La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/02/2013 | FRANCE | N°10/02272

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, Chambre sociale, 04 février 2013, 10/02272


BR-JG
COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRET No 35 DU QUATRE FEVRIER DEUX MILLE TREIZE

AFFAIRE No : 10/ 02272
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 7 décembre 2010, section encadrement.
APPELANT
Monsieur Raymond Christian X......97121 ANSE BERTRAND Représenté par Me Marc MOREAU (TOQUE 107) avocat au barreau de GUADELOUPE

INTIMÉS
SCEA LES CANNES D'OR Beauport 97117- PORT-LOUIS

SELAS A...es-qualité d'administrateur judiciaire de la SCEA ...97190- GOSIER

Maître Marie Agnès

Z...es qualité de représentant des créanciers de la SCEA ...97190 LE GOSIER

Représentés par Me Mur...

BR-JG
COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRET No 35 DU QUATRE FEVRIER DEUX MILLE TREIZE

AFFAIRE No : 10/ 02272
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 7 décembre 2010, section encadrement.
APPELANT
Monsieur Raymond Christian X......97121 ANSE BERTRAND Représenté par Me Marc MOREAU (TOQUE 107) avocat au barreau de GUADELOUPE

INTIMÉS
SCEA LES CANNES D'OR Beauport 97117- PORT-LOUIS

SELAS A...es-qualité d'administrateur judiciaire de la SCEA ...97190- GOSIER

Maître Marie Agnès Z...es qualité de représentant des créanciers de la SCEA ...97190 LE GOSIER

Représentés par Me Murielle RODES substituant Me John-Sylvanus DAGNON (TOQUE 41) avocat au barreau de GUADELOUPE)
AGS CGEA DE FORT DE FRANCE Lotissement Dillon Stade-10 rue des Arts et Métiers 97200 FORT DE FRANCE (MARTINIQUE) Représenté par Me Isabelle WERTER-FILLOIS (TOQUE 8) avocat au barreau de GUADELOUPE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Décembre 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre et Mme Marie-Josée BOLNET, Conseillère
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, rapporteur, M. Jean DE ROMANS, Conseiller, Mme Marie-Josée BOLNET, Conseillère.

Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 04 février 2013

GREFFIER Lors des débats Mme Juliette GERAN, Adjointe Administrative Principale, faisant fonction de greffière, serment préalablement prêté.

ARRET :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, et par Mme Juliette GERAN, Adjointe Administrative Principale, fft de greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

Faits et procédure :
M. X...a été engagé par la Société d'Intérêt Collectif Agricole de Développement et d'Exploitation du Nord Grande-Terre (SICADEG) à compter du 1er août 1985 en qualité de directeur général avec pour mission d'assurer tous les actes de gestion courante de la société moyennant une rémunération nette mensuelle de départ fixée à 17 000 francs, l'évolution de ce salaire devant suivre le rythme défini au cours des négociations dans la branche d'activité de la société, à savoir la convention sucre-canne-rhum.
Dans le cadre d'un plan de redressement par voie de continuation adopté par jugement du 21 mars 1997 du Tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre, la SCEA LES CANNES D'OR, dans le cadre d'une " convention de successeur ", succédait à la SICADEG pour l'exploitation des terres agricoles mises à la disposition de cette dernière. Le contrat de travail de M. X...était poursuivi par la SCEA LES CANNES D'OR.
Par courrier du 19 décembre 2006, M. X...était convoqué à un entretien préalable fixé au 29 décembre 2006 en vue de son licenciement, une mise à pied conservatoire à effet immédiat lui étant notifiée par le même courrier.
Par courrier du 23 janvier 2007, l'employeur notifiait à M. X...son licenciement pour faute grave.
Par jugement du 15 novembre 2007, le Tribunal de Grande Instance de Pointe-à-Pitre a ouvert à l'égard de la SCEA LES CANNES D'OR une procédure de redressement judiciaire, la SELAS SEGAS-CARBONI étant désignée en qualité d'administrateur judiciaire.
Le 3 novembre 2008, M. X...saisissait le Conseil de Prud'hommes de Pointe-à-Pitre aux fins de contester son licenciement et obtenir paiement d'indemnités de rupture et des dommages et intérêts pour rupture abusive.
Par jugement du 7 décembre 2010, rendu en présence de l'administrateur judiciaire et de l'AGS, la juridiction prud'homale considérant que le licenciement pour faute grave de M. X...était régulier et bien fondé, déboutait celui-ci de l'ensemble de ses demandes.

Par déclaration du 5 décembre 2010, M. X...interjetait appel de cette décision.

****

Par arrêt avant dire droit en date du 24 septembre 2012, la Cour de céans constatait que par courrier reçu au greffe le 9 mars 2012, Maître John DAGNON, avocat au barreau de la Guadeloupe, faisait savoir que suite à la conversion de la procédure collective ouverte à l'égard de la SCEA LES CANNES D'OR, il intervenait à l'instance d'appel au nom de Maître Marie-Agnès Z...prise en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SCEA LES CANNES D'OR. Il était cependant constaté à l'audience des débats du 25 juin 2012, que le liquidateur judiciaire de la SCEA LES CANNES D'OR ne comparaissait pas ni n'était représenté.
Par le même arrêt, la Cour relevait qu'au soutien de sa demande de confirmation du jugement entrepris, l'AGS avait produit diverses pièces, qui lui avaient été communiquées en première instance, et qui étaient listées dans des bordereaux de communications de pièces en date des 26 avril 2010 et 20 septembre 2010, établis par Me DAGNON, qui représentait alors l'administrateur judiciaire de la SCEA LES CANNES D'OR. Dans la mesure où il ne résultait d'aucun des éléments du dossier que lesdites pièces aient été communiquées au conseil de M. X..., que ce soit en première instance ou en cause d'appel, il était ordonné la réouverture des débats afin de respecter le principe du contradictoire, et d'ordonner la communication par l'AGS des pièces désignées dans les bordereaux cités ci-avant, au conseil de M. X..., l'affaire étant renvoyée à l'audience du 3 décembre 2012.
Selon bordereau de communication de pièces en date du 9 octobre 2012, l'AGS a communiqué au conseil de M. X...les pièces en cause.
Par ailleurs Me DAGNON, intervenant cette fois-ci comme avocat représentant la SCEA les Cannes d'Or, la SELAS A..., es qualité d'administrateur judiciaire de la SCEA les Cannes d'Or, et Me Marie-Agnès Z..., es qualité de représentant des créanciers, notifiait le 24 septembre 2012, ses pièces et conclusions aux conseils de M. X...et de l'AGS.
****
Prétentions et moyens des parties :
Par conclusions du 8 août 2011, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, M. X...sollicite la condamnation de la SCEA LES CANNES D'OR à lui payer la somme de 162 626, 75 euros pour la perte de l'indemnité de préavis et des indemnités légale et contractuelle de licenciement, ainsi que la somme de 388 741, 20 euros, correspondant à 4 années de salaire, en réparation des conséquences préjudiciables du caractère abusif de son licenciement, tant morales que matérielles.
À l'appui de ses demandes M. X...fait valoir que la procédure de licenciement est entachée d'irrégularité, dans la mesure où la lettre de convocation à l'entretien préalable ne précisait pas l'adresse de l'hôtel de ville de son domicile, ni celle de l'inspection du travail, lieux où peut être consultée la liste des conseillers pouvant l'assister à l'entretien préalable, ajoutant que cet entretien ne s'est pas déroulé à l'heure et au lieu prévu, faute pour l'employeur de s'y trouver.

Il expose que l'absence qui lui est reprochée dans la lettre de licenciement n'est pas établie, et que, le serait-elle, elle ne saurait caractériser une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Il conteste l'état de délabrement des plantations invoqué par l'employeur, en expliquant d'une part que la surface exploitée n'a jamais été de plus de 800 hectares et que le rendement doit être calculé en considération des seules parcelles exploitées et mises en coupe et pas en fonction de l'ensemble des terres confiées à l'exploitation, certaines n'étant pas exploitées, soit qu'elles étaient revendiquées ou demandées par d'autres exploitants, soit qu'elles étaient tellement pauvres ou encastrées que leur exploitation était un calvaire. Il fait état d'une grave sécheresse de 2000 à 2002 entraînant une perte d'exploitation importante. Il soutient que différents rapports d'exploitation pour 2004, 2005 et 2006 montrent que l'exploitation était convenablement entretenue et gérée, compte tenu des difficultés affrontées par le secteur et des divergences d'intérêts entre associés.
Répondant à l'absence de perspectives pour relancer la production cannière, il indique que le Conseil Régional et le Conseil Général, propriétaires des terres avaient régulièrement différé la conclusion d'un bail, et qu'en l'absence de celui-ci il était impossible pour la SCEA LES CANNES D'OR d'obtenir des prêts bancaires. Il ajoute que si l'investissement doit correspondre à une réalité productive, le principal objet de la SCEA LES CANNES D'OR était de faire bénéficier certains des associés de gains fiscaux, et d'autres de contrats de prestations de services.
Subsidiairement il conteste la qualification de faute grave, celle-ci ne pouvant s'appliquer à l'insuffisance de rendement ni à l'inaptitude professionnelle, ni à l'insuffisance professionnelle ou même à l'incompétence en présence d'erreur.
****
Par conclusions du 8 août 2011, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, le Centre de Gestion et d'Etudes AGS de Fort-de-France, sollicite la confirmation du jugement entrepris, et le rejet de l'intégralité des demandes de M. X....
L'AGS explique que si M. X...a été convoqué le 19 décembre 2006 à un entretien préalable fixé au 29 décembre suivant, l'entretien a été prorogé et une nouvelle convocation a été adressée à M. X...pour le 5 janvier 2007.
Elle explique qu'elle a avancé pour le compte de M. X...la somme de 5 573, 93 euros au titre des salaires correspondant à la période du 1er janvier 2007 au 23 janvier 2007, date de son licenciement, et la somme de 12 845, 07 euros à titre d'indemnité de congés payés pour la période du 1er juin 2005 au 23 janvier 2007, soit au total la somme de 18 419 euros.
À titre subsidiaire l'AGS demande qu'il soit fait une stricte application des dispositions de l'article L 1235-3 du code du travail, relevant que M. X...ne versait au débat aucune preuve de l'existence d'un préjudice.
****
Par conclusions du 20 septembre 2012, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, la SCEA LES CANNES D'OR, l'administrateur judiciaire, et Maître Marie Agnès Z..., es qualité de représentant des créanciers, entendent voir juger que le licenciement de M. Raymond X...est régulier et bien-fondé sur la faute grave du salarié. Ils concluent à la confirmation du jugement déféré et réclament paiement de la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
À l'appui de leurs demandes, ils font valoir que M. X...a bien fait l'objet d'une convocation régulière à un entretien préalable au licenciement fixé au 29 décembre 2006 à 10 heures, et que celui-ci n'apporte pas la preuve formelle qu'il se serait présenté à cette date et qu'il aurait trouvé porte close.
Ils rappellent que la faute grave serait caractérisée par :- la quasi-absence de M. X...au sein de l'entreprise, s'appuyant sur un tract en date du 4 septembre 2007 du Syndicat UGTG,- sur l'état de délabrement des plantations, qui est la conséquence du peu d'intérêt porté par M. X...à la mission qui lui était confiée, s'appuyant sur un courrier du 29 novembre 2005 du Conseil Général et du Conseil Régional,- sur l'absence totale de perspectives pour relancer la production, en s'appuyant sur le contenu des lettres adressées par le commissaire aux comptes au gérant de la SCEA LES CANNES D'OR, sur son rapport spécial en date du 18 octobre 2006, et sur le procès-verbal de l'assemblée générale ordinaire du 13 décembre 2006 de la société.

****
Motifs de la décision :
Dans la lettre en date du 23 janvier 2007, adressée à M. X..., par courrier recommandé avec avis de réception, celui-ci se voyait notifier son licenciement pour faute grave dans les termes suivants :
" Vous ne vous êtes pas présenté à l'entretien préalable au licenciement en date du 5 janvier 2007. Nous vous informons que nous sommes amenés à envisager à votre égard une mesure de licenciement pour faute grave.

Les griefs que nous formulons à votre égard sont les suivants :. Votre quasi-absence au sein de l'entreprise. Il vous arrive de ne pas être présent sur les lieux du travail pendant plusieurs mois consécutifs. Vous n'assumez donc pas votre rôle d'encadrement technique. Le personnel est livré à lui-même et ne vous fait plus confiance.. L'état de délabrement des plantations, qui est la conséquence du peu d'intérêt que vous portez à la mission qui vous est confiée par notre société. On assiste donc à une sous-activité notable depuis plusieurs années, qui entraîne des pertes importantes et qui compromet la continuité de l'exploitation sociale.

. L'absence totale de perspective pour relancer la production cannière, cela se manifeste par une politique d'investissement en plantations nouvelles quasi nulle au cours des derniers exercices, augurant d'une production à venir très difficile.
Les conséquences immédiates de votre comportement rendent impossible la poursuite de votre activité au sein de notre société. Nous vous notifions par la présente votre licenciement immédiat, sans préavis, ni indemnités de rupture. »

Sur la procédure de licenciement :
Certes la procédure de licenciement apparaît irrégulière comme le soutient M. X..., dans la mesure où il ressort du courrier du 19 décembre 2006 qu'il a été convoqué à un entretien préalable fixé au 29 décembre 2006 à 10 heures au siège de la société, alors que 3 témoins ont attesté qu'ils étaient alors présents au dit siège et que ledit entretien n'a pas eu lieu et ce en raison de l'absence de représentants de la gérance, la lettre de licenciement faisant état d'un entretien préalable fixé au 5 janvier 2007, aucune convocation pour cette date n'étant versée aux débats. Toutefois M. X...ne sollicite aucune indemnisation spécifique pour le préjudice qui résulterait de cette irrégularité de procédure.
Sur les causes du licenciement :
Certes l'absence de M. X...de l'entreprise n'est pas suffisamment établie dans la mesure où elle ne résulte que d'un tract du syndicat UGTG en date du 4 septembre 2007, lequel mentionne que M. X...et Mme C..., chef comptable, étaient « étrangement absents de l'entreprise », ce tract étant bien postérieur au licenciement, et de plus ne comportant pas l'identification de ses auteurs. Par ailleurs il ne ressort pas non plus des pièces versées aux débats que le personnel était livré à lui-même et ne faisait plus confiance à M. X...lorsqu'il assumait la direction générale de l'entreprise.
Toutefois l'état de délabrement des plantations, dont il est dit dans la lettre de licenciement qu'il serait la conséquence du peu d'intérêt que M. X...portait à la mission qui lui est confiée, et la sous-activité notable depuis plusieurs années entraînant des pertes importantes et compromettant la continuité de l'exploitation, ressortent de différents documents produits par les intimés mais aussi par l'appelant.
C'est ainsi que dans un courrier en date du 29 novembre 2005 adressé par les présidents du Conseil Général et du Conseil Régional, à M. X...en sa qualité, à l'époque, de gérant de la société, il est tout d'abord rappelé que les collectivités régionale et départementale sont propriétaires indivis des terres dont la gestion est confiée à la SCEA LES CANNES D'OR, et qu'il existe un arriéré de loyers à hauteur de 1 312 557 euros pour les années 2001 à 2005
Ils relevaient dans ce courrier que l'analyse des campagnes 2000 à 2004 faisait apparaître que les résultats obtenus sur l'exploitation de la société (40 t/ ha) étaient largement inférieurs à ceux réalisés dans la zone (de 71 à 77t/ ha). Il était indiqué à M. X...qu'une remise en état et un meilleur entretien des parcelles d'une part, l'amélioration des rendements d'autre part, permettraient, malgré une diminution de plus de 50 % de la surface exploitée, une augmentation de plus de 30 % du tonnage alors livré.
Le commissaire aux comptes de la société, M. Didier D..., dans son courrier du 15 août 2006, adressé à M. X...en sa qualité de gérant, dans le cadre de la procédure d'alerte, relève lui aussi une sous-activité notable depuis 3 années ayant entraîné des pertes importantes sur les 2 exercices précédents et un résultat très proche de zéro au cours du dernier exercice. Il relève une politique d'investissement en plantations nouvelles de cannes quasi nulle au cours des 2, voire 3 exercices précédents augurant d'une production à venir plus difficile. Il fait état des outils de production vieillissant, quasi amortis. Il relève des pannes du système d'alarme non résolues, entraînant de nombreux vols, d'où semble-t-il une sauvegarde défaillante de la mémoire sociale que sont les documents et autres déclarations.
Le commissaire aux comptes relève également un rendement anormalement faible des terres exploitées par la société, rappelant que le rendement moyen à l'hectare de cannes à sucre sur le sud Grande-Terre, en 2005, se situe à 80 tonnes alors que selon les indications fournies par la comptable, Mme C..., l'exploitation réelle ne porterait pas sur 862 hectares mais sur 758 hectares seulement, et qu'il aurait été récolté environ 35 000 tonnes de cannes en 2005, soit un rendement à l'hectare de 46 tonnes, nettement inférieur à la moyenne.
Le commissaire aux comptes rapporte que selon la comptable, de nombreuses cannes seraient restées sur pied, ce qui expliquerait une récolte peu élevée, et qu'à fin de satisfaire à un broyage constant, l'usine demande aux gros planteurs dont la SCEA LES CANNES D'OR, de couper plus vite et plus tôt ce qui aurait pour conséquence une moindre richesse en sucre, en raison de maturité moindre.
À la suite de ces explications, le commissaire aux comptes demande très pertinemment au gérant comment expliquer que la société doive couper plus tôt et qu'en même temps, de nombreuses cannes restent sur pied, faisant observer que déjà lors de l'assemblée générale du 20 décembre 2004, il avait été relevé que des cannes étaient restées sur pied, ce qui n'était pas résolu et qui engendrait une rentabilité très affaiblie.
En ce qui concerne l'absence totale de perspective pour relancer la production cannière, résultant d'une politique d'investissement en plantations nouvelles quasiment nulle au cours des derniers exercices, telle qu'invoquée dans la lettre de licenciement, le commissaire aux comptes relève qu'au vu des éléments comptables, il apparaissait que :- les immobilisations de « plantations pérennes » diminuaient en valeur brute,- les rejets les plus jeunes et donc les plus fortement productifs diminuaient au bénéfice des rejets les plus anciens,- les achats d'engrais et autres produits phytosanitaires diminuaient de plus de 50 % d'une année sur l'autre, passant de 106 K € à 45 K € en 2005.

Le commissaire aux comptes faisait état d'autres critiques, concernant l'administration et la gestion la société, mettant en doute la bonne tenue du registre des assemblées générales, stigmatisant par ailleurs l'absence de bail écrit avec les propriétaires, ce qui constituait une insécurité juridique. Effectivement il est apparu que M. X..., en tant que gérant s'est abstenu de réclamer la conclusion d'un bail écrit avec les propriétaires, s'abstenant ainsi de payer le prix de la location des terres.

Compte tenu de la dégradation de la situation de la société, le commissaire aux comptes demandait la convocation d'une assemblée générale extraordinaire et établissait un rapport spécial sur la procédure d'alerte, dans lequel il faisait ressortir notamment : "- une sous-activité notable depuis 3 années au moins ayant entraîné des pertes importantes sur les deux exercices précédents et un résultat très proche de zéro au cours de cet exercice,- une politique d'investissement en plantations nouvelles de cannes quasi nulle au cours des deux voire des trois exercices précédents, augurant d'une production à venir plus difficile,- outil de production vieillissant, quasi amortis... "

Le commissaire aux comptes faisait également état d'une trésorerie faible, de gros désaccords entre les associés, et d'un gros risque de non recouvrement du débiteur le plus important, la SICADEG, pour un montant de 531 KF.
M. X..., pour sa part, fait état d'un programme de replantation à la suite d'une sécheresse subie entre 2000 et 2002, dans le cadre duquel la société aurait acquis des plans sur une période de trois ans. Toutefois les factures produites par M. X...montrent que si des plans ont été achetés, les factures remontent à 2001, sans qu'il apparaisse que par la suite de nouveaux plans aient été acquis.
M. X...invoque également une attestation de présentation des comptes annuels établie par le cabinet B..., faisant ressortir un résultat net de 352 358, 93 euros au 31 décembre 2006. Toutefois dans la mesure où le commissaire aux comptes a refusé de certifier les comptes sociaux, l'attestation de présentation des comptes annuels par le cabinet d'expertise comptable de la société ne peut avoir une valeur probante quant à la bonne santé financière de l'exploitation.
Si M. X...fait état d'un engagement de caution en faveur de la SCEA LES CANNES D'OR, auprès du CREDIT AGRICOLE, à hauteur de 153 000 euros, il y a lieu de relever qu'il résulte de la pièce no 23 de l'appelant, que cet engagement de caution a pris fin en juillet 2003 c'est-à-dire antérieurement à la période critiquée.
Le mauvais état de l'exploitation et la faiblesse des rendements ressortent en tout état de cause des pièces no 17, 18 et 19, produites par M. X...lui-même, s'agissant pour la première de l'état des cultures au 31 décembre 2004, pour la deuxième du rapport général de la récolte du 25 avril 2005 et pour la troisième du rapport général de la récolte du 30 mai 2006.
En effet ces documents font apparaître les rendements pour chacune des nombreuses parcelles exploitées par la société, lesdits rendements étant, pour la plupart des parcelles, très faibles puisqu'on observe souvent des rendements variant de 20 à 45 tonnes par hectare en 2004, les estimations étant à peine plus élevées pour 2005, et une légère amélioration étant prévisible pour 2006, les rendements moyens pour cette dernière année atteignant 55, 78 tonnes/ ha, ce qui est nettement inférieur aux rendements moyens obtenus dans la même zone.
Les moyens soulevés en défense par M. X...sont tout à fait inopérants. En effet celui-ci soutient que la surface réellement exploitée à Beauport n'a jamais été de plus de 800 hectares, en raison notamment de
l'absence de bornage, ladite surface n'ayant cessé d'évoluer en fonction des projets d'aménagements ou d'affectations, ou des demandes d'installation faites par de jeunes agriculteurs auprès du Conseil Général notamment, mais aussi en raison du fait que le Centre Technique Interprofessionnel de la Canne et du Sucre s'est vu affecter 29 hectare en 2002, et que de zones importantes furent réservées par les deux communes concernées, à savoir 80 hectares pour Port-Louis et une centaine d'hectares pour la commune de Petit Canal, indiquant également que plusieurs dizaines d'hectares de cannes avaient disparu en raison d'incendies, de vols ou en raison de déprédations d'animaux divaguant.
Dans la mesure où dans les documents produits par M. X...lui-même, les rendements sont établis pour chacune des très nombreuses parcelles exploitées par la société, il est bien certain que ni la variation de la surface globale de l'exploitation en fonction de différentes affectations à des organismes, des communes ou des particuliers, ni les incendies ou déprédations constatés sur quelques dizaines d'hectares, n'ont pu être la cause du très faible rendement enregistré pour la plupart des très nombreuses parcelles exploitées par la société.
Ainsi les carences retenues par l'employeur dans l'exploitation et l'entretien des terres confiées à la société sont avérées, et sont suffisamment graves pour justifier le licenciement du directeur général de la société.
Toutefois ces griefs caractérisant une insuffisance professionnelle de la part dudit directeur général, ne peuvent constituer une faute grave privant le salarié des indemnités de licenciement et de préavis.
Ainsi, si la demande formée par M. X...à hauteur de 388 741 euros au titre de l'indemnisation des préjudices moral et matériel qui résulteraient d'un licenciement abusif doit être rejetée, il apparaît cependant que le salarié a droit à une indemnité de préavis et à une indemnité de licenciement.
Sur la base d'un salaire mensuel de 8343, 53 euros, l'indemnité de préavis de M. X...doit être fixée à la somme de 25 030, 59 euros représentant 3 mois de salaires.
En ce qui concerne le montant de l'indemnité de licenciement il y a lieu de rappeler que par contrat de travail conclu le 15 septembre 1985, M. X...a été embauché en qualité de directeur général de la Société d'Intérêt Collectif Agricole de Développement et d'Exploitation du Nord Grande-Terre, à laquelle a succédé la SCEA LES CANNES D'OR pour assurer l'exploitation agricole de Beauport. Dans ce contrat il était mentionné la stipulation suivante : « En cas de rupture de votre contrat de travail à notre initiative, moyennant un préavis de 3 mois, sauf pour faute grave, vous aurez droit à une indemnité de licenciement équivalente à 12 mois de salaires. »

En vertu de cette clause, M. X...peut prétendre à une indemnité de licenciement de 100 122, 36 euros, laquelle se substitue à l'indemnité de licenciement prévue par les articles L 122-9 et R 122-2 anciens du code du travail tels qu'applicables à l'époque du licenciement.
L'équité n'implique pas qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ces motifs,
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Réforme le jugement déféré,
Et statuant à nouveau,
Dit que le licenciement de M. X...est justifié par une cause réelle et sérieuse, exclusive de la faute grave,
Fixe la créance de M. X...au passif de la SCEA LES CANNES D'OR aux montants suivants :
-25 030, 59 euros à titre d'indemnité de préavis,
-100 122, 36 euros à titre d'indemnité de licenciement,
Rappelle que l'AGS est tenue de garantir le paiement des créances salariales de M. X...dans les conditions prévues aux articles L3253-8 et suivants du code du travail,
Dit que les dépens seront partagés par moitié entre les parties,
Déboute les parties de toute conclusion plus ample ou contraire.
Le Greffier, Le Président.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 10/02272
Date de la décision : 04/02/2013
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2013-02-04;10.02272 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award