FG-JG
COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRET No 227 DU DIX SEPT JUIN DEUX MILLE TREIZE
AFFAIRE No : 12/ 00827
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de BASSE-TERRE du 27 février 2012, section activités diverses.
APPELANTE
Maître Marie-Agnès X..., ès-qualités de liquidateur judiciaire de la SODEX CLINIQUE SAINT-PIERRE... 97190 GOSIER Représentée par Me TARDEL substituant Me Jamil HOUDA (TOQUE 29) avocat au barreau de GUADELOUPE
INTIMÉS
Madame Rose-Marie Z...... 97100 BASSE-TERRE Représentée par M. Ernest Y..., délégué syndical ouvrier
AGS C. G. E. A DE FORT DE FRANCE Lotissement Dillon Stade 10 rue des Arts et Métiers 97200 FORT DE FRANCE Assisté de Me Isabelle WERTER-FILLOIS (TOQUE 8) avocat au barreau de GUADELOUPE Dispensé de comparaître en application des dispositions des articles 446-1 alinéa 2 et 946 du code de procédure civile.
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 avril 2013, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Françoise GAUDIN, conseillère chargée d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, Mme Marie-Josée BOLNET, Conseillère, Mme Françoise GAUDIN, Conseillère.
Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 17 juin 2013
GREFFIER Lors des débats Mme Juliette GERAN, Adjointe Administrative Principale, faisant fonction de greffière, serment préalablement prêté.
ARRET :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, et par Mme Juliette GERAN, Adjointe Administrative Principale, fft de greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Mme Rose-Marie Z... a été embauchée à compter du 3 décembre 1971 par la société Clinique St Pierre, en qualité de standardiste-renseignement. Par la suite elle devenait standardiste € admission puis facturière pour le compte de la SODEX CLINIQUE SAINT PIERRE. Dans le dernier état de la relation contractuelle, régie par la convention collective départementale F. H. P du 1er avril 2003, elle percevait une rémunération mensuelle brute fixe de 2. 724, 48 €
Invoquant des manquements graves de son employeur de nature à lui imputer la responsabilité de la rupture de son contrat de travail, Mme Z... a saisi le conseil des prud'hommes de Basse Terre le 6 décembre 2010, d'une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail et en paiement de diverses indemnités pour rupture abusive, outre des rappels de salaires.
Par jugement du tribunal mixte de commerce de Pointe à Pitre en date du 26 mai 2011, la société SODEX Clinique St Pierre a fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire, désignant Maître Marie-Agnès X... ès qualités de mandataire liquidateur.
Mme Rose-Marie Z... a été licenciée pour motif économique le 14 juin 2011 par Maître C..., ès qualités d'administrateur judiciaire.
Par jugement en date du 27 février 2012, le conseil des prud'hommes de Basse Terre a :
- prononcé la rupture du contrat de travail de Mme Rose-Marie Z... aux torts exclusifs de la SODEX Clinique St Pierre.- fixé les créances de Mme Z... sur la liquidation judiciaire de la société SODEX Clinique St Pierre aux sommes de :
-2. 451, 99 € à titre de dommages et intérêts correspondant aux salaires qu'elle aurait dû percevoir du 18/ 11/ 2010 au 17/ 12/ 2010,
-65. 090, 30 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- déclaré ledit jugement opposable à l'AGS CGEA dans la limite des plafonds légaux,
Le 15 mai 2012, Maître Marie-Agnès X..., ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL SODEX Clinique St Pierre, a formé appel de ladite décision. Elle demande à la cour à titre principal de dire et juger nul le jugement querellé et le réduire à néant.
Subsidiairement, elle demande sa réformation en toutes ses dispositions et de débouter Mme Z... de toutes ses demandes, outre sa condamnation au paiement de la somme de 3. 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Elle fait valoir que la salariée ne démontre aucun manquement de l'employeur suffisamment grave pour justifier la rupture du contrat de travail à ses torts. Elle a précisé qu'en cas de grève, le principe est le non-paiement du salaire et qu'après ce mouvement, l'employeur s'est heurté à un cas de force majeure l'empêchant de poursuivre son activité, ce qui l'exonère du paiement des salaires au bénéfice de ladite « situation contraignante ».
Le CGEA AGS de FORT DE FRANCE, délégation régionale de l'AGS, a régulièrement formé un appel de ladite décision, limité au chef de jugement se rapportant à l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il demande à la cour de débouter Mme Z... de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en faisant valoir que cette dernière ne prouve pas l'existence d'une faute contractuelle imputable à son employeur et de rejeter la demande de résiliation judiciaire, de dire et juger fondé le licenciement pour motif économique. Il précise qu'il existait une situation contraignante assimilable à un cas de force majeure pour l'employeur le 18 décembre 2010, ce qui l'a contraint à prendre une mesure de lock-out licite et l'a exonéré de toute obligation de fournir du travail à ses salariés le temps de la remise en état des locaux. Subsidiairement, il demande à la cour de réduire l'indemnisation allouée sur le fondement de l'article L. 1235-3 du code du travail au minimum légal de six mois de salaire. Il s'est associé aux arguments de Maître X..., concluant au débouté des demandes de la salariée, de déclarer la décision opposable au CGEA AGS dans les limites prévues aux articles L 3253-6 et L3253-8 du code du travail et les plafonds prévus aux articles L 3253-17 et D 3253-5 du code du travail.
Mme Z... demande à la cour de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions. Elle soutient essentiellement que de par ses manquements réitérés, la rupture du contrat de travail est imputable à l'employeur et la résiliation judiciaire aux torts de l'employeur a les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
MOTIFS
Sur l'exception de nullité
Attendu que Maître X..., ès qualités, invoque la nullité du jugement entrepris en raison de l'absence de motivation ; Que le jugement ayant motivé les effets de la prise d'acte de rupture en analysant les manquements de l'employeur tel qu'invoqués par la salariée, ladite exception de nullité sera rejetée.
Que de même, il résulte du dossier que la salariée a régulièrement communiqué ses écritures et pièces en première instance aux organes de la procédure collective et qu'il n'y a donc pas eu violation du principe du contradictoire en l'espèce.
Qu'il n'y a pas lieu à annulation du jugement déféré.
Sur les demandes salariales
-dommages et intérêts compensateurs des salaires du 18 novembre au 17 décembre 2010
Attendu qu'il est constant que le personnel de la clinique, dont la salariée, a entamé un mouvement de grève à partir du 18 novembre 2010 jusqu'au 17 décembre suivant. Que Mme Z..., à l'instar de ses collègues de travail grévistes, réclame le paiement de son salaire ou à tout le moins, des dommages et intérêts compensateurs des salaires perdus, durant ladite période.
Qu'il est de principe que le droit de grève suspend l'exécution du contrat de travail pendant toute la durée de l'arrêt de travail en sorte que l'employeur se trouve délié de l'obligation de payer le salaire. Que cependant, si le mouvement de grève a été provoqué par un manquement grave et délibéré de l'employeur à ses obligations, ce dernier est tenu de réparer le préjudice causé aux salariés qui n'ont pas perçu leur salaire y afférent. Qu'en l'espèce, il résulte des documents de la cause que le mouvement de grève avait pour but de faire respecter par le co-gérant de la clinique les dispositions conventionnelles en vigueur (convention collective FHP Guadeloupe en son article 93 notamment, versement de subventions au comité d'entreprise) de même que les droits essentiels tels que droit au repos ou droit de grève. Qu'il est démontré que l'employeur mentionnait sur les bulletins de salaire des retenues pour « jours de grève », en infraction à l'article R. 3243-4 du code du travail, de même qu'il refusait aux salariés les demandes de congés payés pris dans la période légale et de faire bénéficier aux salariés en arrêt maladie ou accident du travail de la garantie conventionnelle prévue à l'article 93 de la convention collective applicable.
Que les salariés, dont Mme Z..., se sont donc trouvés dans une situation contraignante tels qu'ils ont été obligés de cesser le travail pour faire respecter les droits essentiels directement lésés par suite des manquements graves et réitérés de l'employeur à leur égard. Qu'en l'état de la faute contractuelle de l'employeur à l'origine du mouvement de grève, c'est à juste titre que le jugement a fait droit à la demande de dommages et intérêts compensateurs des salaires perdus de Mme Z..., à hauteur de la somme de 2. 451, 99 €. Que la confirmation s'impose de ce chef.
Sur la rupture du contrat de travail :
Attendu que Mme Z... a saisi la juridiction prud'homale en sollicitant la résiliation judiciaire de son contrat de travail le 6 décembre 2010.
Attendu que lorsqu'un salarié demande la résiliation en raison de faits qu'il reproche à son employeur et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d'autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat de travail était justifiée ; que c'est seulement dans le cas contraire qu'il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l'employeur
Que Mme Z... reproche à son employeur un non-respect des dispositions conventionnelles (non application de l'article 93 de la convention collective applicable), de même que d'avoir porté sur certains de ses bulletins de salaire (notamment bulletins de paye des mois d'avril et septembre 2010) mention de sa participation à un mouvement de grève, en infraction à l'article R. 3243-4 du code du travail, et d'avoir refusé aux salariés les demandes de congés payés pris dans la période légale.
Que le comportement fautif de l'employeur fustigé en premier lieu par la salariée réside dans la fermeture injustifiée de la clinique et le non-paiement consécutif du salaire en résultant pendant plus d'un mois. Qu'il a été jugé ci-dessus que l'employeur avait volontairement à l'annonce de la reprise du travail par le personnel, suite à un mouvement de grève licite et fondé sur des revendications professionnelles, empêché les salariés d'accéder aux locaux de l'entreprise et de reprendre normalement leur travail.
Que le mandataire liquidateur ne peut valablement soutenir qu'il s'agissait d'un cas de force majeure pour l'employeur.
Qu'en revanche, l'employeur n'a pas réglé la rémunération contractuelle pendant deux mois consécutifs, ayant placé Mme Z... dans l'impossibilité de poursuivre l'exécution de son travail.
Que dès lors, les manquements de l'employeur à ses obligations sont établis et ils sont suffisamment graves pour justifier la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur.
Que ladite résiliation produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et la salariée ayant été licenciée ultérieurement, il y a lieu de fixer la date de ladite rupture à la date d'envoi de la lettre de licenciement, soit le 14 juin 2011.
Sur l'indemnisation de la rupture du contrat de travail
Attendu qu'au visa de l'article L 1235-3 du code du travail applicable en l'espèce et tenant à l'ancienneté de la salariée (39 ans), à son âge, sa qualification et à sa rémunération, ainsi qu'aux circonstances de la rupture, et de tous éléments de préjudice soumis à appréciation, il convient de fixer l'indemnité qui lui est due pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 40. 000 €.
Que la salariée a par ailleurs perçu l'intégralité des indemnités de rupture auxquelles elle pouvait prétendre à la suite de son licenciement.
Que les sommes ainsi allouées seront inscrites par Me X... sur l'état des créances de la procédure collective ouverte à l'encontre de la société SODEX clinique St Pierre.
Qu'il n'y a pas lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une quelconque des parties.
Attendu que les intérêts au taux légal sont arrêtés au jour du jugement d'ouverture de la procédure collective.
Que les dépens sont frais privilégiés de la procédure collective.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Rejette l'exception de nullité.
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a prononcé aux torts de l'employeur la résiliation du contrat de travail liant Mme Z... Rose-Marie et la société SODEX CLINIQUE ST PIERRE.
Réforme pour le surplus et statuant à nouveau, Y ajoutant,
Fixe la créance de Mme Z... Rose-Marie sur la procédure collective de la société SODEX clinique St Pierre aux sommes suivantes :
. 2. 451, 99 € à titre de dommages et intérêts correspondant aux salaires qu'elle aurait dû percevoir du 18/ 11/ 2010 au 17/ 12/ 2010,
. 40. 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Dit que ces sommes seront inscrites par le mandataire liquidateur sur l'état des créances de la procédure collective ouverte à l'encontre de la société SODEX Clinique St Pierre.
Dit qu'en application des articles L. 622-28 et L. 641-3 du code de commerce, le jugement d'ouverture de la procédure collective arrête définitivement à sa date le cours des intérêts au taux légal des créances salariales nées antérieurement,
Rejette toute autre demande.
Déclare le présent jugement opposable à l'AGS-CGEA de FORT DE FRANCE, dans les conditions et plafonds légaux et réglementaires applicables tant au plan de la mise en € uvre du régime d'assurances des créances des salaires que de ses conditions et étendues de garantie, plus précisément des articles L 3253-8, L 3253-17 et D 3253-5 du code du travail.
Dit que les dépens sont frais privilégiés de la procédure collective.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,