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28/01/2013 | FRANCE | N°09/01092

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, Chambre sociale, 28 janvier 2013, 09/01092


BR-JG

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALEARRET No 18 DU VINGT HUIT JANVIER DEUX MILLE TREIZE
AFFAIRE No : 09/01092
Décision déférée à la Cour :Jugement du Conseil de Prud'hommes de CAYENNE du 21 avril 2004, section industrie.

APPELANTE

AXIMA CONTRACTING (GROUPE SUEZ), venant aux droits de la Société FABRICOM AIR CONDITIONING138-144 rue du MONTENEGRO11900 BRUXELLESReprésentée par Me PRADINES de la SCP PAYEN - PRADINES (TOQUE 74) avocat au barreau de GUADELOUPE

INTIME
Monsieur Philippe Y......78260 ACHERESReprésenté par Me Brigitte FASSI

FIHRI , avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions ...

BR-JG

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALEARRET No 18 DU VINGT HUIT JANVIER DEUX MILLE TREIZE
AFFAIRE No : 09/01092
Décision déférée à la Cour :Jugement du Conseil de Prud'hommes de CAYENNE du 21 avril 2004, section industrie.

APPELANTE

AXIMA CONTRACTING (GROUPE SUEZ), venant aux droits de la Société FABRICOM AIR CONDITIONING138-144 rue du MONTENEGRO11900 BRUXELLESReprésentée par Me PRADINES de la SCP PAYEN - PRADINES (TOQUE 74) avocat au barreau de GUADELOUPE

INTIME
Monsieur Philippe Y......78260 ACHERESReprésenté par Me Brigitte FASSI FIHRI , avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 Novembre 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Bernard ROUSSEAU, président de chambre, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président,Mme Marie-Josée BOLNET, Conseillère,M. Jean DE ROMANS, Conseiller.
Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 28 janvier 2013
GREFFIER Lors des débats Mme Valérie FRANCILLETTE, Greffière.

ARRET :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC.Signé par M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, et par Mme Valérie FRANCILLETTE, Greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

Faits et procédure :
Selon contrat de travail daté du 18 janvier et 15 février 1995, M. Philippe Y... a été engagé par la Société FABRICOM AIR CONDITIONING en qualité de technicien frigoriste à compter du 1er décembre 1994. Ce contrat prévoyait qu'à compter du 1er janvier 1995 le salarié était détaché en Guyane pour travailler sur le site de la base spatiale de Kourou. Il était stipulé que la période d'activité en Guyane en tant que détaché était fixée à 3 ans à compter du 31 décembre 1994, pouvant être renouvelés une fois.
Par courrier du 11 juillet 1997, la direction de la Société FABRICOM AIR CONDITIONING rappelait à M. Y... que sa période d'activité en Guyane française en tant que détaché arriverait à expiration le 31 décembre 1997.
Par courrier du 24 octobre 1997, M. Y... faisait savoir à son employeur que si celui-ci avait jugé bon de ne pas renouveler son contrat de détachement au centre spatial, il ne donnerait pas suite aux propositions d'affectation au sein de 3 entreprises belges, qui lui ont été communiquées, pour les raisons suivantes :-non conservation des régimes social et fiscal français-conditions plus défavorables que la situation actuelle.
Après avoir été convoqué par courrier du 6 février 1998 à un entretien préalable, M. Y... se voyait notifier par courrier du 13 mars 1998 son licenciement pour faute grave. Il était reproché au salarié d'avoir refusé de réintégrer son lieu de travail à Bruxelles, ne respectant pas ainsi de manière flagrante son contrat de travail.
Dès le 26 août 1997, M. Y... avait saisi le Conseil de Prud'hommes de Cayenne pour demander à bénéficier de l'application de la « convention de site » de la base spatiale, et donc de différentes indemnités que la Société FABRICOM AIR CONDITIONING ne lui avait pas allouées.
Par ordonnance du 16 octobre 1997, le bureau de conciliation du Conseil de Prud'hommes condamnait la Société FABRICOM AIR CONDITIONING à payer à M. Y... diverses sommes, mais la Cour d'Appel de Fort-de-France (Chambre détachée de Cayenne) par arrêt du 2 février 1998, annulait la décision du bureau de conciliation pour excès de pouvoir, et renvoyait l'affaire devant le bureau de jugement du conseil de prud'hommes.
À la suite de différents renvois, l'affaire était fixée et les parties convoquées pour l'audience du 23 novembre 1999. Par décision du même jour le conseil de prud'hommes, constatant l'absence sans motif du demandeur, a prononcé la caducité de la citation en application de l'article 468 du code de procédure civile.
M. Y... ayant sollicité le relevé de la caducité par lettre recommandée avec avis de réception du 15 décembre 1999, l'affaire a été réenrôlée et les parties convoquées devant le bureau de jugement à l'audience du 22 février 2000 en application de l'article R516-26-1 ancien du code du travail. À cette audience le Conseil de Prud'hommes a, sur la demande de la Société FABRICOM AIR CONDITIONING défenderesse, prononcé une nouvelle fois la caducité de la citation.
M. Y... a sollicité la rétractation de la décision de caducité et a relevé appel de cette décision le 17 avril 2000.
Par jugement du 27 juin 2000, le bureau de jugement du conseil de prud'hommes, saisi par M. Y... de sa demande de relevé de caducité et de ses demandes en paiement, constatant que la Cour d'Appel était saisie du litige qui opposait les parties concernant la 2e décision de caducité (en date du 22 février 2000) estimait qu'il était d'une bonne justice d'attendre la décision de la Cour et renvoyer l'affaire à une date ultérieure dans l'attente de la décision de ladite Cour.
Par arrêt du 25 mars 2002, la Cour d'Appel de Fort-de-France (Chambre détachée de Cayenne), saisie à la fois d'un appel de la décision de caducité du 22 février 2000, et d'un appel du jugement du 27 juin 2000 précité, déclarait irrecevables les appels formés par M. Y... à l'encontre de ces deux décisions, estimant d'une part que la convocation des parties à l'audience du 27 juin 2000 du Conseil de Prud'hommes valait relevé de caducité, et d'autre part que la décision de sursis à statuer du 27 juin 2000 ne tranchant ni le principal, ni un incident mettant fin à l'instance n'était pas susceptible d'appel. La cause et les parties étaient renvoyées devant le Conseil de Prud'hommes de Cayenne pour qu'il soit statué au fond.
Suite à un procès-verbal de partage de voix, en date du 21 janvier 2003, l'affaire était renvoyée devant la formation de départage du conseil de prud'hommes. Le juge départiteur, par jugement du 21 avril 2004 disait n'y avoir lieu à caducité, et jugeait que le licenciement de M. Y... était sans cause réelle et sérieuse, la Société FABRICOM AIR CONDITIONING et la Société AXIMA CONTRACTING étaient condamnées à lui payer une provision de 23 000 euros à valoir sur les indemnités de rupture. Il était sursis à statuer sur les autres demandes et une expertise était ordonnée, la Société FABRICOM AIR CONDITIONING et la Société AXIMA CONTRACTING étant d'ores et déjà condamnées à payer la somme de 10 000 euros à M. Y... au titre des frais irrépétibles.
Par déclaration reçue au greffe du Conseil de Prud'hommes de Cayenne le 25 mai 2004, la Société FABRICOM AIR CONDITIONING et la Société AXIMA CONTRACTING relevaient appel de cette décision.
Par arrêt du 30 mai 2007, la Cour d'Appel de Fort-de-France (Chambre détachée de Cayenne) infirmait le jugement déféré en toutes ses dispositions et constatait la caducité de la demande initiale et l'extinction de l'instance introduite le 26 août 1997 par M. Y.... Les autres demandes formées par M. Y... étaient déclarées irrecevables par application des dispositions de l'article R516-1 du code du travail. M. Y... était condamné à payer à la Société AXIMA CONTRACTING (venant aux droits de la Société FABRICOM AIR CONDITIONING) la somme de 1000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par arrêt du 14 janvier 2009, la Cour de Cassation cassait et annulait en toutes ses dispositions l'arrêt du 30 mai 2007 de la Cour d'Appel de Fort-de-France, et renvoyait les parties où elles se trouvaient avant ledit arrêt, devant la Cour d'Appel de Basse-Terre.
La Société AXIMA CONTRACTING a saisi la Cour d'Appel de Basse-Terre par déclaration reçue le 28 juillet 2009.
M. Y... saisissait la même Cour par déclaration reçue le 9 novembre 2009. Les 2 saisines étaient jointes en une même instance.
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Par conclusions notifiées à la partie adverse le 13 juin 2012, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, la Société AXIMA CONTRACTING demande à la Cour de constater que suite au jugement de caducité rendu par le Conseil de Prud'hommes de Cayenne le 22 février 2000, aucune décision de rétractation de ce jugement n'a été rendue, et sollicite en conséquence l'infirmation du jugement de départage du 21 avril 2004 en toutes ses dispositions, et le renvoi de M. Y... devant le Conseil de Prud'hommes de Cayenne à l'effet de voir statuer sur la demande de rétractation qu'il a présentée le 24 février 2000. L'appelante sollicite paiement de la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
À titre subsidiaire la Société AXIMA CONTRACTING sollicite l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il a dit que le licenciement de M. Y... était sans cause réelle et sérieuse et en ce qu'il a alloué à celui-ci une provision de 23 000 euros. Faisant valoir que le détachement de 3 ans de M. Y... n'avait pas été renouvelé et que la Société FABRICOM AIR CONDITIONING avait proposé 3 possibilités de réaffectation, et que M. Y... avait refusé catégoriquement ces réaffectations en violation de ses obligations contractuelles, elle entend voir juger que l'attitude et le comportement de M. Y... est constitutif d'une faute dont la gravité ne permet pas le maintien de celui-ci pendant la durée de préavis. Elle conclut au rejet des demandes présentées par M. Y... au titre de son licenciement.
La Société AXIMA CONTRACTING demande également l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il a sursis à statuer sur les autres demandes et ordonné une mesure d'expertise, en soutenant que la Société FABRICOM AIR CONDITIONING avait attribué des avantages à M. Y... supérieurs à ce qu'il aurait pu obtenir par application de la convention de site.
Elle conclut au rejet des prétentions de M. Y..., notamment de toutes ses nouvelles demandes indemnitaires formulées en application de la convention de site, et le rejet de sa demande d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile, réclamant pour elle-même une somme de 10 000 euros sur le fondement de ce texte.
Subsidiairement, la Société AXIMA CONTRACTING demande qu'il soit jugé que le licenciement de M. Y... est fondé sur une cause réelle et sérieuse et entend voir fixer l'indemnité de licenciement à la somme de 1 136,24 euros et l'indemnité de préavis à celle de 7574,91 euros, la demande en paiement d'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse devant être rejetée.
À titre subsidiaire également, sur l'application de la convention de site, et pour le cas où l'expertise ordonnée serait maintenue, elle sollicite un changement d'expert afin de satisfaire aux conditions d'impartialité, l'expert désigné par le premier juge ayant exercé les fonctions de comptable pour l'une de ses filiales.
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M. Y... sollicite pour sa part, à l'audience des débats, la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à caducité et a relevé le requérant de la caducité. Il fait valoir qu'il a introduit une demande de relevé de la caducité prononcée par décision en date du 22 février 2000, et ce dans le délai de 15 jours, et qu'il a présenté un motif légitime pour son absence lors de l'audience du 22 février 2000.
Au titre des rappels de rémunération dus en application de la convention de site, M. Y... sollicite la condamnation de la Société AXIMA CONTRACTING à lui payer les sommes suivantes :-26 693,37 euros à titre de rappel de salaire pour les années 1995 à 1997, avec versement auprès des organismes sociaux du montant des cotisations patronales qui auraient dû être réglées,-8 916,59 euros au titre du crédit bagages,-3 708,02 euros à titre de congé réinstallation,-1 262,08 euros au titre de la majoration du 13e mois pour cherté de vie,-903,41 euros au titre du fractionnement des congés,-3 368,51 euros au titre des congés acquis pour l'exercice 1997, et des avantages acquis par application la convention.M. Y... entend voir juger que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter de l'introduction de la demande en justice en date du 26 août 1997, valant sommation de payer.
À titre subsidiaire il sollicite la confirmation de la désignation d'un expert, en complétant sa mission sur la détermination des cotisations sociales patronales non versées aux organismes sociaux pour régularisation, et sur la détermination de son préjudice dans le calcul de ses indemnités ASSEDIC du fait du non versement des cotisations sociales aux organismes sociaux.
À titre encore plus subsidiaire M. Y... sollicite le versement des salaires et compléments, tels que versés à un autre salarié, pour une qualification et un travail équivalents, soit la somme de 21 804,48 euros.
Au titre de l'indemnisation de son licenciement qu'il estime abusif, M. Y... sollicite la condamnation de la Société AXIMA CONTRACTING à lui verser les sommes suivantes :-7 416,19 euros à titre d'indemnité de licenciement calculée sur la base du salaire augmenté de l'indemnité qu'aurait dû verser la Société AXIMA CONTRACTING,-7 416,19 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis (équivalente à 2 mois de salaires) cette somme devant être calculée sur la base du salaire augmenté de l'indemnité qu'aurait dû verser la Société AXIMA CONTRACTING,- 22 248 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en application de l'article 1235-3 du code du travail.-44 798,91euros à titre d'indemnisation du préjudice lié à la minoration des allocations ASSEDIC, en raison du non respect de la convention de site,À titre subsidiaire, et pour le cas où il ne serait pas fait droits à cette demande relative au rappel de rémunération en application de la convention de site, M. Y... sollicite la condamnation de la Société AXIMA CONTRACTING à lui verser la somme de 925,35 euros à titre d'indemnité de licenciement et celle de 3 541,39 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis.
Au cas où l'expertise ordonnée par les premiers juges sur la détermination des sommes dues en application de la convention de site serait confirmée, M. Y... demande que la condamnation au paiement d'une provision de 23 000 euros à valoir sur l'indemnisation de son licenciement, soit confirmée.
M. Y... réclame paiement de la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
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Motifs de la décision :
Sur la caducité de la demande de M. Y... :
Si dans son jugement du 27 juin 2000, le bureau de jugement du Conseil de Prud'hommes de Cayenne a sursis à statuer notamment sur la demande présentée par le conseil de M. Y... par courrier du 25 février 2000 reçu au greffe de la juridiction prud'homale le 1er mars 2000, tendant à voir rapporter la décision de caducité prononcée le 22 février 2000, il y a lieu de constater que le même conseil de prud'hommes, dans sa formation de départage, a par jugement du 21 avril 2004 dit n'y avoir lieu à caducité.
La société appelante contestant cette disposition du jugement déféré, il y a lieu de la confirmer pour les raisons suivantes :-après que le bureau de conciliation ait statué, l'affaire a été appelée devant le bureau de jugement, lequel, à la demande de l'avocat représentant M. Y... en l'occurrence Me A..., substituant Me B..., alors conseil du requérant, ledit conseil étant alors hors du département, a renvoyé l'affaire à l'audience du 26 mai 1998 à 15 heures (pièce no8 de l'intimé) ; M. Y... ayant été ainsi représenté une première fois devant le bureau de jugement, la caducité de sa demande ne pouvait plus être prononcée,-il résulte des mentions figurant dans le jugement du 27 juin 2000 du bureau de jugement du conseil de prud'hommes, qu'à l'audience du 22 février 2000 à laquelle les parties avaient été convoquées, si M. Y... était absent, il était néanmoins représenté par Me FASSI-FIHIRI Brigitte, son nouvel avocat, et que celle-ci a été entendue par ledit bureau de jugement, la demande du requérant ainsi représenté ne pouvant être dès lors déclarée caduque, étant relevé au surplus que M. Y... pouvait légitimement se faire représenter par son avocat devant le bureau de jugement du Conseil de Prud'hommes de Cayenne, dans la mesure où il demeurait alors à ACHERES, dans le département des YVELINES, et le Conseil de Prud'hommes n'ayant pas exigé sa comparution personnelle.
Sur les demandes de rappels de rémunération :
Dans le contrat de travail liant les parties, il est mentionné en page 3, après l'énumération des modalités de rémunération de M. Y..., que : « ces conditions tiennent compte des conditions et du régime spécial appliqués sur la base spatiale de Kourou, à savoir :les points particuliers mentionnés dans la convention de site tel que, cherté de vie, prime d'éloignement, tickets restaurant, prime de flexibilité, prime de lancement etcles heures supplémentaires éventuelles autres que celles demandées par le Client et rémunérées à F.A.C. et ce jusqu'à 42 heures/semaine. »
Il résulte de ces dispositions que la Société FABRICOM AIR CONDITIONING s'est expressément engagée à verser à M. Y... une rémunération et des primes dont les montants couvrent celles prévues par la convention de site.
Au demeurant dans son courrier du 22 novembre 1996, le chef d'établissement de la Société FABRICOM AIR CONDITIONING à KOUROU, fait savoir à M. Y... que les termes de son contrat doivent être adaptés "afin de faire apparaître clairement les mentions figurant dans les textes de la convention de site".
Dans un courrier du 29 novembre 1996, le responsable du site de l'entreprise à KOUROU indique à M. Y... " en vue de répondre de façon formelle aux conventions en vigueur sur la base spatiale, plusieurs propositions d'avenants vous ont été soumises..."
Ces courriers confirment l'engagement de l'employeur à se conformer aux dispositions de la convention de site.
Cette convention prévoit les indemnités et primes suivantes :-indemnité de cherté de vie : cette indemnité est égale à 25 % du salaire mensuel brut de base, elle est appliquée également sur les heures supplémentaires, la prime d'ancienneté, les astreintes,-prime d'éloignement : cette prime est fixée à 40 % du salaire mensuel de base, elle est abondée d'un taux de 2,5 % par enfant à charge à partir du 3e enfant,-prime de lancement : cette prime est liée à la réussite des lancements au cours d'une année calendaire, et calculée en fonction du nombre de lancements réussis sur l'année, en prenant pour base un montant brut de 600 francs pour chaque lancement réussi.-13e mois : pour chaque année complète, la somme des éléments de rémunération (13e mois, allocation annuelle, primes de vacances ou primes de fin d'année) ne peut être inférieure au montant du salaire de base du mois de décembre majoré de 25 % de cherté de vie,-astreinte : l'indemnité forfaitaire journalière est fixée à 270 francs du lundi au vendredi, et elle atteint 405 francs lorsque la période d'astreinte est située un samedi, un dimanche ou un jour férié, le montant de ces astreintes est abondé de la cherté de vie, et est réévalué au 1er janvier de chaque année,-prime de flexibilité : pour les agents de catégorie B que revendique M. Y... et qui n'est pas contestée par l'employeur, cette prime correspond à 11 % du salaire mensuel brut de base multiplié par 12.
Il ressort de l'examen des bulletins de paie de Monsieur Y..., que le salaire mensuel de base a été régulièrement payé à hauteur de : -118 153,98 francs pour l'année 1995, compte tenu d'un congé sans solde en mars 1995, non contesté par le salarié, -138 000 francs pour l'année 1996,-139 380 francs pour l'année 1997.
Les primes de lancement ont également été régulièrement versées à M. Y..., à hauteur de :-11 980 francs pour l'année 1995 (cf. bulletin de paie de janvier 1996)-8400 francs pour l'année 1996 (cf. bulletins de paie de janvier 1997,-10 800 francs pour l'année 1997 (cf. bulletin de paie de janvier 1998).
Les bulletins de paie de Monsieur Y... font apparaître le versement des astreintes, dont le montant n'est pas contesté par le salarié, ainsi que le paiement d'un 13e mois.
Il ressort en outre de l'examen des bulletins de paie que des heures supplémentaires ont été réglées à M. Y..., certaines majorées à hauteur de 25 %, d'autres à hauteur de 100 % et même 200 %. Le salarié n'apporte aucun élément permettant d'étayer ses allégations selon lesquelles il aurait accompli d'autres heures supplémentaires non réglées par l'employeur. Par contre il y a lieu de relever que la rémunération des heures supplémentaires versées par l'employeur n'a pas fait l'objet d'une majoration de 25 % au titre de la cherté de vie.
La rémunération due à M. Y... par application des dispositions de son contrat de travail et de la convention de site (hors salaires de base mensuels, hors heures supplémentaires, hors primes de lancement et hors astreintes) est la suivante :
-pour l'année 19951-cherté de la vie :sur la base d'un salaire annuel de 118 153,90 francs compte tenu d'un congé sans solde en mars 1995, l'indemnité de cherté de vie s'élève à :118 153,90 F X 0,25 = 29 538,48 Fsur la base des heures supplémentaires réglées à hauteur de 10 235,03 francs :10 235,03 F X 0,25 = 2 558,76 F sur la base du 13e mois :10 000 F X 0,25 = 2 500 F2-prime d'éloignement :118 153,90 F X 0,40 = 47 261,56 F3-prime de flexibilité :118 153,90 F X 0,11 = 12 996,93 F
-pour l'année 1996 :1-cherté de la vie :sur la base d'un salaire annuel de 138 000 F, l'indemnité de cherté de vie s'élève à :138 000 F X 0,25 = 34 500 Fsur la base des heures supplémentaires réglées à hauteur de 9 588,56 F :9588,56 F X 0,25 = 2 397,14Fsur la base du 13e mois :11 500 F X 0,25 = 2 875 F2-prime d'éloignement :138 000 F X 0,40 = 55 200 F3-prime de flexibilité :138 000 F X 0,11 = 15 180 F
-pour l'année 1997 :1-cherté de la vie : sur la base d'un salaire annuel de 139 380 F, l'indemnité de cherté de vie s'élève à :139 380 F X 0,25 = 34 845 Fsur la base des heures supplémentaires réglées à hauteur de 6 098 F :6 098 F X 0,25 = 1 524,50 Fsur la base du 13e mois :11 615 F X 0,25 = 2 903,75 F

2-prime d'éloignement :139 380 F X 0,425 = 59 236,50 F (compte tenu du 3e enfant)3-prime de flexibilité : 139 380 F X 0,11 = 15 331,80 F
Il en résulte qu'il était donc que dû à M. Y... au total la somme de 318 849,42 francs au titre de la cherté de vie, de la prime d'éloignement et de la prime de flexibilité.
Il ressort des bulletins de paie de Monsieur Y..., que son employeur lui a versé, outre son salaire de base mensuel et hors heures supplémentaires, hors astreintes, hors 13e mois, et hors primes de lancement, les indemnités suivantes :-4060 francs en montant brut, sous l'appellation "prime d'objectif",-4600 francs et 5600 francs en "montant net" sous l'appellation "indemnité de grands déplacements"; en réalité cette indemnité ne correspondant pas au remboursement de frais professionnels, est également soumise à cotisations sociales.
Il ressort d'un courrier du 12 décembre 1995 adressé par l'employeur à M. Y..., qu'il était octroyé à celui-ci une indemnité journalière forfaitaire de 250 francs, jours de congés non compris.
L'employeur prétend qu'il a été versé à M. Y... diverses indemnités en sus de son salaire, payées par chèques séparés, et qui seraient destinées à couvrir la prime d'éloignement, la cherté de vie, la prime de flexibilité, la prime de cherté de vie sur les heures supplémentaires et la prime de cherté de vie sur le 13e mois. Il est prétendu que M. Y... signait un reçu.
Or l'employeur produit pour tout justificatif des copies de talons de chèques figurant en pièce no 34, ces talons ne mentionnant pas le bénéficiaire de chacun des chèques, et portant diverses signatures, dont la variété montre qu'elles ne peuvent correspondre à celle de M. Y.... Ces pièces sont pour le moins insuffisantes à prouver le règlement du montant des d'indemnités alléguées par l'employeur.
Toutefois M. Y... admet avoir reçu au titre de l'année 1995 des indemnités à hauteur de 67 200 francs, au titre de l'année 1996 des indemnités à hauteur de 84 750 francs, et au titre de l'année 1997 des indemnités à hauteur de 68 500 francs, soit au total la somme de 220 450 francs.
Il en résulte que M. Y... est fondé à réclamer la somme suivante au titre de la prime de cherté de vie, de la prime d'éloignement et de la prime de flexibilité :318 849,42 F - 220 450 F = 98 399,42 F soit 15 000,89 euros
Sur "le crédit bagages" :
La convention de site prévoit des modalités d'indemnisation pour le transport de l'agent détaché et de sa famille, entre la métropole et son domicile de Kourou, et pour son rapatriement, à savoir :-remboursement sur justificatif dans la limite d'un plafond, qui s'élève pour un couple marié avec 3 enfants à la somme de 47 870 francs,-remboursement au forfait dans la limite de 2/3 du plafond.
Dans la mesure où il a été mis fin au détachement de M. Y... à la fin de l'année 1997, le salarié est fondé, quel que soit le sort du contrat de travail par la suite, à solliciter l'indemnisation de ses frais de rapatriement.
Même si M. Y... a pu obtenir sur justificatif, remboursement de son déménagement de la métropole vers Kourou en 1995, il est en droit de bénéficier pour son rapatriement, s'il ne produit pas de justificatif, au remboursement forfaitaire conventionnel, soit la somme de 31 913,33 francs, ou 4 865,15 euros
Sur le congé de réinstallation :
Les parties s'accordent à dire que selon la convention de site, le personnel détaché sur la base spatiale a droit au régime de 32 jours ouvrés de congés payés par an et bénéficie d'un congé de réinstallation en métropole, acquis à raison de 10 jours ouvrés par année travaillée sur le site spatial. Pour les années incomplètes, ce droit est calculé prorata temporis par mois entier de présence. Ce droit à congé de réinstallation acquis au titre du détachement, et cumulé d'année en année est pris à compter du retour définitif en métropole. Il est rémunéré en tenant compte des majorations liées au détachement précédent en Guyane.
M. Y... a refusé les affectations proposées en Belgique, il n'en demeure pas moins qu'il a été mis fin à son détachement et qu'il a ainsi droit à un congé de réinstallation.
En application des dispositions conventionnelles, et compte tenu de l'ensemble de la rémunération due à M. Y... pour chacune des années 1995, 1996 et 1997, comprenant outre le salaire de base mensuel, les heures supplémentaires, les astreintes, la prime d'éloignement, la prime de flexibilité, la prime de lancement, le 13e mois, l'indemnité de cherté de vie, le salarié a acquis un droit à congé de réinstallation à hauteur de :-7216,45 francs au titre de l'année 1995,-8246,86 francs au titre de l'année 1996,-8136,79 francs au titre de l'année 1987,soit au total 23 600,10 francs, ou 3597,81 euros.
Sur le congé de fractionnement :
La convention de site prévoit que le personnel travaillant sur la base spatiale de Kourou bénéficie des règles légales de fractionnement du congé s'appliquant du 1er novembre au 30 avril. Il est ainsi octroyé aux salariés concernés :-un bonus de 2 jours ouvrés de congés payés supplémentaires pour une durée au moins égale à 6 jours,-un bonus d'un jour ouvré de congés supplémentaires pour une durée comprise entre 3 et 5 jours.
M. Y... pour sa part ne précise pas les périodes de congés qu'il a pris.
L'employeur, s'il conteste les droits de M. Y... au titre du fractionnement de congés pour les années 1995 et 1996, admet que pour 1997 celui-ci a pris ses congés en novembre, et reconnaît qu'il lui est dû à ce titre la somme de 2008,70 francs ou 306,22 euros. Il sera donc alloué cette somme à M. Y....
Sur les congés pris en 1997 :
M. Y... fait valoir que son employeur l'a contraint à prendre ses congés, notamment ceux acquis au titre de l'exercice 1997, avant le 31 décembre 1997 alors qu'aux termes de la loi, il devait prendre ses congés postérieurement à cette date, à compter du 1er juin 1998 et bénéficier ainsi du paiement de ses congés lors de son licenciement.
Dans la mesure où au 31 décembre 1997 M. Y... avait un droit à congés à hauteur de 17,5 jours, et où la convention prévoit un délai de route de 3 jours pour la métropole à l'occasion de ces congés, M. Y... est fondé à réclamer indemnisation pour 21 jours de congés, soit, compte tenu de la rémunération mensuelle globale due à M. Y... telle que résultant des montants sus-cités, la somme de 21 091,64 francs, soit 3 215,40 euros, étant rappelé qu'en application de l'article L3141-7 du code du travail lorsque le nombre de jours de congés n'est pas un nombre entier, la durée du congé est portée au nombre entier immédiatement supérieur.
Sur les tickets restaurant :
Ni dans le contrat de travail, ni dans la convention de site, il n'est prévu l'octroi de tickets restaurant au bénéfice du salarié. En conséquence M. Y... ne peut prétendre obtenir une indemnité compensant ces tickets.
Sur le licenciement de M. Y... :
Le contrat de travail de M. Y... prévoit que la période d'activité en Guyane, en tant que détaché, est fixée à 3 ans à compter du 31 décembre 1994. Dans la mesure où ce détachement n'a pas été renouvelé, et même s'il a été stipulé à la demande de M. Y... que : « il pourra être proposé à l'agent une possible autre affectation géographique », il n'en demeure pas moins que l'employeur était fondé à proposer au salarié, à l'issue de la période de 3 ans de détachement, des affectations en Europe, et notamment en Belgique où l'entreprise a son siège et où sont implantées ses filiales.
Le refus par M. Y... d'accepter les affectations ainsi proposées par l'employeur, lesquelles ne constituent pas une modification du contrat de travail, s'analyse en un manquement du salarié à ses obligations contractuelles. Dès lors l'employeur était fondé à prononcer son licenciement.
Toutefois ce refus ne peut s'analyser en une faute grave, l'employeur ne démontrant pas qu'il était impossible de faire effectuer par le salarié, son préavis sur le site de Kourou.
Compte tenu d'une rémunération globale de 259 792,16 francs au cours de l'année 1997, M. Y... est en droit de réclamer une indemnité de préavis d'un montant de 43 298,69 francs équivalente à 2 mois de salaire, soit la somme de 6600,84 euros.
L'indemnité légale de licenciement calculée conformément aux dispositions de l'article L 122-9 ancien du code du travail, tel qu'il était applicable à la date de rupture, s'élève à la somme de 6 494,80 francs, soit la somme de 990,12 euros.
Sur le préjudice résultant de la minoration des allocations ASSEDIC en raison du non-respect des dispositions de la convention de site relatives aux diverses primes et indemnités :
Le total des 12 derniers mois de salaire déclarés aux ASSEDIC s'étant élevé à 181 385 francs, soit 27 652 euros, ayant donné lieu au versement de 52 698 euros d'indemnité chômage, alors que le montant des rémunérations qui devaient être versées à M. Y... s'élevait au cours des 12 derniers mois à 292 924,55 francs soit 44 656,06 euros, il en est résulté pour le salarié un préjudice pouvant être évalué à la somme de 32 416,45 euros, en proportion de l'insuffisance de versement de rémunération,.
****
Comme il paraît inéquitable de laisser à la charge de M. Y... les frais irrépétibles qu'il a exposés, compte tenu notamment de la nécessité de faire appel aux services d'un avocat domicilié en métropole, où il a son propre domicile, il lui sera alloué la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ces motifs,
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement déféré en ce qu'il a dit n'y avoir lieu à caducité,
Le réforme pour le surplus, et statuant à nouveau,
Condamne la Société AXIMA CONTRACTING à payer à M. Y... les sommes suivantes :
-15 000,89 euros au titre du rappel de rémunération concernant la prime de cherté de vie, la prime d'éloignement et la prime de flexibilité
-4 875,15 euros au titre du crédit bagages,
-3 597,81 euros au titre du congé de réinstallation,
-306,22 euros au titre du fractionnement des congés,
-3 215,40 euros au titre de la prise de congés anticipés et des délais de route,
Dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 2 octobre 1997, date de la première audience du bureau de conciliation, dans le cadre de laquelle les demandes de rappel de rémunération ont été nécessairement portées à la connaissance de l'employeur,
Condamne la Société AXIMA CONTRACTING à payer à M. Y... les sommes suivantes :
-6 600,84 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
-990,12 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,
-32 416,45 euros au titre de l'indemnisation du préjudice résultant de la minoration de l'indemnité chômage en raison du non-respect de la convention de site,
-10 000 euros d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Dit que les entiers dépens sont à la charge de la Société AXIMA CONTRACTING,
Déboute les parties de toute conclusion plus ample ou contraire.

Le Greffier, Le Président.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09/01092
Date de la décision : 28/01/2013
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2013-01-28;09.01092 ?
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