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06/05/2013 | FRANCE | N°11/00286

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, Chambre sociale, 06 mai 2013, 11/00286


COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE CHAMBRE SOCIALE

ARRET No 160 DU SIX MAI DEUX MILLE TREIZE
AFFAIRE No : 11/ 00286
Décision déférée à la Cour : jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 25 janvier 2011- Section commerce.
APPELANT
Monsieur Tony X...... 97115 SAINTE-ROSE Représenté par la SELARL DURIMEL et BANGOU (Toque 56) substituée par Maître DAHOMAIS, avocat au barreau de la Guadeloupe.

INTIMÉE
SOCIETE LA CABOTRA 34 ZI de Jaula 97129 LAMENTIN Représentée par Maître Thierry AMOURET (Toque 95), avocat au barreau de la Guadeloupe.
>COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 04 mars 2013, en audience publique, d...

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE CHAMBRE SOCIALE

ARRET No 160 DU SIX MAI DEUX MILLE TREIZE
AFFAIRE No : 11/ 00286
Décision déférée à la Cour : jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 25 janvier 2011- Section commerce.
APPELANT
Monsieur Tony X...... 97115 SAINTE-ROSE Représenté par la SELARL DURIMEL et BANGOU (Toque 56) substituée par Maître DAHOMAIS, avocat au barreau de la Guadeloupe.

INTIMÉE
SOCIETE LA CABOTRA 34 ZI de Jaula 97129 LAMENTIN Représentée par Maître Thierry AMOURET (Toque 95), avocat au barreau de la Guadeloupe.

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 04 mars 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Bernard ROUSSEAU, président de chambre, président, Mme Marie-Josée BOLNET, conseiller, Mme Françoise GAUDIN, conseiller, qui en ont délibéré.

Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 22 avril 2013, date à laquelle le prononcé de l'arrêt a été prorogé au 6 mai 2013.
GREFFIER Lors des débats Mme Valérie FRANCILLETTE, greffier.
ARRET :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par M. Bernard ROUSSEAU, président de chambre, président, et par Mme Valérie FRANCILLETTE, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

Faits et procédure :

Par contrat de travail à durée indéterminée, M. Tony X... a été engagé le 1er février 1994, par la Société CABOTRA en qualité de " chauffeur d'hydrocarbures ".
Par lettre recommandée avec avis de réception du 12 janvier 2006, la Société CABOTRA l'a convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement, fixé au 25 janvier 2006.
Par courrier recommandé en date du 3 février 2006, M. Tony X... a été licencié pour faute grave.
Le 25 janvier 2007, M. Tony X... saisissait le Conseil de Prud'hommes de Pointe à Pitre aux fins de contester son licenciement et obtenir indemnisation.
Par jugement du 16 novembre 2010, la juridiction prud'homale, en formation de départage, constatait que le licenciement de M. Tony X... reposait sur une cause réelle et sérieuse et déboutait celui-ci de l'ensemble de ses demandes. Il était en outre condamné à payer la somme de 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Le 24 février 2011, M. Tony X... interjetait appel de ce jugement.
Par conclusions notifiées à la partie adverse le 7 août 2012, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, M. Tony X..., faisant valoir que l'employeur ne rapporte pas la preuve de sa participation aux faits reprochés, entend voir juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, et que la véritable cause de son licenciement est son appartenance au syndicat UGTG-UTPP.
Il sollicite la condamnation de la Société CABOTRA à lui payer les sommes suivantes :-37 164, 36 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ou à défaut, à titre d'indemnité pour licenciement nul,-7 019, 93 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,-14 866 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,-9 291 euros à titre d'indemnité conventionnelle de préavis,-929, 10 euros à titre d'indemnité de congés payés,-3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions notifiées à la partie adverse le 28 septembre 2012, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, la Société CABOTRA sollicite la confirmation en toutes ses dispositions du jugement entrepris et réclame paiement de la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La Société CABOTRA explique que l'élection d'un délégué du personnel titulaire et d'un délégué suppléant a été organisée le 5 janvier 2006, et que trois salariés, dont M. Tony X..., ont décidé de saboter le processus électoral, des salariés électeurs ayant été empêchés de voter, les urnes ayant été détruites et les bulletins de vote éparpillés au sol.
La Société CABOTRA invoque à l'appui de ces griefs, des attestations de salariés, et critique celles produites par l'appelant. Elle fait état en outre du passé disciplinaire de M. Tony X..., et conteste la discrimination syndicale alléguée par ce dernier.

Motifs de la décision :

Dans la lettre de licenciement du 3 février 2006, l'employeur reproche à M. Tony X... d'avoir fait obstacle au déroulement des élections des délégués du personnel organisées le 5 janvier 2006, en s'interposant physiquement, avec un de ses collègues, M. Y..., en tentant d'empêcher l'un des électeurs de déposer son enveloppe dans l'urne, puis de s'emparer avec le même collègue des urnes et de les avoir détruites, répandant sur le sol l'ensemble du matériel électoral ainsi que les enveloppes déjà utilisées, rendant ainsi impossible la poursuite des opérations électorales.
Les critiques exprimées par M. Tony X... à l'encontre du jugement déféré portent sur l'absence de preuve de sa participation aux faits ayant empéché le déroulement du processus électoral, et sur la réalité d'une discrimination syndicale comme cause de son licenciement.
Il y a lieu de rappeler que les élections de délégués du personnel avaient fait l'objet d'un protocole d'accord préélectoral conclu d'une part entre la direction de l'unité économique et sociale de site réunissant les entreprises CABOTRA et STFP, au Lamantin, représentée par M. Éric Z... directeur d'exploitation, et d'autre part les organisations syndicales CTU, FO, UGTG.
Il ressort des pièces versées aux débats, que lors des opérations de vote, certains salariés, se sont opposés au vote de deux électeurs, dont les noms figuraient sur la liste des électeurs et des éligibles à l'élection des délégués du personnel de l'unité économique et sociale composée des sociétés CABOTRA et STPP, au motif que ces deux électeurs, en l'occurrence Mme Ania A... et M. Frédéric B..., n'étaient pas salariés de ces sociétés, mais avait été mis à disposition par leur employeur, la société GBG, au profit des entreprises filiales CABOTRA et STPP.
Dans le cadre d'un échange de courriers entre le directeur d'exploitation, M. Z..., et l'inspecteur du travail, ce dernier dans un courrier du 9 janvier 2006, faisait état des dispositions de l'article L620-10 du code du travail et de la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de Cassation, en indiquant que les salariés mis à disposition dans l'entreprise où ils sont détachés, sont, au sein de celle-ci, électeurs pour les élections de délégués du personnel. Il rappelait par ailleurs que les contestations relatives à l'électorat et à la régularité des opérations électorales étaient de la compétence du tribunal d'instance.
L'examen du procès-verbal de déroulement du vote, signé par le président du bureau de vote et l'un des assesseurs, relate que :- Mme A... s'est rendue dans le bureau de vote pour voter et que M. C... (l'assesseur qui n'a pas signé le procès-verbal) a refusé de laisser celle-ci voter, contestant sa qualité d'électeur ;- M. Z..., le directeur, est alors intervenu sur la demande du président du bureau de vote et a indiqué à l'ensemble des personnes présentes qu'il fallait continuer les opérations électorales et que toute contestation pourrait se faire après le vote auprès du tribunal ;- c'est alors que M. Frédéric B... est venu voter,- M. Tony X... a contesté sa qualité d'électeur et pour l'empêcher de voter il s'est emparé des urnes, les a déchirées, répandant l'ensemble des enveloppes à terre et le matériel de vote, les opérations électorales ayant dû alors être arrêtées, les enveloppes des titulaires et suppléants étant mélangées, certaines endommagées et les urnes détruites, tous les électeurs n'ayant pas encore voté. Il était précisé que M. Y... s'était joint à M. Tony X... pour détruire les urnes.

Le faite que M. C... n'ait pas signé ce procès-verbal, ce qui se comprend dans la mesure où il apparaît impliqué dans l'opposition à l'exercice du droit de vote d'une électrice inscrite sur la liste électorale, n'empêche pas de considérer ce document comme constituant un élément de preuve tendant à démontrer l'implication personnelle de M. Tony X... dans les actes ayant empêché le déroulement normal des élections.
Dans le procès-verbal de carence définitive du premier tour des élections de délégués du personnel, qui a été signé le 23 janvier 2006 par le seul président du bureau de vote, il est rappelé que plusieurs salariés sont intervenus pour empêcher le déroulement normal du scrutin, contestant la capacité électorale de salariés mis à disposition de manière permanente, et n'entendant pas les faire participer au vote en cours. Il est indiqué que ces salariés se sont opposés verbalement et se sont interposés physiquement au vote des salariés dont la participation était contestée, et que deux d'entre eux se sont emparés des urnes, les ont détruites et jetées à terre dans la confusion générale, l'ensemble du matériel nécessaire au vote se retrouvant éparpillé à terre.
Dans son attestation Mme A... expose que M. C... lui a interdit de voter, lui signalant qu'elle ne faisait pas partie de la Société CABOTRA ni de la Société STPP, lui signifiant que si elle votait, il partirait avec les urnes. Ensuite elle relate la participation de M. B... au vote, en indiquant que cette fois-ci c'était M. Tony X... et M. Y... qui lui ont interdit de voter pour le même motif, M. Tony X... se mettant devant lui et M. Y... posant les mains sur les urnes. Elle précise qu'il est arrivé à introduire ses enveloppes dans les urnes et qu'à ce moment M. Tony X... déchira une urne et M. Y... déchira l'autre et que ce fut alors une " pagaille terrible et la cohue totale ".
Dans son attestation, M. B... explique que lorsqu'il s'est présenté pour voter, il a constaté la présence d'une dizaine de personnes sur les lieux du vote, ce qu'il l'a étonné, qu'il s'est ensuite saisi de deux bulletins, et qu'à ce moment M. Y... et M. Tony X... lui ont indiqué qu'il ne voterait pas. M. B... précise qu'il est quand même allé dans l'isoloir pour faire son devoir et qu'au moment de voter MM. Tony X... et Y... se sont interposés, M. Y... a mis ses mains sur la fente des urnes pour qu'il ne puisse pas mettre ses bulletins, et qu'ayant quand même réussi à glisser un bulletin dans une urne, M. Tony X... a alors pris l'urne, l'a déchirée et a versé son contenu à terre.
Dans son attestation produite par l'appelant, M. C... dit se souvenir avoir indiqué à Mme A... et à M. B... de ne pas voter car ils faisaient partie du groupe GBG. Il indique qu'il y a eu une bousculade à l'intérieur entre les collègues mais qu'à aucun moment il n'a vu M. X... renverser l'urne, et que cela a pu être fait par n'importe quelle autre personne dans la bousculade, et qu'à aucun moment M. X... n'a fait de menaces d'aucune sorte à personne.
Cette attestation n'est pas de nature à remettre en cause la réalité des faits décrits par les témoins cités précédemment. En effet si M. C... prétend qu'il n'a pas vu M. Tony X... renverser les urnes, ceci n'exclut nullement que M. Tony X... soit effectivement l'auteur de cette obstruction, M. C..., n'attribuant précisément à aucune autre personne la responsabilité de cet acte. Par ailleurs on comprend que M. C..., qui en sa qualité d'assesseur du bureau de vote, a été témoin direct des faits, s'abstienne de donner toute précision sur l'identité des fauteurs de troubles, puisqu'il faisait partie, avec M. Tony X..., des salariés voulant s'opposer aux votes de Mme A... et de M. B....
Quant à l'attestation de M. Eddy E..., également produit par l'appelant, elle indique qu'après avoir terminé son travail, Tony X... est monté pour voter et qu'ensuite, avec d'autres collègues, il est reparti, et qu'aucun incident ne s'est produit " durant la présence au local de vote ". Cette attestation est peu explicite, car M. E... n'indique pas à quel moment il était lui-même présent dans le bureau de vote, ni s'il était présent lors du vote de Mme A... et de M. B.... En tout état de cause, les autres éléments du débat montrent qu'il y a eu effectivement de graves incidents dans le bureau de vote, M. Tony X... n'en contestant pas l'existence, mais seulement l'imputabilité qui lui en est faite.
Il en résulte que les documents établis tant par le président du bureau de vote, dont le procès-verbal du déroulement de vote qui est co-signé par M. Jean-Michel F..., assesseur, que ceux établis par Mme A... et M. B..., permettent de démontrer suffisamment l'implication de M. Tony X... dans la destruction des urnes, et sa responsabilité dans les faits ayant empêché le déroulement normal des élections des délégués du personnel.
M. Tony X... est mal fondé à invoquer une discrimination syndicale de la part de l'employeur, comme cause de son licenciement, même s'il cite le cas d'un dénommé Pierre G..., qui aurait été condamné pénalement du chef de vol de plusieurs milliers de litres de carburant, et qui continuerait à travailler pour la Société CABOTRA, alors que des militants UGTG, MM. H... et I..., simplement soupçonnés de vol de bidons de carburant sur un véhicule de la société, ont été immédiatement licenciés.
En effet les faits invoqués par l'employeur, dont il est suffisamment démontré qu'ils sont bien imputables à M. Tony X..., constituent une cause objective de rupture du contrat de travail, et si d'autres salariés UGTG ont pu se plaindre discrimination syndicale à leur égard, ceci n'implique pas qu'une telle discrimination puisse être retenue au préjudice de M. Tony X..., étant relevé qu'il résulte de l'extrait du répertoire national des entreprises (SIRENE) versé aux débats, que depuis le 3 janvier 1994, M. G..., n'est pas un salarié de la Société CABOTRA, puisque il est transporteur indépendant, et qu'il ne pouvait faire, par conséquent, l'objet d'un licenciement par cette société.
Le fait de faire obstacle, de façon violente, à l'exercice du droit de vote de salariés, et donc à l'élection de délégués du personnel, en empêchant le déroulement des élections professionnelles au sein de l'entreprise, alors qu'en cas d'irrégularités alléguées des voies de recours judiciaires sont prévues par la loi, constitue une atteinte grave aux droits des salariés, à la mise en oeuvre d'une institution légale protectrice des droits de ces derniers, et au bon fonctionnement de l'entreprise, rendant impossible le maintien de l'auteur de ces faits dans l'entreprise, et constituant une faute grave justifiant le licenciement de ce dernier.
S'agissant d'une faute grave établie à son encontre, M. Tony X... ne peut prétendre au paiement d'indemnités de licenciement et de préavis.
Par ailleurs les premiers juges ont fait une juste application du principe d'équité, en mettant à la charge de M. Tony X... la somme de 500 euros à titre d'indemnité telle que prévue par l'article 700 du code de procédure civile.
Par ces motifs,
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, et dernier ressort,
Confirme le jugement déféré en toute ses dispositions,
Dit que les dépens d'appel sont à la charge de M. Tony X...,
Déboute les parties de toute conclusion plus ample ou contraire.
Le Greffier, Le Président.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11/00286
Date de la décision : 06/05/2013
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2013-05-06;11.00286 ?
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