COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE CHAMBRE SOCIALE
ARRET No 124 DU HUIT AVRIL DEUX MILLE TREIZE
AFFAIRE No : 12/ 00436
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de Pointe-à-Pitre du 16 février 2012, section commerce.
APPELANTE
Madame Nathalie Arlette X... épouse Y...... 97139 ABYMES Représentée par Me Florence DELOUMEAUX (TOQUE 101) avocat au barreau de GUADELOUPE
INTIMÉE
Madame Marie Ketty Z...... 97180 SAINTE ANNE Représentée par M. Ernest A..., délégué syndical ouvrier
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Décembre 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Bernard ROUSSEAU, président de chambre et Mme Marie-Josée BOLNET, conseillère.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, M. Jean DE ROMANS, Conseiller, Mme Marie-Josée BOLNET, Conseillère.
Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 18 février 2013 puis le délibéré a été successivement prorogé jusqu'au 08 avril 2013
GREFFIER Lors des débats Mme Juliette GERAN, Adjointe Administrative Principale, faisant fonction de greffière, serment préalablement prêté.
ARRET : Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, et par Mme Juliette GERAN, Adjointe Administrative Principale, fft de greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
Par contrat à durée indéterminée du 1er avril 2000, Mme Marie Ketty Z... a été embauchée par Mme Arlette Y..., en qualité de vendeuse moyennant le SMIC en vigueur à l'époque du contrat. Par lettre du 10 mars 2010, Mme Arlette Y... a convoqué l'intéressée à un entretien préalable prévu le 17 mars 2009 à 13 h 10. Par lettre du 06 avril 2010, Mme Marie Ketty Z... apprenait son licenciement. Contestant celui-ci, Mme Z... saisissait le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre aux fins de constater l'absence de cause réelle et sérieuse justifiant la rupture du contrat et réclamer diverses sommes.
Par jugement réputé contradictoire du 16 février 2012, la juridiction prud'homale a jugé le licenciement abusif, et a condamné l'employeur à payer à la demanderesse les sommes suivantes :-1398, 15 € à titre de préavis-139, 81 € à titre de congés payés sur préavis-1398, 15 € pour non respect de la procédure de licenciement-8 388, 90 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive-500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle a également ordonné à Mme Arlette Y... la remise de la fiche de paie liée au préavis, sous astreinte de 30 € par jour de retard, à compter du prononcé de la décision.
Cette dernière en interjeta appel par déclaration reçue au greffe de la cour le 27 février 2012.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par conclusions développées à l'audience des plaidoiries du 3 décembre 2012, Mme Arlette Y..., représentée, demande à la cour de :- dire et juger recevable et juger bien fondé l'ensemble de ses écritures,- débouter en conséquence Mme Marie Ketty Z... de ses demandes,- d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a condamnée à payer à cette dernière les sommes suivantes : * 8 388, 90 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive * 1398, 15 € à titre de préavis * 139, 81 € à titre de congés payés sur préavis-condamner Mme Marie Ketty Z... à lui verser la somme de 3 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
A l'appui de ses prétentions, elle fait d'abord observer que c'est dans le cadre de la cessation totale de L'EURL X... NATHALIE qu'elle a convoqué sa salariée à un entretien préalable ; qu'à la suite de cet entretien, elle lui a notifié une lettre de licenciement pour motif économique ; que Mme Z... était également informée de ce que le délai de préavis d'une durée de trois mois débuterait au 1er mai 2010 et expirerait le 31 juillet 2010.
Pour contester l'attribution de dommages et intérêts pour procédure abusive, elle rappelle une jurisprudence constante de la cour de cassation selon laquelle il n'est pas nécessaire que la lettre de licenciement précise formellement les effets sur l'emploi de la cessation d'activité, à savoir la suppression du poste, que celle-ci se déduit nécessairement de cette situation (cass. soc du 28 février 2006 no03-47 880 et cass. soc du 28 juin 2006 no04-45872).
Elle soutient ensuite qu'elle a pris soin d'indiquer le motif du licenciement dans la lettre de convocation à l'entretien préalable du 10 mars 2010 et que son entreprise a fait l'objet d'une radiation le 9 juillet 2010, éléments non pris en compte par la juridiction prud'homale.
Elle dénonce enfin sa condamnation au paiement d'une indemnité de préavis sur le seul motif qu'elle aurait demandé à Mme Z... de prendre ses congés sur la période de préavis, et déplore que le conseil de prud'hommes ait suppléé la carence de la salariée dans l'administration de la preuve puisqu'à aucun moment, celle-ci n'a fourni d'éléments au soutien de ce chef de demande. Elle rappelle qu'une demande de congés durant le préavis doit résulter d'un commun accord sans équivoque entre les deux parties, qu'à cet égard, Mme Z..., tout en considérant illégale l'invitation à prendre ses congés, s'est abstenue de se présenter à son poste durant cette période, et avoue judiciairement par voie de conclusions avoir acquiescé à cette demande ; qu'ainsi la preuve est largement rapportée de ce que la demande litigieuse a été accomplie d'un commun accord entre les parties.
Par conclusions écrites soutenues oralement à l'audience, Mme Marie Ketty Z..., représentée, demande à la cour de :- confirmer le jugement querellé en toutes ses dispositions,- condamner Mme Arlette Y..., née X..., à lui payer les sommes suivantes : * 1398, 15 € à titre de préavis * 139, 81 € à titre de congés payés sur préavis * 1398, 15 € pour non respect de la procédure de licenciement * 8 388, 90 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive * 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en y ajoutant la somme de 5 000 € sur le fondement du même article pour l'instance d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens.
Elle soutient que la lettre de convocation à l'entretien préalable n'est pas conforme aux dispositions des articles L1232-4 et L 1232-13 du code du travail car il n'y est pas fait mention de l'adresse de la section d'inspection du travail compétente et celle de la mairie du lieu de domicile de la salariée ; qu'en outre, la lettre de licenciement n'est ni signée, ni motivée au regard des dispositions de l'article L 1232-6 et qu'à cet égard, la somme de 1398, 15 € réclamée est fondée.
Elle indique également qu'aucune proposition de reclassement ne lui a été faite alors que Mme Arlette Y... prétend l'avoir licenciée pour motif économique ; que cette dernière n'a pas davantage respecté les dispositions de l'article L 1233-16 du code du travail.
Elle conclut qu'elle n'a jamais donné son accord pour prendre les congés litigieux et si c'était le cas, elle aurait fait parvenir à son employeur un écrit pour éviter tout quiproquo et n'aurait pas de surcroît saisi le conseil de prud'hommes sur ce chef de demande.
MOTIFS DE LA DÉCISION
SUR L'IRRÉGULARITÉ DE LA PROCÉDURE DE LICENCIEMENT
Attendu qu'aux termes de l'article L. 1232-4 du code du travail, la lettre de convocation à l'entretien préalable adressée au salarié mentionne la possibilité de recourir à un conseiller du salarié et précise l'adresse des services dans lesquels la liste de ces conseillers est tenue à sa disposition ;
Attendu que les premiers juges ont à juste titre constaté que cette prescription n'a pas été observée puisque la lettre de convocation ne comporte pas l'adresse de la mairie du lieu du domicile de la salariée et que l'omission de celle-ci constitue une irrégularité de procédure justifiant une indemnité correspondant à un mois de salaire ; qu'il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris de ce chef.
SUR LA MOTIVATION DU LICENCIEMENT
Attendu que la motivation du licenciement doit être contenue dans la lettre de licenciement qui doit se suffire à elle-même et fixe les limites du litige conformément aux dispositions de l'article L1233-16 du code du travail ; que la motivation par référence au contenu à l'entretien préalable, ou au contenu de correspondances antérieures (y compris la lettre de convocation à l'entretien) est inopérante ;
Attendu qu'il s'en déduit un licenciement sans cause réelle et sérieuse en l'absence de toute motivation ;
Attendu qu'en l'espèce, si la lettre de licenciement du 06 avril 2010 n'est pas signée, elle ne comporte pas davantage le motif du licenciement, à savoir la cessation d'activité indiquée dans la convocation à l'entretien préalable, à laquelle se réfère l'employeur pour en justifier le bien fondé ;
qu'il convient en conséquence de confirmer le jugement ayant considéré à juste titre le licenciement sans cause réelle et sérieuse et ayant fixé les dommages et intérêts à la somme de 8 388, 90 € pour procédure abusive.
SUR L'NDEMNITE COMPENSATRICE DE PRÉAVIS ET L'INDEMNITÉ DE CONGES PAYES SUR PRÉAVIS
Attendu que la prise du congé par le salarié à une période où il aurait dû effectuer son préavis, et ce en accord avec l'employeur n'est pas contraire aux règles du droit du travail qui sont d'ordre public ; qu'à défaut d'accord, la prise de congé suspend cependant le préavis ; qu'il en découle qu'en cas de prise effective des congés payés en cours de préavis, une indemnité complémentaire de préavis est due si le salarié a été obligé de prendre son congé à cette date lorsque la prise des congés est imposée par exemple par la fermeture de l'entreprise ;
Attendu qu'en l'espèce, Mme Arlette Y... a indiqué à Mme Marie Ketty Z... dans la lettre de licenciement qu'elle disposait d'un préavis de trois mois courant à partir du 1er mai 2010 et expirant le 31 juillet 2010 ; qu'elle a délivré par la suite à sa salariée le bulletin de salaire de juin 2010 faisant apparaître un solde de congés de 30 jours et celui du mois de juillet indiquant une prise de 26 jours de congés ; que Mme Arlette Y... ne rapporte par aucun moyen la preuve d'un réel accord de Mme Z... sur la prise de ces 26 jours de congé durant le préavis ; qu'il s'en déduit clairement que cette dernière s'est trouvée obligée de prendre ses congés en juillet 2010, Mme Arlette Y... ayant procédé à l'enregistrement de la cessation de son activité le 09 juillet 2010 ; qu'il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement entrepris de ces chefs.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, après en avoir délibéré, par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort :
Déclare l'appel de Mme Arlette Y... recevable mais le juge mal fondé ; Confirme le jugement du 16 février 2012 ; Condamne Mme Arlette Y... à payer à Mme Marie Ketty Z... la somme de 800 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; Condamne Mme Arlette Y... aux éventuels dépens ;
La greffière, Le président.