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06/05/2013 | FRANCE | N°11/017161

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, 04, 06 mai 2013, 11/017161


COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE
ARRET No 167 DU SIX MAI DEUX MILLE TREIZE
AFFAIRE No : 11/ 01716
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 6 décembre 2011- Section encadrement.
APPELANTE
Madame Dalila X... ... 97122 BAIE MAHAULT Représentée par Maître Michaël SARDA (Toque 1), avocat au barreau de la Guadeloupe.

INTIMÉE
Société SOVENA GUADELOUPE IMPASSE EMILE DESSOULT-JARRY 97122 BAIE MAHAULT Représentée par Maître Isabelle WERTER-FILLOIS (Toque 8), avocat au barreau de la Guadeloupe.


COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de pro...

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE
ARRET No 167 DU SIX MAI DEUX MILLE TREIZE
AFFAIRE No : 11/ 01716
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 6 décembre 2011- Section encadrement.
APPELANTE
Madame Dalila X... ... 97122 BAIE MAHAULT Représentée par Maître Michaël SARDA (Toque 1), avocat au barreau de la Guadeloupe.

INTIMÉE
Société SOVENA GUADELOUPE IMPASSE EMILE DESSOULT-JARRY 97122 BAIE MAHAULT Représentée par Maître Isabelle WERTER-FILLOIS (Toque 8), avocat au barreau de la Guadeloupe.

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 février 2013, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Bernard ROUSSEAU, président de chambre, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Bernard ROUSSEAU, président de chambre, président, Mme Marie-Josée BOLNET, conseiller, Mme Françoise GAUDIN, conseiller,

Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 15 avril 2013, date à laquelle le prononcé de l'arrêt a été prorogé au 6 mai 2013.
GREFFIER Lors des débats Mme Juliette GERAN, Adjointe Administrative Principale, faisant fonction de greffier.
ARRET :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par M. Bernard ROUSSEAU, président de chambre, président, et par Mme Valérie FRANCILLETTE, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

Faits et procédure :
Mme Dalila X... était embauchée au sein des Supermarchés Match Guadeloupe à compter du 1er avril 2000. Par lettre d'engagement du 12 mai 2005, Mme X... était recrutée par la Société SOVENA à compter du 1er juin 2005 pour occuper le poste de responsable de son agence de Guadeloupe, son ancienneté au sein des Supermarchés Match Guadeloupe étant reprise intégralement. Il était notamment mis à sa disposition un véhicule de fonction.
Le 12 mars 2007 elle sollicitait un congé individuel de formation pour la préparation d'un master professionnel en matière de transports internationaux. Elle suivait cette formation du 24 septembre 2007 au 9 février 2008.
Après avoir bénéficié de 2 jours de RTT et de 4 jours de congés payés, elle reprenait son poste le 18 février 2008.
Dès le 15 février 2008, un nouveau projet de définition du poste occupée par Mme X... était établi (pièce no 7 de l'appelante). Cette nouvelle fiche de poste datée du 6 mars 2008 était transmise à Mme X... le 7 mars 2008.
Le 25 juillet 2008, Me Christophe CUARTERO, alors avocat de Mme X..., écrivait à l'employeur pour dénoncer une dégradation délibérée des conditions de travail de sa cliente, demandant que des dispositions soient prises à cet égard.
Dès le 30 juillet 2008, Mme X... faisait l'objet d'un arrêt de travail pour asthénie, surmenage et état anxieux. Ce congé maladie devait se poursuivre jusqu'au 17 août 2008. Elle prenait ses congés payés du 1er au 24 septembre 2008, puis elle était à nouveau en congé maladie du 30 septembre au 16 octobre 2008, puis du 24 novembre 2008 au 4 janvier 2009. Elle bénéficiait ensuite du 5 janvier au 31 mars 2009 d'un congé maternité.
Le 26 mai 2009 elle saisissait le Conseil de Prud'hommes de Pointe-à-Pitre pour obtenir paiement d'un rappel de prime d'intéressement et demander la résiliation de son contrat de travail pour harcèlement moral, des dommages intérêts étant sollicités à ce titre ainsi que pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en outre diverses indemnités de fin de contrat étaient réclamées.
Mme X... faisait ensuite l'objet d'arrêts maladie du 21 juillet au 15 août 2009, pour asthénie importante, douleurs abdominales, hypotension artérielle, puis du 11 au 16 septembre 2009 pour une sciatique, puis du 29 septembre au 30 novembre 2009 pour syndrome dépressif et réactionnel, du Prozac et du Stilnox lui étant prescrits au cours de ce dernier arrêt de travail.
Le 20 octobre 2009, Mme X... dénonçait auprès de son employeur sa mise au placard, se plaignant qu'on ne lui donnait rien à faire.
Le 31 mars 2010, Mme X... était à nouveau en arrêt maladie jusqu'au 31 août 2010 pour état dépressif. Par courrier du 1er avril 2010 elle se plaignait auprès de son employeur d'une charge excessive de travail, indiquant qu'elle se retrouvait alors avec le travail de 3 postes à temps plein.
Par courrier du 29 juin 2010 l'employeur notifiait à Mme X... son licenciement pour motif économique.
Par jugement du 6 décembre 2011 la juridiction prud'homale déboutait Mme X... de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail pour harcèlement moral, et de ses demandes indemnitaires et de rappel de rémunération.
Le 15 décembre 2001 Mme X... interjetait appel de cette décision.
Par conclusions notifiées à la partie adverse le 22 novembre 2012, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats Mme X... invoquant l'existence de nombreux éléments concordants présumant qu'elle a été victime de harcèlement moral de la part de son employeur, et faisant état de la modification de son contrat de travail par celui-ci, sollicite la résiliation judiciaire du contrat aux torts de la Société SOVENA, à la date du licenciement économique.
Elle demande la condamnation de la Société SOVENA à lui payer la somme de 200 000 euros de dommages et intérêts au titre du harcèlement moral et du préjudice subi du fait de la modification de son contrat de travail, et une somme de même montant à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
À titre subsidiaire au cas où la demande de résiliation du contrat de travail serait rejetée Mme X... entend voir juger que son licenciement est intervenu sans cause réelle et sérieuse, et réclame à ce titre la somme de 200 000 euros d'indemnité.
Dans tous les cas, elle demande la condamnation de la Société SOVENA à lui payer les sommes suivantes :-45 511, 20 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,-11 550 euros à titre d'indemnité de préavis,-6 600 euros au titre de la prime d'intéressement pour les années 2008 et 2009,-5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Elle entend voir également condamner la Société SOVENA à lui remettre sous astreinte son certificat de travail et le solde de tout compte.

Par conclusions notifiées à la partie adverse le 6 juillet 2012, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, la Société SOVENA faisant valoir qu'aucun des éléments versés aux débats ne permet d'établir que l'employeur s'était livré à des agissements répétés ayant pour objet ou effet une dégradation des conditions de travail de la salariée, entend voir juger que la demande de résiliation judiciaire de Mme X... est sans objet et que son licenciement pour motif économique est régulier, celle-ci ayant été remplie de ses droits. La Société SOVENA demande en conséquence la confirmation du jugement entrepris.
Motifs de la décision :
Sur le harcèlement moral :
Il ressort des pièces versées aux débats que pendant le congé individuel de formation dont a bénéficié Mme X... à compter du 24 septembre 2007, M. Dominique Y..., son homologue de l'agence de Martinique, a assuré la responsabilité de l'agence de Guadeloupe en remplacement de Madame X.... La position prise par ce chef d'agence paraissait exclure définitivement Mme X... de ses fonctions.
Ainsi dans un courrier du 19 octobre 2007, M. Y... s'adresse au service des douanes en précisant que suite au départ de Mme X..., il prenait la direction de l'agence SOVENA Transit-Douane de Guadeloupe.
Dans un courrier du 14 novembre 2007, le même M. Y... écrit à la Société EUROPCAR pour résilier le contrat de location longue durée du véhicule qui avait été confié à Mme X..., devenue inutilisable suite à l'accident subi par celle-ci, précisant que « ce véhicule était attribué à une personne qui à ce jour ne fait plus partie de notre société ».
M. Y... avait fait partager son sentiment sur le départ de Mme X... de l'entreprise, puisque l'un des collaborateurs qui avait travaillé jusque là sous la responsabilité de Mme X..., M. Jean-Michel Z..., a alors postulé pour le poste de responsable de l'agence transit douane de Guadeloupe (pièce no 4 de l'appelante).
La nouvelle fiche de poste notifiée le 7 mars 2008 à Mme X... faisait apparaître, par comparaison avec la fiche de poste établi en 2005, des modifications importantes dans le positionnement de la salariée et dans les fonctions confiées. Ainsi Mme X... ne dépendait plus directement du directeur général de la Société SOVENA en métropole, mais dépendait de M. Y... qui exerçait jusqu'alors des fonctions de responsable d'agence en Martinique. Il était retiré à Mme X... ses fonctions d'exploitation de logistique qui consistait, à veiller, en concertation avec les chefs de groupe (exploitation et douane), à la bonne organisation, à l'exécution, au suivi douanier du transit et de la logistique des dossiers confiés par le groupe et le client tiers, étant relevé qu'il s'agissait là des fonctions essentielles du responsable de l'agence dans l'activité de celle-ci, et étant rappelé qu'en vertu d'un pouvoir confié par le directeur général de la Société SOVENA en juillet 2006, il avait été donné jusque-là à Mme X..., tous pouvoirs pour « effectuer toutes les déclarations, démarches, intervention, réclamations de caractère administratif, comptable, financier auprès de l'administration des douanes dont relève l'établissement SOVENA Guadeloupe ». Mme X... pouvait à cette fin " effectuer toutes déclarations et toutes affirmations prescrites par la loi, remettre toutes pièces et documents nécessaires ", " passer et signer tous actes ".
Répondant à un e-mail du 11 mars 2008 d'un membre du comité d'entreprise, sollicitant des informations à propos de Mme X..., Mme Marie-Christine D..., travaillant au sein de l'agence de Guadeloupe répondait le jour même que pour d'autres que Mme X... c'était un « complot monté de toutes pièces pour la déstabiliser », « car en Guyane il n'y a pas de supérieur hiérarchique », « on attend la venue de Y... aujourd'hui et je te ferai part des représailles ».
Il apparaît ainsi que le congé individuel de formation dont a bénéficié Mme X..., avait indisposé sa hiérarchie.
Dans un e-mail du 12 mars 2008, ce même M. Y..., faisant référence à l'entretien qu'il avait eu la veille le 11 mars 2008 avec Mme X..., confirmait à celle-ci que la gestion des transporteurs dans l'organisation des livraisons vers des dépôts incombait à Monsieur E..., responsable d'exploitation, et qu'elle avait en charge le contrôle des factures des transporteurs. Il était également précisé que l'exploitation de l'agence avait été confiée à Marie-Christine D..., qui avait donné entière satisfaction à ce poste et qui devait le conserver.
Comme le montre les e-mails de Mme X... en date des 16 avril et 26 mai 2008 (pièces no19 et 22 de l'appelante), l'employeur a procédé à la suppression d'accès, pour celle-ci, aux services informatiques, et plus précisément ceux permettant de traiter avec les services de la douane. Il ressort d'ailleurs des pièces no 24 et 25 de l'appelante que dès le 19 octobre 2007, l'employeur n'entendait pas que soit donnée une habilitation à cette fin à Mme X....
L'employeur ne peut prétexter qu'il a dû procédé à une réorganisation des tâches en raison de l'absence de Mme X..., puisque cette suppression d'accès aux services informatiques a perduré après la reprise, par Mme X..., de son service, à l'issue de son congé individuel de formation.
Il ressort d'ailleurs des pièces no 22 et 25 que les droits d'accès aux services des douanes a été donnés à M. Z... et à Mme F..., collaborateurs travaillant sous la responsabilité de Mme X... selon l'organigramme versé aux débats (pièce no16 de l'appelante).
Dans un e-mail du 17 juillet 2008 adressé à M. Y..., Mme X... fait savoir qu'elle n'a toujours pas d'accès informatiques sur les anciens dossiers, et qu'elle ne peut donc pas pointer les factures en y affectant un numéro de dossier. Ainsi il apparaît que la suppression d'accès aux services informatiques pour Mme X... est devenue permanente.
Alors que dans la fiche de poste du 6 mars 2008, figurait encore la gestion du personnel de l'agence, notamment le contrôle de la présence des collaborateurs et l'organisation des congés, il ressort d'un e-mail émanant de M. Y... en date du 30 juin 2008, que celui-ci, s'adressant au personnel de l'agence de Guadeloupe, fait savoir que les demandes de congés doivent lui parvenir personnellement, car ces congés ne peuvent être validés que par lui-même. Ainsi interrogé par le responsable du service paie, M. Patrice G..., sur le planning de travail de l'agence, Mme X... fait savoir qu'elle ne peut que constater les absences de l'équipe sans en connaître la raison puisqu'elle ne valide plus les congés.
Il ressort par ailleurs de l'e-mail du 2 juillet 2008 de M. Y..., que la voiture de service a été attribuée à Monsieur E..., et que pendant son absence ce véhicule devait être confié à Mme F..., ce à quoi répond Mme X..., par e-mail du 7 juillet 2008, en constatant que les activités extérieures qui étaient assurées par elle-même en l'occurrence les déplacements en douane, les déplacements au service vétérinaire, les déplacements aux services phytosanitaires, sont confiées à M. E..., et en son absence à Mme F....
M. Y... répond par e-mail du 9 juillet 2008 de la façon suivante : « dans ma réattribution du véhicule au service douanes jamais je n'ai jamais mentionné le changement de vos tâches mais si cela vous pose un problème l'équipe tout entière est prête à prendre en charge le peu qu'il reste à faire. » Cette réponse conforte les explications de Mme X... qui se plaint d'être dépossédée de ses fonctions. Elle fait d'ailleurs intervenir son avocat qui par courrier du 25 juillet 2008 dénonce les agissements reprochés à l'employeur.
Peu après, le 30 juillet 2008, en l'absence de réponse de l'employeur qui n'écrira à l'avocat de Mme X... que le 13 août 2008, celle-ci connaît son premier arrêt maladie.
Les constatations qui précèdent, montrent déjà des agissements répétés de la hiérarchie de Mme X..., qui la considère, dès son congé individuel de formation, comme exclue de l'entreprise, puis à son retour, la dépouille de ses fonctions et de ses moyens d'action (accès informatiques) au profit de ses subordonnées, dont on lui ôte le pouvoir de gérer la présence. Ces agissements de l'employeur ont manifestement porté atteinte aux droits et à la dignité de l'intéressée, qui se voit privée de prérogatives nécessaires à l'exercice de ses fonctions, et se voit dévalorisée par rapport à ses subordonnées, mais ils ont également porté atteinte à sa santé mentale puisque les arrêts maladie du mois d'août 2008 font état d'asthénie, de surmenage et d'état anxieux.
L'attitude du supérieur hiérarchique de Mme X..., M. Y..., apparaît pernicieuse puisque s'adressant au directeur de la Société SOVENA par un e-mail du 12 novembre 2008, il prétend qu'à chaque nouveau passage sur l'agence de Guadeloupe une nouvelle excuse permet à la responsable d'agence de se décharger de toute tâche et en plus de se positionner en victime, alors que l'on a constaté que Mme X... avait été déchargée par ce même M. Y... des tâches importantes figurant initialement dans sa fiche de poste, et privée de moyens d'accomplir ses tâches (suppression des accès informatiques).
Si Mme X... connaît encore des arrêts de travail au cours des mois de septembre, octobre, novembre et décembre 2008, c'est-à-dire pendant ses premiers mois de grossesse, son médecin gynécologue certifie que ces arrêts de travail étaient surtout en rapport avec un état pathologique résultant, selon la patiente, d'une mauvaise ambiance au travail. Il convient de constater que le médecin gynécologue ne fait pas état de pathologie physiologique liée à la grossesse.
Ces arrêts de travail étaient suivis d'un congé maternité à compter du 5 janvier 2009 jusqu'au 31 mars 2009, puis de congés payés jusqu'au 16 juin 2009. Il est bien certain que s'agissant de congés légaux, ils ne peuvent être reprochés à la salariée. A la reprise de son travail, la situation de Mme X... ne devait pas s'améliorer, l'intéressée subissant à nouveau des arrêts maladie, tout d'abord du 21 juillet 2009 au 15 août 2009, puis du 11 au 16 septembre 2009. Si ces arrêts maladie ne paraissent pas imputables aux agissements de l'employeur dans la mesure où le premier est causé par une asthénie importante due à une " hypotension post saignements " et le second à une sciatique, les arrêts maladie suivants, à compter du 29 septembre 2009, sont dus à un syndrome dépressif réactionnel pour lequel Mme X... est traité par antidépresseur.
L'explication de ces nouveaux arrêts maladie, est donnée par le courrier que Mme X... adresse le 20 octobre 2009 à son employeur, dans lequel la salariée dénonce " l'absence totale de communication " dans laquelle elle est plongée et qui " rend insupportable (sa) présence dans l'entreprise ". Elle indique que les quelques tâches qui lui restaient à effectuer lui ont été totalement enlevées, et qu'elle se " présente sur son lieu de travail pour ne rien faire ".
Elle illustre son propos en faisant savoir qu'elle était tenue de transmettre un tableau hebdomadaire d'arrivée des conteneurs sur la Guadeloupe aux supermarchés Match et Ecomax, mais qu'elle apprend que le tableau est transmis par l'assistante de M. Y... depuis la Martinique.
Elle dénonce les méthodes de " mise au placard " mises en place, lesquelles l'excluent de toute décision concernant l'agence Guadeloupe, et la font passer pour un " élément inutile ", ajoutant qu'elle est payée " à ne rien faire ".
En 2010, dans la perspective d'un rachat de la société par de nouveaux actionnaires, l'employeur paraît passer d'un extrême à l'autre, puisque dans un courrier du 10 avril 2010, Mme X... rappelant son courrier d'octobre 2009 dans lequel elle faisait savoir qu'elle ne faisait absolument rien sur son lieu de travail, indiquant qu'elle s'était malgré tout rendue sur son lieu de travail en espérant que cette de « mise au placard » cesserait, exposait que le harcèlement moral dont elle était victime prenait une nouvelle forme, en l'occurrence la surcharge de travail pour la faire craquer et l'inciter à partir. Elle expliquait qu'alors qu'on refusait de lui donner du travail depuis 2 ans, la laissant sans dossier, sans aucune tâche à effectuer, elle se trouvait aujourd'hui avec le travail de 3 postes à temps plein celui de Mme D..., celui de M. Y... et le sien.
Dans ce courrier du 1er avril 2010 elle relevait que par mail en date du 10 mars 2010 on lui imposait des tâches qui ne lui incombaient plus, dans la mesure où on lui avait enlevé toutes les fonctions auprès des services de la douane, des transporteurs, des compagnies maritimes, des personnels de dépôt, et qu'on avait supprimé ses accès informatiques et sa signature auprès de la douane.
Elle ajoutait que si M. Y..., qui l'avait informée qu'il ne reviendrait plus travailler en Guadeloupe, lui avait remis l'ensemble des dossiers et les chéquiers de l'entreprise, elle ne pouvait accéder aux factures des transporteurs et aux divers frais généraux, puisque ordre avait été donné de mettre sous clés lesdites factures, Mme X... se trouvant ainsi dans l'incapacité la plus totale de payer ces factures.
Dans une lettre en réponse du 25 mai 2010, le directeur de la Société SOVENA se bornait à reprocher à Mme X... ces nombreux congés, et prétendait qu'il semblait difficile de soutenir qu'elle ait pu faire l'objet d'un quelconque harcèlement sur son lieu de travail dans la mesure où elle ne l'avait que très peu fréquenté. Le mois suivant l'employeur engageait la procédure de licenciement de Mme X....
L'employeur est mal fondé à soutenir que dans la mesure où Mme X... était peu présente dans l'entreprise en raison d'arrêts de travail, elle n'a pu faire l'objet de harcèlement moral.
En effet on constate que, hormis le congé individuel de formation et le congé maternité dont a bénéficié Mme X..., l'essentiel des absences de celle-ci sont dus aux perturbations affectant l'état psychique de la salariée, résultant des agissements de l'employeur, lesquels ont consisté, dès le retour du congé individuel de formation de la salariée, à réduire les tâches qui lui avaient été initialement confiées, à porter atteinte à son statut de cadre vis à vis de ses collaborateurs, et à la priver de moyens d'action et de contrôle au sein de l'agence dont elle était censée être responsable.
Ainsi, malgré les absences de Mme X..., les faits de harcèlement moral qu'elle dénonce, sont parfaitement caractérisés, et sa demande de résiliation du contrat de travail est justifiée par les agissements reprochés à l'employeur.
Sur l'indemnisation de Mme X... à raison de la rupture du contrat de travail et du harcèlement moral :
La résiliation judiciaire qui prend date au jour de l'envoi de la lettre de licenciement du 29 juin 2009, matérialisant la rupture de fait du contrat de travail, produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse comme le soutient Mme X....
Compte tenu de l'ancienneté de 10 ans de Mme X..., et de la difficulté de retrouver, sur le marché guadeloupéen du travail, un poste similaire et des niveaux de responsabilité et de rémunération équivalents, il sera alloué à Mme X... la somme de 65 000 euros équivalant à 15 mois de salaire à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Mme X... ayant connu, à son retour de congé individuel de formation, en février 2008 et pendant plus de 2 ans, une dégradation continue non seulement de ses conditions de travail mais également de son statut au sein de l'agence dont elle devait être responsable, et compte tenu des troubles psychiques qui en sont résultés et qui ont donné lieu à plusieurs arrêts maladie au cours de ces 2 années, il sera alloué à la requérante la somme de 30 000 euros d'indemnité pour harcèlement moral.
Sur l'indemnité conventionnelle de licenciement :
Pour le calcul de son indemnité de licenciement, Mme X... entend voir appliquer les dispositions de l'article 10 de la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire, et voir intégrer dans l'assiette de calcul les avantages en nature tels que le loyer mensuel du véhicule de fonction dont elle était attributaire, et le prix du vol aller-retour Pointe-à-Pitre/ Rouen une fois par an en classe économique, tel que prévu dans son contrat de travail en date du 12 mai 2005.
La Société SOVENA n'émet aucune critique à l'égard de ce mode de détermination du montant de l'indemnité de licenciement si ce n'est qu'elle fait valoir qu'il a été versé à Mme X... la somme de 33 222, 53 euros à titre d'indemnité de licenciement pour motif économique (PSE et PDV), censée la remplir de ses droits.
Compte tenu du montant de cette indemnité figurant effectivement sur le dernier bulletin de paie délivré à Mme X... et versée à la suite de la notification du licenciement économique de la salariée, le montant de l'indemnité de licenciement restant dû à Mme X... s'élève à :
45 511, 20 euros-33 222, 53 euros = 12 288, 67 euros
Sur l'indemnité compensatrice de préavis :
Mme X... ayant déjà perçu une indemnité compensatrice de préavis d'un montant de 12 192 euros, équivalente à trois mois de salaire, comme le montrent l'attestation ASSEDIC et son dernier bulletin de salaire délivré au titre du mois de juillet 2010 accompagné de la photocopie du chèque de paiement dudit salaire, elle doit être déboutée de sa demande tendant au versement de la même indemnité.
Sur le rappel de prime d'intéressement :
Le contrat de travail du 12 mai 2005 de Mme X... prévoit une rémunération brute mensuelle de 3700 euros, ainsi que le bénéfice d'un système d'intéressement individuel pouvant représenter pour une année complète d'activité jusqu'à un mois de sa rémunération de base.
S'agissant d'une prime basée sur le temps d'activité du salarié, il ne peut être tenu compte des périodes de suspension du contrat de travail pour congé maternité ou pour congé maladie. Ainsi Mme X... doit être déboutée de sa demande de rappel de complément de prime d'intéressement pour les années 2008 et 2009.
L'employeur devra délivrer à Mme X... un certificat travail tenant compte de la durée du préavis, ainsi qu'un solde de tout compte.
Comme il paraît inéquitable de laisser à la charge de Mme X... les frais irrépétibles qu'elle a exposés, il lui sera alloué la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ces motifs,
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Réforme le jugement déféré,
Et statuant à nouveau,
Prononce la résiliation, aux torts de la Société SOVENA, du contrat de travail conclu le 12 mai 2005 entre cette dernière et Mme X...,
Dit que cette résiliation produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
Condamne la Société SOVENA à payer à Mme X... les sommes suivantes :
-65 000 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-30 000 euros à titre de dommages intérêts pour harcèlement moral,
-12 288, 67 euros au titre du solde d'indemnité conventionnelle de licenciement,
-3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Ordonne à la Société SOVENA de remettre à Mme X..., dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, un certificat travail tenant compte de la période de préavis, ainsi qu'un solde de tout compte, et dit que chaque jour de retard passé ce délai sera assorti d'une astreinte de 50 euros,
Dit que les entiers dépens sont à la charge de la Société SOVENA,
Déboute les parties de toute conclusion plus ample ou contraire.
Le Greffier, Le Président.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : 04
Numéro d'arrêt : 11/017161
Date de la décision : 06/05/2013
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2013-05-06;11.017161 ?
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