La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/01/2013 | FRANCE | N°09/01975

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, Chambre sociale, 07 janvier 2013, 09/01975


BR-JG

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE ARRET No 1 DU SEPT JANVIER DEUX MILLE TREIZE

AFFAIRE No : 09/ 01975
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 18 septembre 2008, section industrie.
APPELANTS
Monsieur Richard X...... 97139 LES ABYMES Représenté par Me Socrate-Pierre TACITA (TOQUE 91) avocat au barreau de GUADELOUPE

Madame Maryline Y...veuve Antoine X...... 97139 LES ABYMES Représentée par Me Dorothée LIMON LAMOTHE (TOQUE 92) avocat au barreau de GUADELOUPE

INTIMÉ
Monsie

ur Jean Luc Léon B...... 97139 LES ABYMES Représenté par Me SZWARCBART substituant la SCP MORTON et ...

BR-JG

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE ARRET No 1 DU SEPT JANVIER DEUX MILLE TREIZE

AFFAIRE No : 09/ 01975
Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 18 septembre 2008, section industrie.
APPELANTS
Monsieur Richard X...... 97139 LES ABYMES Représenté par Me Socrate-Pierre TACITA (TOQUE 91) avocat au barreau de GUADELOUPE

Madame Maryline Y...veuve Antoine X...... 97139 LES ABYMES Représentée par Me Dorothée LIMON LAMOTHE (TOQUE 92) avocat au barreau de GUADELOUPE

INTIMÉ
Monsieur Jean Luc Léon B...... 97139 LES ABYMES Représenté par Me SZWARCBART substituant la SCP MORTON et ASSOCIES (TOQUE 104) avocats au barreau de GUADELOUPE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Novembre 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Bernard ROUSSEAU, président de chambre et Mme Marie-Josée BOLNET, conseillère.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, rapporteur, Mme Marie-Josée BOLNET, Conseillère, M. Jean DE ROMANS, Conseiller.

Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 07 janvier 2013
GREFFIER Lors des débats Mme Valérie FRANCILLETTE, Greffière.
ARRET :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC.
Signé par M. Bernard ROUSSEAU, Président de chambre, président, et par Mme Juliette GERAN, Adjointe Administrative Principale, fft de greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

Faits et procédure :

Il résulte des mentions figurant au registre du commerce et des sociétés tenu par le greffe du Tribunal de Grande Instance de Pointe-à-Pitre, que M. Antoine X...a exploité à compter du 1er septembre 1972 un établissement de boulangerie dont l'adresse était "..., 97 139 Abymes Cedex ", puis qu'à compter du 5 février 1982 il prenait en location gérance la boulangerie ..., située..., aux Abymes, le contrat de location-gérance étant consenti par acte notarié en date du 7 février 1985 par M. Richard X...au profit de M. Antoine X....
M. Jean-Luc B... était engagé par M. Antoine X..., à la boulangerie ... à compter du 25 novembre 1985 en qualité d'apprenti. À partir de décembre 1993 il devait occuper les fonctions de chauffeur-livreur.
À la suite du décès de M. Antoine X...le 15 février 2000, il était établi le 26 août 2000, une convention de résiliation du contrat de location-gérance entre d'une part M. Richard X..., en qualité de bailleur, et d'autre part Mme Marie-Line Y...veuve de M. Antoine X..., en qualité de locataire gérant.
Néanmoins M. Jean-Luc B... continuait à travailler au sein de la boulangerie ..., et des bulletins de paie lui étaient délivrés à compter du mois d'août 2000 par M. Richard X....
Ce dernier remettait à M. Jean-Luc B..., le 21 septembre 2001, une convocation à un entretien préalable fixé au 24 septembre 2001 en vue de son licenciement pour raison économique. Toutefois la relation de travail se poursuivait jusqu'en novembre 2011 date à laquelle il était délivré à M. Jean-Luc B... un certificat de travail ainsi qu'un reçu pour solde de tout compte, M. Richard X...ayant déclaré avoir cessé toute activité à la date du 30 novembre 2001 selon certificat de radiation du répertoire des métiers en date du 2 juillet 2002, faisant état d'une radiation au dit répertoire à la date du 10 avril 2002.
Le 17 novembre 2003, M. Jean-Luc B... saisissait le Conseil de Prud'hommes de Pointe-à-Pitre aux fins d'obtenir de M. Richard X...et de Mme Marie-Line Y...paiement d'une indemnité pour licenciement abusif et d'indemnités de fin de contrat.
Par jugement du 18 septembre 2008, la juridiction prud'homale condamnait solidairement M. Richard X...et Mme Marie-Line Y...à verser à M. Jean-Luc B... les sommes suivantes :-846, 47 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,-2793, 35 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,-5078, 82 euros à titre d'indemnité pour licenciement abusif,-1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 22 décembre 2009, M. Richard X...et Mme Marie-Line Y...interjetaient appel de cette décision.
Par arrêt du 12 mars 2012, la Cour de céans déclarait l'appel recevable et invitait les parties à conclure au fond.
****
Par conclusions du 2 août 2012, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, Mme Marie-Line Y...sollicite à titre principal l'infirmation du jugement déféré, faisant valoir qu'il n'y avait jamais eu de lien de subordination entre elle-même et M. Jean-Luc B... et qu'elle n'avait pas la qualité d'employeur à l'égard de celui-ci. Elle soutient que M. Richard X...était le seul et réel employeur de M. Jean-Luc B....
À titre subsidiaire elle entend voir juger qu'elle n'a toujours pas reçu signification du jugement critiqué, soulevant l'inopposabilité de ce jugement à son égard, et faisant valoir qu'aucune mesure d'exécution ne pouvait être envisagée à son encontre. Elle explique qu'elle a subi à la suite de ce jugement une mesure de saisie attribution sur son compte bancaire dont elle ignorait la cause et qu'ainsi elle a subi un préjudice dont elle demande réparation à hauteur de 3000 euros. Elle réclame en outre paiement par M. Jean-Luc B... de la somme de 2500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
****
Dans son appel motivé du 22 septembre 2009, M. Richard X...explique qu'à la suite du décès de son frère il a repris en août 2000 la boulangerie qui était en sérieuse difficulté pour tenter de " la remettre à flot ". Il prétend que compte tenu des mauvais résultats de l'entreprise, et aussi de l'insouciance du salarié, les parties se seraient accordées pour rompre le contrat de travail à la date du 30 novembre 2001 et cela pour des raisons économiques, le salarié ayant signé à cette date un reçu pour solde de tout compte.
Il soulève l'irrecevabilité des demandes de M. Jean-Luc B..., en invoquant les dispositions de l'article L 122-17 du code du travail tel qu'il était en vigueur à l'époque de la rupture du contrat, la demande du salarié devant, en application de ce texte, être présentée au Conseil de Prud'hommes au plus tard le 31 janvier 2002, alors que ladite demande n'a été présentée qu'au mois d'octobre 2004.
Il ajoute que M. Jean-Luc B... ayant reconnu en novembre 2001 avoir reçu la somme de 12 081, 70 francs en paiement des salaires, remboursement de frais et indemnités de toute nature dus au titre de l'exécution et de la cessation de son contrat de travail, et ayant reconnu en outre avoir reçu l'information selon laquelle il avait un délai de 2 mois pour dénoncer le reçu pour solde de tout compte, sa contestation, passé ledit délai, ne pouvait être admise.
Il conclut en conséquence à l'irrecevabilité des réclamations de M. Jean-Luc B..., et subsidiairement demande que celles-ci soient déclarées injustifiées. Il sollicite paiement de la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

****

Par conclusions du 7 novembre 2012, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, M. Jean-Luc B... sollicite la confirmation de la décision entreprise en toutes ses dispositions et réclame paiement de la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Il fait valoir que le défaut de lettre de licenciement caractérise une rupture abusive du contrat de travail de la part de l'employeur.
Il soutient que le reçu pour solde de tout compte n'a en l'espèce aucun effet libératoire, dans la mesure où l'indication de la somme reçue par le salarié doit être accompagnée de précisions permettant de déterminer les éléments de rémunération et d'indemnisation qu'elle concerne, et qu'à défaut de telles précisions l'acte intitulé « reçu pour solde de tout compte » est un simple reçu de la somme qui y figure, relevant qu'en l'espèce le reçu pour solde de tout compte portant sur un montant de 12 080, 70 francs ne comporte aucune distinction ni décompte permettant de savoir à quoi cette somme est affectée.
****
Motifs de la décision :
Sur la rupture du contrat de travail :
Suite à la résiliation en date du 26 août 2000 du contrat de location-gérance qui avait été conclu le 7 février 1985, le contrat de travail de M. Jean-Luc B... s'est poursuivi, en application de l'article L 122-12 ancien du code du travail, tel qu'il était applicable à l'époque, entre ce dernier et son nouvel employeur, M. Richard X..., lequel était le bailleur du fonds de commerce, celui-ci ayant d'ailleurs régulièrement délivré en tant qu'employeur, des bulletins de salaire à M. Jean-Luc B... à compter du mois d'août 2000.
Ainsi, à la date de la rupture du contrat de travail, le 30 novembre 2001, M. Richard X...était le seul employeur de M. Jean-Luc B.... En conséquence Mme Marie-Line Y...doit être mise hors de cause.
La rupture du contrat de travail n'étant motivée par aucune lettre de licenciement, et aucun accord écrit de rupture n'ayant été conclu entre l'employeur et le salarié, il y a lieu de considérer que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.
Dès lors il sera alloué à M. Jean-Luc B...-Luc, en application des dispositions de l'article L 122-14-4 ancien du code du travail, l'indemnité réclamée à hauteur de 5 078, 82 euros.
Sur la portée du reçu pour solde de tout compte :
Selon les dispositions de l'article L 122-17 du code du travail, tel qu'applicable au moment de la rupture du contrat de travail, le reçu pour solde de tout compte pouvait être dénoncé dans les 2 mois de sa signature, la dénonciation devant être écrite et dûment motivée. Toutefois la forclusion ne pouvait être opposée au travailleur si la mention " pour solde de tout compte " n'était pas entièrement écrite de sa main et suivie de sa signature, ou si le reçu ne portait pas la mention, en caractère très apparent, du délai de forclusion. Ces dispositions sont restées en vigueur jusqu'à la loi 2002-73 du 17 janvier 2002.
En l'espèce il est mentionné sur le reçu pour solde de tout compte signé le 30 novembre 2001 par M. Jean-Luc B..., que celui-ci a reçu la somme de 12 081, 70 francs en paiement des salaires, remboursement de frais et indemnités de toute nature dus au titre de l'exécution et de la cessation de son contrat de travail. Il est précisé que M. Jean-Luc B... reconnaît que du fait de ce versement, tout compte entre l'entreprise Richard X...et lui-même se trouve définitivement apuré et réglé, et qu'il est informé qu'en application de l'article L 122-17 du code du travail, il peut dénoncer ledit reçu, et que cette dénonciation doit intervenir, à peine de forclusion, dans un délai de 2 mois à compter de sa signature. La signature de M. Jean-Luc B... est précédée de la mention manuscrite « pour solde de tout compte ».
Force est de constater, que lors de l'entrée en vigueur de la loi 17 janvier 2002, la forclusion pouvant être opposée à la dénonciation du reçu pour solde de tout compte, n'était pas acquise.
L'assignation délivrée à M. Richard X...le 27 avril 2004, par laquelle M. Jean-Luc B... réclame à celui-ci paiement d'une indemnité légale de licenciement, d'une indemnité de préavis, et d'une indemnité pour licenciement abusif, vaut dénonciation du reçu pour solde de tout compte, et est intervenue avant l'entrée en vigueur de la loi 2008-596 du 25 juin 2008 instaurant un délai de 6 mois pour dénoncer le reçu pour solde de tout compte.
En outre le reçu pour solde de tout compte du 30 novembre 2001, dont le contenu a été rappelé ci-avant, ne précise pas la nature des indemnités qui seraient réglées par la somme dont il fait mention. Il ne saurait donc avoir un effet libératoire quant aux indemnité réclamées par M. Jean-Luc B....
Il y a lieu de constater que les derniers bulletins de paie délivrés à M. Jean-Luc B... et notamment celui de novembre 2001 ne comporte ni mention de paiement d'une indemnité légale de licenciement ni paiement d'une indemnité de préavis. Par ailleurs il convient de relever que la somme de 12 081, 70 francs correspond au montant net à payer de la rémunération versée au titre du mois de novembre 2001, laquelle comporte seulement le salaire mensuel et l'indemnité de congés payés. Elle ne peut donc correspondre ni à l'indemnité légale de licenciement, ni à l'indemnité de préavis.
M. Jean-Luc B... percevant un salaire mensuel de 6558 francs à l'époque de la rupture du contrat de travail, et ayant une ancienneté de plus de 2 ans au sein de l'entreprise, il lui est dû, en application des dispositions de l'article L 122-6 ancien du code du travail alors applicable, paiement d'une somme de 1 999, 52 euros à titre d'indemnité de préavis correspondant, à 2 mois de salaire.
Il résulte des bulletins de salaires versés aux débats que M. Jean-Luc B... avait été embauché le 25 novembre 1985 pour travailler dans le cadre de la boulangerie ... et qu'il est en conséquence fondé, en application des dispositions des articles L 122-9 et R 122-2 du code du travail tels qu'applicables à l'époque de la rupture du contrat de travail, à réclamer paiement d'une indemnité légale de licenciement d'un montant de 846, 47 euros.
****
M. Jean-Luc B... ayant été condamné par jugement du 7 décembre 2010 du Juge de l'exécution du Tribunal de Grande Instance de Pointe-à-Pitre à payer à Mme Marie-Line Y...la somme de 500 euros en réparation du préjudice matériel et moral subi à la suite de la saisie attribution pratiquée sur son compte bancaire, cette dernière sera déboutée de sa nouvelle demande d'indemnisation fondée sur le même motif.
Comme il paraît inéquitable de laisser à la charge de M. Jean-Luc B... les frais irrépétibles qu'il a exposés tant en première instance qu'en cause d'appel, il lui sera alloué la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans la mesure où il n'est pas démontré que M. Jean-Luc B... ait eu connaissance de la résiliation du contrat de location-gérance dont bénéficiait M. Antoine X..., ladite résiliation ne figurant d'ailleurs pas dans l'extrait K bis du registre du commerce et des sociétés en date du 30 décembre 2009 versé aux débats, et dans la mesure où il pouvait légitimement ignorer à quel titre exact M. Richard X...intervenait dans l'exploitation du fonds de commerce, il ne peut être relevé de faute de sa part dans la mise en cause de Mme Marie-Line Y..., apparaissant être ayant droit de l'employeur qui l'avait embauché. Dans ces conditions l'équité n'implique pas que M. Jean-Luc B... soit condamné à verser à Mme Marie-Line Y...une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ces motifs,
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Réforme le jugement déféré,
Et statuant à nouveau,
Prononce la mise hors de cause de Mme Marie-Line Y...,
Condamne M. Richard X...à payer à M. Jean-Luc B...-Luc les sommes suivantes :-846, 47 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,-1 999, 52 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis-5 078, 82 euros à titre d'indemnité pour licenciement abusif,-2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que les dépens sont à la charge de M. Richard X...,
Déboute les parties de toute conclusion plus ample ou contraire.
Le Greffier, Le Président.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 09/01975
Date de la décision : 07/01/2013
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2013-01-07;09.01975 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award