licenciement fixé au 19 juillet suivant, puis est licenciée pour faute grave selon lettre datée du 22 juillet 2011.
Contestant le bien-fondé de son licenciement, Mme Adriana Y... a saisi le conseil des prud'hommes de POINTE à PITRE, lequel, par jugement en date du 28 juin 2012, a :
dit et jugé que le licenciement de Mme Adriana Y... est nul pour avoir été prononcé pendant la période de congé parental, donné acte à Mme Y... de ce qu'elle ne sollicite pas sa réintégration, condamné la SARL RAYMAC au paiement des salaires relatifs à la période de nullité du licenciement jusqu'au prononcé de la présente décision à raison de 1. 354 € par mois en dehors de toute déduction des indemnités journalières de la sécurité sociale ainsi que l'indemnité compensatrice de congés payés correspondant à cette période, condamné la SARL RAYMAC à payer à Mme Y... les sommes suivantes : 8. 124 € à titre d'indemnité pour licenciement illicite, 4. 062 € à titre d'indemnité de préavis, 406 € à titre de congés payés y afférents, 970, 40 € à titre d'indemnité légale de licenciement, 1. 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. ordonné l'exécution provisoire du jugement, condamné l'employeur aux dépens.
La SARL RAYMAC a interjeté appel dudit jugement le 19 juillet 2012.
Dans ses écritures régulièrement communiquées du 8 janvier 2013, l'employeur conclut à l'infirmation du jugement de dire et juger le licenciement justifié par la faute grave commise par Mme Y... et la débouter de toutes ses demandes liées à une rupture illégitime. La société RAYMAC sollicite en outre sa condamnation au paiement des sommes suivantes :
20. 000 € à titre de dommages et intérêts, 3. 000 € à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
A l'appui, elle fait valoir que Mme Y... n'a pas respecté la procédure légale de demande de congé parental et que n'ayant pas repris son poste malgré deux mises en demeure, son licenciement pour abandon de poste est justifié et régulier.
Dans ses écritures régulièrement communiquées le 10 avril 2013, Mme Y... demande à la cour de confirmer le jugement entrepris, de dire et juger le licenciement nul, de condamner la SARL RAYMAC au paiement des sommes suivantes : 13. 650, 30 € au titre des salaires relatifs à la période de nullité du licenciement jusqu'au prononcé de la présente décision à raison de 1. 354 € par mois, 1. 365, 03 € à titre de congés payés correspondant à cette période, condamné la SARL RAYMAC à payer à Mme Y... les sommes suivantes : 11. 000 € à titre d'indemnité pour licenciement illicite, 4. 062 € à titre d'indemnité de préavis, 406 € à titre de congés payés y afférents, 970, 40 € à titre d'indemnité légale de licenciement, 2. 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle expose qu'elle a informé son employeur de son souhait de bénéficier d'un congé parental d'éducation, postérieurement à son congé maternité et que son contrat de travail était dès lors suspendu et ne pouvait être rompu, ce qui entraîne la nullité du licenciement intervenu.
Postérieurement à l'audience devant la cour, les avocats des parties ont sollicité la réouverture des débats.
MOTIFS
Sur la réouverture des débats
Attendu que les conseils des parties font valoir qu'ils ont sollicité un renvoi à l'audience de plaidoiries, alors que les avocats les substituant lors des débats, respectivement Me GREZE pour Me MALOUCHE et Me NIBERON pour Me FERLY n'ont pas sollicité le renvoi de l'affaire et qu'aucune demande préalable en ce sens n'est parvenue au greffe avant l'audience du 6 mai 2013. Que le renvoi sollicité ne se justifie pas, les parties ayant conclu dans le délai imparti par l'ordonnance du magistrat chargé de l'information de l'affaire et le Premier Président de la cour, saisi d'une demande de radiation de l'affaire, pour non-exécution du jugement par la SARL RAYMAC, n'a pas statué avant que la présente affaire ne soit mise en délibéré.
Qu'il y a lieu de rejeter cette requête.
Sur le bien-fondé du licenciement :
Attendu que la faute grave visée par les articles L 1234-1 et L 1234-5 du code du travail résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputable au salarié qui constitue une violation des obligations résultant de son contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.
Attendu que la charge de la preuve de cette faute incombe à l'employeur.
Attendu que la lettre de licenciement en date du 22 juillet 2011 énonce comme motif du licenciement : « Madame.
Par votre silence, je suis amenée à prendre une sanction disciplinaire contre vous pour « Abandon de Poste ». En effet le 14 Octobre 2010, vous deviez reprendre votre poste de travail ce, après votre congé de maternité. A ce jour, vous êtes toujours absente, malgré ma mise en demeure en date du 31 MAI 2011 qui est restée sans réponse de votre part.
Au vu de votre mutisme, je vous ai fait parvenir une convocation à un entretien préalable à la date du 4 Juillet 2011, vous vous n'êtes pas présentée à cet entretien, de plus j'ai été contacté par l'inspection du travail en la personne de Madame Z... dont cette dernière m'informa que vous l'aviez sollicité afin qu'elle intervienne auprès de moi, ce que je trouve incompréhensible de votre part.
Par cette présente, je vous notifie votre licenciement pour abandon de poste ce qui constitue à une faute grave et qui prend effet à la date du 25 juillet 2011, de ce fait, comme prévoit les dispositions légales, vous ne pouvez bénéficiée ni de l'indemnité de préavis, ni de l'indemnité d'ancienneté. »
Attendu que l'employeur reproche à Mme Y... une persistance d'absence injustifiée à son poste depuis le 14 octobre 2010, fin de son congé maternité, nonobstant une mise en demeure.
Que cependant, Mme Y... a informé son employeur par lettre du 12 août 2010, de ce qu'elle venait d'accoucher de son troisième enfant et que son congé maternité durerait 10 semaines. Que de même, par lettre du 8 septembre 2010, la salariée informait son employeur qu'elle souhaitait bénéficier d'un congé parental d'une durée maximum de 3 ans à l'issue de son congé postnatal.
Que l'employeur, après avoir contesté le 23 septembre 2010 ladite demande de congé parental de Mme Y..., « prématurée » selon lui, l'a mise en demeure de reprendre son poste de travail, par lettre du 30 mai 2011 et en l'absence de reprise, l'a licenciera pour abandon de poste aux termes de la lettre susvisée.
Attendu qu'en vertu de l'article L. 1225-47 du code du travail, tout salarié ayant au moins un an d'ancienneté à la date de la naissance d'un enfant, peut bénéficier au choix soit d'un congé parental d'éducation qui suspend son contrat de travail, soit d'un travail à temps partiel ;
Que si en vertu de l'article L. 1225-50 du code du travail, le salarié doit informer son employeur, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, du point de départ et de la durée de la période pendant laquelle il entend bénéficier dudit congé à temps plein ou temps partiel, et ce un mois avant le terme du congé maternité, cette information n'est qu'un moyen de preuve de l'information et non une condition du droit au congé, auquel l'employeur ne peut s'opposer.
Qu'en l'occurrence, Mme Y... a informé son employeur plus d'un mois avant la fin de son congé maternité et même si elle n'a pas précisé la durée initiale exacte, celle-ci était d'un an aux plus, renouvelables deux fois jusqu'aux trois ans de son nouveau né.
Que les imprécisions de son courrier du 8 septembre 2010 ne permettent pas de présumer que Mme Y... avait choisi de quitter l'entreprise, ni qu'elle se trouvait alors en absence injustifiée.
Que l'employeur ne peut invoquer le non-respect desdites dispositions formelles pour considérer que Mme Y... s'est située en dehors des dispositions légales qui régissent le congé parental.
Qu'en outre, l'employeur avait eu connaissance du terme du congé de maternité de Mme Y... et pouvait donc calculer la durée de son congé parental d'éducation y faisant suite et pouvait prendre toutes les dispositions pour s'organiser en conséquence.
Que le contrat de travail étant suspendu pendant ledit congé, l'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie d'un motif indépendant dudit congé, ce qui n'est pas le cas de l'absence de la salariée entraînée par ledit congé, motif invoqué en l'occurrence par l'employeur.
Que dès lors, la faute grave n'est pas établie et le licenciement prononcé pendant le congé est illégitime.
Que la salariée, dont le licenciement est nul et qui ne demande pas sa réintégration, a droit aux indemnités de rupture, soit une indemnité compensatrice de préavis et son incidence congés payés de même qu'une indemnité de licenciement, de même qu'à une indemnité réparant intégralement le préjudice résultant du caractère illicite du licenciement, dont le montant est souverainement apprécié dès lors qu'il est au moins égal à celui prévu par l'article L. 1235-3 du code du travail.
Qu'il y a lieu de condamner la société RAYMAC au paiement de la somme de 4. 062 € bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis (soit 3 mois de salaire en vertu d'un usage local en matière de commerce) et 406 € d'incidence congés payés, outre la somme de 970, 40 € à titre d'indemnité de licenciement, lesdites sommes calculées sur la base d'un salaire mensuel brut moyen de 1. 354 €.
Que compte tenu de son âge, de son ancienneté et de son salaire moyen, il y a lieu de fixer à la somme de 9. 000 € le montant des dommages et intérêts dus à Mme Y... pour licenciement illicite.
Qu'en vertu de l'alinéa 2 de l'article L. 1225-71 du code du travail, lorsque le licenciement est nul, l'employeur doit verser le montant du salaire qui aurait été perçu pendant la période de nullité Que compte tenu de la période de nullité d'une année maximum, il convient de faire droit à la demande de la salariée à ce titre, soit 13. 650, 30 € et son incidence congés payés de 1. 365, 03 €.
Sur les demandes annexes :
Attendu que l'employeur sera débouté de sa demande de dommages et intérêts alors et surtout qu'il a été informé par Mme Y... de son congé maternité et de son congé parental pris à la suite de celui-ci et qu'il pouvait donc s'organiser en conséquence.
Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de Mme Y... la totalité des frais non compris dans les dépens qu'elle a dû exposer pour la présente procédure. Qu'il convient de lui allouer la somme de 1. 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Que la société RAYMAC supportera les entiers dépens et sera déboutée de sa propre demande à ce titre.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Rejette la demande de réouverture des débats.
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a dit et jugé illicite le licenciement de Mme Adriana Y..., prononcé pendant son congé parental d'éducation.
Réformant pour le surplus, Statuant à nouveau,
Condamne la SARL RAYMAC à payer à Mme Y... Adriana les sommes suivantes :
4. 062 € à titre d'indemnité de préavis, 406 € à titre de congés payés y afférents, 970, 40 € à titre d'indemnité légale de licenciement,-9. 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement illicite,-13. 650, 30 € à titre de dommages et intérêts en vertu de l'article L. 1225-71 alinéa 2 du code du travail,-1. 365, 03 € à titre d'incidence congés payés,-1. 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Rejette toute autre demande.
Condamne la société appelante aux entiers dépens.
Le greffier, Le Président,