COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
CHAMBRE SOCIALE ARRET No 11 DU VINGT ET UN JANVIER DEUX MILLE TREIZE
AFFAIRE No : 11/ 01150
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 5 juillet 2011- Section Commerce.
APPELANTE
SOCIETE CONCEPT TECHNIQUE SARL 4 résidence les jardins du Morne Udol II 97139 ABYMES CEDEX
Ayant pour avocat la SELARL LACLUSE-CESAR (Toque2), avocats au barreau de la Guadeloupe.
INTIMÉE
Mademoiselle Muriel X...... 97170 PETIT BOURG
Représentée par Maître Céline MAYET (Toque 126) substituée par Maître HERMANN, avocat au barreau de la Guadeloupe.
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 novembre 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Bernard ROUSSEAU, président de chambre et Mme Marie-Josée BOLNET, conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, M. Jean de ROMANS, conseiller, Mme Marie-Josée BOLNET, conseiller,
Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 7 janvier 2013 date à laquelle le prononcé de l'arrêt a été prorogé successivement au 14 puis au 21 janvier 2013.
GREFFIER Lors des débats Mme Valérie FRANCILLETTE, Greffier.
ARRET :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par M. Bernard ROUSSEAU, président de chambre, président, et par Mme Valérie FRANCILLETTE, Greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
Par contrat à durée indéterminée du 15 mars 2004, la SARL CONCEPT TECHNIQUE a embauché Mme Muriel X... en qualité d'attachée de direction moyennant un salaire brut de 2 325, 40 €.
Ce contrat de travail prévoyait également que la salariée bénéficierait d'un 13ème mois de rémunération calculé sur le brut de son salaire au prorata, d'un véhicule de marque Renault, modèle Clio, immatriculé... 971, mis à sa disposition 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 pour des raisons de confort professionnel, du remboursement des frais inhérents à l'exercice de sa fonction (restauration en mission éloignée, carburant, téléphone, etc...) et d'une indemnité compensatrice de congés payés.
Par lettre du 11 août 2005, Mme Muriel X... a présenté sa démission. D'un commun accord, son départ a été fixé au 30 novembre 2005.
Estimant ne pas être rentrée dans ses droits et après avoir adressé une lettre de relance pour en obtenir paiement, Mme Muriel X... a saisi le président du conseil des prud'hommes de Pointe-à-Pitre aux fins de voir condamner son ancien employeur à lui payer les arriérés de salaire et autres rémunérations accessoires, et à lui remettre, sous astreinte, l'attestation Assedic et une copie de l'acte de caution garantissant le prêt consenti à la SARL CONCEPT TECHNIQUE qui l'engage en qualité de caution.
Par ordonnance du 10 mars 2008, la formation de référé a décidé que la demande ne remplissait pas la condition d'urgence et a renvoyé les parties à se pourvoir devant le juge de fond.
Par jugement du 05 juillet 2011, le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre a :- dit et jugé que la SARL CONCEPT TECHNIQUE ne rapportait la preuve que Mme X... a tenté de dénigrer l'entreprise, de débaucher ses collaborateurs et a piraté des données confidentielles au profit d'une entreprise concurrente,- débouté la SARL CONCEPT TECHNIQUE de l'intégralité de ses demandes,- condamné la SARL CONCEPT TECHNIQUE, en la personne de son représentant légal, à payer à l'intéressée les sommes suivantes : * 3 697, 76 € au titre des salaires, * 2 884, 76 au titre des congés payés, * 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,- dit que les rémunérations et indemnités mentionnées à l'article R. 1454-14 du code du travail, dans la limite de 9 mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire, sont de droit exécutoires en application de l'article R1454-28 du code du travail, la moyenne des trois derniers mois s'élevant à la somme de 2 325, 40 €,- ordonné à la SARL CONCEPT TECHNIQUE, en la personne de son représentant légal, de remettre à Mme X... une attestation Assédic sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter de la signification du jugement sous une période de 30 jours, le conseil se réservant le droit de liquider l'astreinte,- mis les entiers dépens à la charge de la SARL CONCEPT TECHNIQUE.
Par déclaration reçue le 2 août 2011, la SARL CONCEPT TECHNIQUE a interjeté appel de cette décision.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
A l'audience des plaidoiries du 12 novembre 2012, poursuivant l'infirmation totale du jugement exprimée dans l'assignation, la SARL CONCEPT TECHNIQUE demande à la cour de :
- constater l'utilisation abusive par Mme Muriel X... des moyens matériels et personnels de la société à l'insu des dirigeants et les agissements fautifs de celle-ci,- condamner Mme Muriel X..., outre aux entiers dépens, au paiement des sommes suivantes : * 14 430, 50 € pour fournitures diverses résultant d'un usage anormal des outils et instruments nécessaires du travail mis à sa disposition par son employeur, * 10 000 € à titre de dommages et intérêts, * 1 500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,- autoriser la compensation légale des sommes dues par elle à Mme X... à concurrence de 3 697, 76 €,- rejeter en tous points la demande reconventionnelle formée par Mme X....
A l'appui de ses prétentions, elle note tout d'abord que la décision entreprise repose sur une erreur manifeste d'appréciation des circonstances de la cause et dit qu'à partir des moyens matériels et du personnel de la société, Mme X... a réalisé l'étude technique de son projet de construction de sa propre maison individuelle à Petit-Bourg (plans d'exécution, cahiers des clauses techniques) à l'insu des dirigeants de la société, lesquels ne peuvent demeurés silencieux devant ces faits consistant en l'utilisation abusive de moyens importants de l'entreprise à des fins strictement personnels et pour une valeur considérable, sauf à se faire complices du délit d'abus de biens sociaux prévu et réprimé par l'article L. 241-3 du code du commerce.
Elle dit aussi que le bureau d'études B... dont se prévaut l'intimée, est intervenu pour une mission partielle qui n'inclut pas les plans d'architecture, le plan béton, les plans d'exécution, les cahiers de clauses techniques particulières, l'estimation des travaux et la négociation avec les entreprises, lesquelles opérations ont été réalisées avec les moyens de l'employeur.
Elle invoque ensuite les dispositions de l'article 1289 du code civil et celles de l'article L. 140-4 du code du travail pour bénéficier de la compensation entre sa créance certaine, liquide et exigible et sa dette salariale à l'égard de l'intéressée. Cette compensation est admise par la jurisprudence de la cour de cassation dans l'hypothèse où le salarié a fait un usage anormal et abusif des outils et instruments nécessaires au travail fournis par l'employeur.
Elle se prévaut également de l'attitude de dénigrement adoptée par Mme X... à l'égard des dirigeants du bureau d'Etudes confirmée par les déclarations de Mr Steeve Y... et de Mme Sonia Z..., de plusieurs tentatives de débauchage de collaborateurs de l'entreprise au profit d'une entreprise concurrente, AQUA TP, au service de laquelle elle est entrée peu de temps après son départ, et du piratage des données confidentielles de CONCEPT TECHNIQUE, en abusant ainsi de la confiance de son employeur, alors que les conditions de travail et de rémunération offertes à celle-ci étaient considérables.
Elle dénonce enfin la mauvaise foi de l'intéressée qui réclame une indemnité de congés payés au motif qu'elle n'aurait pas pris ses congés de l'année 2004, alors que le bulletin de paye du mois de mai 2004 fait état d'un total de droits acquis cumulé égal de 30 jours et que celui de juin 2005 indique un total de 2, 5 jours, qui soutient que l'attestation ASSEDIC ne comporterait pas la signature de l'employeur alors qu'il est versé aux débats une copie de cette attestation comportant la dite signature et le cachet de l'entreprise, et qui prétend sans preuve s'être portée caution de son employeur pour l'achat d'un véhicule à usage professionnel qui est, contrairement à ce qui est avancé, demeuré la propriété de son propriétaire : A....
Par conclusions notifiées à la partie adverse le 06 mars 2012, et soutenues oralement à l'audience des plaidoiries, Mme Muriel X..., représentée, demande à la cour de confirmer le jugement querellé en toutes ses dispositions en constatant qu'elle n'a pas utilisé de moyens matériels et du personnel de la société pour la réalisation de l'étude technique de son projet de construction de sa maison individuelle, qu'elle n'a pas davantage dénigré son employeur, ni piraté les données confidentielles au profit d'une entreprise concurrente. Elle demande également de relever que la SARL CONCEPT TECHNIQUE ne lui a pas payé l'intégralité de ses salaires des congés payés et le 13ème mois, soit la somme de 6 582 €, que l'attestation Assédic n'est pas signée, ni exacte, de débouter la SARL CONCEPT TECHNIQUE de l'ensemble de ses demandes et de condamner en conséquence celle-ci à la somme de 3 000 € en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens.
Elle expose que par sa demande de compensation, l'appelante admet ne pas avoir payé l'intégralité des sommes qui lui sont dues au titre des salaires, du 13ème mois et de l'indemnité de congés payés ; que celle-ci ne rapporte pas la preuve de son allégation mensongère selon laquelle elle aurait utilisé des moyens et du personnel de l'entreprise à des fins privées ; qu'à cet égard, la page de garde intitulée " construction d'une villa " ainsi que la facture émise plus d'un an après son départ sont des faux créés pour les besoins de la cause ; que la mission confiée au bureau d'études B... était une mission très complète comprenant également le plan béton contrairement à ce qui est allégué en face dont les pièces concernent une maison de 900 M2 alors que la sienne est de 134 m2.
Elle soutient à titre subsidiaire que si par extraordinaire, la cour entendait donner une force probante aux allégations et pièces de la partie adverse, l'article L. 144-1 du code du travail n'autorise pas la compensation avec des salaires sauf dans les cas précis prévus par cet article, ce qui permet d'exclure la jurisprudence avancée sur la détérioration anormale ou la perte des outils et instruments.
Elle fait également observer qu'aucun blâme ne lui a jamais été adressé pendant toute la durée de son embauche ; que ces propos sont injurieux et qu'elle se réserve le droit de porter plainte ; qu'elle dispose tout autant d'attestations venant prouver qu'elle a toujours fait preuve d'un professionnalisme et d'une totale loyauté à l'égard de son employeur, qu'elle a même contribué à faciliter le recrutement au sein de la SARL CONCEPT TECHNIQUE des salariés qui témoignent aujourd'hui contre elle ; qu'en outre, aucune preuve n'est rapportée pour le prétendu piratage de données confidentielles.
Elle rappelle que la SARL CONCEPT TECHNIQUE ne conteste pas devoir la somme de 3 697, 76 € au titre des salaires, d'une partie des congés et du 13ème mois ; que depuis le début de la relation de travail, elle n'a jamais pris de congés payés, précisément 36, 346 jours. Ce fait, étant établi par les bulletins de paye établis, l'autorise à réclamer la somme de 5 442, 57 €-2 557, 94 € déjà payés, soit un solde restant de 2 884, 63 €, lequel sera confirmé.
Elle termine en soutenant que c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que l'attestation qui lui a été remise, ne comporte ni signature, ni cachet de l'employeur et que la cour tirera toutes les conséquences de la mauvaise foi patente de l'employeur lorsqu'elle prendra connaissance de l'acte d'engagement de caution qu'elle a pu obtenir auprès de A....
MOTIVATION DE LA DÉCISION
Sur l'utilisation abusive des outils et instruments de travail
C'est à bon droit que la première juridiction a jugé que la SARL CONCEPT TECHNIQUE ne rapporte pas la preuve que Mme Muriel X... a abusivement utilisé les outils et instruments de travail qui lui ont été confiés par son employeur dans le cadre de son contrat de travail. La cour relève également que les plans produits par la société appelante portent la mention qu'ils sont la propriété de GRAPHISOFT-ARCHICAD, que les autres documents n'indiquent pas davantage une quelconque propriété de la SARL CONCEPT TECHNIQUE, laquelle n'hésite pas à produire sans scrupules un cahier de clauses techniques particulières sans aucun rapport avec la construction de l'intimée puisque ce document a trait à la réhabilitation d'un lavoir en local associatif correspondant au lot no9 se trouvant section Pointe-Noire avec l'indication du nom de Mme X... sur la page de garde, alors que la construction de la maison de cette dernière était prévue à Petit-Bourg.
Sans soulever davantage l'incohérence des pièces de l'appelante, le jugement sera confirmé sur ce point.
Sur le dénigrement porté contre l'employeur, la tentative de débauchage et le piratage de données confidentielles
Outre les motifs retenus par les premiers juges, les trois attestations produites par la SARL CONCEPT TECHNIQUE ne peuvent être retenues car aucune d'entre elles ne répond à l'exigence de l'original ou de la photocopie du document officiel de l'identité du déclarant, prévue par l'article 202 du code de procédure civile et les faits imprécis qui y sont relatés ne caractérisent pas le dénigrement, la tentative de débauchage et le piratage de données confidentielles.
Le jugement sera confirmé sur ces points.
Sur la compensation
La SARL CONCEPT TECHNIQUE ne justifiant pas en l'état de moyens répondant aux conditions de l'article 1289 du code civile, la cour confirme le jugement entrepris de ce chef.
Sur le paiement des salaires, des congés payés et de la prime de treizième mois
La SARL CONCEPT TECHNIQUE conteste cette demande mais ne verse aux débats aucune pièce confortant sa position.
L'examen des documents de Mme Muriel X... conduit la cour à confirmer le jugement querellé sur ces points.
Sur l'attestation Assedic
Alors que la SARL CONCEPT TECHNIQUE maintient avoir délivré une attestation Assedic en bonne et due forme, elle n'en rapporte pas la preuve en appel.
Les premiers juges ayant eu connaissance de l'existence de cette pièce et constatant qu'elle n'avait pas été remise à la salariée, il convient de confirmer également le jugement sur ce point.
Sur l'acte de cautionnement
Les arguments avancés par l'appelant ne sont pas plus pertinents en appel, surtout sans preuve à l'appui, il convient de confirmer le jugement entrepris de ce chef.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, après en avoir délibéré, par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort :
Déclare recevable mais mal fondé en tous points l'appel de la SARL CONCEPT TECHNIQUE ;
Confirme le jugement du 05 juillet 2011 ;
Condamne la SARL CONCEPT TECHNIQUE, en la personne de son représentant légal, à verser à Mme Muriel X... la somme de 1500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la SARL CONCEPT TECHNIQUE aux éventuels dépens ;
Le greffier, Le président.