VF-FG
COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRET No 240 DU VINGT QUATRE JUIN DEUX MILLE TREIZE
AFFAIRE No : 12/ 00521
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 2 février 2012- Section Commerce.
APPELANTE
Madame Peggy, Edith X... ... 97160 MOULE/ GUADELOUPE Représentée par Maître Caroll LAUG (Toque 49), avocat au barreau de la Guadeloupe. (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2012/ 000317 du 04/ 04/ 2012 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BASSE-TERRE)
INTIMÉE
SARL LEADER PRICE NOLIVIER C % Leader Price Guadeloupe Moudong Centre 97122 BAIE MAHAULT/ GUADELOUPE Représentée par Maître Isabelle WERTER-FILLOIS (Toque 8) substituée par Maître MOUGEY, avocat au barreau de la Guadeloupe.
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 6 mai 2013, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Bernard Rousseau, président de chambre, et Madame Françoise Gaudin, conseiller,
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Bernard Rousseau, président de chambre, président, Madame Françoise Gaudin, conseiller, Madame Marie-Josée Bolnet, conseiller,.
Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 24 juin 2013
GREFFIER Lors des débats Mme Valérie Francillette, greffier.
ARRET :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par Monsieur Bernard Rousseau, président de chambre, président et par Madame Valérie Francillette, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Madame Edith X... épouse A... a été embauchée par la société LEADER PRICE NOLIVIER, dite ci-après LP NOLIVIER, selon contrat à durée indéterminée à temps partiel à compter du 29 mars 2004, en qualité d'employée commerciale, niveau II A de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire.
Elle percevait un salaire brut mensuel de 1. 277, 41 € pour 30 heures de travail par semaine.
Le 4 novembre 2005, Mme A... a été élue déléguée du personnel sur la liste U. E. C-UGTG.
Par lettre du 25 mars 2009, elle est convoquée à un entretien préalable en vue de son licenciement fixé au 14 avril 2009. Le 6 mai 2009, l'employeur a demandé à l'inspecteur du travail l'autorisation de licencier Mme A... et par décision du 16 juillet 2009, M. l'inspecteur du travail a accordé l'autorisation sollicitée. Mme A... a été licenciée pour faute grave par lettre recommandée du 21 juillet 2009.
Contestant le bien-fondé de son licenciement, Madame A... a saisi le conseil des prud'hommes de POINTE à PITRE, lequel, par jugement en date du 2 février 2012, a débouté Mme A... de l'ensemble de ses demandes.
Mme Peggy Edith X... épouse A... a régulièrement interjeté appel dudit jugement. Elle demande à la cour d'infirmer le jugement déféré dans toutes ses dispositions, de dire que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse, de condamner en conséquence la société LEADER PRICE NOLIVIER à lu payer les sommes suivantes :
2. 445, 40 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 1. 227, 70 € à titre d'indemnité légale de licenciement, 100. 000 € à titre de dommages et intérêts, 3. 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de dire que l'employeur devra lui remettre une attestation Assedic modifiée sous astreinte.
Elle fait valoir que le juge judiciaire reste compétent pour apprécier le degré de gravité de la faute reprochée, de même que pour apprécier les fautes commises par l'employeur pendant la période antérieure au licenciement et ajoute qu'elle a été victime de harcèlement moral de la part de son employeur.
La société LP NOLIVIER conclut à la confirmation du jugement, faisant valoir que le juge judiciaire ne peut plus apprécier le caractère réel et sérieux du motif du licenciement en l'état de l'autorisation de l'inspecteur du travail de licencier Mme A..., décision devenue définitive. L'employeur demande à la cour de dire et juger que le licenciement pour faute grave de Madame A... est bien fondé et de la débouter de toutes ses demandes.
MOTIFS
Sur le bien fondé du licenciement :
Attendu que la faute grave visée par les articles L 1234-1 et L 1234-5 du code du travail résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputable au salarié qui constitue une violation des obligations résultant de son contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.
Attendu qu'il appartient à l'employeur de rapporter la preuve de la réalité et de la gravité des griefs énoncés dans la lettre de rupture, dont les termes lient le débat.
Attendu que la lettre de licenciement en date du 21 juillet 2009 est libellée en ces termes :
« A la suite de notre entretien du 14 avril 2009, compte tenu de la protection dont vous bénéficiez en qualité de Délégué du Personnel, nous avons fait parvenir à l'Inspection du Travail une demande d'autorisation de licenciement vous concernant par courrier recommandé en date du 6 mai 2009. Suite à l'enquête contradictoire de l'Inspecteur du Travail du 10 juin et du 15 juin 2009, celui-ci nous a notifié sa décision d'autorisation de votre licenciement par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 02 juillet 2009, reçu le 6 juillet 2009. Des erreurs matérielles figurant dans cette décision, l'inspecteur du travail nous a notifié une nouvelle décision annulant celle précitée en date du 16 juillet 2009 reçue le 20 juillet 2009 confirmant sa décision d'autorisation de votre licenciement. C'est pourquoi, nous sommes conduits à vous notifier par la présente votre licenciement, et ce pour les motifs que nous vous rappelons ci-après. En effet, vous occupez le poste d'Employée Commerciale depuis le 29 mars 2004. Le 23 mars 2009, constatant lors de l'encaissement d'un produit son erreur d'étiquetage, vous avez mis volontairement en attente le ticket du client et vous avez effectué la vente à un autre salarié du magasin, M. C..., de 5 sachets de pilons de poulet surgelés de 5 kg chacun au prix unitaire de 3, 70 € soit pour un montant total de 18, 50 €. Or, le prix exact en rayon était de 18, 95 € pour un sachet de 5 kg. Le salarié du magasin, complice de cette malversation, aurait dû payer la somme totale de 94, 75 € au lieu des 18, 50 € que vous avez encaissés. Vous n'étiez pas sans savoir que M. C... occupant le poste d'Employé Commercial affecté au rayon surgelé, est chargé des étiquetages. Il avait donc une parfaite connaissance de cette erreur en passant à votre caisse. Vous aviez également nécessairement conscience de cette erreur compte tenu de l'écart très important de prix qui existait, la vérification des prix faisant d'ailleurs partie de vos fonctions. Ainsi, au lieu de respecter vos obligations envers l'entreprise et de signaler l'erreur d'étiquetage du paquet, vous avez sciemment organisé le détournement de la marchandise à votre profit et au profit de votre complice, M. C..., pour un prix totalement dérisoire au regard du produit, et occasionné un préjudice à la société. De plus, lors de cet achat vous n'avez pas respecté la procédure prévue à l'article 8 du règlement : intérieur pour tous achats réalisés par les salariés. Cet article 8 précise : « Tout membre du personnel qui effectue des courses dans le magasin devra faire signer son ticket de caisse par le responsable de magasin lors de son passage en caisse, et ce, quel que soit le montant. Le ticket signé doit être attaché au sachet.... Tout ticket non signé ou tout rajout de courses par rapport au ticket constitueront une faute grave ». En conséquence, vous auriez dû rappeler à M. C... que le responsable devait viser son achat, ce que vous n'avez pas fait. Le respect de cette procédure d'achat des salariés en magasin, nécessitant la validation des achats par un responsable, aurait nécessairement abouti à la découverte de vos actes. Le non-respect de ces dispositions démontre ainsi votre volonté de dissimuler vos actes de détournement de marchandises. Par ailleurs, le déroulement de cet achat tel que démontré par la bande de contrôle avec mise en attente plusieurs fois du ticket de caisse avant une validation définitive, démontre l'absence d'erreur et le caractère volontaire du détournement. Après avoir scanné le code barre d'un sachet de 5 kg de Pilons de poulet surgelés pour un client qui achetait ce produit, vous vous apercevez du très faible prix du sachet. Vous effectuez une « mise en attente » à 12 h 01 et 38 s et en profitez alors pour enregistrer sur un autre ticket la vente de 4 sachets de Pilons de poulet au prix unitaire de 3, 70 € pour un total de 14, 80 €, ticket mis également en attente à 12 h 01 et 55 s. Vous reprenez l'enregistrement du client en réactivant le ticket mis en attente à 12 h 01 et 38 s. Ce ticket est définitivement validé par un encaissement du client à 12 h 07 et 36 s pour un montant total de 125, 48 €. Le ticket créé à 12h01 et 55s avec 4 sachets de 5 kg de pilons de poulet est de nouveau mis en attente à 12 h 08 et 5 s. Un autre client est encaissé à 12 h 11 et 16 s. Finalement, le ticket successivement mis en attente à 12 h 01 et 38s et 12h08 05s comportant les 4 sachets de pilons de poulet est rappelé, un autre sachet de 5kg du produit est scanné afin de détourner l'attention de l'entourage immédiat, et rendre naturelle cette opération d'encaissement d'un ticket déjà créé et mis en attente à plusieurs reprises. Ce ticket est enfin validé et encaissé à 12 h 11 et 36 s. L'ensemble de ces éléments indiquent que vous avez, en coordination avec Monsieur C..., organisé une vente à vil prix à votre profit au détriment de la société alors que vos fonctions d'employée commerciale en caisse impliquent de « contrôler et vérifier les marchandises en sortie » et de « contrôler la régularité des encaissements et respecter les procédures d'encaissement ». Des salariés ont également entendu les propos que vous avez échangés avec Mr C..., propos qui démontrent que vous aviez parfaitement conscience du détournement. Cette attitude volontaire consistant à organiser au détriment du magasin, l'appropriation frauduleuse d'un produit sous-évalué, qui plus est à votre profit, constitue un manquement très grave à l'obligation de loyauté qui préside à l'exécution de votre contrat de travail, et n'est pas tolérable. Ces faits mettent en cause la bonne marche du magasin et les explications recueillies auprès de vous lors de notre entretien n'ont pas permis de modifier notre appréciation. Pour l'ensemble de ces raisons, l'Inspecteur du Travail a donc accordé l'autorisation de procéder à votre licenciement considérant que l'enquête contradictoire a démontré que, vous étant aperçu d'une erreur d'étiquetage d'un produit, vous avez organisé, à votre profit et celui de votre complice, l'appropriation frauduleuse de marchandises que vous saviez sous-évaluées. Selon l'inspecteur du Travail, cette appropriation n'a été rendue possible que par le non-respect des dispositions du règlement intérieur et ces agissements ne peuvent être mis sur le compte de simples erreurs. Aucune circonstance atténuante n'a été relevée par l'Inspecteur du Travail qui relève également que vous n'avez fourni aucun élément permettant de comprendre votre attitude en particulier les mises en attente, arguant d'un oubli des circonstances des faits qui vous sont reprochés. Enfin, l'Inspecteur du Travail constate que des attestations d'autres salariés permettent d'étayer encore davantage le grief de faute professionnelle ayant causé un préjudice certain à notre Société rendant impossible la poursuite de votre contrat de travail. C'est pourquoi nous sommes conduits à vous notifier votre licenciement en raison des malversations que vous avez commises qui nous empêchent de vous maintenir notre confiance pour un comportement qui est inadmissible dans un magasin de distribution de commerce de détail à prédominance alimentaire. Nous sommes donc conduits à procéder à votre licenciement pour faute grave privative de préavis et d'indemnités de rupture. »
Attendu que le motif du licenciement est celui pour lequel l'autorisation de l'inspecteur du travail a été donnée, à savoir l'organisation d'un détournement de marchandises avec l'aide d'un collègue de travail.
Attendu qu'en l'état d'une autorisation administrative accordée à l'employeur de licencier une salariée protégée, le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, apprécier le caractère réel et sérieux des motifs retenus pour justifier le licenciement.
Qu'en l'espèce, la décision de l'inspecteur du travail en date du 16 juillet 2009 est devenue définitive, en l'absence de recours hiérarchique valablement intenté dans le délai de 2 mois par Mme A... et en l'absence de tout recours contentieux devant la juridiction administrative.
Qu'en revanche, le juge judiciaire reste compétent pour apprécier le degré de gravité de la faute commise par la salariée.
Que l'enquête contradictoire diligentée par l'inspecteur du travail a démontré que Mme Peggy A..., s'étant aperçue d'une erreur d'étiquetage d'un produit, a organisé, à son profit et à celui de son complice, l'appropriation frauduleuse de marchandises qu'elle savait sous évaluées, laquelle appropriation n'a été rendue possible que par le non-respect de dispositions du règlement intérieur sur les achats personnels (article 8) et les encaissements (article 9, point e), que ces agissements ne peuvent être mis sur le compte de simples erreurs tant sur les marchandises concernées que sur les circonstances les accompagnant.
Qu'en effet, Mme A... a organisé des mises en attente de tickets ayant pour objectif de tromper toute attention en essayant de rendre usuelles des opérations litigieuses d'encaissement de prix faussés pour des marchandises fort différentes (sachet de 1kg pour sac de 5 kgs) que le nombre de mises en attente des achats de son collègue de travail complice démontre la nécessaire participation de ce dernier, lequel étant en outre chargé de mettre en rayon les marchandises, était parfaitement au courant de l'erreur de prix.
Que Mme A... ne peut valablement invoquer l'erreur de bonne foi ni le fait qu'elle aurait été entraîné par son comparse, lequel a été également licencié suite à ces faits.
Que compte tenu de son ancienneté, de ses fonctions, de l'exemple qu'elle se devait de donner en tant que déléguée du personnel, il convient donc de confirmer le jugement déféré, et de dire et juger qu'était fondé sur une faute grave le licenciement prononcé par lettre du 21 juillet 2009.
Que la salariée fait état de harcèlement de la part de l'employeur antérieurement au licenciement mais n'en tire pas les conséquences en terme de demandes indemnitaires ; Qu'il n'y a donc pas lieu d'examiner ces griefs ne se situant pas dans le cadre du licenciement, seul querellé.
Que le jugement entrepris sera confirmé de ces chefs.
Attendu qu'il n'y a pas lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile en cause d'appel.
Que l'appelante, succombant, supportera les entiers dépens recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
Rejette toute autre demande.
Condamne l'appelante aux dépens de première instance et d'appel, recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle.
Le greffier, Le président,