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18/03/2013 | FRANCE | N°12/00332

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, Chambre sociale, 18 mars 2013, 12/00332


COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE VF-MJB ARRET No 105 DU DIX HUIT MARS DEUX MILLE TREIZE

AFFAIRE No : 12/ 00332 Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 1er décembre 2011- Section commerce. APPELANTE

SARL CARAIBES ACESS ESCAPADE 31 rue des Hibiscus Raizet 97139 LES ABYMES Représentée par la SCP MORTON et ASSOCIES (Toque 104) substituée par Maître Isabelle WERTER-FILLOIS, avocat au barreau de la Guadeloupe

INTIMÉ
Monsieur Jimmy Y... ......97139 LES ABYMES Comparant en personne assisté de M. Gaby Z.

..(Délégué syndical ouvrier)

COMPOSITION DE LA COUR :
En application des disposi...

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE VF-MJB ARRET No 105 DU DIX HUIT MARS DEUX MILLE TREIZE

AFFAIRE No : 12/ 00332 Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 1er décembre 2011- Section commerce. APPELANTE

SARL CARAIBES ACESS ESCAPADE 31 rue des Hibiscus Raizet 97139 LES ABYMES Représentée par la SCP MORTON et ASSOCIES (Toque 104) substituée par Maître Isabelle WERTER-FILLOIS, avocat au barreau de la Guadeloupe

INTIMÉ
Monsieur Jimmy Y... ......97139 LES ABYMES Comparant en personne assisté de M. Gaby Z...(Délégué syndical ouvrier)

COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 3 décembre 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Bernard ROUSSEAU, président de chambre, et Madame Marie-Josée BOLNET, conseiller
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Bernard ROUSSEAU, président de chambre, président, Mme Marie-Josée BOLNET, conseiller, M. Jean de Romans, conseiller

Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 18 février 2013, date à laquelle le prononcé de l'arrêt a été prorogé successivement au 25 février, au 11 mars puis au 18 mars 2013.
GREFFIER Lors des débats Mme Juliette GERAN, Adjointe Administrative Principale, faisant fonction de greffier, ARRET :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par M. Bernard ROUSSEAU, président de chambre, président, et par Mme Valérie FRANCILLETTE, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE :
Mr Jimmy Y... a été engagé par la société Caraïbes Access Escapade par contrat de travail polyvalent à durée indéterminée avec effet au 1er mars 2006 en qualité d'agent sanitaire en escale et AFPS ambulancier moyennant un salaire mensuel de 1355, 38 €.
Du 20 janvier 2009 au 04 mars 2009, un mouvement de grève général paralysait l'activité économique de la Guadeloupe.
Par lettre du 18 mars 2009, les salariés de la société Caraïbes Access Escapade ont informé l'employeur de la suspension de la grève à compter du 03 mars 2009.
Par lettre non datée, Mr Jimmy Y... faisait connaître à son employeur sa démission en lui reprochant l'absence de paiement des salaires depuis le 05 mars 2009, date de la reprise du travail. A cette occasion, il réclamait le paiement des salaires de mars et d'avril 2009.
Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 29 juin 2009, ce dernier a été convoqué à un entretien préalable prévu le 10 juillet 2009, en vue de son licenciement.
Un licenciement pour faute lourde est prononcé le 13 juillet 2009 à l'encontre de l'intéressé.
Contestant son licenciement, Mr Jimmy Y... a saisi le 08 juin 2010 le conseil de prud'hommes de Pointe – à-Pitre pour constater que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et pour voir condamner son employeur au paiement de diverses sommes.
Par jugement du 1er décembre 2011, la juridiction prud'homale a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamné la SARL Caraïbes Access Escapade à payer à Mr Jimmy Y... les sommes suivantes :
6019, 78 € à titre de salaires pour la période du 05 mars 2009 au 15 juillet 2009, 1681, 45 € à titre de congés payés, 3963, 15 € à titre d'indemnité de préavis, 1056 € à titre d'indemnité légale de licenciement, 7926 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive, 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle a également indiqué que les rémunérations et indemnités mentionnées à l'article R. 1454-14 du code du travail, dans la limite de 9 mois de salaire calculé sur la moyenne des 3 derniers mois de salaire, sont de droit exécutoires en application de l'article R. 1454-28 du code du travail, la moyenne des trois derniers mois de salaires s'élevant à 1326, 61 €, a débouté le demandeur du surplus de ses demandes, débouté l'employeur de toutes ses demandes, et a condamné celui-ci aux entiers dépens.
Par déclaration reçue au greffe de la cour le15 décembre 2011, la société Caraïbes Access Escapade a relevé appel de cette décision.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES : Par conclusions écrites, développées oralement à l'audience et auxquelles il convient de se référer, la société Caraïbes Access Escapade, poursuivant l'infirmation du jugement, demande à la cour de :

- dire et juger que la prise d'acte produit les effets d'une démission,- condamner, à titre reconventionnel, Mr Y... au paiement de la somme de 3963, 15 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,- condamner le même à payer la somme de 3500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Elle soutient que le courrier singulier de Mr Y... non daté et qui peut être situé postérieurement au mois de mai 2009, puisqu'il est fait référence à la lettre du 18 mars 2009 par laquelle les salariés annonçaient la reprise du travail, et aux salaires d'avril et mai 2009, doit être admis comme une prise d'acte de la rupture du contrat de travail, bien que comportant l'énoncé d'une démission aux torts de l'employeur ; que cette prise d'acte pour qu'elle soit aux torts de l'employeur, doit être provoquée par une violation grave de ses obligations qui rende impossible la poursuite de la relation contractuelle (cass. soc du 19 janvier 2005) ; qu'en l'espèce, il est établi que les salariés ont prolongé leur mouvement de grève ainsi que l'attestent les pièces versées aux débats et que Mr Y... ne rapporte pas la preuve qu'il s'est tenu à disposition de l'employeur alors qu'en matière de prise d'acte de la rupture du contrat de travail, le doute ne profite pas au salarié ; que de surcroît, Mr Y... prenait acte de la rupture de son contrat aux torts de son employeur entre mai et juin 2009 et prenait le temps de poursuivre son employeur plus d'un an après, à savoir le 08 juin 2010 ; que ce manque de diligence trahit sa mauvaise foi ; que cette prise d'acte produit donc les effets d'une démission.
Elle précise qu'aux termes d'une jurisprudence constante, (cass. soc du 08 juin 2011 no09-43208), lorsque la prise d'acte est injustifiée et qu'elle produit en conséquence les effets d'une démission, le salarié doit à l'employeur le montant de l'indemnité compensatrice de préavis résultant de l'article L. 1237-1 du code du travail ; qu'en l'espèce, la prise d'acte étant injustifiée et devant être considérée comme une démission, Mr Y... était tenu de respecter un préavis dont l'indemnité compensatrice sera de 3963, 15 €.
Mr Jimmy Y..., représenté, sollicite la confirmation du jugement et fait valoir en substance que la lettre de démission considérée par la société appelante n'est pas datée et ne peut entraîner aucun effet juridique.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la prise d'acte de la rupture du contrat de travail
Attendu que lorsqu'un salarié donne sa démission en prenant acte de la rupture de son contrat de travail en raison des faits qu'il reproche à son employeur, cette prise d'acte provoque la rupture du contrat et produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les faits invoqués la justifiaient, soit dans le cas contraire d'une démission ;
Attendu que le contrat est rompu par la prise d'acte à la date de celle-ci, peu importe le licenciement prononcé ultérieurement, celui-ci devant être considéré comme non-avenu ;
Attendu qu'en l'espèce, la lettre de Mr Jimmy Y... qui fait part de sa démission doit être admise comme une prise d'acte de la rupture du contrat de travail le liant à son employeur ; que si celle-ci n'est pas expressément datée, il est possible pour la cour de fixer le point de départ de la rupture au 30 avril 2009 puisque dans sa lettre, Mr Y... met à la charge de son employeur cette rupture pour non-paiement des salaires des mois de mars et d'avril 2009 ;
Attendu que la société Caraïbes Access Escapade s'appuie, pour sa part, sur la poursuite de la grève par Mr Y... au-delà de ces dates, celui-ci ne rapportant pas la preuve qu'il s'est tenu à la disposition de l'employeur pour reprendre son service ;
Attendu que les arguments de l'appelant ne peuvent pas prospérer dans la mesure où Mr Y... rappelle à son employeur dans sa lettre de prise d'acte la reprise du travail dès le 05 mars 2009 et le courrier du 18 mars 2009 faisant état de cette reprise du travail ;
Attendu qu'à la réception de la lettre de prise d'acte du salarié, l'employeur, alors clairement mis en cause par celui-ci pour non-paiement des salaires de mars et d'avril 2009, n'a opposé curieusement aucune contestation et n'a fait part d'aucune observation sur son absence au travail ;
Attendu par ailleurs que la cour relève que la société Caraïbes Access Escapade met en avant la mauvaise foi du salarié qui aurait, selon ses déclarations, attendu le 08 juin 2010 pour saisir le conseil de prud'hommes, alors qu'il ressort de la lettre de licenciement versée aux débats par ses soins (pièce no4) que la société appelante indique avoir été assignée en référé devant le conseil de prud'hommes le 22 juin 2009 par Mr Y... poursuivant la délivrance d'un certificat de travail, de bulletins de salaires de février à avril 2009 et d'une attestation Assedic, ce qui démontre que celui-ci entendait faire valoir rapidement ses droits sur ses salaires ;
Attendu qu'il ressort de l'ensemble de ces éléments que la rupture du contrat de travail est imputable à la société Caraïbes Access Escapade qui n'a versé aucun salaire à Mr Y... à partir de mars 2009 jusqu'à avril 2009 et que cette rupture produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
que dès lors le jugement est réformé sur le principe du licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur les salaires de mars et d'avril 2009
Attendu que Mr Jimmy Y... réclamait le paiement des salaires de mars et d'avril 2009 ; Attendu que la reprise du travail a été retenue au 05 mars 2009 ; qu'il convient d'infirmer le jugement ayant retenu des salaires de mars à juillet 2009 et de condamner la société Caraïbes Access Escapade à payer à l'intimé la somme de : 2 492, 22 € ainsi déterminée :

-1136, 77 € (1355, 38 €/ 31 jours x 26 jours) au titre du mois de mars 2009-1355, 38 € au titre du mois d'avril 2009.

Sur les congés payés de 2008 et 2009, l'indemnité compensatrice de préavis, l'indemnité légale de licenciement et les dommage et intérêts pour rupture abusive
Attendu que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur produit les effets d'un licenciement sans cause et réelle ;

Attendu que les sommes allouées par les premiers juges à ces divers titres ne sont pas contestées dans leurs montants par l'appelante ;

qu'il convient de confirmer le jugement rendu sur ces chefs.
PAR CES MOTIFS, la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par arrêt contradictoire, et en dernier ressort, infirme le jugement du 1er décembre 2011 sauf en ses dispositions prononçant la condamnation de la société Caraïbes Access Escapade à payer à Mr Jimmy Y... les sommes suivantes : * 1681, 45 € à titre de congés payés, * 3963, 15 € à titre d'indemnité de préavis, * 1056 € à titre d'indemnité légale de licenciement, * 7926 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive, * 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et en celles rejetant le surplus de demandes et condamnant l'employeur aux dépens,

Le réforme pour le surplus,
Et statuant à nouveau,
Dit que la prise d'acte par Mr Jimmy Y... de la rupture de son contrat de travail est admise aux torts de son employeur, la société Caraïbes Access Escapade ;
Dit que cette rupture produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Condamne la société Caraïbes Access Escapade, en la personne de son représentant légal, à payer à Mr Jimmy Y... la somme de 2 492, 22 € au titre des salaires de mars et d'avril 2009 ;
Rejette les autres demandes ;
Condamne la société Caraïbes Access Escapade, aux éventuels dépens de la présente instance ;
Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 12/00332
Date de la décision : 18/03/2013
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2013-03-18;12.00332 ?
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