BR-JG
COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRET No 20 DU VINGT HUIT JANVIER DEUX MILLE TREIZE
AFFAIRE No : 10/ 01954
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 21 octobre 2010, section industrie.
APPELANT
Monsieur Philippe X......97122 BAIE MAHAULT Représenté par Me Pascal BICHARA-JABOUR (TOQUE 14) avocat au barreau de GUADELOUPE
INTIMÉS
Maître Marie-Agnès A...es-qualité de mandataire liquidateur de la société KAZECO ... 97190 LE GOSIER Représentée par Me ZOPPI substituant Me Christophe CUARTERO (TOQUE 101) avocat au barreau de GUADELOUPE
A. G. S UNDEDIC Lotissement Dillon Stade 10 rue des Arts et Métiers 97200 FORT DE FRANCE Représenté par Me SZWARCBART substituant Me Isabelle WERTER-FILLOIS (TOQUE 8) avocat au barreau de GUADELOUPE
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 Novembre 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Bernard ROUSSEAU, président de chambre, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, Mme Marie-Josée BOLNET, Conseillère, M. Jean DE ROMANS, Conseiller.
Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 28 janvier 2013
GREFFIER Lors des débats, Mme Valérie FRANCILLETTE, Greffière.
ARRET :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, et par Mme Valérie FRANCILLETTE, Greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
Faits et procédure :
M. Philippe X...a été embauché par la Société KAZECO le 1er janvier 1992, dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée, en qualité d'attaché commercial. Sa rémunération comportait une partie fixe et une partie variable en fonction des ventes réalisées.
Après avoir été convoqué à un entretien préalable fixé au 25 juin 2008, M. X...se voyait notifier son licenciement pour motif économique par lettre recommandée avec avis de réception en date du 7 juillet 2008.
Le 11 mars 2009, M. X...saisissait le Conseil de Prud'hommes de Pointe-à-Pitre pour contester son licenciement et obtenir indemnisation à hauteur de 63 000 euros.
Par jugement du 21 octobre 2010, la juridiction prud'homale, retenant que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse, condamnait la Société KAZECO à payer à M. X...la somme de 14 628, 60 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre celle de 1250 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Le 16 novembre 2010, M. X...interjetait appel de ce jugement.
Par jugement du 5 mai 2011, la Société KAZECO était placée en liquidation judiciaire.
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Par conclusions notifiées aux autres parties le 19 octobre 2012, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, M. X...sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a déclaré le licenciement sans cause réelle et sérieuse et dépourvu de motif économique et en ce qu'il lui a alloué la somme de 1250 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. L'appelant sollicite pour le surplus la réformation de la décision déférée, en réclamant paiement de la somme de 63 000 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il entend voir par ailleurs obtenir paiement de la somme de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
À l'appui de son appel, M. X...fait valoir qu'il était salarié au sein de la Société KAZECO depuis le 1er janvier 1992, soit depuis plus de 16 ans, qu'il percevait une rémunération mensuelle moyenne de 3500 euros, et qu'il s'est trouvé du jour au lendemain dans une situation difficile, privé d'un bon salaire avec les avantages attachés à son emploi,
telle que l'utilisation d'un véhicule et qu'il a été contraint, à 58 ans, de réorganiser sa vie familiale et professionnelle. Il fait état d'un prêt immobilier à rembourser à hauteur de 1100 euros par mois et du fait que plus de 3 ans après son licenciement il n'a toujours pas retrouvé de travail et qu'il est toujours inscrit à PÔLE EMPLOI.
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Par conclusions notifiées le 14 mai 2012, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, Maître Marie-Agnès A..., es qualité de mandataire liquidateur de la Société KAZECO, sollicite l'infirmation du jugement déféré et entend voir juger que le licenciement de M. X...est justifié par un motif réel et sérieux s'agissant d'un motif économique. Me A...conclut au rejet des demandes de M. X....
À l'appui de sa demande le mandataire liquidateur fait valoir que depuis 2003 la société KAZECO a dû faire face à des difficultés économiques importantes, n'ayant connu depuis cette date qu'un seul exercice positif. Elle explique que les effets conjugués de la crise économique et surtout financière de 2008 ont réduit à néant le chiffre d'affaires de 2009 et les possibilités pour la Société KAZECO de se redresser, ces difficultés économiques rendant indispensable et inéluctable la suppression du poste de travail de M. X....
Rappelant que la recherche d'un reclassement ne constitue qu'une obligation de moyens, le mandataire liquidateur fait valoir qu'il a été remis à M. X..., lors de son entretien préalable, un dossier entier relatif à la convention de reclassement personnalisé, et que la Société KAZECO a pleinement rempli ses obligations issues de l'article L 1233-65 du code du travail. Elle ajoute que consécutivement à sa réorganisation, la Société KAZECO ne comporte plus de personnel commercial depuis plusieurs années et n'a plus d'activité, étant actuellement en liquidation judiciaire, le reclassement de M. X...s'avérant en conséquence impossible.
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Par conclusions notifiées à l'appelant le 19 mars 2012, le Centre de Gestion et d'Etudes AGS de Fort de France s'associe aux explications de Me A...sur le bien-fondé du licenciement pour motif économique de M. X..., et sollicite en conséquence l'infirmation du jugement déféré.
À titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la Cour entendrait confirmer le jugement entrepris sur l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement pour motif économique, le Centre de Gestion AGS demande de confirmer le jugement entrepris s'agissant des 6 mois de salaires accordés par les premiers juges à titre de dommages intérêts, faisant valoir que M. X...ne verse aux débats aucune preuve du préjudice permettant de lui allouer une somme plus importante.
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Motifs de la décision :
Dans sa lettre de licenciement du 7 juillet 2008, l'employeur fait savoir à M. X...qu'il est contraint de le « licencier pour motif économique, en raison d'une réorganisation de nos services ». L'employeur poursuit en indiquant qu'au cours de l'entretien préalable du 25 juin 2008, il en a exposé les raisons, ajoutant que malgré les recherches de solutions de reclassement effectuées tant au sein de la Société KAZECO qu'au sein du groupe auquel appartient celle-ci, il n'a pas été possible de proposer un poste correspondant à la qualification et à l'expérience professionnelle de M. X.... Il est ensuite rappelé au salarié la possibilité d'adhérer à la convention de reclassement personnalisé.
Selon les dispositions de l'article L 1233-3 du code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par l'employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques. Il est admis par ailleurs que la suppression d'emploi peut être liée à la réorganisation destinée à sauvegarder la compétitivité de l'entreprise.
Force est de constater, qu'en l'espèce, la lettre de licenciement, si elle fait mention d'une réorganisation des services, ne mentionne pas de difficultés économiques, ni de mutations technologiques, ni la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise.
Dès lors le licenciement de M. X...ne peut être considéré comme justifié par un motif économique au sens de l'article L 1233-3 du code du travail.
En outre il n'est pas mentionné en quoi la réorganisation de l'entreprise nécessite la suppression du poste de M. X....
Enfin il n'est apporté aux débats aucun élément permettant de montrer que l'employeur a sérieusement tenté de reclasser le salarié comme lui en font obligation les dispositions de l'article L 1233-4 du code du travail, aucune pièce ne permettant de montrer notamment que l'employeur ait recherché auprès des sociétés du groupe LE VILLAIN, auquel il appartient, un poste permettant le reclassement de M. X....
Il convient de relever au demeurant que l'examen du registre du personnel versé aux débats, montre que M. X...était le dernier attaché commercial en fonction au sein de la Société KAZECO, alors que du personnel de production était encore en activité, ce qui montre que la commercialisation des réalisations de la Société KAZECO, avait été confiée à une autre société du groupe, ce qui était de nature à permettre le reclassement de M. X...dans cette autre société.
Il peut être constaté par ailleurs que si le chiffre d'affaires réalisé en 2008 est légèrement inférieur à celui réalisé les années précédentes, il reste néanmoins substantiel.
En conséquence il y a lieu de constater que c'est à juste titre que les premiers juges ont considéré que le licenciement de M. X...était sans cause réelle et sérieuse.
Il ressort des pièces produites aux débats par Monsieur X..., âgé de 58 ans au moment de son licenciement, qu'en 2010 il était toujours à la recherche d'un emploi, que les droits à la retraite auxquels il pouvait prétendre au titre du régime général de la sécurité sociale, au 1er février 2010, n'atteignaient que 847, 37 euros par mois, et qu'il était engagé depuis 2005 dans le remboursement de prêts immobiliers, dont l'un étalé sur 15 ans, avec une échéance mensuelle de 1225 euros.
Compte tenu du préjudice subi par M. X...qui avait plus de 16 ans d'ancienneté au sein de l'entreprise, il lui sera alloué la somme de 60 000 euros.
Comme il paraît inéquitable de laisser à la charge de M. X...les frais irrépétibles qu'il a exposés tant en première instance qu'en cause d'appel, il lui sera alloué la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ces motifs,
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a dit que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse,
Le réforme pour le surplus, et statuant à nouveau,
Fixe la créance de M. X...au passif de la Société KAZECO aux montants suivants :-60 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,-2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Rappelle que l'AGS est tenue de garantir le paiement des créances salariales de M. X...dans les conditions prévues aux articles L3253-8 et suivants du code du travail, et qu'en aucun cas l'indemnité allouée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile n'est garantie par l'AGS, ne s'agissant pas d'une créance salariale,
Dit que les entiers dépens sont à la charge de la Société KAZECO.
Déboute les parties de toute conclusion plus ample ou contraire.
Le Greffier, Le Président