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07/01/2013 | FRANCE | N°11/01498

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, Chambre sociale, 07 janvier 2013, 11/01498


MJB-JG

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE ARRET No 8 DU SEPT JANVIER DEUX MILLE TREIZE

AFFAIRE No : 11/ 01498
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 20 septembre 2011, section encadrement.
APPELANTE
SOCIETE SUCRERIES ET RHUMERIES DE MARIE GALANTE, 16 rue du Nouveau Bercy 94220 CHARENTON LE PONT Représentée par Me JOACHIM de la SELARL J. F. M. (TOQUE 34) avocat au barreau de GUADELOUPE)

INTIMÉ
Monsieur Rangassamy Y......97129 LAMENTIN Comparant en personne assisté de Me Jamil HOUDA (T

OQUE 29) avocat au barreau de GUADELOUPE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dis...

MJB-JG

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE ARRET No 8 DU SEPT JANVIER DEUX MILLE TREIZE

AFFAIRE No : 11/ 01498
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 20 septembre 2011, section encadrement.
APPELANTE
SOCIETE SUCRERIES ET RHUMERIES DE MARIE GALANTE, 16 rue du Nouveau Bercy 94220 CHARENTON LE PONT Représentée par Me JOACHIM de la SELARL J. F. M. (TOQUE 34) avocat au barreau de GUADELOUPE)

INTIMÉ
Monsieur Rangassamy Y......97129 LAMENTIN Comparant en personne assisté de Me Jamil HOUDA (TOQUE 29) avocat au barreau de GUADELOUPE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Octobre 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Marie-Josée BOLNET, conseillère chargée d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, Mme Marie-Josée BOLNET, Conseillère, rapporteur M. Jean DE ROMANS, Conseiller.

Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 17 décembre 2012 puis le délibéré a été prorogé au 07 janvier 2013
GREFFIER Lors des débats Mme Valérie FRANCILLETTE, greffière.
ARRET :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, et par Mme Juliette GERAN, Adjointe Administrative Principale, fft de greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE
M. Rangassamy Y...a été embauché par contrat à durée déterminée de deux ans par la SA Sucreries et Rhumeries de Marie-Galante (SRMG), en qualité de Directeur technique, à compter du 6 février 2002, moyennant une rémunération forfaitaire annuelle brute de 69 368 €, répartis en 13 mensualités égales. Au départ du directeur général de l'usine sucrière, sise à Marie-Galante, M. Y...a été nommé Directeur d'usine en novembre 2002.

Par deux lettres notifiées par huissier de justice le 4 juin 2009, celui-ci a été, d'une part, convoqué à un entretien préalable pour un éventuel licenciement pour faute grave, sans indemnité ni préavis, prévu pour le 15 juin 2009 et, d'autre part, informé de sa mise à pied conservatoire.
Par lettre notifiée par huissier du 22 juin 2009, M. Y...a été licencié pour faute grave.
Contestant le bien-fondé de son licenciement, M. Y...a saisi le Conseil des Prud'hommes de Pointe-à-Pitre, lequel, par jugement en date du 20 septembre 2011, a dit que la faute grave n'était pas justifiée et jugé que le licenciement reposait sur un motif réel et sérieux.
La SA SRMG a été, par conséquent, condamnée à lui payer les sommes suivantes :-15 567 € au titre de l'indemnité de préavis-4 635 € au titre de congés payés sur préavis-62 528 € au titre d'indemnité pour licenciement abusif-15 500 € au titre des RTT-10 438 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement-15 000 € au titre du préjudice moral-3 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile

Le jugement a été assorti de l'exécution provisoire conformément aux dispositions de l'article R 1454-28 du Code du travail.
Par déclaration enregistrée le 14 octobre 2011 au greffe de la Cour, la SA SRMG a relevé appel de cette décision.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions écrites et reprises à l'audience des plaidoiries du 22 octobre 2012, la SRMG, représentée, demande à la Cour de constater qu'elle ne conteste pas que le licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse mais que cependant, elle souhaite poursuivre l'infirmation des dispositions du jugement qui l'ont condamné au paiement des sommes de :-62 528 € au titre d'indemnité pour licenciement abusif-15 500 € au titre des RTT-15 000 € au titre du préjudice moral-3 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle demande également que M. Y...soit débouté de l'ensemble de ses autres demandes comme mal fondées et qu'il soit condamné à lui verser 5 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
A l'appui de ses prétentions auxquelles la Cour se référera pour un plus ample exposé des moyens, elle soutient qu'en tant que cadre dirigeant, M. Rangassamy Y...remplissait toutes les conditions définies à l'article L 3111-2 du Code du travail. A ce titre, M. Y...disposait d'un pouvoir de commandement de direction, de contrôle et de discipline qu'il devait exercer sur tous les salariés de l'entreprise dont il était le supérieur hiérarchique et d'un niveau élevé de rémunération.

Elle fait valoir sur le fondement de cet article, qu'il n'était pas soumis aux dispositions des titres II et III du Titre I du Code du travail relatifs à la durée du travail.

Sur les motifs du licenciement,- Sur le refus de présider le comité d'entreprise, la réunion des délégués du personnel et le CHSCT Elle soutient que M. Y...en sa qualité de chef d'établissement, avait l'obligation de les présider et notamment le pouvoir de contester les délibérations du comité d'entreprise. Elle indique qu'il est de pratique courante que le chef d'entreprise, en l'occurrence, le Président du directoire, délègue ses pouvoirs à un salarié de l'entreprise remplissant les fonctions précitées pour assurer la présidence et le suivi des réunions des différents comités. Elle précise à cette fin que M. Y...avait déjà exercé ces délégations précises qui s'intégraient parfaitement dans ses fonctions et son statut de cadre supérieur et de directeur d'usine. Elle rappelle que M. Y...avait été membre du directoire du 8 avril 2003 au 4 juin 2007 et qu'il savait qu'il n'était pas nécessaire, après cette date, d'en être membre pour présider les comités, d'autant que le Directeur général lui avait donné, dès décembre 2002, pouvoir en sa qualité de directeur d'usine. Elle en conclut que c'est donc avec une parfaite mauvaise foi que M. Y...a refusé d'assurer cette délégation.

- Sur la diffusion de mails et de courriers Elle fait valoir que M. Y...a eu un comportement inacceptable pour un dirigeant puisque par mail du 18 avril 2009 adressé au Président de la Chambre d'Agriculture, au Directeur de la DAF, au Directeur général de la SRMG et au Directeur d'IGUACANE, il a ouvertement critiqué les partenaires de la filière canne-sucre. Elle précise que ce mail avait été précédé d'une lettre datée du 14 mars 2009 désapprouvant le Directeur général. Elle soutient également que la lettre remise le 8 mai 2009 au secrétaire du comité d'entreprise, M. B..., et auquel avaient été jointes les copies des mails et courriers adressés aux personnes précitées constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement, voire une faute grave, car elle dénigrait et calomniait les instances dirigeantes de l'entreprise.

- Sur la signature des tableaux hebdomadaires Elle soutient que M Y...avait toujours signé les tableaux hebdomadaires jusqu'à ce qu'il le fasse faire par le responsable du laboratoire, sachant par ailleurs qu'en sa qualité de chef d'établissement, il devait exercer un contrôle interne sur tous les documents destinés à être diffusés à son Directeur général ou à l'extérieur de l'entreprise, en y apposant son visa. Cette tâche lui incombait exclusivement et le chef de fabrication était placé sous sa responsabilité.

- Sur le changement d'assurances Elle soutient que le changement d'assurance de la flotte automobile de la société n'a pas été possible puisque M. Y...n'a pas répertorié, comme il le lui avait été demandé par le Directeur général, tous les véhicules en service à l'usine de Marie-Galante et adressé la copie de leurs cartes grises.

- Sur le planning prévisionnel d'expédition de rhum Elle réfute l'affirmation de M. Y...selon laquelle le transport du rhum était organisé par M. C...puisque que ce dernier, contremaître de la distillerie, était placé sous son autorité. Il ne pouvait donc lui confier la mission d'élaborer le planning prévisionnel pour, ensuite, reporter la responsabilité de ses omissions sur les salariés.

- Sur le défaut d'envoi d'une lettre à la Douane Elle reproche à M. Y..., en sa qualité de Directeur d'usine, de n'avoir pas adressé aux services des Douanes un courrier les informant que la SRMG avait perdu, suite à l'éclatement d'une cuve, 300 tonnes de mélasse et ce, afin d'obtenir une décharge. Il aurait ainsi manqué à son obligation d'information.

- Sur les différentes paies et les virements Elle soutient que dans son mail du 29 avril 2009, M. Y...indiquait qu'il ne souhaitait plus faire de virement bancaire, et que sa mauvaise foi est caractérisée lorsqu'il prétend qu'il n'avait pas le code du compte de la SRMG. Elle fait valoir qu'il a toujours détenu le pouvoir de lever des fonds et d'effectuer des virements. Elle rappelle que M. Y...était informé que la comptabilité de la société avait été transférée d'Erstein à Charenton et que de nouvelles normes comptables étaient désormais applicables. Il devait donc s'assurer que les fiches de paie des cannes et des salaires avaient été établies en temps et en heure. Elle précise que sa signature, de même que celle de M. D..., avait été confirmée auprès du Crédit agricole et qu'il avait ainsi reçu, suite au changement de siège social et de direction de la société, le nouveau code d'accès.

- Sur l'absence de M. Y...à la réunion du 9 mai 2009 Elle expose que M. Y..., en sa qualité de directeur, a été informé de la tenue de la réunion du Comité d'entreprise extraordinaire le 9 mai 2009. Elle signale qu'il a été régulièrement convoqué puisque les convocations ont été distribuées le 7 mai 2009 par M. E....

- Sur l'absence de préparations et des factures liées au chargement du bateau Elle reproche à M. Y...de n'avoir pas effectué les démarches administratives ainsi que les formalités douanières pour le chargement du bateau prévu du 26 au 29 mai 2009. Il a donc manqué à ses obligations relatives à l'expédition du sucre, notamment à l'égard du transitaire, en n'émettant pas de facture provisoire pour l'ouverture de la déclaration en douane et une facture après chargement pour fermer la déclaration en douane. Elle souligne qu'il ne pouvait pas demander à M. F...d'établir de factures puisque sa société n'était pas concernée par le chargement.

- Sur le bail d'habitation Elle soutient que M. Y...a conclu, en son nom et sans son autorisation, un contrat de bail d'habitation avec Mme N...Corinne pour la période du 1er juillet 2007 jusqu'au 30 juin 2009, ce qui constituerait une indélicatesse justifiant le licenciement. Elle réfute qu'il s'agisse d'un renouvellement de bail puisque M. Y...était supposé loger dans une ancienne habitation appartenant au Conseil régional. Ce loyer a donc entrainé une charge supplémentaire pour la société car le loyer était directement payé par elle et sous la seule signature de M. Y....- Sur la signature et le traitement des bons de délégation Elle soutient que M. Y...a commis une faute en refusant de signer les bons de délégation des délégués du personnel depuis janvier 2009 jusqu'à son licenciement au motif qu'il n'avait pas de délégation pour le faire et alors même qu'il l'avait déjà effectué auparavant. Elle précise, qu'en tant que responsable du personnel, il était tenu de le faire et que, dans l'urgence, il a fallu que les bons soient signés par le Directeur général.

- Sur le harcèlement moral Elle fait valoir que les trois lettres du 6 octobre 2008 par lesquelles le Président du Directoire demandait à M. Y...d'exercer pleinement ses fonctions ne sont pas constitutives d'un acte de harcèlement moral. Elle explique que la première lettre concernait la délégation de pouvoir pour présider le comité d'entreprise, la deuxième était relative à la réunion du CHSCT au cours de laquelle l'inspecteur du travail, Mme DE H..., avait relevé des dysfonctionnements et formulé des critiques, la troisième, enfin, portait sur la planification des congés du personnel afin que le travail d'entretien de l'usine soit effectué normalement ainsi que sur d'autres points précis concernant les salariés dont il était le supérieur hiérarchique. Elle précise que de telles directives, adressées dans des termes corrects et précis, incombent au Président du Directoire dont la mission est de veiller à une bonne organisation du travail dans l'entreprise.

- Sur la discrimination Elle soutient que M. Y...n'a subi aucune discrimination aussi bien pour sa rémunération que pour ses fonctions. Elle rappelle qu'il a été embauché par contrat à durée déterminée en qualité de Directeur technique en 2002 et qu'il a été nommé comme directeur d'usine après le départ de M. I.... Elle souligne que son salaire a été augmenté en conséquence et qu'il était en conformité avec sa classification et son statut. Elle précise que M. Y...ne peut prétendre que la SRMG manquait d'encadrement puisque, d'une part, trois cadres ainsi que des agents de maîtrise assurent leurs services au sein de la société et, d'autre part, toutes les fonctions administratives telles que la comptabilité générale et les commandes, sont assurées au siège social de la société situé en France métropolitaine. Elle indique enfin qu'en tant que cadre dirigeant libre de gérer son emploi du temps, il ne peut prétendre au bénéfice des RTT, d'autant qu'il s'était fait remettre, de manière autoritaire, des documents les justifiant.

Sur les demandes chiffrées de M. Y...Après avoir réglé à M. Y...les indemnités de préavis, de congés payés et l'indemnité conventionnelle de licenciement, elle soutient qu'aucune autre indemnité ne lui est due puisque le licenciement était justifié et motivé.

***
Par conclusions écrites, développées oralement à l'audience et auxquelles il convient de se référer, M. Rangassamy Y..., demande à la cour de :
A titre principal :- lui donner acte de son appel incident sur la qualification du licenciement et les autres demandes rejetées par les premiers juges,- constater que le licenciement ne repose sur aucun motif réel et sérieux, ni sur la faute grave-dire et juger sans cause et réelle ce licenciement-condamner la SRMG à lui payer les sommes de : · 15 657 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis · 4 635 € au titre de l'indemnité de congés payés · 62 528 € au titre de l'indemnité pour licenciement abusif · 1 442 € au titre du rappel de salaire · 15 500 € au titre des RTT · 15 000 € au titre du rappel des primes · 260 000 € au titre du remboursement de la différence de salaire de 2002 à 2009 · 10 438 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement · 50 000 € de dommages et intérêts pour discrimination raciale · 203 541 € de dommages et intérêts pour préjudice subi du fait de la perte de salaire jusqu'à 65 ans (âge de la retraite) · 153 00 € de dommages et intérêts pour préjudice subi du fait du manque de cotisation aux caisses de retraite de la date de licenciement à la retraite (39 mois) · 50 000 € de dommages et intérêts pour harcèlement moral · 15 000 € de dommages et intérêts pour préjudice moral · 5 000 € au titre de l'article 700 du CPC

A titre subsidiaire, M. Y...demande à la Cour de confirmer le jugement en ce qu'il a dit que le licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse exclusive de fautes graves et en ce qu'il a condamné la SRMG au paiement de diverses sommes.

A l'appui de ses prétentions, M. Y...fait valoir qu'il ne remplissait aucun des critères exigés pour la qualification de cadre dirigeant puisqu'il n'était plus membre du Directoire et qu'il ne pouvait prendre aucune décision de façon autonome, étant placé sous la subordination dudit Directoire. Il souligne que de fait, il n'occupait qu'une fonction technique, attachée au fonctionnement de l'outil industriel et ne participait pas à la gestion de l'entreprise. Il précise que l'accord BINO ne couvre pas les cadres dirigeants et qu'il a bénéficié d'une augmentation de salaire suite audit accord. Il soutient que la SRMG n'a pas respecté la condamnation qui lui a été infligée par le jugement puisqu'elle ne lui a versé que la somme de 30 640 € alors qu'elle devait, conformément à l'article R 1454-28 du code du travail, lui verser 46 701 € soit 15 567 € (moyenne des trois derniers mois) x 3. Elle resterait donc lui devoir la somme de 16 061 €. Il explique que son employeur lui a infligé un licenciement verbal et humiliant puisqu'après avoir reçu deux courriers datés du 2 juin 2009 pour lui signifier sa mise à pied, dont l'un remis par huissier de justice, il lui a été fait sommation par voie d'huissier deux jours plus tard de remettre les clefs de son bureau et le code de l'ordinateur. Il en déduit que la SRMG a caractérisé sa décision de le licencier avant même de l'avoir entendu en entretien préalable et que ce faisant, elle a violé la procédure prévue par l'article L1232-2 du code du travail. Le licenciement serait dès lors dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Sur le refus de présider les différents comités, il réplique que son contrat de travail ne fait apparaître aucune fonction clairement définie et que son employeur ne justifie d'aucune délégation de pouvoir en bonne et due forme. Il précise, d'une part, qu'il n'était pas pourvu de la compétence et de l'autorité nécessaire à l'effectivité de la présidence des comités, notamment en matière d'hygiène et de sécurité. Il explique qu'en l'absence d'acceptation expresse des délégations et de la mise en oeuvre d'un contrat tenant compte des modifications substantielles apportées par la SRMG, aucune faute ne saurait lui être opposée.

Sur la diffusion de la lettre et du mail, il indique que la lettre en date du 14 mars 2009 est intervenue plus de deux mois avant sa convocation à l'entretien préalable et qu'elle ne saurait être invoquée à l'appui de son licenciement. Il réfute, par ailleurs, que le contenu de cette lettre serait diffamatoire et/ ou excessif et caractériserait un abus de la liberté d'expression qui justifierait le licenciement. Pour les autres courriers et mails envoyés, il soutient que les propos qu'ils contiennent s'inscrivent dans le strict respect de la liberté d'expression de tout salarié et ne comportent aucun abus. Par conséquent, ils ne peuvent constituer un motif réel et sérieux de licenciement, et encore moins une faute grave.

Sur les tableaux hebdomadaires, il relève que la SRMG ne justifie pas de ce que la signature de ceux-ci relevait effectivement de ses attributions, et le fait qu'il ait accepté de les signer par le passé est inopérant.
Sur le changement d'assurance, il soutient que les dossiers étaient tenus au siège social d'Erstein en Alsace et que ce travail relevait du personnel administratif de l'entreprise. Ainsi, la carence du service administratif ne peut lui être imputée ni constituer un motif de licenciement.
Sur le non respect du planning prévisionnel, il explique que la SRMG, alors que la charge de la preuve pèse sur elle, n'apporte aucun élément concret d'appréciation sur la réalité des retards provoqués par le mouvement de grève mené par le LKP mais aussi sur le fait que les expéditions de rhum étaient de la responsabilité de M. C..., responsable de Distillerie, en association avec le service commercial de la SIS situé à Sainte-Rose en Guadeloupe.
Sur l'absence de lettre adressée à la Douane, il fait valoir que ce moyen ne saurait constituer un motif de licenciement pour faute en l'absence de la preuve d'une conséquence dommageable pour la SRMG, d'autant qu'elle aurait reconnu avoir obtenu décharge de la mélasse perdue.
Sur le refus d'effectuer les virements bancaires, il expose que le compte courant de la SRMG a changé le 11 mars 2009 sans qu'il en soit informé et qu'il n'a obtenu le nouveau code que le 28 mars 2009. Il précise que, de surcroît, il ne pouvait ordonner le virement des salaires qui portaient sur des sommes colossales, entre 300 000 et 500 000 €, puisque le Directeur général avait refusé de lui communiquer le plan de trésorerie. N'étant pas au fait de la situation financière de la société et de l'approvisionnement du compte, il aurait été volontairement mis dans l'impossibilité d'effectuer les opérations bancaires.

Sur l'absence à la réunion extraordinaire du 9 mai 2009, il explique qu'il n'en a pas eu connaissance dans un délai raisonnable puisque la lettre de convocation n'a été distribuée que deux jours avant. Il précise qu'en tout état de cause, généralement, les convocations lui étaient envoyées par mail et par fax et qu'aucun message n'a été laissé ni sur son téléphone portable ni à la secrétaire.
Sur le refus de préparer l'arrivée et le chargement du bateau prévu du 26 au 19 mai 2009 et le refus d'établir la facture correspondante, il soutient que la SRMG ne les justifie pas et que faute de les étayer, ces moyens ne peuvent justifier un licenciement pour faute. Il précise qu'aucune directive ne lui avait été donnée en ce sens et que depuis 2003, il n'avait jamais eu à accomplir de telles formalités. Depuis le transfert du siège social d'Erstien à Charenton, le directeur général organisait les formalités de chargement des bateaux en sucre. Sur le bail d'habitation, il soutient que le moyen est abusif et mensonger puisque, depuis 2005, le loyer était payé par la SRMG et que les sommes, approuvés après contrôle du Commissaire au compte, figurent dans sa comptabilité. C'est donc en vain, que la SRMG fait valoir que le Directeur n'aurait eu connaissance du bail que le 6 juin 2009. Sur le refus de signature des bons de délégations, il explique que l'autorisation de délivrer les dits bons aux délégués syndicaux et aux

délégués du personnel relève de la compétence du Directeur général et qu'il n'a jamais eu pouvoir de le faire. Il l'en aurait informé dès le 21 janvier 2009 et pour preuve, le 7 mars, le directeur a lui-même signé cinq bons de délégation.

Sur le harcèlement moral, il soutient que toutes les demandes de clarification sur sa situation sont restées sans suite, de même que celles d'obtenir une rémunération adaptée à ses tâches. Il expose que son employeur n'a eu cesse de l'inonder de courriers de reproches injustifiés dans le but de monter un dossier de toutes pièces contre lui ; que ses RTT ont été supprimés sans motifs ; que le changement de code du compte de la banque s'est opéré à son insu alors qu'il est censé effectuer les virements des salaires ; que les convocations aux réunions lui parvenaient tardivement.

Sur la discrimination, il soutient que son salaire est resté inchangé pendant deux ans et quatre mois alors que ses fonctions et missions ont été multipliées et que la rémunération des autres cadres, notamment celles de MM. J..., K...et L...n'ont cessé d'augmenter. Il précise qu'il n'a jamais bénéficié des mêmes avantages que les cadres provenant de métropole qui voyaient leurs billets d'avion Guadeloupe-Métropole, leurs hébergements et leurs repas du midi et du soir, ainsi que leurs voitures pendant le séjour, payés par l'usine.

Sur le rappel de salaire, il fait valoir que la période du 25 au 31 mai 2009 n'a pas été incluse dans son solde de tout compte. Il indique, qu'à la SRMG, le calcul des salaires est arrêté vers le 24 ou le 27 du mois en cours de façon à ce que les virements se fassent avant le 30. En conséquence, les 4 ou 7 jours restant sont inclus dans la paie du mois suivant. Pour le mois de mai 2009, le calcul des salaires a été arrêté au dimanche 24 mai 2009, de sorte que la paie du mois de mai correspond à la période du 27 avril au 24 mai.

Sur les jours de RTT, il soutient que le directeur général lui a donné son accord pour 71 jours de RTT en 2007 et qu'il est ainsi fondé à solliciter le paiement de la somme de 15 500 € correspondant à 52 jours de RTT pour l'année 2008.
Sur les primes, il soutient qu'entre 2003 et 2005 une prime de 5 000 € par an lui a été versée et que depuis 2006, sans aucun motif, elle ne l'a plus été.
Sur le 13ème mois, il fait valoir que celui-ci a été calculé sur les salaires perçus jusqu'au 4 juin 2009 sans que soient prises en compte les trois semaines de congés payés et dix semaines de RTT outre les six semaines de congés payés retenues dans le solde tout compte.
Sur le remboursement de la différence de salaire de 2002 à 2009, il soutient que sa rémunération n'était pas conforme à la convention collective applicable suite à un rapport d'évaluation établi par un cabinet indépendant. C'est donc à tort que les premiers juges l'auraient débouté de sa demande.
MOTIFS DE LA DECISION

Sur le licenciement verbal

M. Y...indique avoir été l'objet d'un licenciement verbal, les 4 et 6 juin 2006, puisqu'après avoir reçu par voie d'huissier deux courriers datés du 2 juin 2009, dont l'un lui signifiant sa mise à pied, il lui a été fait sommation deux jours plus tard, toujours par voie d'huissier, de remettre les clefs de son bureau et le code de l'ordinateur.
Le licenciement, du fait du non-respect d'une quelconque procédure, est nécessairement irrégulier et dépourvu de cause réelle et sérieuse. Il appartient au salarié qui l'invoque, d'autant plus lorsque celui-ci a été l'objet d'un licenciement ultérieur, d'établir sa réalité. Les éléments de fait et de preuve, qui sont soumis à cette fin, relèvent de l'appréciation souveraine des juges du fond. Qui dit licenciement, dit rupture du contrat de travail et, dès lors, toute manifestation de l'employeur de sa volonté de mettre fin au contrat de travail caractérise le licenciement.

Il ne ressort d'aucun des éléments de la cause qu'un licenciement verbal soit intervenu les 4 et 6 juin 2009, le seul fait de notifier simultanément la lettre de convocation à l'entretien préalable à un éventuel licenciement et une mise à pied à titre à titre conservatoire n'étant pas de nature à l'établir, et ne pouvant se déduire de la remise postérieure de clés et code de l'ordinateur, justifiée par cette même mise à pied.
Monsieur Y...ne peut en conséquence valablement soutenir que le licenciement verbal a été caractérisé les 4 et 6 juin 2009 et que la procédure de l'article L1232-2 n'a pas été respectée.
Sur la cause réelle et sérieuse de licenciement Il résulte des dispositions combinées des articles L. 1234-1, L. 1232. 6 et L. 1235-1 du code du travail que devant le juge saisi d'un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l'employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d'une part d'établir l'exactitude des faits imputés à celui-ci dans sa lettre, et d'autre part de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l'entreprise pendant la durée limitée du préavis, peu important que celui-ci soit ou non réglé par l'employeur.

La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige énonce les griefs principaux suivants :- refus injustifié de présider le comité d'entreprise, la réunion des délégués du personnel et le CHSCT en dépit de la délégation reçue du Président directeur général du 13 décembre 2002,- diffusion d'un mail le 18 avril 2009 critiquant ouvertement les partenaires de la filière canne-sucre et notamment la Chambre d'agriculture et l'interprofession IGUACANNE et exprimant le refus de leur transmettre les données statistiques de la SRMG,- décision de faire signer les tableaux hebdomadaires par le responsable du laboratoire depuis le début de la campagne sucrière (26 mars 2009),- retard et défauts dans la délivrance des informations nécessaires au changement de l'assurance de la flotte automobile (du 3 au 30 mai 2009),- non-respect du planning prévisionnel d'expédition de rhum adressé par le Directeur général le 7 avril 2009, ce qui a constitué un manque à gagner de 350 000 euros dans la trésorerie de l'entreprise,- défaut d'information de la Douane suite à l'éclatement d'une cuve de mélasse le 27 avril 2009,- refus injustifié exprimé par une lettre du 29 avril 2009 d'effectuer les virements bancaires pour les salariés de l'usine et pour les planteurs au motif de l'absence d'information relative au transfert de la comptabilité d'Erstein à Charenton alors que ce refus dans le contexte économique actuel est susceptible d'entraîner des troubles dans la société,- absence à la réunion extraordinaire du comité d'entreprise du 9 mai 2009 alors qu'une convocation avait été distribuée le 7 mai et en dépit des appels sur le téléphone portable,- remise au secrétaire du comité d'entreprise le 8 mai 2009 d'un courrier critiquant le Directeur général et faisant état de menaces reçues pour les quotas de canne, auquel étaient annexés les mails et courriers envoyés à la Chambre de l'agriculture et au Directeur général,- absence de préparation du bateau dont le chargement était prévu du 26 au 29 mai 2009 et refus d'établir la facture correspondant au chargement du bateau,- signature d'un bail d'habitation pour la période du 1er juillet 2007 au 30 juin 2009 qui n'a pas été approuvé par la société,- absence de signature des bons de délégations depuis le mois de janvier 2009 qui sont donc restés en attente et non traités. « Vous vous êtes désengagé de manière croissante de vos fonctions de Directeur d'usine, ce qui a motivé votre mise à pied conservatoire. Par votre comportement fautif et vos manquements graves dans l'exercice de vos fonctions de Directeur d'usine, vous avez mis en péril le fonctionnement de la SRMG. En outre, nous avons appris qu'après avoir reçu votre convocation à l'entretien préalable, vous avez pris contact avec le maire de la commune de Grand-Bourg de Marie-Galante pour l'informer et nous avons constaté que vous avez effectué des déclarations à la télévision, sur les stations radiophoniques RFO et RCI et dans la presse écrite. Vous avez manifestement tenu à médiatiser cette procédure de licenciement en vue de nuire à l'image de la SRMG et de ses dirigeants …. ».

La Cour n'est pas tenue par la qualification retenue dans le contrat de travail comme sur les bulletins de salaire.

Il est constant que le contrat de travail signé des parties le 6 février 2002 mentionne que M. Rangassamy Y...a été embauché en qualité de Directeur technique pour une durée déterminée de deux ans.
Il se vérifie des éléments du dossier et des documents produits aux débats, en ce comprises les propres pièces de l'employeur, que M. Y...a été promu Directeur d'usine en novembre 2002 et qu'il a été membre du Directoire d'avril 2003 au 4 juin 2007.
En l'espèce, il est également établi que ce n'est qu'en 2004 que le Président du Directoire a soumis à la Direction du Travail, de l'Emploi et de la Formation professionnelle l'autorisation de transformer le CDD de M. Y...en CDI. Cependant, nonobstant les demandes adressées en 2005, 2007 puis 2008 par M. Y..., la SRMG n'a signé ni un avenant, ni un nouveau contrat de travail validant le changement de fonction.

M. Y...a été nommé directeur d'usine en raison de ses connaissances et compétences dans le domaine de l'exploitation sucrière. Ses activités présentaient ainsi une spécificité et une technicité particulière qui lui conféraient d'une part des pouvoirs d'organisation, de gestion, de contrôle de la production, la qualité et la sécurité de l'usine qu'il était chargé de diriger et d'autre part, d'une mission de mise en œ uvre des objectifs fixés par les organes de gestion de la SRMG.

Cependant, il convient d'admettre, quand bien même M. Y...aurait accepté les missions qui lui étaient confiées, que d'une part, il s'est régulièrement plaint des carences de son employeur, du manque de personnel qualifié, de la surcharge de travail et d'autre part, qu'il ne disposait pas d'un contrat de travail stipulant précisément ses attributions en tant que Directeur d'usine.
La Cour constate que les relations employeur-salarié se sont progressivement dégradées à compter du dernier trimestre 2008 et que les manquements reprochés à M. Y..., en sa qualité de Directeur d'usine, concernent la période de janvier à avril 2009.
Si M. Y...reconnaît avoir cessé de remplir certaines de ses missions en soutenant que ses attributions n'avaient jamais été clairement définies, il précise également qu'il n'a cessé, depuis la signature de son contrat à durée déterminée le 6 février 2002, de réclamer un contrat à durée conforme et explicite sur l'étendue de ses missions.
La SRMG, par ailleurs, n'a pas contesté être restée silencieuse sur ses requêtes. Elle n'a pas remis en cause, notamment, le fait qu'il cumulait plusieurs fonctions qui étaient, avant 2002, dévolue à une équipe composée de 7 cadres. Il ressort également des différents courriers que la demande relative à l'organisation de l'encadrement (recrutement d'un directeur financier, d'un chef de fabrication, d'un chimiste, d'un directeur technique) a été faite dès 2006 et qu'aucune suite favorable ne lui a été réservée.

Il convient donc d'admettre que les refus de M. Y...de remplir certaines missions considérées aujourd'hui comme les griefs de son licenciement doivent être interprétés comme l'exigence du respect de ses droits, d'autant que certaines missions refusées ne correspondaient ni à ses attributions ni à ses qualifications, et que, par conséquent, elles ne constituent ni une faute grave, ni une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Sur la diffusion de courriers, de mails et la lettre de mise à pied conservatoire

L'exercice de la liberté d'expression par un salarié en dehors de l'entreprise ne peut justifier un licenciement que s'il dégénère en abus.
Il convient donc d'examiner les différents courriers critiqués en fonction de leur destinataire et des circonstances :- Le courrier du 23 octobre 2008 adressé à M. D...est intervenu à la suite de la visite de ce dernier sur le site de Marie-Galante et répond aux critiques formulées par cette personne sur la gestion des ressources humaines et la planification des congés.- Le courrier du 14 mars 2009 adressé au Président de la Chambre d'agriculture réfute l'analyse et les conclusions du rapport relatif au bilan de récolte 2008.

-- Le mail du 18 avril 2009, mis en copie aux partenaires de la filière canne concernés, répond à la requête de Mme E..., responsable de la Filière Canne à la Chambre d'agriculture, et exprime le désaccord profond de M. Y...sur la production et l'utilisation de fiches statistiques au détriment des besoins de l'usine.- Le courrier du 21 avril 2009 destiné au Directeur général de la SRMG, M. M..., décrit la discussion tendue que M. Y...a eue avec M. D..., Président du Conseil d'administration, lequel souhaitait que les quotas de son entreprise soient réévalués.- Le courrier daté du 8 mai 2009, auquel il a été annexé les mails adressés et courriers précités, informe le secrétaire du comité d'entreprise des problèmes liés aux quotas et au broyage de la canne et des raisons pour lesquelles le quota journalier n'a pas été réduit. Il est à préciser, comme l'indique l'employeur, que ce courrier intervient à la demande du secrétaire général du comité d'entreprise de la tenue d'une réunion d'urgence suite à la dégradation de la marche de l'usine durant les semaines 5 et 6 soit du 27 avril au 10 mai 2009.

L'examen de ces courriers et mails versés aux débats révèlent que ceux-ci décrivent les difficultés auxquelles M. Y...a été confronté dans l'exercice de sa mission de Directeur d'usine et n'ont pas fait l'objet d'une diffusion publique. S'ils contiennent des critiques parfois vives quant à l'organisation du travail, ils ne comportent pas de termes injurieux, diffamatoires ou excessifs qui justifieraient un licenciement pour faute grave ou pour une cause réelle et sérieuse.

S'agissant du courrier du 10 juin 2009 adressé par le maire de Marie-Galante au Président du Directoire, il ne peut être établi que c'est M. Y...qui l'a personnellement informé de la procédure de licenciement.
Pour ce qui est de l'article paru dans l'hebdomadaire France-Antilles le 10 juin 2009, il y est dit que M. Y...n'a pu être joint par téléphone mais qu'il a envoyé « les documents stipulant sa mise à pied à la presse ». Ces faits ne peuvent être qualifiés de faute grave et justifier le licenciement.

Sur le bail d'habitation

La SRMG verse aux débats le contrat de location signé le 1er juillet 2007 pour lequel elle affirme n'avoir jamais donné son accord et qui a entraîné une charge financière supplémentaire pour l'entreprise.
Le contrat de travail de M. Y...du 6 février 2002 stipule à l'article 3 « Lieu de Travail » que M. Y...bénéficiera d'un logement de fonction à Marie-Galante ainsi que d'un véhicule de fonction.
La cour relève qu'entre 2002 jusqu'à la mise à pied de l'intéressé, il n'a été relevé ni par le comité d'administration, ni par le service comptable situé au siège social à Erstein puis à Charenton d'anomalies relatives au paiement d'une maison louée à Marie-Galante.
De plus, la SRMG déclare que M. Y...était supposé loger dans une habitation appartenant au Conseil régional mais n'apporte pas la preuve qu'elle avait effectivement mis à sa disposition ce logement de fonction.
Il s'en déduit que la SRMG ne peut sans autres preuves affirmer que c'est totalement à son insu que le bail d'habitation a été conclu et que, depuis 2007, elle ne s'était jamais rendu compte que les paiements mensuels du loyer du bail litigieux étaient prélevés sur ses comptes.

- Sur le harcèlement moral

En application de l'article L. 1154-1 du code du travail, lorsque le salarié établit la matérialité de faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement.
M. Y...invoque les faits suivants à l'appui du harcèlement qu'il dénonce à l'encontre de son employeur :- l'absence de réponse à ses demandes de clarification de sa situation et de rémunération adaptée à ses tâches,- la multiplication de courriers de reproches injustifiés dans le but de monter un dossier de toutes pièces contre lui,- la suppression de ses RTT,- l'absence de transmission du nouveau code bancaire de la société alors qu'il était censé effectuer les virements des salaires,- l'arrivée tardive des convocations aux réunions.

M. Y...produit ainsi aux débats des pièces de nature à établir que la SRMG et en particulier les membres du Directoire, ont exercé sur son travail un contrôle excédant le contrôle normal d'un supérieur hiérarchique.

Les trois courriers du 6 octobre 2008, mais également ceux qui ont suivi entre décembre et avril 2009, constituent des éléments propres à caractériser une attitude déstabilisante, stressante et impatiente de ces derniers à son égard et qui sont de nature à le mettre en difficultés, et ce d'autant plus que M. Y...n'obtenait pas de réponse sur ses inquiétudes relatives à la constitution d'une équipe d'encadrement, à sa mission et à sa rémunération.
De plus, il apparaît que l'employeur a tardé à communiquer des informations capitales et a entretenu à son égard une attitude empreinte de malignité.
Ainsi, M. Y...établit la réalité du harcèlement ainsi dénoncé.
Pour sa part, la SRMG ne conteste pas que la nature des tâches confiées à M. Y...ait évolué. Si elle se contente de les justifier par le pouvoir de gestion et de direction de l'employeur, il n'est pas contestable que les contrôles et les changements de tâches n'ont pas donné lieu à une information dispensée suffisamment à l'avance pour permettre à M. Y...de s'organiser au mieux. Par ailleurs, les exigences de son poste n'ont été accompagnées d'aucune formation qualifiante, notamment dans le cadre de sa mission au sein du CHSCT.

Compte tenu de ces éléments, il y a lieu de constater que le salarié a fait l'objet de la part de sa direction, d'un harcèlement moral tel que défini à l'article L 1152-1 du code du travail et est fondé à réclamer la réparation de son préjudice qui sera fixé par la Cour à 5 000 €.
Sur la discrimination raciale
L'article L. 1132-1 du code du travail dispose qu'aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement, qu'aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière d'affectation, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, en raison de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race.
M. Y...estime savoir subi une discrimination raciale en se fondant sur les faits suivants :- salaire inchangé alors que la rémunération des autres cadres n'a cessé d'augmenter,- refus de lui octroyer les mêmes avantages que les cadres provenant de la métropole.

La SRMG réplique à ces allégations en versant une attestation précisant qu'elle n'a jamais eu recours au service du cadre dont M. Y...fait état et réfute sans autres éléments les accusations de discriminations raciales.
En l'espèce, ni M. Y..., ni la SRMG ne fournissent à la Cour des éléments qui lui auraient permis de comparer les rémunérations ainsi que les avantages entre salariés et d'établir ainsi la discrimination raciale.
Les affirmations de Y...concernant la discrimination raciale dont il aurait été l'objet n'étant étayées par aucun élément de preuve susceptible de les rendre vraisemblables, sa demande en dommages et intérêts ne peut par conséquent qu'être rejetée.
Sur les conséquences de la rupture
-L'indemnité de préavis
L'article 48. 101 de la Convention collective des sucreries, sucreries-distilleries et raffineries de sucre stipule qu'en cas de rupture du contrat de travail, le préavis réciproque entre les parties est fixé à 3 mois de travail effectif à compter de la date de première présentation de la lettre recommandée notifiant le licenciement au salarié. Le salaire de référence est le salaire brut. L'indemnité de préavis qui a été allouée par la juridiction prud'homale a été calculée sur la base du salaire net. Ce mode de calcul n'ayant pas été discuté par les parties, l'indemnité sera satisfaite dans la limite de ce qui a été demandé, à hauteur de 15 567 €.

- L'indemnité conventionnelle de licenciement

M. Y...était âgé de 62 ans et comptait une ancienneté égale à 7 ans et cinq mois au 22 juin 2009, date de son licenciement. L'article 48. 106 de la Convention collective des sucreries, sucreries-distilleries et raffineries de sucre stipule que l'indemnité est fixée à 2 mois pour une ancienneté dans l'entreprise de 5 ans révolus et inférieure à 8 ans et majorée de 65 % lorsque l'intéressé est âgé de 60 ans révolus à la date de la rupture du contrat de travail.

La Cour constate que le principe de l'indemnité a été discuté mais que ses modalités de calcul favorables au salarié n'ont été retenues ni par les premiers juges ni par les parties en appel. Il sera dès lors fait droit à la demande de M. Y...à hauteur de ce qui est demandé à savoir 10 438 €.

- L'indemnité pour licenciement abusif, la perte de salaire et de cotisations jusqu'à 65 ans

Il résulte des pièces produites, que le salarié a subi un préjudice de carrière compte tenu de l'expertise technique qu'il a acquise au cours de son activité professionnelle dans le secteur de la distillerie et raffinerie de sucres, du fait qu'il n'a pas retrouvé d'emploi, qu'il était âgé de 62 ans au moment du licenciement et qu'il est actuellement bénéficiaire de l'allocation d'Aide au Retour à l'Emploi consécutive à son licenciement.
Le préjudice de carrière de M. Y...se décline en perte de salaire et perte de retraite, dès lors qu'il avait encore 3 ans d'activité professionnelle à accomplir s'il souhaitait continuer jusqu'à 65 ans.
De plus, il est à relever que sa séniorité sur le marché du travail lui laisse peu d'opportunités pour se réinsérer sur le plan professionnel, eu égard aux difficultés d'embauche liées à l'âge.
La cour constatant qu'il n'a perçu à titre de solde de tout compte que la somme de 12 207, 22 € représentant essentiellement le 13ème mois de salaire et l'indemnité de congés payés, il lui sera alloué à ce titre la somme de 86 596, 36 € représentant 12 mois de salaire.

- Le rappel de salaire

M. Y...fait grief au jugement attaqué de l'avoir débouté de sa demande de rappel de salaire et réclame ainsi 1 442 € pour la période du 25 au 31 mai 2009. Cependant, il n'apporte aucun élément permettant à la Cour de vérifier ses allégations fondées sur un calcul de salaire arrêté au 24 ou 27 du mois en cours. Par ailleurs, les bulletins de paie indiquent que le paiement concerne une période du 1er au 30 ou 31 du mois écoulé. Par conséquent, M. Y...sera débouté de ce chef de prétentions.

- Les congés complémentaires RTT

Nonobstant la qualification de cadre de M. Y..., il convient d'examiner si dans l'exercice réel de ses activités professionnelles les conditions cumulatives de l'article L. 3111-2 du code du travail définissant la qualité de cadre dirigeant, étaient réunies.
S'agissant de la large indépendance dans l'organisation de l'emploi du temps, il ressort des documents produits aux débats que M. Y...ne bénéficiait pas d'une souplesse effective quant aux heures de travail. Il est établi, au contraire, que M. Y...était tenu de justifier de son emploi du temps, de ses congés et de remplir des fiches RTT. Par conséquent, il n'est pas possible de retenir les critères d'autonomie ou d'indépendance (pièce no 7, 29 employeur ; pièce no11, 30 p. 3 salarié).

Il est également confirmé qu'un suivi était opéré par le Directeur Général ainsi que l'atteste le courrier du 12 décembre 2008 " nous constatons que vous avez déjà bénéficié de 6 semaines de congé cette année... nous acceptons à titre exceptionnel le tableau des congés que vous nous avez indiqué ».

Concernant l'habilitation à prendre des décisions de manière largement autonome, les éléments du débat font apparaître que s'il bénéficiait d'une " délégation d'autorité " celle-ci était nécessairement relative puisque ces pouvoirs s'inscrivaient dans le cadre de directives reçues préalablement ou a posteriori et, qu'en tout état de cause, il était tenu de faire valider ses décisions. Ce contrôle, caractérisant le lien de subordination, ressort de la correspondance qui lui était adressée par la SRMG et par laquelle le Président du Directoire, M. D...lui donnait des instructions précises notamment sur la gestion des ressources humaines et de la paie ou sur « l'obligation d'informer le Directoire sur les questions délicates et importantes ». En outre, la SRMG dans ses conclusions responsives et récapitulatives p 28 le qualifie « de Directeur salarié de l'Usine … subordonné au directives du Président du Directoire ».

Quant à la perception de l'une des rémunérations les plus élevées de l'entreprise, il ne peut être retenu des éléments produits que M. Y...se situait effectivement dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération.
Il s'induit de ce qui précède que M. Y...ne cumule pas les trois critères d'appréciation de la qualité de cadre dirigeant au regard des fonctions qu'il a réellement exercées et ne se trouve pas exclu du champ d'application de la réglementation sur la durée du travail.
La cour, confirmant la décision des premiers juges et à hauteur du montant de ce qui a été demandé, fait donc droit au paiement des congés complémentaires soit 15 500 € équivalent à 52 jours de RTT pour l'année 2008.

- Les congés payés

Il ressort du dernier bulletin de paie du mois de juin 2009 ainsi que de l'attestation Assedic que M. Y...disposait d'un solde de 36 jours de congés. La somme y correspondant, 8 576, 77 € lui a donc déjà été versée.
Sur les congés payés sur préavis, les parties ne remettant pas en cause le montant fixé par la juridiction prud'homale, la cour confirme que le paiement sera du à hauteur de 4 635 €.

- Le rappel des primes

En appréciant souverainement les éléments produits devant elle, la cour, d'une part, n'a pu constater que la prime annuelle relevait d'un usage général, fixe et constant et, d'autre part, qu'il existait une concordance entre l'attitude du salarié et la suppression à son détriment de cette prime. En l'état de ces constatations et après avoir relevé que l'insuffisance des preuves était établie à l'égard de chacune des parties, l'employeur ne produisant aucun document permettant de critiquer les allégations du salarié, et celui-ci se bornant à avancer un chiffre global sans fournir d'éléments de nature à étayer ses prétentions, il ne sera donné suite à ce poste de demande.

- Sur la différence de salaire, la prime d'ancienneté et la revalorisation du salaire
La différence de traitement dont se prévaut M. Y...repose sur une comparaison abstraite et générale avec un directeur d'usine exerçant a priori les mêmes fonctions, aux mêmes conditions. Toutefois, elle ne repose pas sur une distinction clairement opérée par l'employeur entre deux salariés de sa société déterminés ou déterminables et fondée des critères objectifs.
Autrement, chacune des parties ne produit pas l'intégralité des bulletins de paie qui aurait permis à la cour de vérifier si les primes d'ancienneté ont été instituées conformément à la Convention collective applicable.
En revanche, l'employeur ne justifie pas avoir, comme le prévoit la convention collective, fait une proposition de l'évolution des rémunérations. Bien au contraire, il est à relever que le salarié s'est légitiment inquiété en constatant, ce que ne peut démentir l'employeur, l'absence de remise d'une fiche de poste détaillée et de la revalorisation de sa rémunération, allant même à lui communiquer le rapport d'évaluation de rémunération rédigé par le cabinet Taillandier Caraïbes. Cependant, l'intimé en réclamant la somme globale de 260 000 € ne met pas la Cour en situation de vérifier le mode de calcul retenu pour fixer sa prétention à ce montant.

La Cour rejette donc cette demande.

PAR CES MOTIFS :

La Cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort :
DECLARE l'appel recevable ;
REFORME le jugement entrepris ;
Et statuant à nouveau,
DIT que le licenciement de M. Rangassamy Y...est sans cause réelle et sérieuse ;
CONDAMNE la SRMG à verser à M. Y...les sommes de :
-15 567 € au titre de l'indemnité de préavis,-4635 € au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés,-15 500 € au titre de l'indemnité compensatrice des congés complémentaires RTT,-10 438 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,-86 596, 36 € au titre des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.-5 000 € au titre de l'indemnité pour harcèlement moral.

Lesdites sommes portant intérêts au taux légal à compter de la notification de la présente décision.

CONDAMNE la SRMG à payer à M. Y...la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SRMG aux éventuels dépens de la présente instance.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 11/01498
Date de la décision : 07/01/2013
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2013-01-07;11.01498 ?
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