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04/03/2013 | FRANCE | N°11/01513

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, Chambre sociale, 04 mars 2013, 11/01513


FG-VF
COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRET No 69 DU QUATRE MARS DEUX MILLE TREIZE

AFFAIRE No : 11/ 01513
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 29 septembre 2011- Section Commerce.
APPELANTE
SARL BARBIN HOLDING 8 rue Nobel Zi de Jarry 97122 BAIE-MAHAULT Représentée par Maître Christophe CUARTERO (Toque 101) substitué par Maître ZOPPI, avocat au barreau de la Guadeloupe

INTIMÉE
Madame Nicole X...- Y...... 97190 LE GOSIER Comparante en personne assistée de Maître Hubert JABOT (Toque 43

), avocat au barreau de la Guadeloupe

COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispo...

FG-VF
COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRET No 69 DU QUATRE MARS DEUX MILLE TREIZE

AFFAIRE No : 11/ 01513
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 29 septembre 2011- Section Commerce.
APPELANTE
SARL BARBIN HOLDING 8 rue Nobel Zi de Jarry 97122 BAIE-MAHAULT Représentée par Maître Christophe CUARTERO (Toque 101) substitué par Maître ZOPPI, avocat au barreau de la Guadeloupe

INTIMÉE
Madame Nicole X...- Y...... 97190 LE GOSIER Comparante en personne assistée de Maître Hubert JABOT (Toque 43), avocat au barreau de la Guadeloupe

COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 janvier 2013, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Françoise GAUDIN, conseiller, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, Mme Marie-Josée BOLNET, conseiller, Mme Françoise GAUDIN, Conseiller,

Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 4 mars 2013. GREFFIER Lors des débats Mme Juliette GERAN, Adjointe Administrative Principale, faisant fonction de greffier,

ARRET :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, et par Mme Valérie FRANCILLETTE, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

****** FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Madame Nicole Y... épouse X... a été embauchée à compter du 4 mars 2008 par la société BARBIN HOLDING SARL, suivant contrat à durée indéterminée, en qualité de comptable, moyennant une rémunération mensuelle de 2. 200 €.
Elle s'est trouvée en arrêt de travail pour congé de maternité à compter du 23 janvier 2009, a repris le travail du 24 au 28 juillet, puis s'est trouvée en arrêt de travail pour maladie du 29 juillet au 20 août 2009. Mme X... a été convoquée par lettre remise en main propre le 21 août 2009 à un entretien préalable fixé au 1er septembre suivant. Par lettre recommandée du 9 septembre 2009, la société BARBIN HOLDING lui notifiait son licenciement pour cause réelle et sérieuse.

Contestant le bien-fondé de son licenciement et invoquant du harcèlement moral à son encontre imputable à son employeur, le 8 février 2010, Madame X... Nicole Z... a saisi le Conseil des Prud'hommes de POINTE A PITRE en paiement d'indemnités liées à la rupture abusive et pour harcèlement moral ;
Par jugement en date du 29 septembre 2011, le Conseil des prud'hommes de POINTE A PITRE a :. dit et jugé que le licenciement de Mme Nicole X... est abusif,. condamné en conséquence la SARL BARBIN HOLDING à payer à Mme Nicole X... les sommes suivantes :. 983, 95 € à titre de rappel de salaires,. 2. 042, 35 € à titre de rappel de congés payés,. 13. 204, 38 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,. 700 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,. débouté Mme X... du surplus de ses demandes,. dit que les rémunérations et indemnités mentionnées à l'article R1454-14 du code du travail dans la limité de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire, sont de droit exécutoire en application de l'article R 1454-28 dudit code, la moyenne des trois derniers mois de salaires s'élevant à 2. 200, 73 €.. condamné l'employeur aux éventuels dépens.

La SARL BARBIN HOLDING a interjeté appel de cette décision le 25 octobre 2011.
Elle demande à la Cour de déclarer son appel recevable et de lui donner acte de ce qu'elle s'est acquittée des sommes exécutoires en application des articles R. 1454-28 et R. 1454-14 du code du travail. Elle sollicite la réformation du jugement entrepris en ce qu'il a estimé le licenciement de Mme X... abusif et en ce qu'il a condamné la société BARBIN HOLDING à différentes sommes, et sa confirmation en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à harcèlement moral. Elle conclut au débouté des demandes de Mme X... et à sa condamnation au paiement d'une somme de 2. 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme Nicole Y... épouse X... demande à la cour de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a déclaré le licenciement abusif et a condamné l'employeur au paiement des sommes au titre du rappel de salaires et des congés payés, de l'infirmer pour le surplus et statuant à nouveau, de condamner la société BARBIN HOLDING à lui payer la somme de 30. 000 € au titre du licenciement abusif, celle de 30. 000 € à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral, lesdites sommes portant intérêts au taux légal à compter de la demande en justice et de la condamner au paiement d'une somme de 3. 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Elle demande à la cour d'ordonner le remboursement par l'employeur de tout ou partie des indemnités de chômage qui lui ont été payées par le Pôle emploi du jour de son licenciement au jour de l'arrêt à intervenir, dans la limite de 6 mois, en application de l'article L. 1235-4 du code du travail.

MOTIFS
-Sur le bien-fondé du licenciement :
Attendu que la juridiction prud'homale, saisie d'un litige relatif aux motifs d'un licenciement, doit apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur au vu des éléments fournis par les parties, étant précisé que les limites du litige sont fixées par la lettre de licenciement.
Attendu que la lettre de licenciement en date du 9 septembre 2009 est ainsi libellée : « suite à l'entretien que nous avons eu le mardi 1er septembre 2009, et en dépit de vos explications, nous sommes au regret de vous informer que nous avons pris la décision de vous licencier pour les motifs suivants :- Difficultés relationnelles avec ses collègues dans l'exécution des tâches,- Désaccord sur la nouvelle organisation de l'entreprise. Votre préavis d'une durée d'un mois commencera à courir à compter de la présentation de cette lettre. Nous vous dispensons d'exécuter votre préavis.. »

Attendu que les difficultés relationnelles invoquées par l'employeur entre Mme X... et d'autres salariées de l'entreprise, ne peuvent constituer en soi un motif de licenciement sans qu'elles prennent appui sur un grief matériellement véritable.
Que l'employeur se borne à verser, en cause d'appel, l'attestation de Mme A..., salariée ayant remplacé Mme X... pendant son congé maternité et conservée dans le poste de comptable anciennement occupé par cette dernière, aux termes de laquelle « il n'y a eu aucune collaboration entre nous à son retour durant les deux jours et une matinée de présence au bureau.. (..) son seul souci étant de récupérer son poste.. »
Que de même, l'attestation de Mlle B..., établie en cause d'appel, fait seulement état de la « mauvaise humeur » de Mme X... à son retour. Que l'employeur n'établit pas que les difficultés alléguées étaient imputables à la salariée, ni qu'elles aient engendré une mésentente préjudiciable à la bonne marche de l'entreprise.

Que l'employeur invoque par ailleurs une réorganisation du service comptable rendue nécessaire par l'absence simultanée des deux responsables du service, à savoir Mme X... en congé maternité et Mme C..., responsable administrative et comptable, en longue maladie à partir du 18 mai 2009.
Que la société BARBIN HOLDING reproche à Mme X... de s'être opposée à cette réorganisation et d'avoir refusé d'effectuer les tâches qui lui avaient été redéfinies à son retour de congé maternité, notamment celles de paiement des fournisseurs et pointage des salariés.
Que cependant, en vertu de l'article L. 1225-25 du code du travail, à l'issue de son congé maternité, la salariée doit retrouver son précédent emploi ou un emploi similaire assorti d'une rémunération au moins équivalente. Que dès lors, l'employeur ne peut imposer une modification du contrat de travail à la salariée au retour de son congé. Qu'en l'espèce, il résulte des éléments du dossier qu'il a été demandé à Mme X... de travailler sous les ordres de Mme A..., sa remplaçante qu'elle avait formée, ce qui résulte des termes mêmes de l'attestation de cette dernière, et que les tâches qui lui étaient confiées n'étaient pas de la même valeur que celles qu'elle exerçait antérieurement et qui figuraient expressément au contrat de travail (enregistrement des factures d'achat, des frais généraux, des documents fiscaux et sociaux, établissement des échéanciers mensuels, révision de comptes..) tâches beaucoup plus importantes relevant des fonctions de comptable. Qu'il s'agissait dès lors plus d'une modification des éléments essentiels du contrat de travail avec baisse de responsabilités que d'un simple changement des conditions de travail et la salariée était en droit de s'y opposer.

Qu'en conséquence, les griefs invoqués au soutien du licenciement ne sont pas caractérisés et ne sauraient constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement.
Attendu qu'il en résulte que le licenciement de Mme X... est dépourvu de cause réelle et sérieuse, confirmant le jugement sur ce point ;
Attendu qu'au regard de l'ancienneté de cette dernière (18 mois), de son âge (30 ans) de son salaire moyen au moment du licenciement et du fait qu'elle justifie avoir perçu des allocations chômage jusqu'en janvier 2012, il y a lieu de lui allouer la somme de 10. 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif, en fonction du préjudice subi, en application de l'article L. 1235-5 du code du travail ;

- Sur le harcèlement moral :

Qu'aux termes des articles L. 1152-1 et L 1154-1 du code du travail, lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Que Mme X... fait état d'une dégradation de ses conditions de travail et d'une aggravation de son état de santé suite aux agissements de sa direction à son retour de congé maternité.
Qu'elle fait valoir qu'elle s'est retrouvée mise à l'écart, sans bureau et sans réelles instructions sur le travail à accomplir, à l'exception de tâches subalternes, son poste étant désormais occupé par sa remplaçante, Mlle A....
Qu'elle a du exécuter ainsi sous les ordres de cette dernière des tâches telles que le pointage des salariés ou le règlement fournisseurs, caractérisant une baisse considérable de responsabilités et de surcroît dévalorisante.
Que l'employeur ne l'a pas rassurée sur son devenir dans l'entreprise, suite aux demandes de précisions qu'elle a formulées et ne lui a pas permis de se rendre à la convocation de la médecine du travail alors que Mme X... y était convoquée après son arrêt maladie.
Qu'elle justifie des retentissements de ladite situation sur son état de santé par la production de certificats de médecins spécialisés, lesquels ont noté un état dépressif chez la salariée en lien avec des difficultés professionnelles.
Que la matérialité des faits invoqués, non utilement contredite par l'appelante, doit être considérée comme présumant l'existence d'un harcèlement moral. Que l'employeur, sans contester la remise en cause des méthodes de travail au retour de maladie de Mme X..., invoque son pouvoir de direction et de contrôle et les impératifs de gestion et les contraintes inhérentes à la vie en entreprise. Attendu que cependant peuvent caractériser un harcèlement moral les méthodes de gestion mises en œ uvre par un supérieur hiérarchique dès lors qu'elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d'entraîner une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits ou à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Qu'il n'est pas nécessaire que les agissements incriminés aient perduré sur une longue période.
Que le fait que Mme X... ait été laissée pour compte et que le travail qui lui a été confié à son retour de congé maternité se limitait à des tâches d'exécutante ont eu pour effet de porter atteinte à sa dignité et ont altéré sa santé.
Qu'après analyse de l'ensemble des faits invoqués par la salariée pris dans leur globalité, et des éléments produits, l'argumentation de l'employeur, aux termes de laquelle Mme X... ne voulait pas reprendre son travail dans de nouvelles conditions dictées par l'intérêt de l'entreprise, est insuffisante pour justifier les faits relevés par cette dernière, notamment ne permettent pas d'expliquer le retrait de fonctions prévues à son contrat de travail.
Qu'il y a lieu, réformant le jugement entrepris, de dire que la salariée a été victime de harcèlement moral et compte tenu des explications produites par Mme X... sur le préjudice subi du fait du harcèlement moral imputable à l'employeur, de lui allouer une somme de 5. 000 € à titre de dommages et intérêts complémentaires.

- Sur les demandes salariales :

- rappel de salaires
Attendu que la salariée réclame un rappel de salaire d'un montant de 983, 95 € sur la période de juillet à septembre 2009. Que Mme X... a repris le travail le 24 juillet 2009 suite à son congé maternité, puis s'est trouvée en arrêt de travail pour maladie du 29 juillet au 20 août, puis de nouveau du 24 août au 4 septembre et du 8 septembre au 9 octobre 2009, fin du préavis.

Attendu que l'employeur a appliqué le délai de carence de la sécurité sociale et les conditions d'indemnisation des arrêts maladie prévues par les articles L. 1226-1 et D. 1226-3 du code du travail.
Que compte tenu de ces éléments, des indemnités journalières de sécurité sociale versées, des sommes versées figurant sur les bulletins de salaire de l'intéressée et de la franchise prévue en matière d'arrêt de travail pour maladie, il reste du un solde de salaire de 330, 58 € bruts revenant à Mme X... à titre de rappel de salaires.
- Congés payés Attendu que le bulletin de salaire du mois d'août 2009 de Mme X... mentionnait 35 jours de congés payés pour l'année N-1 et 7, 5 jours pour l'année en cours, soit un total de 42, 5 jours. Qu'ayant perçu une somme de 1. 866, 05 € à ce titre, il lui reste du une somme de 1. 272, 92 € au paiement de laquelle sera condamnée la société BARBIN HOLDING, réformant le jugement sur ce point.

Que les sommes allouées qui sont de nature salariale portent intérêts de droit à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation, convocation qui vaut sommation de payer, soit en l'espèce à partir du9 février 2010.
Que les sommes à caractère indemnitaire portent intérêts de droit à compter du présent arrêt.
Qu'il y a lieu d'ordonner le remboursement par l'employeur des indemnités de chômage versées à Mme X... dans la limite de 3 mois, conformément à l'article L. 1235-4 du code du travail.
Qu'il paraît équitable que la société appelante participe à concurrence de 1. 500 € aux frais exposés par l'intimée et non compris dans les dépens en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Que la société BARBIN HOLDING SARL supportera les entiers dépens.
PAR CES MOTIFS
LA COUR

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a dit le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse,

Réformant pour le surplus et statuant à nouveau,
Condamne la société BARBIN HOLDING SARL à payer à Mme Nicole Y... épouse X... les sommes suivantes :-10. 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,-5. 000 € à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,- lesdites sommes avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,-330, 58 € bruts à titre de rappel de salaire,-1. 272, 92 € bruts à titre de solde de congés payés,- lesdites sommes avec intérêts au taux légal à compter du 9 février 2010,-1. 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Ordonne le remboursement par l'employeur à l'organisme concerné des allocations chômage versées à la salariée dans la limite de trois mois de salaire.
Rejette toute autre demande.
Condamne la société appelante aux dépens de première instance et d'appel.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11/01513
Date de la décision : 04/03/2013
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2013-03-04;11.01513 ?
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